EXAMEN DES ARTICLES
Article 1
er
A
(articles 43-6-1, 43-6-2,
43-6-3
et 43-6-4 nouveaux
de la loi du 30 septembre
1986)
Responsabilité des prestataires techniques
à
raison des contenus des services de communication audiovisuelle
en ligne.
Obligation d'identification des éditeurs de ces services
Issu
d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale en
première lecture, cet article tend à compléter le titre II
de la loi de 1986 par un chapitre VI nouveau comportant des dispositions
clarifiant la responsabilité des fournisseurs de prestations techniques
d'accès et d'hébergement du fait des contenus des services de
communication audiovisuelle en ligne.
• Tout en regrettant que ces dispositions anticipent sur un projet
de loi annoncé,
le Sénat
s'était associé
à la démarche de l'Assemblée nationale, reconnaissant la
nécessité de mettre un terme aux polémiques
soulevées par certaines décisions de justice, de ne pas laisser
s'accréditer l'idée fausse selon laquelle l'Internet est une zone
de non-droit et de rappeler que, sur la Toile comme ailleurs, la liberté
d'expression et de communication trouve ses limites dans le respect des lois et
des droits d'autrui.
Il avait cependant, en s'inspirant notamment des travaux du Conseil d'Etat et
de la jurisprudence, adopté une nouvelle rédaction de cet article
afin d'expliciter, par référence au droit commun et notamment
à l'obligation de prudence et de diligence prévue par l'article
1383 du code civil, le régime de responsabilité des prestataires
techniques et les obligations que l'on pouvait leur imposer, ces
dernières portant notamment sur la collecte des informations permettant
de " remonter " jusqu'aux auteurs et éditeurs de contenus
contraires à la loi.
• En deuxième lecture,
l'Assemblée nationale
est revenue pour l'essentiel à l'architecture et à la
rédaction des dispositions relatives à la responsabilité
des prestataires techniques
qu'elle avait retenues en première
lecture. Elle s'est toutefois inspirée du texte du Sénat sur
trois points :
- elle a étendu la portée du texte à la
responsabilité pénale des prestataires techniques ;
- elle a soumis les " hébergeurs " à une obligation de
diligence ;
- elle a précisé que les prestataires de services techniques sont
tenus " de détenir ou de conserver des données concourant
à l'identification " des auteurs de contenus : on notera toutefois
que cette obligation, peu précisément définie, n'est pas
sanctionnée.
En outre, en adoptant un amendement du gouvernement, elle a
complété le dispositif relatif à la responsabilité
des prestataires techniques par un article nouveau prévoyant une
" obligation
d'identification directe ou indirecte "
des éditeurs de services de communication en ligne.
Il convient, avant de présenter les propositions de la commission, de
rappeler succinctement les modifications apportées par
l'Assemblée nationale à chacun des éléments du
dispositif de l'article 1
er
A.
*
Intitulé du chapitre VI (nouveau) du titre II de la loi de
1986
• Alors que l'Assemblée nationale avait intitulé en
première lecture le chapitre nouveau de la loi de 1986
" dispositions relatives aux services en ligne autres que de
correspondance privée ",
le Sénat
avait
préféré l'intituler " dispositions relatives aux
services de communication audiovisuelle en ligne ", en observant que la
définition que donnait de ces services les dispositions de ce chapitre
reprenait celle de la communication audiovisuelle figurant à l'article 2
de la loi de 1986.
• En deuxième lecture,
l'Assemblée nationale
a
retenu une nouvelle rédaction : "
Dispositions relatives
aux services de communication en ligne autres que de correspondance
privée
".
Ce choix tiendrait à la volonté de distinguer de la communication
audiovisuelle "
la communication par réseau dont la
définition reste à trouver dans une loi qui lui serait
spéciale "
, comme le note le rapporteur de l'Assemblée
nationale.
Pourtant, les deux versions successives de l'article 43-6-2 adoptées en
première et en deuxième lecture par l'Assemblée nationale
comportent déjà une telle définition, d'ailleurs identique
à celle de la communication audiovisuelle...
Par ailleurs, cette nouvelle dénomination reste une définition
" en creux " ou " négative ". Il serait donc sans
doute préférable de dénommer simplement les services
concernés " services de communication en ligne ", la
référence à la communication pouvant suffire, dans le
cadre de la loi de 1986, à exclure les services de correspondance
privée.
*
Article 43-6-1 de la loi du 30 septembre 1986
:
moyens
techniques de restriction de l'accès aux services en ligne.
• Observant que cet article reprenait les dispositions de l'article 43-1
de la loi de 1986, qui fait obligation aux fournisseurs d'accès de
proposer à leurs clients des logiciels de filtrage permettant de
contrôler l'accès aux services,
le Sénat
en avait
retenu une rédaction plus proche du texte en vigueur.
• Bien que le rapporteur de la commission des affaires culturelles
familiales et sociales ait noté que cette rédaction comportait
" d'utiles précisions rédactionnelles ",
l'Assemblée nationale
est revenue, en deuxième lecture,
à son texte de première lecture.
*
Article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986
:
obligations et responsabilités des prestataires techniques.
• l'Assemblée nationale avait prévu à cet article
que la responsabilité civile des prestataires techniques ne pouvait
être mise en cause, à raison des contenus des services en ligne
à la production ou à la création desquels ils n'avaient
pas contribué, que dans le seul cas où, exerçant la
fonction " d'hébergeur ", ils ne déféreraient
pas à l'injonction d'une autorité judiciaire d'empêcher
l'accès à ces contenus.
Le Sénat
avait quant
à lui défini à cet article :
- d'une part, les obligations de collecte et de conservation d'informations
auxquelles devaient être astreints les fournisseurs d'accès ou
d'hébergement pour permettre l'identification des auteurs de contenus
litigieux ;
- d'autre part, les conditions de la mise en jeu de la responsabilité
civile ou pénale des prestataires de services, qui devait
essentiellement résulter du non accomplissement des
" diligences " auxquelles la jurisprudence a estimé qu'ils
étaient tenus en application de l'article 1383 du code civil.
Etait également mentionné le cas où les prestataires
avaient eux-mêmes agi en tant que producteur, auteur ou éditeur
des contenus fautifs. Enfin, avait été prévue, d'ailleurs
contre l'avis de la commission et du gouvernement, la responsabilité du
prestataire qui aurait supprimé un dispositif technique de protection
d'une oeuvre -la responsabilité du prestataire étant alors de son
fait-, ou qui n'appliquerait pas une " charte contractuelle "
rappelant à ses clients la nécessité de respecter la loi.
• En deuxième lecture,
l'Assemblée nationale
est
revenue à l'architecture de son texte de première lecture.
Cependant, outre qu'elle a, à juste titre, élargi son champ
d'application à la responsabilité pénale, aussi bien que
civile, des prestataires techniques, elle a étendu à deux
hypothèses nouvelles les cas, toujours limitativement
énumérés, d'engagement de cette
responsabilité :
a) La suppression d'un dispositif de protection des droits
Au deuxième alinéa de l'article, outre le cas où le
prestataire technique interviendrait également en tant que fournisseur
de contenu, est prévu celui où il n'aurait pas respecté
les conditions d'accès à un contenu ou " ses mises à
jour ", " telles que déterminées par les titulaires de
droits ".
Cette disposition, qui résulte d'un amendement du gouvernement, a pour
objet, comme l'a précisé Mme Catherine Trautmann,
" de
renforcer la protection des droits d'auteurs en imposant aux prestataires
d'internet de respecter l'intégrité des dispositifs techniques de
protection des droits ".
Le deuxième alinéa de l'article 43-6-2 vise donc désormais
deux cas où la responsabilité du prestataire résulte non
pas d'un comportement constitutif d'une complicité dans la production ou
la diffusion d'un contenu illicite, mais d'une intervention directe de sa part,
soit qu'il ait été l'auteur ou le coauteur d'un contenu illicite
-agissant alors en tant que fournisseur de contenu- soit qu'il ait
modifié les conditions techniques de diffusion d'un contenu d'une
manière qui le rende contrefaisant.
Ce qui soulève deux interrogations :
- on peut en premier lieu se demander si ces hypothèses ont bien leur
place dans un texte dont l'objet est de définir les cas où la
responsabilité du prestataire, même s'il n'est en rien responsable
du caractère illicite ou dommageable d'un contenu, peut être
néanmoins mise en cause parce qu'il n'a rien fait pour prévenir
le trouble causé par ce contenu
2(
*
)
ou y mettre fin.
En effet, lorsque le prestataire est lui-même à l'origine du
caractère illicite ou dommageable d'un contenu, soit qu'il en soit
l'auteur ou l'éditeur, soit qu'il en ait modifié les conditions
d'accès, on peut considérer, d'une part, qu'il n'intervient pas
dans le cadre normal d'une activité de prestataire technique et, d'autre
part, qu'il n'y a pas lieu de définir restrictivement la
responsabilité qu'il encourt de ce fait.
- en second lieu, si l'on choisit de mentionner expressément dans le
texte l'hypothèse où le prestataire technique
" manipulerait " un contenu de manière à en modifier
les conditions d'accès, il conviendrait de ne pas se limiter au seul cas
où cette manipulation consisterait dans la suppression d'un dispositif
technique de protection des droits.
Dans le cadre d'un texte définissant de manière limitative la
responsabilité des prestataires, cela aurait en effet pour
conséquence d'exonérer dans tous les autres cas le prestataire
qui ne respecterait pas les conditions d'accès au contenu d'un service
prévues par le fournisseur de ce service, même si son intervention
avait des conséquences dommageables ou était constitutive d'une
infraction (par exemple celle prévue à l'article 227-24 du code
pénal : diffusion d'un message à caractère violent ou
pornographique susceptible d'être vu ou perçu par un mineur).
Enfin, il faut aussi être attentif au risque que la disposition
prévue par l'Assemblée nationale soit considérée
comme définissant limitativement la responsabilité des
prestataires de services en matière de contrefaçon ou de
complicité de contrefaçon, ou qu'elle nuise à la
cohérence de la future transposition, en droit français, des
dispositions du traité de l'OMPI de décembre 1996 relatives
aux dispositifs techniques de protection des oeuvres, reprises dans la
proposition de directive sur l'harmonisation du droit d'auteur dans la
société de l'information.
b) Le respect par les hébergeurs d'une obligation de diligence
Le dernier alinéa du texte adopté en seconde lecture pour
l'article 43-6-2 marque, comme on l'a déjà indiqué,
un rapprochement avec la position du Sénat en tant qu'il reconnaît
que les hébergeurs de services sont tenus à une obligation de
diligence
.
Toutefois, cette obligation s'inscrit dans certaines limites.
- En premier lieu, il faudrait, avant d'être obligé de
" procéder aux diligences appropriées ",
que
l'hébergeur ait été
" mis en demeure "
par un tiers estimant qu'un contenu est illicite ou lui cause préjudice.
Cette réserve paraît peu justifiée : pourquoi
l'hébergeur serait-il dispensé d'agir s'il découvrait
lui-même qu'un contenu est illicite ou dommageable, ou s'il était
simplement alerté par un tiers ? En outre, quelle forme devra prendre
cette mise en demeure ?
Il doit suffire, pour être tenu à l'obligation de diligence, que
l'hébergeur ait eu connaissance, de quelque manière que ce soit,
du caractère illicite ou dommageable d'un contenu, ce qui ne veut
d'ailleurs pas dire qu'il soit tenu pour autant à une quelconque
obligation générale de surveillance des sites
hébergés sur son serveur. On notera d'ailleurs que l'exigence
d'une " mise en demeure " ne serait pas conforme aux dispositions de
la directive " commerce électronique " définitivement
adoptée par le Parlement européen le 4 mai dernier.
- En deuxième lieu, cet alinéa, tout en prévoyant
l'engagement de la responsabilité de l'hébergeur qui n'aurait pas
" procédé aux diligences appropriées "
précise
in fine
que l'autorité judiciaire demeure seul
juge (sic) du caractère illicite du contenu en cause.
Il est permis de s'interroger sur la portée de cette précision,
qui néglige le fait que c'est d'abord la loi -que nul n'est censé
ignorer- qui définit le " licite " et
" l'illicite ". On ne peut guère, semble-t-il,
l'interpréter que comme un rappel, un peu maladroit et certainement
superfétatoire, du principe de la présomption d'innocence. Mais
on ne saurait en tout cas la considérer comme une limitation
a
priori
des diligences qui devront être accomplies par le prestataire,
ni comme une justification de son éventuelle inaction : ce serait
en effet oublier que l'autorité judiciaire demeurera également
" seul juge " du caractère approprié de ces
diligences...
En outre, la directive " commerce électronique " fait
expressément obligation aux hébergeurs, sauf à engager
leur responsabilité, " d'agir promptement " pour retirer des
informations illicites ou pour en rendre l'accès impossible.
On ne peut donc exclure que le juge estime, comme le cas s'en est
déjà produit, que les " diligences appropriées "
imposent à l'hébergeur de couper de sa propre autorité
l'accès à un contenu " manifestement illicite ", par
exemple un site pédophile.
Reste que, dans nombre de cas, il pourra être difficile à
l'hébergeur de discerner quelles sont les " diligences " qui
seront attendues de lui. La gamme peut en effet en être vaste, comme le
démontre la jurisprudence sur la responsabilité du fournisseur
d'hébergement : ne pas inciter ses clients à l'infraction ou
à l'irresponsabilité en leur permettant d'agir dans
l'anonymat ; ne pas être dans l'incapacité de
révéler aux tiers qui y auraient un intérêt
légitime l'identité du créateur d'un site ; attirer
l'attention des créateurs de site sur le nécessaire respect des
droits des tiers ; prendre (sans être tenu d'exercer une
surveillance minutieuse et approfondie des sites qu'il abrite) des mesures
" raisonnables " pour évincer de son serveur les sites dont le
contenu illicite est apparent ; mettre en place des procédures
permettant de mettre en demeure les éditeurs de sites de se conformer
à leurs obligations ou de justifier du caractère licite de
contenus apparemment contrevenants avant de procéder à leur
fermeture...
Le texte adopté par le Sénat en première lecture avait
tenté d'expliciter certaines de ces " diligences " et la
possibilité d'une " riposte graduée ", en
prévoyant, par exemple, une mise en demeure du fournisseur de contenu
préalable à la fermeture d'un site.
Il est clair cependant qu'il n'est pas possible de dresser dans un texte
l'inventaire complet des mesures possibles ni de préciser les conditions
dans lesquelles il peut y être recouru.
Aussi serait-il indispensable de prévoir, dans le cadre de la future loi
sur la société de l'information, des procédures
inspirées de la procédure américaine dite de
" Notification et Retrait " (Notice and Take down) mise en place dans
le cadre du " Digital Millenium Copyright Act " de 1998, relatif
à la protection du droit d'auteur sur les réseaux.
Il s'agit d'une procédure de notification à l'hébergeur du
caractère contrefaisant d'un contenu qui, si les arguments
invoqués sont sérieux, déclenche son retrait pour un
délai donné. Pendant ce délai, le fournisseur du contenu
peut faire valoir ses propres arguments . Si ce " dialogue " ne
permet pas de résoudre le conflit à l'amiable, il sera ensuite
porté devant le juge et tranché par lui.
La transposition d'une telle procédure, par exemple en prévoyant
le recours à des médiateurs chargés d'apprécier le
sérieux des arguments présentés de part et d'autre,
pourrait permettre de " sécuriser " à la fois les
hébergeurs et les personnes lésées, et pourrait par
ailleurs éviter de nombreux contentieux.
*
Article 43-6-3
•
Le Sénat
avait prévu à cet article les
sanctions pénales applicables aux prestataires qui n'auraient pas rempli
leurs obligations en matière de collecte et de conservation des
données permettant d'identifier les auteurs de contenus litigieux, ou
qui auraient refusé de communiquer à l'autorité judiciaire
l'identité d'utilisateurs de leurs services.
• Dans le texte adopté par
l'Assemblée nationale
en
deuxième lecture, comme dans celui qu'elle avait adopté en
première lecture, l'article 43-6-3 a pour objet d'imposer aux
prestataires techniques de communiquer, à la demande d'une
autorité judiciaire, des données relatives à
l'identification des auteurs de contenus. Le texte adopté en
deuxième lecture comporte cependant des modifications :
- l'obligation qu'il définit ne s'impose plus aux seuls fournisseurs
d'hébergement ;
- il est précisé que les prestataires doivent
" détenir et conserver " des données concourant
à l'identification des auteurs des " contenus en cause "(cette
définition n'étant pas très opérationnelle), mais
la nature de ces données n'est pas précisée. Leur
définition, comme la durée et les modalités de leur
conservation, sont en effet renvoyées à un décret en
Conseil d'Etat, ce qui évite de mentionner expressément que, pour
permettre d'identifier les auteurs de contenus litigieux, ces données
devront inclure les données de connexion...
Par ailleurs, le texte adopté pour l'article 43-6-3 appelle deux
observations :
- il nécessite d'être coordonné avec les dispositions de
l'article 43-6-4 relatives à l'obligation d'identification des
éditeurs de services ;
- l'obligation imposée aux prestataires techniques n'est pas
sanctionnée.
*
Article 43-6-4 (nouveau)
- Identification des éditeurs de
services
• Cet article nouveau, qui résulte de l'adoption par
l'Assemblée nationale
d'un amendement du gouvernement, impose aux
éditeurs " de services en ligne autres que de correspondance
privée " une obligation d'identification dont la définition
est inspirée des dispositions ayant même objet applicables, aux
termes de la loi de 1986, aux services de communication audiovisuelle soumis
à autorisation ou à déclaration.
a) L'étendue de l'obligation d'identification
L'article 43-6-4 prévoit que tout éditeur d'un service en ligne
tient à la disposition du public :
- s'il ne s'agit pas d'une personne morale, les nom, prénom et domicile
de la ou des personnes physiques propriétaires ou
copropriétaires ;
- s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination ou sa raison
sociale et son siège social ;
- le nom du directeur de la publication et, " le cas
échéant ", celui du responsable de la rédaction.
Cette dernière exigence appelle deux observations :
- en premier lieu, il n'existe pas de définition
" universelle " du directeur de la publication : la loi ne
définit en effet le directeur de la publication que dans le cas des
publications de presse périodique (article 6 de la loi du 29 juillet
1881) et des services de communication audiovisuelle (article 93-2 de la loi du
29 juillet 1982). Sauf à ce que l'exigence posée par l'article
43-6-4 demeure vide de sens, il faut donc se référer à
l'une de ces définitions pour préciser ce qu'il faut entendre par
le directeur de la publication d'un " service en ligne autre que de
correspondance privée ".
- en second lieu, l'exigence de la désignation d'un directeur de la
publication pour un service de communication en ligne tel qu'une page
personnelle, un " webzine " ou le site d'une association
confidentielle, peut apparaître un peu excessive ou
" surdimensionnée ". Cependant, cette exigence se justifie
dans la mesure où l'on ne peut exclure que le contenu de n'importe quel
service de communication en ligne soit constitutif d'un " délit de
presse " (diffamation, injure, provocation à un crime ou à
un délit...) ni que l'auteur de ce contenu puisse, du fait du
caractère interactif de ces services, n'être pas facilement
identifiable. La désignation d'un directeur de la publication,
considéré comme le principal auteur des infractions de presse,
facilitera donc la poursuite des infractions de cette nature commises sur
Internet. Sans doute sera-t-il néanmoins nécessaire que la future
loi sur la société de l'information circonscrive clairement
l'obligation de désignation d'un directeur de la publication, qu'il
serait par exemple inutile d'imposer à des services de commerce en
ligne....
b) L'obligation d'identification " indirecte "
Le sixième alinéa prévoit une obligation d'identification
qualifiée d'" indirecte ", qui s'applique aux personnes
n'exerçant pas " à titre professionnel "
l'activité d'éditeur de service en ligne. Elle pourront se
contenter de ne mettre à la disposition du public qu'un pseudonyme et le
nom de l'hébergeur de leur service, à condition de communiquer
à ce dernier les éléments d'identification requis des
éditeurs " professionnels ".
c) Le rôle des hébergeurs de services
Assez curieusement, le onzième alinéa de l'article fait
obligation aux hébergeurs de " s'assurer du respect " par les
éditeurs des services qu'ils hébergent de leurs obligations
d'identification " directe ou indirecte ". L'intérêt de
cette obligation, qui ne s'étend pas à la vérification des
éléments d'identification fournis -vérification que les
hébergeurs n'auraient d'ailleurs aucune compétence pour
opérer- paraît très limité.
d) Les sanctions pénales
- L'article 43-6-4 ne prévoit pas de sanction du non-respect de
l'obligation d'identification, car cette infraction ne serait constitutive que
d'une contravention de la 5° classe, prévue par conséquent
par un texte réglementaire. Cette " clémence " peut
être compréhensible -encore que, concrètement, l'absence
d'identification puisse avoir les mêmes effets que la production de faux
éléments d'identification qui est, elle, définie comme un
délit. On peut s'étonner cependant que la même infraction,
commise par le fournisseur d'un service de communication audiovisuelle soumis
à déclaration, soit punie d'une amende de 40.000 F.
- La fourniture de faux éléments d'identification est quant
à elle passible de six mois d'emprisonnement et de 50.000 F
d'amende et, pour les personnes morales, d'une peine d'amende de 250.000 F
éventuellement assortie de peines complémentaires (interdiction
d'activité, fermeture du ou des établissements ayant servi
à la commission de l'infraction, publication du jugement).
- est également puni de 50.000 F d'amende et de 6 mois
d'emprisonnement le fait pour un hébergeur de ne pas communiquer
à une autorité judiciaire, à sa demande, les
éléments d'identification des éditeurs de services soumis
à une obligation d'identification " indirecte ".
e) Identification des messages publicitaires
Le dernier alinéa de l'article 43-6-4 prévoit, par
référence aux dispositions de la loi de 1986 relatives aux
services soumis à déclaration, que les messages publicitaires
diffusés par les services en ligne doivent être identifiés
comme tels : cette obligation, qui n'a pas grand rapport avec les autres
dispositions de l'article, résulte de la législation
communautaire.
•
Position de la commission
Votre commission a adopté
un amendement
proposant une nouvelle
rédaction de cet article et tendant, sans remettre en cause les acquis
des lectures précédentes, à alléger la
rédaction du dispositif proposé et à lui apporter quelques
aménagements de fond.
• L'amendement de votre commission retient l'architecture
générale du texte adopté en deuxième lecture par
l'Assemblée nationale. Il prévoit cependant d'insérer les
dispositions pénales qu'il comporte dans le titre correspondant de la
loi du 30 septembre 1986 : tel est l'objet du paragraphe II
de l'amendement, dont le paragraphe I reprend le chapitre VI nouveau
du titre II de la même loi.
• Quant à la forme, l'amendement propose de dénommer
simplement " services de communication en ligne " les services
visés à l'article 1
er
A. Dans le même
but de simplification terminologique, votre commission vous propose
également de revenir à la définition des opérateurs
techniques qu'elle avait retenue en première lecture, plus
condensée que celle de l'Assemblée nationale et qui reprenait les
deux fonctions distinguées par le rapport du Conseil d'Etat : la
fourniture d'accès et l'hébergement. D'une façon plus
générale, votre commission s'est efforcée de simplifier et
d'améliorer la rédaction du dispositif proposé par cet
article.
• Quant au fond, les aménagements proposés par votre
commission, qui a pris acte de la reconnaissance par l'Assemblée
nationale de l'obligation générale de prudence et de diligence
des hébergeurs, ainsi que de l'obligation d'identification
imposée aux fournisseurs de services de communication en ligne, ont pour
objet, sans remettre en cause l'équilibre général du
dispositif, d'en renforcer la cohérence :
*
A l'article 43-6-2
, il est ainsi proposé :
- de supprimer, au 1° de cet article, la référence à
la responsabilité encourue par le prestataire de services ayant
" contribué à la création " d'un contenu fautif
et qui a donc, de ce fait, agi en tant que fournisseur de contenu ;
- de formuler, au même alinéa, de manière plus
générale le cas où la responsabilité du prestataire
technique peut être engagée par une modification des conditions
techniques de transmission d'un contenu, cette responsabilité ne pouvant
être limitée, pour les raisons précédemment
exposées, aux atteintes à la propriété
littéraire et artistique. En outre, il est proposé de
préciser que ces modifications doivent être
appréciées par rapport à celles imposées par le
fournisseur du service ;
- de ne pas subordonner, au 2° de cet article, l'obligation de diligence
de l'hébergeur à la mise en demeure préalable d'un
tiers ;
- de ne pas limiter aux hébergeurs, au 3° de l'article,
l'obligation d'empêcher l'accès à un contenu sur injonction
de la justice. La directive " commerce électronique "
réserve en effet le droit des juridictions des Etats membres d'exiger de
tout prestataire technique "
qu'il mette fin à une violation ou
prévienne une violation
" : il appartiendra donc à
l'autorité judiciaire d'apprécier, par exemple,
l'opportunité ou la possibilité d'imposer à un fournisseur
d'accès d'empêcher ses abonnés d'accéder à
tel ou tel site étranger.
*
à l'article 43-6-3
, la commission a retenu une
définition plus précise des obligations prévues à
cet article, et en a coordonné les dispositions avec celles de
l'article 43-6-4 ;
*
à l'article 43-6-4
, le texte adopté par la commission
définit le directeur ou le codirecteur d'un service de communication en
ligne par référence aux dispositions de la loi du
29 juillet 1982 relatives au directeur ou au codirecteur de la
publication d'un service de communication audiovisuelle. Il supprime en outre
l'obligation faite aux hébergeurs de s'assurer du respect par les
fournisseurs de services de leur obligation d'identification.
* enfin,
le paragraphe II
de l'amendement adopté par votre
commission propose de compléter le dispositif pénal applicable
aux prestataires techniques qui refuseraient de déférer à
une demande de communication à l'autorité judiciaire des
éléments d'identification des fournisseurs de services :
- en étendant les sanctions prévues, dans un souci de
cohérence, à l'ensemble des obligations de communication à
la justice des informations qu'ils sont tenus de conserver en application de
l'article 43-6-3 ;
- en prévoyant, pour les personnes physiques, une peine
complémentaire d'interdiction temporaire d'exercer l'activité
dans laquelle ou à l'occasion de laquelle l'infraction a
été commise ;
- en prévoyant que les personnes morales peuvent être
déclarées pénalement responsables des mêmes
infractions.
Article 1
er
(article 43-7 nouveau de la
loi du
30 septembre 1986)
Missions du secteur public de la communication
audiovisuelle
•
Le Sénat
avait procédé à une nouvelle
rédaction de cet article afin de substituer à
l'énumération de missions élaborée par
l'Assemblée nationale une définition concise et
synthétique des missions des diffuseurs de l'audiovisuel public, et afin
de poser le principe selon lequel l'ensemble des financements est
destiné à l'ensemble des programmes.
•
L'Assemblée nationale
a rétabli la
définition des missions adoptée par l'Assemblée nationale
en première lecture, sans reprendre toutefois la référence
à la notion de développement durable qui figurait dans ce texte,
et en prévoyant en outre la présentation au Parlement d'un
rapport annuel sur l'application de cet article.
•
Position de la commission
La description des missions des organismes de l'audiovisuel public peut
répondre à deux objectifs pas nécessairement compatibles.
On peut souhaiter dessiner le profil idéal de l'audiovisuel public dans
une énumération aussi exhaustive que possible de ses objectifs et
de ses obligations. L'Assemblée nationale s'est essayée à
cet exercice qui tient un peu de l'exécutoire.
On peut aussi tenter de saisir la raison d'être de l'audiovisuel public,
ce qui fait sa spécificité, ce qui justifie sa permanence et son
développement à côté d'un secteur privé en
croissance continue, soumis à de larges sujétions
d'intérêt général, voué à prendre en
charge une partie croissante des activités habituellement
considérées comme relevant des missions spécifiques de
l'audiovisuel public.
Cet exercice, plus austère que le premier, est sans doute plus utile car
il permet de dire ce qu'est l'audiovisuel public, ce par quoi il n'est pas
réductible au secteur privé, ce pourquoi les similitudes faciles
à relever entre les programmes des uns et des autres n'ont pas la
portée que l'on croit parfois pouvoir leur attribuer.
Les circonstances plaident en faveur de cette démarche. On sait en effet
que la direction générale de la Commission européenne
chargée de la concurrence a entrepris d'examiner la conformité au
droit européen du financement mixte du secteur public, à partir
de l'idée qu'il convient de réserver les fonds publics au
financement des programmes de service public, les autres programmes devant
être financés par des recettes propres. Ceci implique
l'élaboration d'une liste des programmes de service public, et
l'identification de leur mode de financement sur la base d'une
comptabilité analytique des chaînes publiques.
La liste énumérative des missions de l'audiovisuel public retenue
par l'Assemblée nationale s'inscrit implicitement dans cette logique,
dans la mesure où cette liste peut aisément constituer le point
de départ d'une discussion aboutissant à l'établissement
d'une liste de programmes de service public reconnus par la Commission, pour
lesquels le financement public serait admis, la même liste étant
susceptible d'être rediscutée au fur et à mesure que le
secteur privé prendrait en charge tel ou tel de ses
éléments.
Ce processus serait destructeur pour l'audiovisuel public de la France,
fondé sur l'idée que la télévision publique est
essentiellement une télévision généraliste
destinée à favoriser le contact de tous les publics avec tous les
programmes, et doit à cet effet offrir une programmation complète
attirant le plus large public. Dans cette optique, la distinction des
modalités de financement à partir d'une comptabilité
analytique n'a guère de sens.
Auditionnée par votre commission le 25 janvier dernier,
Mme Viviane Reding, membre de la Commission européenne,
chargée de l'éducation et de la culture, admettait implicitement
le danger de la méthode énumérative en répondant
à une question de votre rapporteur qu'une définition globale du
rôle de la télévision publique était
préférable à une énumération de missions.
C'est pourquoi votre commission a adopté
un amendement
rétablissant, dans une rédaction plus précise, la
définition des missions de l'audiovisuel public adoptée par le
Sénat en première lecture.
Article 2
(article 44 de la loi du 30 septembre
1986)
Création de la société holding France
Télévision, définition de
ses missions et de celles
des autres sociétés nationales de programmes
•
Le Sénat
avait modifié cet article :
- pour préciser la définition des missions de RFO et celle de ses
moyens d'action ;
- pour renoncer, sur la proposition du gouvernement, à la fusion,
prévue par le projet de loi, entre la Sept-ARTE et la Cinquième,
en maintenant cette dernière seule dans le groupe France
Télévision.
•
L'Assemblée nationale
a adopté à cet
article :
- un amendement modifiant l'énoncé des missions de la holding
France Télévision afin d'étendre son rôle à
la conduite des politiques de programmes et de l'offre de services de ses
filiales ;
- un amendement rédactionnel précisant que France 2 propose
une programmation généraliste " de
référence ", et un amendement imposant à la
chaîne de favoriser la création de productions
télévisuelles originales ;
- un amendement introduisant dans l'article 44 de la loi
du 30 septembre 1986 la définition des missions de la
Cinquième figurant actuellement dans l'article 45 de la même
loi, et étendant à cette chaîne la qualité de
société nationale de programme ;
- un amendement permettant la création par France
Télévision de filiales consacrées à
l'édition de chaînes numériques gratuites de service
public, dont le capital serait détenu directement ou indirectement par
des personnes publiques ;
- un amendement reprenant la définition des missions de RFO
adoptée en première lecture par l'Assemblée
nationale ;
- un amendement rédactionnel relatif à la couverture territoriale
des antennes régionales et locales de Radio France ;
- un amendement appliquant aux filiales de France Télévision
consacrées à l'édition de télévisions
numériques de service public le dispositif réglementaire relatif
à la production d'oeuvres audiovisuelles par les sociétés
nationales de programmes.
•
Position de la commission
En ce qui concerne la définition des missions de la holding
France Télévision, votre commission a
considéré, d'une part, que le texte adopté par
l'Assemblée nationale, en substituant la notion de conduite des
politiques de programmes des chaînes à celle de coordination,
encourageait des empiétements inopportuns sur les responsabilités
spécifiques des chaînes en matière de programmation (chaque
société nationale de programme est chargée de
" concevoir et de programmer des émissions "). Elle a
considéré, d'autre part, que la suppression de la notion de
pôle industriel retirait à la définition des missions de la
holding une part essentielle de son contenu le plus dynamique.
Votre commission a donc adopté
un amendement
rétablissant
l'énoncé des missions de France Télévision dans la
rédaction du Sénat.
En ce qui concerne les modalités d'intervention du groupe
France Télévision dans le numérique de terre, votre
commission a estimé contestable le choix de prévoir la
création de chaînes numériques de service public sous la
forme de filiales de France Télévision à capital
éventuellement partagé avec d'autres personnes publiques,
soumises à un cahier des charges et dotées de contrats
d'objectifs comme les sociétés nationales de programmes
(cf. article 6 § II), et percevant comme
France 2, France 3 et la Cinquième une part de la redevance
versée à France Télévision (cf.
article 6 § III). Seule l'absence de disposition concernant
les organes directeurs de ces nouvelles chaînes de service public
différencie ces filiales des sociétés nationales de
programmes. Dans la logique de ce dispositif, il est probable que les
chaînes numériques de service public recevront en fin de compte un
statut proche de celui des sociétés nationales de programmes
proprement dites : leur personnel pourrait en bonne logique être
soumis à la convention collective de l'audiovisuel public. Ce dispositif
ouvre ainsi la voie à un essaimage systématique du service public
sans que le Parlement ait à se prononcer sur son opportunité, sur
sa pertinence, sur son financement.
La mise en oeuvre du numérique de terre, par le biais de nouvelles
structures dont le coût de fonctionnement sera nécessairement
significatif -et dont la coordination avec les sociétés
nationales de programmes est rien moins que certaine compte tenu de
l'expérience passée du service public en ce domaine- paraît
en outre potentiellement contradictoire avec l'idée de rassemblement des
moyens et de cohérence des objectifs qui préside à la
création du groupe France Télévision.
Votre commission, sensible comme l'Assemblée nationale à la
nécessité d'éviter la déperdition des ressources
publiques affectées à France Télévision dans
des dépenses de structures (rappelons à cet égard que
l'article 6 prévoit que les remboursements d'exonérations de
redevance financeront exclusivement les dépenses de programmes et de
développement des chaînes), et désireuse d'étendre
ce principe de bonne gestion à l'ensemble des ressources, a
estimé inopportune la disposition adoptée par
l'Assemblée nationale concernant la filialisation des chaînes
numériques de service public. Elle a considéré que la
mobilisation de France Télévision en faveur du
numérique passait par l'implication directe de France 2,
France 3 et la Cinquième, chacune dans la logique de sa mission
particulière et dans le cadre de la stratégie globale
déterminée par la holding. Il n'est pas nécessaire
d'inscrire dans la loi des dispositions particulières à cet
égard.
En fonction de ces éléments, votre commission a adopté
un amendement
de suppression de la disposition prévoyant la
création de filiales diffusant en numérique des programmes de
service public.
Elle a par ailleurs adopté
un amendement
précisant que la
programmation généraliste de France 2 s'adressait au public
" le plus divers ", et
un amendement
rédactionnel
à l'alinéa énonçant les missions de France 3.
Elle a enfin adopté
un amendement
rétablissant dans la
rédaction du Sénat les dispositions relatives aux missions de
RFO.
Article 2 bis
(article 44-1 nouveau de la loi du 30
septembre 1986)
Activités de diversification de France
Télévision
•
Cet article additionnel introduit par
l'Assemblée nationale
résulte d'un amendement du Gouvernement. Il permet à France
Télévision de créer des filiales exerçant des
activités de diversification non directement liées à
l'exécution des missions de service public définies à
l'article 1
er
du projet de loi.
Selon les explications données en séance par le ministre, ces
filiales pourront fournir des services payants, ne seront pas attributaires de
redevance, et ne seront pas régies par un cahier des charges. Elles ne
devront pas empiéter sur les attributions des sociétés
nationales de programmes.
Bien que le texte adopté ne le précise pas, et que le ministre
ait eu à cet égard un propos ambigu ("
l'objet social de
ces dernières [filiales] est différent de celui des filiales
destinées à développer les services
numériques
") il semble que cette disposition prépare
essentiellement la diversification concurrentielle de France
Télévision dans le numérique.
•
Position de la commission
La rédaction actuelle de la loi du 30 septembre 1986 n'a pas
empêché les chaînes publiques de créer des filiales
pour l'exercice d'activités conformes à leur objet social. C'est
le cas de France Publicité, chargée de la régie
publicitaire de France 2 et France 3, ou France Distribution.
Il peut cependant être opportun de préciser expressément
dans la loi le cadre juridique dans lequel France Télévision
développera, à côté de sa mission de service public
proprement dite, les services payants qui joueront probablement un rôle
important dans l'économie du numérique de terre, y compris pour
le service public confronté sur ce plan, comme on le verra dans le
commentaire de l'article 20 A, à une double contrainte
financière et juridique.
Dans la mesure où le texte de l'article 2 bis régira
les activités concurrentielles de diversification de France
Télévision dans le numérique, il importe cependant de
préciser les contraintes auxquelles ces activités seront soumises
et les modalités qu'elles pourront revêtir. Il convient en effet
de prévenir le risque d'une diversification imprudente dans des
activités non rentables qu'il serait à terme nécessaire de
subventionner par des financements publics ponctionnant les ressources
disponibles pour l'exécution des missions de service public, ce
processus accentuant la fragilité de l'audiovisuel public à
l'égard du droit communautaire de la concurrence. Il importe de
prévenir les doutes que pourrait avoir à cet égard une
commission européenne dont la direction générale de la
concurrence étudie actuellement avec une attention critique la
conformité du financement mixte de France Télévision au
droit de la concurrence.
C'est en évoquant ces questions que votre rapporteur avait, dans le
rapport " Etat des lieux de la communication
audiovisuelle 1998 " établi au nom de votre commission,
présenté les observations suivantes :
" Il est possible de concilier ces contradictions en soumettant
l'investissement public dans le numérique à des modalités
particulières. Le financement des chaînes thématiques ne
serait pas assuré par des ressources publiques, mais par le
marché, ce qui suppose que chaque chaîne ait un compte
d'exploitation et un plan d'équilibre financier à court terme
excluant de la part des chaînes publiques des apports financiers au sein
desquels il paraît impossible de distinguer ce qui provient de la
redevance et des subventions budgétaires et ce qui provient de leurs
ressources propres.
L'apport initial d'investissement ferait bien entendu exception à la
règle du financement autonome. En d'autres termes, les chaînes
publiques ne devraient développer une offre thématique
numérisée que si les perspectives de rentabilité
apparaissent raisonnablement sûres. Et les expériences qui
aboutiraient à un échec économique ne devraient pas
être prolongées. "
Dans une logique identique, votre commission a adopté
un
amendement
précisant certaines modalités d'intervention dans
le numérique des filiales concurrentielles de France
Télévision.
Article 3
(article 45 de la loi du 30 septembre
1986)
Missions de la société la Sept-ARTE
•
Le Sénat
avait, sur proposition du gouvernement, modifié
cet article afin de supprimer la fusion initialement prévue entre la
Sept-ARTE et la Cinquième.
•
L'Assemblée nationale
a inséré à
l'article 3, libéré par le transfert à
l'article 1
er
de la définition des missions de la
Cinquième, la définition des missions de la Sept-ARTE figurant
auparavant à l'article 3 bis A.
•
Position de la commission
Votre commission a adopté cet article sans modification.
Article 3 bis A
(article 45 de la loi du 30 septembre
1986)
Missions de la société la Sept-ARTE
•
Le Sénat
avait inséré dans cet article la
définition des missions de la Sept-ARTE.
•
L'Assemblée nationale
a supprimé cet article par
coordination avec la nouvelle rédaction de l'article 3
adoptée par elle.
•
Position de la commission
Votre commission a approuvé la suppression de l'article 3 bis A.
Article 3 bis
(article 46 de la loi du 30 septembre
1986)
Conseil consultatif des programmes
•
Le Sénat
avait substitué au Conseil consultatif des
programmes recruté par tirage au sort un comité consultatif
d'orientation des programmes composé de personnalités
qualifiées de la société civile.
•
L'Assemblée nationale
a réintroduit le conseil
consultatif tiré au sort en diminuant de 40 à 20 le nombre de ses
membres.
•
Position de la commission
Composée de téléspectateurs désignés par
tirage au sort, l'instance créée par l'Assemblée nationale
n'aura très vraisemblablement ni l'autorité, ni la
capacité technique nécessaires pour élaborer une ligne de
conduite. Elle réagira aux documents que la direction de
France Télévision lui transmettra de façon
vraisemblablement aussi aléatoire que son mode de désignation.
Si la démocratie athénienne voyait dans le tirage au sort de
certains magistrats une façon de confier leur choix aux dieux, la
démocratie moderne privilégie soit la
représentativité soit l'autorité des organes consultatifs,
ce qui exclut leur désignation par tirage au sort.
Votre commission a donc adopté
un amendement
rétablissant
à cet article le texte adopté par le Sénat.
Article 4
(article 47 et articles 47-1 à 47-4
nouveaux de la loi du 30 septembre 1986)
Organes de direction de la
société France Télévision
et des
sociétés nationales de programmes
•
Le Sénat
avait modifié cet article afin de rendre au
CSA son entière liberté dans le choix des membres du conseil
d'administration de France Télévision dont la désignation
lui revient, de prévoir la nomination des présidents de France
Télévision, RFO et Radio France par décret en Conseil des
ministres sur une liste de deux noms les moins présentés par le
CSA, et de modifier dans cette logique le mode de révocation des
mêmes présidents.
•
L'Assemblée nationale
a adopté à cet
article plusieurs amendements de retour au texte adopté par elle en
première lecture ainsi que deux amendements du gouvernement qui
introduisent des éléments nouveaux. Le premier écarte
l'application des articles 101 à 105 de la loi du 24 juillet 1966 sur
les sociétés commerciales aux conventions conclues entre l'Etat
et France Télévision ainsi qu'à celles conclues entre
France Télévision, France 2, France 3 et La
Cinquième. Le second permet aux conseils d'administration de France
Télévision et des sociétés nationales de programmes
de délibérer en cas de vacance de sièges, si les
conditions de quorum sont satisfaites.
•
Position de la commission
Votre commission persiste à croire en la pertinence des objectifs qui
ont en première lecture amené le Sénat à
transférer à l'actionnaire le pouvoir de nomination des
présidents des organismes de l'audiovisuel public selon des
modalités associant le CSA à ce choix : objectif de
cohérence, dans la mesure où il est naturel que le responsable
ultime du financement et de la stratégie de l'audiovisuel public dispose
de la possibilité de choisir et éventuellement de sanctionner les
dirigeants ; objectif de transparence, dans la mesure où nul
n'ignore que des circuits plus ou moins opaques permettent actuellement de
vérifier l'acceptation par l'Etat des choix du CSA. Votre commission
considère de même la modification du pouvoir de révocation
comme le complément nécessaire de celle du pouvoir de nomination.
Elle observe au demeurant que ses analyses sont partagées sur ces
questions sur de nombreux bancs de l'Assemblée nationale, comme le
débat en première lecture l'a amplement démontré.
Votre commission considère par ailleurs que le CSA doit conserver toute
latitude dans le choix des membres du conseil d'administration de France
Télévision dont la désignation lui revient.
En ce qui concerne les deux novations introduites sur la proposition du
gouvernement, votre commission a estimé possible de conserver la
disposition relative à la validité des
délibérations des conseils d'administration en cas de vacance
d'un ou plusieurs sièges.
Elle n'a en revanche pas retenu la disposition qui écarte l'application
des articles 101 à 105 de la loi du 24 juillet 1966 aux conventions
conclues par France Télévision avec l'Etat.
Il convient de rappeler que ces articles soumettent à des conditions
particulières les conventions intervenant entre une
société et l'un de ses administrateurs ou directeurs
généraux et les conventions intervenant entre une
société et une entreprise dont l'un de ses administrateurs ou
directeurs généraux est dirigeant à un titre ou à
un autre.
La présence d'administrateurs communs dans les conseils d'administration
de France Télévision et de ses filiales imposerait inutilement le
recours à la procédure d'autorisation prévue par les
articles 101 à 105 pour chaque contrat conclu entre France
Télévision d'une part, France 2, France 3 ou La
Cinquième de l'autre, ce qui n'apparaît pas utile dans la mesure
où les relations contractuelles entre France Télévision et
ses filiales ne présentent guère le risque de manoeuvres
frauduleuses de la part des administrateurs communs.
Les conventions passées entre France Télévision et l'Etat
n'entrent en revanche manifestement pas dans le champ d'application de ces
dispositions.
En fonction de ces observations, votre commission a adopté à cet
article
cinq amendements
rétablissant le texte adopté par
le Sénat en première lecture et un
amendement
limitant aux
conventions passées entre France Télévision et l'une ou
l'autre des ses filiales la non application des articles 101 à 105 de la
loi du 24 juillet 1966.
Article 4 bis
(article 48-1 A nouveau de la loi du 30
septembre 1986)
Interdiction des clauses d'exclusivité
pour la reprise des programmes des chaînes publiques
•
Le Sénat
avait procédé à une nouvelle
rédaction de cet article afin de préciser que l'exercice par les
chaînes publiques du droit défini à l'article 216-1 du
code de la propriété intellectuelle doit être
concilié avec l'objectif de mise à disposition du public de leurs
programmes sur l'ensemble des supports disponibles.
•
L'Assemblée nationale
a adopté à cet
article une rédaction résultant d'un amendement du gouvernement,
qui interdit aux organismes de l'audiovisuel public d'accorder ou de maintenir,
à compter de l'entrée en vigueur de la loi, un droit exclusif de
reprise de leurs programmes diffusés par voie hertzienne terrestre.
•
Position de la commission
Votre commission n'a pas modifié son analyse sur les clauses de reprise
exclusive des programmes des chaînes publiques. Elle estime indispensable
de maintenir le droit que l'article 216-1 du code de la propriété
intellectuelle reconnaît aux chaînes publiques, comme à
l'ensemble des diffuseurs, d'autoriser ou de refuser la
télédiffusion de leurs programmes. Ceci implique qu'elles
disposent du droit d'octroyer les autorisations notamment en fonction de leurs
intérêts commerciaux et de leurs stratégies de
développement. C'est d'ailleurs dans cette optique, pour préparer
son entrée dans les métiers du numérique et du
multimédia, que France Télévision a souhaité
participer au tour de table de TPS et lui a accordé l'exclusivité
de la diffusion satellitaire de ses programmes.
Votre commission a donc adopté
un amendement
rétablissant
dans la rédaction du Sénat les dispositions relatives à la
reprise des programmes des chaînes publiques.
Article 5
(article 49 de la loi du 30 septembre
1986)
Institut national de l'audiovisuel (INA)
•
En première lecture,
le Sénat
avait adopté une
nouvelle rédaction de cet article tendant :
- à en alléger et à en clarifier la rédaction, pour
mieux distinguer entre les différentes missions de l'INA (conservation
des archives audiovisuelles publiques, responsabilité du
dépôt légal des documents audiovisuels radiodiffusés
ou télévisés, droit d'exploitation d'une partie des
archives audiovisuelles publiques) et en particulier pour définir plus
clairement les cas dans lesquels l'INA exerce les droits d'exploitation ;
- à revenir à la définition des missions de recherche et
de formation de l'institut définies par le texte initial du projet de
loi.
• En deuxième lecture,
l'Assemblée nationale
a
conservé l'architecture générale du texte adopté
par le Sénat, en y apportant néanmoins un certain nombre de
modifications tendant essentiellement à un retour à son texte de
premier lecture :
* au
paragraphe I
de l'article, l'Assemblée nationale est revenue
à son texte de première lecture au motif que celui du
Sénat, qui visait la participation de l'INA à la conservation et
à la commercialisation des archives des sociétés
nationales des programmes (catégorie à laquelle serait
désormais agrégée " La Cinquième ")
excluait "
toute possibilité d'exploitation à titre
gratuit
".
Cette analyse méconnait le fait que la
" contribution à
l'exploitation
des archives "
mentionnée par le texte
initial du projet de loi vise, d'après les termes mêmes des
conventions entre l'INA et les sociétés nationales de programmes,
l'ensemble des prestations documentaires (archivage, catalogage, indexation)
qui permettent cette exploitation. Il ne s'agit pas ici, en effet, du cas
où l'INA pourrait être autorisée, comme toute autre
personne, à utiliser les archives des sociétés de
programmes, que ce soit à des fins commerciales ou non commerciales.
En outre, le texte de l'Assemblée nationale ne rend pas compte de la
nouvelle mission de l'INA, appelé à participer, en tant que
mandataire des chaînes publiques, à la commercialisation des
programmes dont ces dernières conserveront désormais les droits
d'exploitation sous leur forme intégrale.
Il ne paraît donc pas souhaitable de modifier la rédaction de ce
paragraphe, qui décrit simplement la mission de l'INA à
l'égard des sociétés nationales de programmes, à
savoir son rôle de prestataire de services documentaires et de mandataire
commercial.
* Au premier alinéa du
paragraphe II
, l'Assemblée
nationale est également revenue à son texte de première
lecture, qui prévoit que le droit d'exploitation des extraits des
archives des sociétés nationales de programmes serait
transféré à l'INA aux termes des cahiers des charges,
alors qu'il suffit qu'il soit prévu par la loi : il est vrai que
l'Assemblée nationale avait compris le texte du projet de loi comme
prévoyant un partage de ce droit d'exploitation des extraits entre les
chaînes et l'INA, et non son transfert à l'INA.
L'Assemblée nationale a également modifié le
deuxième alinéa de ce paragraphe pour préciser que l'INA
demeurait non seulement détenteur des droits d'exploitation qui lui ont
été transférés par les lois de 1982
et 1986 mais également " propriétaire des supports
originaux ". Outre que la notion de " support original " est
elle-même originale, on notera que cette précision, introduite
à la demande de l'INA, est inutile et procède d'une
méconnaissance du droit de la propriété littéraire
et artistique dont l'institut a malheureusement donné d'autres exemples.
- En premier lieu, on ne voit pas ce qui peut faire craindre à l'INA
qu'on le dépossède des supports des archives qu'il exploite, ne
serait-ce que parce que, titulaire ou non des droits d'exploitation, l' INA est
dans tous les cas dépositaire des archives de l'audiovisuel public, au
titre de sa double mission de conservateur de ces archives et de responsable du
dépôt légal. On notera cependant qu'il lui incombe moins,
au titre de sa mission patrimoniale, de revendiquer un droit de
propriété sur des " supports originaux " (du reste
sujets à une dégradation rapide) que de s'acquitter d'un devoir
de conservation des oeuvres elles-mêmes, ce qui nécessite, pour
bon nombre d'entre elles, leur transfert sur d'autres supports.
- En second lieu, il n'existe aucun rapport entre la propriété
matérielle d'une oeuvre ou d'un support (fût-il
" original ") de cette oeuvre et les droits de
propriété intellectuelle sur cette oeuvre. Le propriétaire
d'un manuscrit ne peut s'en faire l'éditeur, non plus que le
propriétaire d'une vidéocassette ne peut en faire une diffusion
publique, en commercialiser des reproductions ou en autoriser l'exploitation
par un tiers. Symétriquement, le titulaire des droits d'exploitation
d'une oeuvre, qu'elle soit plastique, littéraire ou audiovisuelle, n'a
pas besoin de détenir l'original ou un exemplaire de cette oeuvre pour
exercer ses droits. L'INA pourrait donc garder ses prérogatives de
titulaire des droits d'exploitation de certains programmes même s'il n'en
détenait aucun exemplaire. Mais, comme on l'a déjà
souligné, il peut être pleinement rassuré : personne
ne peut lui reprendre les archives dont il est dépositaire.
* Au
paragraphe III
, l'Assemblée nationale a adopté un
amendement du gouvernement tendant à permettre à l'INA de
recourir à l'arbitrage sans avoir à recourir pour cela à
la procédure d'autorisation par décret prévue au
deuxième alinéa de l'article 2060 du code civil.
Cette disposition, dont il ne faut sans doute pas exagérer
l'utilité, aurait mieux sa place au dernier paragraphe de l'article
qu'à la suite de dispositions permettant à l'INA de passer des
conventions pour l'exploitation d'archives audiovisuelles, d'acquérir
des droits d'exploitation ou de recevoir des dons et legs.
* Le
paragraphe V
de l'article, relatif au rôle de l'INA en
matière de formation et de recherche, a été rétabli
par l'Assemblée nationale dans son texte de première lecture,
auquel le Sénat avait préféré le texte initial du
projet de loi. Cependant, le gouvernement ayant accepté cet amendement,
votre commission n'a aucune raison de se substituer à lui dans la
défense de son propre texte, et ne proposera donc pas au Sénat de
rétablir une nouvelle fois le libellé du projet initial.
* Enfin, au
paragraphe VI
, l'Assemblée nationale, en adoptant
contre l'avis du gouvernement un amendement présenté par
M. Noël Mamère et plusieurs de ses collègues, a
soumis à " l'avis consultatif " du CSA le cahier des charges
de l'INA. Cette précision étant évidemment sans objet,
mais dépourvue d'inconvénients sérieux, votre rapporteur
laissera au gouvernement, s'il le souhaite, le soin de proposer au Sénat
de la supprimer.
•
Position de la commission
Au bénéfice des observations qui précèdent, votre
commission a adopté à cet article
six amendements
tendant
à :
• rétablir dans le texte du Sénat le paragraphe I et le
paragraphe II de l'article ;
• réaliser au paragraphe II une coordination oubliée ;
• transférer au dernier paragraphe de l'article la mention du
droit de l'INA de recourir à l'arbitrage.
Article 5 bis A
(article L.321-5 et L.321-13
(nouveau) du
code de la propriété intellectuelle)
Contrôle des
comptes et de la gestion des sociétés de perception
et de
répartition des droits (SPRD)
•
Cet article résulte d'un amendement présenté par M.
Michel Charasse et les membres du groupe socialiste et apparentés,
adopté par
le Sénat
en première lecture et qui
avait pour objet de soumettre au contrôle de la Cour des comptes les
sociétés de perception et de répartition des droits
d'auteur et des droits voisins (SPRD).
A cet effet, le paragraphe I de l'article tendait à insérer dans
le code de la propriété intellectuelle un article L.321-13
(nouveau) prévoyant que la Cour des comptes pouvait contrôler les
comptes et la gestion des SPRD ainsi que de leurs filiales et des organismes
qui en dépendent, et son paragraphe II un article 111-8-3 (nouveau)
ayant même libellé dans le code des juridictions
financières.
•
L'Assemblée nationale
a exprimé, comme le
Sénat, le souci d'assurer, selon l'expression de
M. Didier Mathus, rapporteur,
" un légitime
progrès dans la transparence "
des comptes des SPRD. Cette
position commune des deux assemblées rejoint d'ailleurs
également, il convient de le souligner, les conclusions du rapport de la
mission d'évaluation des sociétés de perception et de
répartition des droits conduite depuis octobre 1998 par
Mme Francine Mariani-Ducray, chef du service de l'inspection
générale de l'administration des affaires culturelles, rapport
dont la diffusion sur Internet a coïncidé avec le débat
à l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale a cependant écarté la solution
retenue par le Sénat et proposé un autre dispositif, fondé
d'une part sur un renforcement du droit à l'information des
associés des SPRD et, d'autre part, sur la mise en place d'une
commission de contrôle
ad hoc
.
a) Le renforcement du droit à l'information des associés
La loi
de 1985 a défini un régime d'information des associés des
SPRD dérogatoire aux dispositions applicables en la matière aux
sociétés civiles, prévues par l'article 1855 du code civil.
Inspiré des dispositions de l'article 168 de la loi de 1966 sur les
sociétés commerciales, relatif à l'information des
" petits " actionnaires des sociétés par action, ce
régime dérogatoire est défini par l'article L. 321-5
du code de la propriété intellectuelle.
Il donne droit à tout associé d'une SPRD, "
dans des
conditions et délais déterminés par
décret ",
d'obtenir communication
:
" 1° des comptes annuels et de la liste des administrateurs ;
" 2° des rapports du conseil d'administration et des commissaires aux
comptes qui seront soumis à l'assemblée ;
" 3° le cas échéant, du texte et de l'exposé des
motifs des résolutions proposées, ainsi que des renseignements
concernant les candidats au conseil d'administration ;
" Du montant global, certifié exact par les commissaires aux
comptes, des rémunérations versées aux personnes les mieux
rémunérées, le nombre de ces personnes étant de dix
ou de cinq selon que l'effectif excède ou non 200
salariés. "
Comme le souligne le rapport de la mission Mariani-Ducray, ce dispositif ne
semble pas à la hauteur des exigences légitimes que les
associés et les ayants droit pourraient avoir vis-à-vis des SPRD.
C'est pourquoi, tout en notant que l'application -à compter de
l'exercice 1998- du décret n° 98-1040 du 18 novembre
1998, qui rend obligatoire l'établissement d'un certain nombre de
tableaux relatifs à la gestion financière des SPRD, devrait
remédier en partie aux lacunes et insuffisances qu'elle a relevé
dans la présentation de cette information, la mission propose de
" donner aux associés et aux ayants droit les mêmes
pouvoirs d'information et de contrôle des SPRD que ceux
conférés par l'article 1855 du code civil aux associés des
sociétés civiles de droit commun ".
Une proposition analogue, mais limitée aux associés des SPRD,
avait été formulée en 1997 par les auteurs de l'audit sur
ADAMI, Mme Anne Bolliet, inspecteur général des
finances, et M. Francis Beck, inspecteur de l'administration des Affaires
culturelles, qui avaient souligné qu'il était
"
indispensable d'améliorer de façon significative
l'information des associés et leurs possibilités effectives de
contrôle des SPRD. "
L'Assemblée nationale a eu la même idée : le
paragraphe I de la rédaction qu'elle a adoptée pour l'article 5
bis A prévoit en effet de compléter l'article L. 321-5 par un
alinéa prévoyant que les sociétés de perception et
de répartition des droits sont soumises "
aux obligations
portées à l'article 1855 du code civil , dans le respect des
règles de confidentialité relatives aux informations concernant
chaque associé
".
Rappelons que l'article 1855 du code civil donne
" au moins une fois
par an "
(sauf dispositions statutaires plus favorables), le droit aux
associés des sociétés civiles d'obtenir communication des
livres et documents sociaux et
" de poser par écrit "
au gérant des questions auxquelles il doit être répondu
par écrit dans le délai d'un mois.
L'article 48 du décret 78-704 du 3 juillet 1978 précise qu'en
application de ces dispositions, chaque associé peut prendre
connaissance et prendre copie de "
tout document établi par la
société ou reçu par elle
", et qu'il peut, dans
l'exercice de ces droits, bénéficier de l'assistance d'un expert.
Comme le relève le rapport Mariani-Ducray, cette application du droit
commun donnerait aux associés un accès à tous les livres
et documents de gestion et donc une capacité d'information nettement
plus étendue que celle prévue par l'actuel article L. 321-5 du
CPI.
Cette proposition a cependant été critiquée par certains
intervenants dans le débat à l'assemblée, et par les
SPRD :
- le principal argument qui lui est opposé réside dans le risque
de paralysie qui en résulterait pour les SPRD, compte tenu du nombre de
leurs associés : cet argument est d'ailleurs celui qui avait
motivé, en 1985, le choix du régime dérogatoire de
l'actuel article L. 321-5 du CPI.
Il semble qu'au vu de l'expérience de l'application de
l'article L. 321-5, on puisse en relativiser la portée. Les
demandes adressées sur le fondement de cet article aux
sociétés sont en effet fort peu nombreuses. A l'ADAMI, qui compte
15.000 associés, elle n'atteignent pas le nombre de 10 par an
-même après la réalisation de l'audit de 1997 dont on
aurait pu penser qu'il provoquerait un intérêt accru des
associés pour la gestion de leur société- et le nombre des
demandes d'envoi des documents qui doivent être communiqués avant
l'assemblée portant sur la reddition des comptes est également
inférieur à la dizaine. On constate d'autre part que les taux de
présence aux assemblées des SPRD sont très faibles.
Il n'y a aucune raison de penser que l'extension du pouvoir d'information des
associés changera du tout au tout le comportement qui est le leur depuis
15 ans.
Au demeurant, avant la loi de 1985, les principales sociétés de
gestion de droit étaient déjà des sociétés
civiles qui comptaient de très nombreux associés (50.000 pour la
SACEM) et il ne semble pas que l'application de l'article 1855 du code civil
ait jamais paralysé leur fonctionnement.
- Les sociétés de droits invoquent aussi le fait qu'elles sont
désormais en concurrence au sein de l'Union européenne -une
concurrence dont on permettra à votre rapporteur d'observer qu'elle est
sans doute moins âpre que dans d'autres secteurs- et contraintes
dès lors à élaborer des stratégies confidentielles,
confidentialité qui s'applique également aux rapports avec leurs
usagers. Cette objection est quant à elle plus difficilement recevable,
tout particulièrement d'ailleurs en ce qui concerne les relations des
sociétés et de " leurs usagers " : il convient en
effet de rappeler que ces " usagers " sont les utilisateurs des
oeuvres et des prestations des associés, qui sont tout de même
fondés à savoir comment et dans quelles conditions la
société négocie leurs droits.
- Enfin, les sociétés font valoir la confidentialité des
rémunérations versées individuellement à chaque
associé. Cet argument est quant à lui tout à fait
admissible et l'Assemblée en a d'ailleurs tenu compte, même si
c'est dans une rédaction sans doute perfectible.
En tout cas, et même, comme le note le rapport Mariani-Ducray, si
l'application de l'article 1855 devait représenter une charge
supplémentaire pour les SPRD, il paraît légitime de donner
aux associés des SPRD des pouvoirs plus importants que ceux
concédés aux petits actionnaires des sociétés par
actions, pour plusieurs raisons :
- les SPRD sont, il convient de le rappeler, des sociétés civiles
et donc des sociétés à responsabilité
illimitée ;
- la situation de leurs associés n'a rien à voir, comme le notait
l'audit sur l'ADAMI, avec celle de l'actionnaire d'une SA : si ce dernier
désapprouve la gestion de la société et en redoute les
conséquences, il peut céder ses actions et placer ailleurs son
épargne.
En revanche, l'associé d'une SPRD en situation de monopole peut certes
se retirer de la société civile -sauf à y perdre une
partie de ses rémunérations- mais il restera un ayant
droit ; il ne peut ni confier la gestion de ses droits à une autre
société, ni les gérer tous individuellement, ne serait-ce
que parce qu'une partie de ceux-ci sont soumis à une obligation de
gestion collective.
- Les SPRD, comme le notait également l'audit sur l'ADAMI, ne
perçoivent ni ne répartissent pour leur propre compte :
elles sont, au sens de l'article 2236 du code civil, le " détenteur
précaire " des rémunérations dues aux titulaires de
droits. Cette situation particulière donne aussi à leurs
associés un droit particulier à contrôler leur gestion.
On peut donc approuver l'Assemblée nationale d'avoir suivi, par
anticipation, les propositions du rapport Mariani-Ducray.
On peut s'étonner cependant, de la méthode suivie, qui consiste
à superposer le régime de droit commun de l'article 1855 du code
civil au régime dérogatoire de l'article L. 321-5 du code de
la propriété intellectuelle.
Il semblerait plus logique de substituer l'un à l'autre.
Par ailleurs, il est à souhaiter que soit également retenue une
autre suggestion du rapport Mariani-Ducray qui n'est pas de nature
législative : celle qui consiste à prévoir
l'obligation pour les SPRD de diffuser à leurs associés un
certain nombre de documents " en ligne ". Cette proposition serait
notamment fort utile pour leur communiquer de manière peu coûteuse
les documents visés à l'article 41 du décret du 3 juillet
1978 qu'ils n'ont actuellement que le droit de demander avant la tenue des
assemblées portant sur la reddition des comptes (article R. 321-6
du CIP), par dérogation aux dispositions du décret de 1978 qui en
prévoient, en application de l'article 1856 du code civil, l'envoi
automatique à tous les associés.
b) La création d'une commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits
Le
paragraphe II du texte adopté par l'Assemblée nationale
prévoit la création d'une " commission de contrôle des
sociétés de perception et de répartition des
droits ", dont la compétence s'étendrait également
aux filiales de ces sociétés et aux organismes qu'elles
contrôlent.
•
La composition et les compétences
de cette commission
paraissent avoir été un peu hâtivement définies.
* la
composition
de la commission :
La commission se composerait de neuf membres nommés par
décret : un membre de la Cour des comptes, qui en serait le
président, un membre du Conseil d'Etat, un membre de l'Inspection
générale de l'administration des affaires culturelles, deux
membres de l'Inspection générale des finances et quatre
personnalités qualifiées dans le domaine de la
propriété littéraire et artistique désignées
par le ministre chargé de la culture.
Cette composition semble mal adaptée à une mission centrée
sur un contrôle comptable et de gestion : la présence de
quatre " personnalités qualifiées dans le domaine de la
propriété littéraire et artistique " paraît en
particulier assez peu justifiée.
En outre, si la présence d'un représentant du Conseil d'Etat est
en revanche opportune, il serait également souhaitable de prévoir
la participation à la commission d'un magistrat de l'ordre judiciaire.
On peut également s'étonner de la place
prépondérante donnée aux représentants du
ministère de la culture, qui désignerait cinq des neuf membres de
la commission. Le code de la propriété intellectuelle donne en
effet déjà au ministère de la culture certains pouvoirs de
contrôle sur les SPRD, dont il a d'ailleurs fort peu usé. Il
paraît donc peu indiqué de dupliquer ce contrôle direct par
un contrôle indirect, surtout s'il devait être exercé dans
les mêmes conditions.
* Le texte de l'Assemblée nationale est aussi très léger
en ce qui concerne les
moyens juridiques
donnés à
la commission.
Il est prévu qu'elle reçoive
"
systématiquement
" communication des documents
prévus par l'article L. 321-5 et qu'elle puisse recueillir
"
sur pièces et sur place
" tout
"
renseignement
" relatif à la perception et à
la répartition des droits ainsi qu'à la gestion des
sociétés.
En somme elle disposerait d'un " droit d'information " dont il n'est
même pas sûr qu'il serait équivalent à celui que le
paragraphe I de l'article propose de donner aux associés. Ce qui ne
paraît pas très sérieux.
Quant aux
moyens de fonctionnement
, notamment en personnel, dont pourra
disposer la commission, il n'en est même pas question.
* Enfin, il est précisé, ce qui en revanche est une bonne
idée, que la commission serait chargée de présenter un
rapport annuel
au Parlement, au ministre chargé de la culture et
aux assemblées générales des SPRD.
• Au total,
la position prise par l'Assemblée nationale
peut
surprendre à un double titre
. On peut s'étonner,
d'une part, de la manière expéditive dont l'Assemblée
nationale a rejeté d'emblée la solution proposée par le
Sénat, qui n'avait pourtant rien d'aberrant, et qui aurait sans doute
mérité un débat plus approfondi et plus serein. On peut
regretter, d'autre part, qu'elle n'ait pas présenté à
cette proposition une alternative plus crédible.
* Sur le premier point, les arguments invoqués, lors de la discussion en
commission et pendant le débat en séance publique, contre la
compétence de la Cour des comptes paraissent, c'est le moins qu'on
puisse dire, un peu sommaires : le contrôle de la Cour des comptes
sur les SPRD aboutirait "
à une étatisation de
l'économie "
ou serait
"
inconstitutionnel
" ; la Cour des comptes n'aurait
mission de contrôler que "
des structures percevant des fonds
publics
", et non "
des sociétés de droit
privé gérant des fonds privés
" ; enfin, le
contrôle de la Cour des comptes remettrait en cause l'indépendance
des SPRD vis-à-vis de l'Etat...
On rappellera pourtant :
-
que la loi a déjà étendu le contrôle de la Cour
des comptes à de nombreux organismes de droits privés
gérant des fonds privés,
en dehors de
ceux qui sont
soumis à son contrôle pour la seule raison qu'ils
perçoivent de subventions publiques. Ainsi la Cour des comptes
contrôle-t-elle :
- l'emploi des ressources collectées auprès du public, dans le
cadre des campagnes menées à l'échelon national, par les
associations caritatives et autres organismes soutenant une cause
"
scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique,
éducative, sportive ou culturelle
"
3(
*
)
, ce contrôle pouvant
s'étendre aux organismes qui reçoivent des organismes collecteurs
une partie des ressources ainsi collectées (article L. 111-8
du code des juridictions financières) ;
- la Fondation du patrimoine, qui est une personne morale de droit privé
financée par des fonds privés (article L. 111-8-1 du code
des juridictions financières) ;
- l'Union d'économie sociale du logement, qui est une
société anonyme coopérative à capital variable
(article L. 111-8-2 du code des juridictions financières)
réunissant les organismes chargés de la collecte et de la gestion
de la participation des employeurs à l'effort de construction.
- que le contrôle de la Cour des comptes (ou des cours régionales
des comptes) est évidemment sans influence aucune sur le statut
juridique et "
l'indépendance vis-à-vis de
l'Etat
" des innombrables sociétés et organismes
privés que les juridictions financières peuvent être
amenées à contrôler, soit en application des dispositions
ci-dessus rappelées, soit parce que ces organismes ont reçu une
subvention publique.
On notera d'ailleurs que le Conseil constitutionnel a jugé que le
contrôle de la Cour des comptes sur les associations faisant appel
à la générosité publique, "
qui n'a d'autre
objet que de permettre aux adhérents de ces organismes, ainsi qu'aux
donateurs, d'être en mesure de s'assurer de la conformité des
dépenses engagées par l'organisme aux objectifs poursuivis par
l'appel à la générosité publique
", ne
constituait pas une entrave à la liberté d'association, et ne
portait "
atteinte à aucun autre principe non plus qu'à
aucune règle de valeur constitutionnelle
".
Il n'y aurait donc certainement rien d'inconstitutionnel, ni non plus rien de
choquant, à étendre le contrôle de la Cour des comptes aux
SPRD.
La loi les a en effet dotées de prérogatives très
importantes, et leur a notamment conféré un monopole de droit ou
de fait qui oblige les titulaires de droits à avoir recours à
elles pour obtenir rémunération de ces droits, et les
" utilisateurs " d'oeuvres ou de prestations protégées
pour avoir l'autorisation de les utiliser. On peut discuter à l'infini
du point de savoir si leur mission doit ou non être qualifiée de
mission " de service public " : on ne peut en tout cas nier que
ce soit une mission d'intérêt général, qui
revêt une énorme importance sociale, économique et
culturelle, ni qu'il soit également d'intérêt
général que cette mission soit exécutée d'une
manière qui ne puisse soulever aucune contestation. Il y a donc au moins
autant de raisons de soumettre les sociétés de droits à la
Cour des comptes que les associations caritatives ou la Fondation du
patrimoine.
* Pour autant, on peut tout à fait concevoir que le contrôle des
SPRD ne soit pas assuré par la Cour des comptes mais, comme le propose
l'Assemblée nationale, par un organe de contrôle spécifique.
Cela peut même présenter des avantages, car le contrôle
pourrait alors être plus suivi, plus régulier, plus
" qualitatif ".
Il pourrait permettre, au delà d'un contrôle de
régularité comptable et financière, une
appréciation de la stratégie des SPRD, de leur action en
matière de défense des intérêts de leurs
associés et des droits de propriété littéraire et
artistique, car, comme le note le rapport Mariani-Ducray, elles ont
dégagé, dans ces domaines cruciaux pour l'avenir du droit
d'auteur,
" des marges d'initiative qui ne relèvent plus du
contrôle classique de leurs mandants "
:
" l'argument de " la défense de vos droits " est
toujours tenu pour opérant et les modalités techniques de cette
défense pour une besogne dont les sociétés
déchargeraient en quelque sorte les associés ".
Une commission
" ad hoc "
pourrait aussi se pencher sur la
mission, la compétence et les statuts des SPRD, sur leurs relations avec
les titulaires de droits comme avec les utilisateurs de leur
répertoire...
Mais encore faut-il que cette solution alternative soit sérieuse et
crédible,
ce qui n'est pas tout à fait le cas, il faut bien
le dire, de la commission dont l'Assemblée nationale propose la mise en
place.
Créer un organe de contrôle dont ni la composition, ni les
pouvoirs, ni les moyens ne seraient à la hauteur de sa mission serait en
effet un remède pire que le mal, et les ayants droit ou les utilisateurs
d'oeuvres protégées pourraient légitimement reprocher au
législateur de leur avoir ainsi donné une fausse assurance.
•
Position de la commission
Même s'il ne paraît pas en l'état satisfaisant, le texte
adopté par l'Assemblée nationale a le mérite d'ouvrir la
perspective d'un choix entre deux options qui ont chacune des avantages et des
inconvénients :
- le recours à un contrôle des SPRD par la Cour des comptes
présente l'avantage d'apporter une solution immédiatement
opérationnelle au problème posé. Il représente
aussi un choix " incontestable " compte tenu du statut et de
l'autorité de cette prestigieuse institution. Mais il ne serait
évidemment pas possible à la Cour de contrôler de
manière régulière, et encore moins permanente, l'ensemble
des sociétés de gestion, et il n'entre pas non plus dans sa
mission de réfléchir sur l'évolution du rôle, de la
mission, des statuts des SPRD,
- En revanche, un organe spécialisé, au-delà de son
rôle de contrôle, et d'information des ayants droit et des pouvoirs
publics, pourrait devenir une " force de proposition " et un
véritable partenaire pour les SPRD, en même temps qu'il pourrait
contribuer à créer des relations nouvelles entre les
sociétés, les titulaires de droits et le secteur en pleine
évolution des " industries et services " culturels. Cependant,
il faut aussi tenir compte du fait que la création d'une instance
nouvelle représente toujours un pari et que l'on ne peut être
assuré d'avance qu'elle acquerra, et dans quels délais,
l'autorité nécessaire à sa mission.
Quoi qu'il en soit, deux options apparaissant possibles, votre commission
estime que le législateur doit être en mesure d'effectuer entre
elles un véritable choix.
C'est pourquoi elle a adopté
un amendement
susceptible d'offrir
une alternative crédible à la compétence de la Cour des
comptes.
Le dispositif de cet amendement conserve la même architecture que celui
adopté par l'Assemblée nationale mais propose une nouvelle
rédaction de l'article 5 bis A.
* Le
paragraphe I
propose, afin de renforcer le droit à
l'information des associés, une nouvelle rédaction de l'article
L. 321-5 CPI prévoyant l'application de l'article 1855 du code civil aux
SPRD, sous réserve de l'interdiction de communication à un
associé du montant des rémunérations perçues par
tout autre associé ou ayant droit.
* Le
paragraphe II
prévoit la constitution d'une commission dont
la composition et les pouvoirs lui permettraient d'exercer un véritable
contrôle sur les SPRD, leurs filiales et les organismes qu'elles
contrôlent :
- son effectif serait ramené à sept membres, et elle serait
uniquement composée de magistrats et de représentants des grands
corps de contrôle : deux conseillers-maîtres à la Cour
des comptes, dont le président de la commission, un conseiller d'Etat,
un conseiller à la Cour de Cassation, un inspecteur
général des finances et deux inspecteurs généraux
de l'administration générale des affaires culturelles.
La commission pourrait se faire assister de rapporteurs,
bénéficier de la mise à disposition de fonctionnaires et
recourir à des experts.
- Elle serait dotée de pouvoirs d'investigation adaptés à
sa mission, à laquelle les organismes contrôlés seraient
obligés de prêter leur concours, ainsi que les commissaires aux
comptes des sociétés centrales, déliés à son
égard du secret professionnel.
- Elle pourrait effectuer ses contrôles sur pièces et sur place.
Enfin, toute entrave au contrôle de la commission serait passible d'un an
d'emprisonnement et de 100.000 F d'amende.
Article 6
(article 53 de la loi du 30 septembre
1986)
Contrats d'objectifs et de moyens,
financement des
organismes de l'audiovisuel public
•
Le Sénat
avait modifié cet article :
- pour prévoir la signature par le ministre chargé de la
communication et le ministre chargé des finances des contrats
d'objectifs et de moyens conclus entre l'Etat et les organismes de
l'audiovisuel public ;
- pour préciser que les contrats d'objectifs et de moyens devaient
respecter les missions de service public définies à l'article
43-7 nouveau de la loi de 1986 ;
- pour que figurent dans les mêmes contrats des indicateurs qualificatifs
d'évaluation des attentes du public ;
- pour étendre à l'ensemble des présidents des organismes
publics l'obligation de présenter chaque année un rapport sur
l'exécution des contrats devant la commission chargée des
affaires culturelles de chaque assemblée ;
- pour préciser que le rapport sur la situation et la gestion des
organismes du secteur public annexé au projet de loi de finances
fournira les informations figurant actuellement dans le " jaune
budgétaire " consacré à l'audiovisuel public ;
- pour prévoir expressément la communication de ce rapport au
CSA ;
- pour refuser l'affectation exclusive des remboursements d'exonérations
aux dépenses de programmes et d'équipement.
•
L'Assemblée nationale
a apporté à cet
article plusieurs modifications afin :
- de revenir au texte adopté par elle en première lecture en ce
qui concerne les contrats d'objectifs et de moyens, la présentation d'un
rapport annuel d'exécution des contrats par le seul président de
France Télévision aux commissions chargées des affaires
culturelles, le contenu allégé du " jaune
budgétaire ", la répartition intégrale de la
redevance perçue par France Télévision entre ses filiales
de service public, l'affectation intégrale des remboursements
d'exonérations aux dépenses de programmes ou de
développement des affectataires ;
- d'étendre aux filiales qui seront créées pour
gérer des chaînes numériques de service public les
dispositions de cet article ;
- d'autoriser les redevables à payer la redevance de façon
fractionnée.
•
Position de la commission
Toujours convaincue de l'utilité des modifications apportées par
le Sénat à cet article en première lecture, votre
commission a adopté
cinq amendements
rétablissant cette
rédaction (en conservant toutefois la sympathique disposition
insérée par l'Assemblée nationale afin de prévoir
l'affectation intégrale des remboursements d'exonérations aux
dépenses de programme ou de développement).
Votre commission juge en particulier indispensable que le ministre
chargé des finances soit engagé par le contenu des contrats
d'objectifs et de moyens. En l'absence de cette signature, les contrats
pourraient être plus facilement remis en cause à l'occasion de la
procédure budgétaire.
Votre commission tient aussi à ce que le " jaune
budgétaire " précise pour chaque société
nationale de programme les prévisions de dépenses et de recettes
publiques et propres, faute de quoi la création du groupe France
Télévision aboutira à la marginalisation du contrôle
parlementaire sur l'évolution de la télévision publique.
Si l'on peut comprendre le souhait des dirigeants de la holding de disposer
d'une assez grande latitude dans la gestion du groupe France
Télévision, la répartition des ressources publiques entre
les filiales traduit, compte tenu des missions spécifiques
assignées à chacune, des choix politiques sur lesquels il
appartient au Parlement de se prononcer dans le cadre de la procédure
budgétaire.
Votre commission a par ailleurs adopté
trois amendements
de
coordination supprimant l'application des dispositions de cet article aux
filiales numériques de service public de France Télévision.
Elle a enfin adopté
un amendement
maintenant avec une insertion
différente et quelques modifications rédactionnelles la
disposition prévoyant la possibilité d'un paiement
fractionné de la redevance.
Article 7
(articles 18, 24, 26, 34-1, 48, 48-2,
48-3,
48-9, 48-10, 51, 56, 62, 73
de la loi du 30 septembre 1986,
article L.
4433-28 du code des collectivités territoriales
et annexe II de la
loi n° 83-675 du 26 juillet 1983)
Coordination
•
Le Sénat
avait adopté plusieurs amendements de
coordination à cet article.
•
L'Assemblée nationale
a supprimé la disposition
relative à l'affectation des fréquences hertziennes terrestres
utilisées par les sociétés nationales de programmes, pour
en inscrire la substance à l'article 20 A.
Elle a exempté les programmes des chaînes publiques et les
programmes des services autorisés de la condition de reprise
intégrale et simultanée, pour la distribution par câble,
dans les DOM, les TOM, les collectivités territoriales d'outre-mer et la
Nouvelle-Calédonie, sans passer avec le CSA la convention prévue
à l'article 34-1 de la loi de 1986.
Elle a enfin inséré trois articles additionnels après
l'article 28 bis, qui seront examinés ci-dessous.
•
Position de la commission
Votre commission a adopté à cet article
un amendement
de
coordination.
Article 8
Dispositions transitoires
•
Le Sénat
avait adopté cet article avec un amendement
de coordination.
•
L'Assemblée nationale
a adopté une nouvelle
rédaction qui fixe les modalités de mise en place du groupe
France Télévision en ce qui concerne le délai de
nomination du président de la holding et de publication de ses statuts
(trois mois à compter de la publication de la loi) ; le
délai de modification des statuts de France 2, France 3 et La
Cinquième (trois mois) ; la date de cessation des mandats des
membres des conseils d'administration de ces sociétés ; la
capacité délibératoire des nouveaux conseils
d'administration à partir de la désignation de deux tiers de
leurs membres ; les transferts de biens, droits et obligations par
France 2, France 3 et La Cinquième à France
Télévision.
•
Position de la commission
Votre commission a adopté cet article sans modification.
TITRE
II
TRANSPOSITION DE DIVERSES DISPOSITIONS
DE LA DIRECTIVE
89/552/CEE DU 3 OCTOBRE 1989
MODIFIÉE PAR LA DIRECTIVE 97/36/CE DU 30
JUIN 1997
Article 9
(article 15 de la loi du 30 septembre
1986)
Protection des mineurs vis-à-vis de programmes ou de
messages
susceptibles de nuire à leur épanouissement
et
respect de la dignité de la personne
•
Le Sénat
avait adopté une nouvelle rédaction
de cet article afin de mieux assurer sa conformité aux articles 22 et 22
bis de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 modifiée, qu'il
transpose dans la loi du 30 septembre 1986.
•
L'Assemblée nationale
a rétabli le texte
qu'elle avait adopté en première lecture.
•
Position de la commission
Votre commission continue de croire que le premier souci du législateur
doit être, en matière de transposition d'une directive, de veiller
au respect intégral des engagements pris au sein des institutions
européennes.
Elle constate que la fidélité du texte de l'Assemblée
nationale aux articles 22 et 22 bis de la directive reste douteuse à
maints égards. En effet, en confiant au CSA une mission de veille alors
que la directive prévoit que " les Etats membres prennent des
mesures " et " veillent à ce que ", le projet de loi se
situe en-deçà de obligations assumées au sein de conseil
de l'Union européenne.
Votre commission rappelle à cet égard que, dans le cadre des
missions de veille que la loi de 1986 lui attribue, le CSA dispose d'un pouvoir
essentiellement incitatif qui ne peut que difficilement déboucher sur la
mise en oeuvre de la procédure de sanction à l'égard des
diffuseurs rétifs.
Par ailleurs, le premier alinéa de l'article 22 de la directive invite
les Etats membres à prohiber la diffusion d'émissions de
télévision susceptibles de nuire gravement à
l'épanouissement des mineurs, " notamment des programmes
comprennent des scènes de pornographie et de violence gratuite ".
Or, le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 15
de la loi de 1986 ne mentionne pas cette précision.
Votre commission a donc adopté à cet article
un amendement
rétablissant le texte adopté par le Sénat.