EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Parlement a été saisi de deux textes tendant à
favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives :
- un projet de loi simple concernant les assemblées parlementaires
et les assemblées locales de métropole et d'outre-mer, sur lequel
le Gouvernement a déclaré l'urgence ;
- un projet de loi organique portant exclusivement sur les
assemblées territoriales d'outre-mer, sur lequel l'urgence n'a pas
été déclarée.
Le Sénat est donc saisi en nouvelle lecture du projet de loi simple
adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture le
30 mars 2000, ainsi que du projet de loi organique, adopté par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture à la même
date, l'urgence n'ayant pas été déclarée sur ce
texte.
Sur le projet de loi simple
, la commission mixte paritaire,
réunie le 9 mars 2000 après une seule lecture dans chaque
assemblée, n'est pas parvenue à un accord.
L'échec de celle-ci a été constaté après un
partage égal des voix sur la disposition introduite par
l'Assemblée nationale pour modifier le mode de scrutin municipal dans
les communes entre 2.000 et 3.500 habitants et avant tout examen de celles du
projet de loi initial concernant la mise en oeuvre législative du
principe d'égal accès.
En nouvelle lecture,
la principale modification apportée par
l'Assemblée nationale
à sa rédaction de
première lecture du projet de loi porte sur le seuil de partage des
modes de scrutin municipaux, qu'elle a fixé à 2.500 habitants (au
lieu des 2.000 habitants qu'elle avait proposés en première
lecture pour remplacer le seuil actuel de 3.500 habitants).
Sur le fond, votre commission des Lois a souhaité, comme en
première lecture, s'en tenir à l'objet strict du projet de loi
-favoriser et non imposer l'égal accès-, écartant donc par
ailleurs tout débat sur un mode de scrutin.
I. LA POSITION DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE : UNE MISE EN oeUVRE IMMÉDIATE DU PRINCIPE DE PARITÉ, MAIS SANS CONTRAINTES EXCESSIVES ET SANS Y MÊLER UN AUTRE DÉBAT
A. DÈS LA PREMIÈRE LECTURE, LES DEUX ASSEMBLÉES SE SONT ACCORDÉES SUR DES POINTS IMPORTANTS
Tout
d'abord, votre rapporteur a relevé que M. le président Bernard
Roman, rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale,
s'était réjoui "
de constater que le Sénat et
l'Assemblée nationale (se soient accordées) sur l'objectif
à atteindre
"
1(
*
)
.
En effet,
le principe constitutionnel de parité
, approuvé
l'an dernier par chacune des deux assemblées puis par le Congrès
du Parlement dans la rédaction de synthèse proposée par le
Sénat en deuxième lecture,
ne fait pas l'objet de discussions
entre les assemblées.
Le désaccord ne porte pas plus sur la nécessité de prendre
des mesures législatives pour mettre en oeuvre ce principe
constitutionnel
, le Sénat ayant, comme l'Assemblée nationale,
adopté en première lecture des dispositions incitatives et des
mesures contraignantes à cet effet et décidé qu'elles
entreraient en vigueur lors du prochain renouvellement des assemblées
concernées
.
Les deux assemblées se sont
accordées sur une obligation de
composition paritaire des listes de candidats
, de nature à favoriser
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions.
Le Sénat, comme l'Assemblée nationale, a accepté les
dispositions proposées concernant une
réduction de l'aide
publique aux partis politiques dont l'écart entre les candidats de
chaque sexe aux élections législatives dépasserait 2
%,
la Haute Assemblée proposant, en outre, que lorsque
l'écart entre les élus de ces partis est inférieur
à ce taux, aucune pénalisation ne soit applicable ce qui
constitue une incitation à présenter des candidates dans des
circonscriptions susceptibles d'être gagnées.
De même, les sénateurs, comme les députés, ont
prévu
l'indication du sexe des candidats sur les déclarations
de candidature, qu'il s'agisse d'un scrutin de liste ou d'un scrutin
uninominal
, ainsi qu'une
information du Parlement
sur
l'évaluation de la loi, sur l'utilisation des crédits issus de la
diminution éventuelle de l'aide publique et sur l'évolution de la
féminisation des scrutins non concernés par la loi.
Votre rapporteur a tenu à souligner l'importance qu'il attachait
à l'organisation de campagnes institutionnelles pour favoriser
l'égal accès aux mandats et fonctions, comme l'avait
proposé la délégation aux droits des femmes et à
l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du
Sénat.
B. LE SÉNAT A RETENU, POUR L'ESSENTIEL, LE PROJET DE LOI INITIAL
Sur les
points de divergence entre les deux assemblées, le Sénat a
retenu, pour l'essentiel, les dispositions du projet de loi initial.
Le Sénat a considéré qu'une obligation de composition
des listes égale entre les sexes, sans contrainte supplémentaire
sur l'ordre de présentation des candidats, créerait une dynamique
permettant de satisfaire dans des délais raisonnables le principe
d'égal accès.
Cette dynamique a d'ailleurs déjà été
observée à l'occasion des dernières élections
européennes à l'occasion desquelles, sans aucune
législation contraignante, 40 % de femmes ont été
élues, plaçant ainsi la France au troisième rang des pays
membres de l'Union européenne au regard de l'objectif de parité.
Le Sénat a estimé préférable de laisser le soin au
corps électoral de sanctionner lui-même, le cas
échéant, les formations politiques qui inscriraient
délibérément les candidates en fin de liste.
Il s'est
étonné de l'initiative prise, en première
lecture, par l'Assemblée nationale d'étendre le mode de scrutin
proportionnel dans les communes de 2.000 à 3.500 habitants et ce
malgré l'engagement formel pris par le Premier ministre,
lors des
débats sur la dernière révision constitutionnelle de ne
pas prendre la parité comme prétexte à une modification
des modes de scrutin.
Le Sénat a en effet considéré que cette modification du
mode de scrutin municipal constituait une
contravention manifeste au
compromis qui avait permis d'aboutir, l'an dernier, à la révision
constitutionnelle.
Le Sénat a estimé que la modification des " règles du
jeu " qui résulterait de la mise en oeuvre législative du
principe de parité serait suffisamment importante en elle-même
pour que, au même moment, le régime électoral de certaines
communes ne soit pas, de surcroît, modifié de manière
substantielle.
En conséquence, le Sénat, en première lecture, a
adopté, pour l'essentiel, les dispositions du projet de loi initial,
sans retenir les contraintes excessives ajoutées par l'Assemblée
nationale.
Pour les
scrutins de liste
, la recevabilité d'une candidature
serait subordonnée à un
écart maximum d'une
unité entre le nombre de candidats de chaque sexe, aucune règle
particulière n'étant fixée concernant la place respective
des candidates et des candidats.
Ces dispositions s'appliqueraient aux
élections municipales
dans
les communes d'au moins 3.500 habitants, dont le mode de scrutin serait
maintenu.
Elles s'appliqueraient aussi aux
élections sénatoriales
,
dans les départements où s'applique le scrutin proportionnel,
régionales
, à l'Assemblée de
Corse
,
européennes
et aux
élections aux assemblées
territoriales d'outre-mer,
à l'exception de celle de
Wallis-et-Futuna, le Sénat ayant adopté un amendement en ce sens
de notre collègue M. Robert Laufoaulu.
Cette règle s'appliquerait aussi aux élections cantonales
à Saint-Pierre-et-Miquelon, organisées au scrutin de liste.
Le sexe des candidats devrait être mentionné sur les
déclarations de candidature, tant pour les élections au scrutin
de liste que pour celles au scrutin uninominal.
S'agissant des
élections législatives, l'aide publique aux
partis politiques
(première fraction liée aux suffrages
recueillis à ces élections)
serait réduite lorsque
l'écart entre le nombre de leurs
candidats
de chaque sexe
dépasserait 2 % du nombre total de ces candidats.
Afin d'éviter la pénalisation d'un parti dont l'écart
entre les
élus
de même sexe serait inférieur
à 2 %, le Sénat a décidé, en outre, qu'aucune
diminution ne serait applicable lorsque l'écart entre le nombre de ces
élus ne dépasserait pas 2 %.
L'ensemble de ces dispositions entreraient
en vigueur lors du prochain
renouvellement des assemblées concernées
(sauf en ce qui
concerne les élections municipales en Nouvelle-Calédonie, pour
lesquelles l'application de la loi a été fixée à
2007, le Sénat ayant adopté sur ce point un amendement de notre
collègue M. Simon Loueckhote).
Enfin, le Sénat a disjoint les dispositions étrangères au
projet de loi, introduites par l'Assemblée nationale en première
lecture, concernant la procédure de démission d'office du
conseiller général et l'éligibilité au conseil
consultatif d'une commune associée.