EXAMEN DU RAPPORT PAR LA DÉLÉGATION
Sous la présidence de Mme Dinah Derycke , la Délégation a examiné, le mardi 23 janvier 2001, le rapport d'information de Mme Odette Terrade , sur le projet de loi n° 120 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l' interruption volontaire de grossesse et à la contraception .
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
M. Francis Giraud , rapporteur pour la commission des affaires sociales , a dit que s'il partageait un certain nombre d'analyses du rapport, il ne parvenait pas aux mêmes conclusions que le rapporteur. Précisant qu'il ne se référait à aucune considération éthique, et qu'il ne s'agissait nullement, pour la majorité sénatoriale, de remettre en cause les acquis importants de la loi Veil, il a porté des appréciations différentes sur plusieurs des conséquences du projet de loi, citant notamment la délivrance des contraceptifs aux mineures sans autorisation parentale, la suppression de la prescription médicale pour la délivrance des contraceptifs hormonaux et intra-utérins, l'augmentation du délai légal de l'IVG de deux semaines et l'articulation entre IVG et IMG, notamment au regard des conséquences de l'échographie de la onzième semaine de grossesse, les difficultés techniques et médicales de la pratique de l'IVG au-delà de la dixième semaine, ou encore l'aménagement de l'obligation de l'autorisation parentale pour les IVG demandées par des mineures. M. Francis Giraud , rapporteur pour la commission des affaires sociales , a considéré que si l'application des lois de 1967 et de 1975 suscitait aujourd'hui un certain nombre de questions, les dispositions du projet de loi n'y répondaient pas de manière satisfaisante. Aussi, même si certains points d'accord pouvaient être trouvés et même si le texte présentait quelques aspects positifs, il ne pouvait approuver l'analyse générale du projet de rapport d'information.
Une discussion a alors eu lieu entre Mme Dinah Derycke , présidente , Mme Odette Terrade , rapporteur , et M. Francis Giraud , rapporteur pour la commission des affaires sociales , sur les conséquences pratiques de l'application du droit commun du médicament aux contraceptifs hormonaux et intra-utérins, ainsi que sur une nouvelle articulation entre IVG et IMG comme terme alternatif à l'augmentation du délai légal de l'IVG.
Puis après avoir préconisé un développement de la contraception ainsi qu'une meilleure information de nos concitoyens en la matière, et rappelé que l'IVG ne pouvait être considérée autrement que comme un dernier recours, Mme Hélène Luc a souhaité que soit favorisée l'utilisation du préservatif féminin, notamment par des campagnes de promotion, estimant que ce moyen contraceptif offrait aux femmes une liberté supplémentaire. Par ailleurs, ayant observé que la prolongation du délai légal de l'IVG était en réalité déjà entrée dans les faits, que l'IVG au-delà de la dixième semaine de grossesse soit subie par certaines Françaises à l'étranger ou qu'elle soit illégalement pratiquée en France, Mme Hélène Luc s'est déclarée favorable au rapport d'information.
A Mme Gisèle Printz qui, après avoir également soutenu les conclusions du rapport, évoquait le rôle des conseils généraux dans le financement des centres d'IVG et insistait sur la nécessité d'un renforcement des effectifs des médecins scolaires et des assistantes sociales et l'utilité d'associer des professionnels extérieurs aux séquences d'éducation à la sexualité organisées dans les collèges, Mme Odette Terrade , rapporteur , a répondu que son rapport recommandait une meilleure association des médecins généralistes aux campagnes en faveur de la contraception et que la question des effectifs des personnels médicaux et infirmiers dans les établissements scolaires, comme celle de l'association des professionnels aux séquences d'éducation à la sexualité, avaient déjà fait l'objet de recommandations de la délégation dans le rapport de Mme Janine Bardou sur la proposition de loi relative à la contraception d'urgence.
Enfin, Mme Dinah Derycke , présidente , a fait état des différences de principe qui fondaient les oppositions sur le projet de loi, relevant qu'elles s'appuyaient sur des visions divergentes de l'intérêt des femmes. Se déclarant pour sa part convaincue de la nécessité que la femme soit actrice de sa vie, sans être dépendante de pouvoirs extérieurs, tel le pouvoir médical, elle a souhaité que tous les moyens soient donnés aux femmes pour faciliter leur accès à la contraception et, en particulier, que celle-ci soit gratuite pour les mineures. Elle a insisté sur le caractère volontaire de la démarche qui conduit à une IVG, relevant que les médecins avaient pour fonction de soigner des malades et que les femmes qui demandaient une IVG n'étaient pas malades. Sans contester ces propos, M. Francis Giraud , rapporteur pour la commission des affaires sociales , a toutefois estimé qu'il était impossible de nier certaines réalités et que le législateur avait le devoir de s'interroger sur les conséquences des décisions qu'il prenait.
Puis la délégation a procédé à l'examen du projet de recommandations présenté par Mme Odette Terrade , rapporteur .
A la majorité d'une voix, elle s'est déclarée favorable au dispositif du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, ayant déjà exprimé, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative à la contraception d'urgence, son soutien de principe à toute mesure de nature à diminuer le nombre des grossesses non désirées et, par conséquent, celui des IVG, qui demeure encore considérable. Elle a estimé en particulier indispensable de promouvoir une véritable politique publique en faveur de la contraception qui, à terme, devrait permettre de ramener la France à un niveau "acceptable" d'IVG, comparable à celui de ses principaux partenaires européens.
A l'unanimité, elle s'est félicitée des engagements pris en faveur de la pérennisation des campagnes publiques d'information sur la contraception et des efforts entrepris par le ministère de l'éducation nationale pour assurer aux adolescents des séquences d'éducation à la sexualité tout au long de leur scolarité, mais elle a relevé que des moyens suffisants devront être dégagés pour garantir l'efficacité de ces méthodes de sensibilisation.
Elle a observé, à l'unanimité, que cette information et cette éducation, qui concernent tout autant les hommes que les femmes, pourraient être mieux relayées auprès de ces dernières par le corps médical, et tout spécialement les médecins généralistes, qui crédibiliseraient ainsi le discours public. Elle a ainsi recommandé un renforcement et une amélioration de la formation des étudiants en médecine sur la contraception et ses méthodes, et sur les façons d'aborder ces questions avec leurs patientes.
S'agissant plus particulièrement du projet de loi, la délégation, à la majorité d'une voix, a considéré que ses dispositions étaient propres à faciliter l'accès à la contraception, s'est déclarée favorable à la légalisation de la stérilisation volontaire à visée contraceptive ainsi qu'à la suppression de l'accord parental pour la délivrance aux mineures de méthodes et de traitements contraceptifs, en s'interrogeant cependant sur les financements qui devraient accompagner ces mesures pour les rendre pleinement effectives et en recommandant la prise en charge totale des opérations de stérilisation par la sécurité sociale ainsi que l'institution d'un dispositif de gratuité pour la contraception des mineures, à l'instar de celui mis en place, à l'initiative du Sénat, pour la contraception d'urgence.
La délégation a, à la même majorité, considéré comme indispensable que les pouvoirs publics oeuvrent, par tous les moyens dont ils disposent, à favoriser les progrès de la recherche en matière de techniques contraceptives, notamment en termes de sûreté et d'allégement des contraintes, et pour les rendre accessibles à toutes et à tous par leur remboursement total par la sécurité sociale. Elle a estimé que loin de susciter des dépenses supplémentaires, une telle politique serait au contraire globalement économe des deniers publics et sociaux, la charge collective, directe et induite, du recours important à l'IVG devant en effet être grâce à elle rapidement réduite.
En ce qui concerne l'IVG, la délégation a été, toujours à la majorité d'une voix, favorable à la prolongation de deux semaines du délai légal d'intervention, qui devrait permettre de diminuer le nombre des femmes contraintes de se rendre à l'étranger ou de poursuivre une grossesse qu'elles ne désirent pas.
A l'unanimité, la délégation a toutefois recommandé :
- d'accroître les moyens humains, matériels et financiers des centres d'orthogénie, d'améliorer le statut des personnels médicaux et non médicaux et de renforcer leur formation afin de favoriser un meilleur accueil des patientes, de parvenir à une réduction générale des délais d'intervention et d'organiser les interruptions de grossesse au-delà de la dixième semaine dans des conditions de sécurité maximales ;
- d'instituer, dans chaque département, des "numéros verts" offrant des renseignements pratiques (adresses, coordonnées téléphoniques, horaires d'ouverture) sur les centres de planification, les centres d'orthogénie et les associations susceptibles de recevoir et de délivrer aux femmes, en particulier aux adolescentes, des informations sur la contraception, sur l'IVG et sur la prévention des maladies sexuellement transmissibles ;
- d'apprécier le motif médical susceptible de permettre une interruption médicale de grossesse au-delà de la douzième semaine de grossesse conformément aux prescriptions de l'Organisation mondiale de la santé, qui définit la santé comme un "état de bien-être physique, mental et social".
A la majorité d'une voix, la délégation a également recommandé d'accélérer, sur le fondement de la disposition du projet de loi donnant une base légale au développement des IVG en médecine ambulatoire, la mise en oeuvre de l'engagement du Gouvernement de favoriser, au cours des cinq premières semaines de la grossesse, le recours aux méthodes médicamenteuses d'interruption de la grossesse.
S'agissant des jeunes filles mineures, la délégation a observé, à la majorité d'une voix, que le dispositif du projet de loi institué pour leur permettre, si le consentement des parents n'a pas pu être recherché ou obtenu, de subir une IVG dans le secret, devra, pour être applicable, être précisé en ce qui concerne la responsabilité tant du corps médical que de l'adulte référent. Cette majorité a en outre souligné l'attention toute particulière qu'il conviendra de porter à l'accompagnement post-IVG de ces jeunes filles en détresse, lorsqu'elles ne pourront compter sur le soutien affectif de leur famille.
Enfin, la délégation a recommandé, à la majorité d'une voix, d'étendre le délit d'entrave à la pratique légale des IVG aux pressions, menaces et actes d'intimidation exercés à l'encontre de l'entourage des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés à l'article L. 2212-2 du Code de la santé publique.
Puis à la majorité d'une voix, la délégation a adopté le projet de rapport d'information présenté par Mme Odette Terrade , rapporteur .