B. DES OUTILS DE PROTECTION QUI DOIVENT S'INSCRIRE DANS UNE DÉMARCHE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

1. Vers une utile évolution de la politique des parcs nationaux

a) Une organisation juridique fortement centralisée

La procédure de création d'un parc national est conduite par le ministère en charge de la protection de l'environnement et le territoire est classé en parc national par décret en Conseil d'Etat. L'emplacement du parc est inscrit dans le Plan local d'urbanisme en qualité de servitude d'utilité publique opposable aux tiers.

Le parc national est géré par un établissement public administratif, dont le directeur nommé par le ministre dispose d'un pouvoir de police dans l'intérêt de la protection de la nature. Le fonctionnement du parc est assuré par un conseil d'administration composé de représentants des administrations concernées, des collectivités locales, du personnel et de personnalités qualifiées.

Lors de son audition devant la mission commune d'information, M. Bernard Glass, ingénieur général du génie rural des eaux et forêts à l'Inspection générale de l'Environnement a relevé que « le partage politique des parcs nationaux n'est pas à la hauteur de ce qu'il pourrait être ».

Au cours des déplacements effectués dans les massifs, votre rapporteur a pu entendre de nombreux élus faire état de désaccords voire d'oppositions permanents entre la direction du parc national et les représentants des collectivités territoriales au sein du conseil d'administration.

Si l'objectif de protection d'espaces naturels sensibles particulièrement remarquables a été atteint par les parcs nationaux, il n'y a pas réellement de mise en place d'une politique concertée de préservation, de développement et d'aménagement du territoire.

Pour donner un second souffle à cet outil de protection remarquable, qui bénéficie d'une labellisation internationale, il convient de réfléchir à une évolution de ses règles de gestion afin que les collectivités territoriales y soient réellement associées. Les annonces faites par le Gouvernement 7 ( * ) « pour décentraliser la gestion du patrimoine naturel » s'inscrivent dans cette démarche et doivent être appuyées.

Proposition n° 1. : Déléguer par voie de convention la gestion des parcs nationaux aux collectivités territoriales

b) Garantir la mise en oeuvre d'une politique de développement en zone périphérique

La réglementation sur le territoire d'un parc national est adaptée à chacun d'entre eux. Le décret de création réglemente ou interdit un certain nombre d'activités énumérées par la loi pour éviter l'altération de l'aspect, de la composition et de l'évolution du milieu naturel. Le décret peut édicter des contraintes particulières dans certaines zones, qui deviennent des réserves intégrales, afin d'assurer une protection plus grande de la faune et de la flore.

Enfin, le décret peut prévoir la délimitation d'une zone périphérique autour du parc dans laquelle sont prévues des mesures pour « permettre un ensemble de réalisations d'ordre social, économique et culturel tout en rendant plus efficace la protection de la nature dans le parc » (article L. 331-15 du code de l'environnement).

Ce texte là est manifestement insuffisant, selon M. Philippe Huet, pour garantir la mise en oeuvre d'une politique de développement en zone périphérique.

Il importe en effet de définir plus précisément les axes structurants d'une politique plus complémentaire entre zone centrale et zone périphérique, avec l'objectif, pour les parcs nationaux, de participer plus activement au développement local.

2. Conforter la contribution des parcs naturels régionaux au développement local

a) Des territoires pilotes, pionniers du développement durable

La démarche du parc naturel régional s'inscrit dans une démarche partenariale qu'il convient de souligner. Les régions prennent l'initiative de la démarche, les collectivités territoriales s'engagent sur un projet de développement durable sur un territoire dont l'identité repose sur un patrimoine naturel commun, et l'Etat prononce, par décret, le classement, ce qui autorise l'utilisation de la dénomination « parc naturel régional » et de l'emblème du parc, marque déposée à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Fondée sur la notion de contrat et de libre adhésion, la démarche s'appuie sur une charte approuvée par les collectivités territoriales et l'Etat qui fixe les principes de l'aménagement du territoire du parc pour une durée de dix ans. Le renouvellement du classement est prononcé selon la même procédure. La gestion du parc est assurée par un syndicat mixte.

L'article L. 333-2 du code de l'environnement précise que « les parcs naturels régionaux situés dans les massifs de montagne constituent un instrument exemplaire au service de la protection de l'équilibre biologique et de la préservation des sites et paysages ».

Comme le rappelait M. Jean-Paul Fuchs, président de la Fédération nationale des Parcs naturels régionaux, les actions plus particulièrement menées pour répondre à cet objectif portent sur :

« - le maintien d'une agriculture vivante et gestionnaire de l'espace par la mobilisation des procédures et aides financières en faveur du pastoralisme ;

- la reconquête de l'espace agricole et des actions en faveur de la diversité biologique des boisements pour lutter contre les conséquences de la déprise agricole ;

- des mesures en faveur d'un tourisme de qualité misant sur la richesse environnementale et paysagère ;

- la concertation avec les associations de sports de pleine nature et les guides professionnels et des actions de sensibilisation des participants pour le respect de « codes de bonnes pratiques » ;

- la maîtrise de la pénétration des espaces naturels les plus sensibles ;

- l'appui à la création ou à la rénovation d'hébergements diffus, intégrés au paysage et respectant les contraintes environnementales ;

- la préservation d'espèces animales emblématiques, comme le vautour, le gypaète, le lynx et le loup ».

b) Une structure à préserver en zone de montagne

D'un point de vue géographique, il convient de souligner que la grande majorité des parcs de montagne est généralement centrée sur de petits massifs en intégrant les parties hautes des piémonts.

De ce fait, beaucoup d'entre eux voient leur périmètre concerné par plusieurs pays organisés autour des villes et bassins d'emplois périphériques ou des fonds de vallée, à l'exception du Parc du Queyras, qui est totalement inclus dans le pays du Briançonnais.

M. Jean-Paul Fuchs s'inquiétait ainsi : « le risque est donc de voir la cohérence et la lisibilité du projet de territoire, porté par le parc, éclatées par des dynamiques différentes, selon chaque pays. Si une réflexion particulière n'est pas engagée par les collectivités pour différencier les missions du parc ou du pays sur le territoire commun, deux approches différentes du développement pourraient s'affronter, à terme :

- un développement résolument « durable », fondé sur une identité patrimoniale, porté par le Parc ;

- un développement par rapport aux pôles urbains, tirant les entreprises dans les vallées et faisant des espaces de montagne des zones d'habitat résidentiel ou de récréation, porté par les pays ».

Comme le prévoit l'article 22 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 portant loi d'orientation de développement et d'aménagement du territoire, « si le territoire du pays recouvre une partie du territoire d'un parc naturel régional, la reconnaissance de la dernière entité constituée nécessite la définition préalable, par convention entre les parties concernées, des missions respectives confiées aux organismes de gestion du parc naturel régional et du pays sur les parties communes. La charte du pays et les actions qui en découlent doivent être, sur les parties communes, compatibles avec les orientations de protection, de mise en valeur et de développement définies par la charte du parc naturel régional en application de l'article L. 333-1 du code de l'environnement ».

Il convient de veiller à ce qu'il soit fait une juste application de cette disposition afin de ne pas porter atteinte à la cohérence des parcs naturels de montagne.

La recherche de la compatibilité entre les orientations de chaque structure doit résulter d'un accord entre les parties concernées qui se traduit par une convention.

Comme le soulignait M. Jean-Paul Fuchs, devant la mission commune d'information, « l'organisation des collectivités territoriales en pays ne pose pas de difficultés aux parcs, lorsque le Conseil régional s'investit clairement dans sa compétence d'aménagement du territoire, en tenant compte de ses parcs, et contractualise avec ces derniers sur la base d'un projet global au même titre qu'avec les pays ».

Proposition n° 2. : Veiller, en cas de chevauchement de territoires, à ce que la politique du pays respecte les orientations de protection et de développement du parc naturel régional.

3. Des initiatives décentralisées s'inscrivant dans une démarche concertée

Lors des déplacements qu'elle a effectués dans les massifs, la mission commune d'information a visité ou eu connaissance d'initiatives innovantes en matière de protection de l'environnement, qui s'inscrivent dans une logique de gestion locale participative.

a) Des exemples de la diversité des démarches locales
(1) L'institution patrimoniale du Haut Béarn

Depuis 1994, les trois vallées au Haut-Béarn d'Ossau, d'Aspe et de Barétons se sont engagés dans un nouveau mode de gestion de leur territoire et de leur patrimoine naturel à travers la signature avec l'Etat d'une charte de développement durable. Se sont ainsi engagés les maires de vingt communes, l'Association des éleveurs et transhumants des Trois Vallées, la Fédération départementale des chasseurs, le Conseil général des Pyrénées Atlantiques et le Conseil régional d'Aquitaine.

Pour appliquer la charte, a été créée l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn, syndicat mixte ou siègent les maires des vingt communes, cinq conseillers généraux et trois conseillers régionaux. Les décisions du syndicat s'appuient sur les avis du Conseil de gestion patrimoniale, instance de concertation et de proposition où siègent les élus, des personnalités qualifiées (des représentants des administrations de l'Etat, de l'Office national des forêts, de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, des fonctionnaires territoriaux du Conseil général et du Conseil régional ainsi que des représentants des « valléens » -bergers, chasseurs, pêcheurs, associations de protection de la nature socio-professionnels-). Une équipe de gestion prépare les dossiers et met en oeuvre les décisions du syndicat mixte.

Le champ d'intervention de cette structure couvre l'agropastoralisme, la forêt, la gestion cynégétique et la gestion de la faune et de l'ours en particulier.

Les clefs de la réussite de cette démarche tiennent au partage par l'Etat du pouvoir de gestion du territoire avec les acteurs économiques locaux dans le cadre d'un contrat d'objectifs et à la démarche concertée avec tous.

(2) La SAFER Lozère

Lors de son déplacement dans le Massif central, la mission commune d'information a eu connaissance d'une démarche innovante et concertée, menée par la SAFER-Lozère, en partenariat avec la Chambre d'agriculture, tendant à analyser l'impact des activités d'élevage sur la conservation de la faune et de la flore. Les territoires géographiques pris en compte sont situés dans les montagnes du sud du Massif central à des altitudes supérieures à 1.200-1.300 m.

L'objectif du programme financé sur des crédits LIFE-environnement portait d'abord sur le diagnostic à établir sur les conséquences de l'arrêt de la transhumance, de la suppression des petits élevages et de la forte déprise agricole. Le constat analyse l'impact négatif de la progression de l'enfrichement et des milieux qui se referment sur la biodiversité, sur les risques d'incendie et sur la désintégration du tissu social de ces territoires.

Une fois le diagnostic établi, le programme a mis en place, sous forme contractuelle, des aides aux éleveurs qui s'engagent à réexploiter ces territoires.

La SAFER-Lozère a joué un rôle d'animation foncière en aidant les éleveurs à se grouper dans des groupements pastoraux, pour louer des espaces à des associations foncières pastorales, ou encore des biens sectionnaux ou communaux.

Les éleveurs adhérents de ces groupements s'engagent, à travers un plan de gestion, à une utilisation raisonnée de l'espace. Ils ont bénéficié -sur 2001-2002- de mesures agrienvironnementales pour financer le démarrage du programme.

Au total le programme a porté sur 700.000 euros pour le département de la Lozère et le nord de l'Hérault, financé comme suit :

- 40 % fonds LIFE-environnement ;

- 17 % ministère de l'Environnement et du développement durable ;

- 9 % Conseil régional Languedoc-Roussillon, à travers l'Agence méditerranéenne de l'environnement ;

- 6,7 % Office national des forêts ;

- 6,7 % Office national de la chasse et de la faune sauvage ;

- 20,7 % Parc national des Cévennes.

En juin 2002, huit groupements pastoraux étaient constitués, concernant 29 éleveurs qui utilisaient 2.900 ha pour faire transhumer 6.500 ovins.

En outre, une démarche qualité est engagée pour obtenir une certification de conformité pour l'Agneau de Lozère ainsi qu'une indication géographique protégée (IGP) au niveau communautaire.

b) Des démarches transfrontalières
(1) L'Espace Mont-Blanc

En 1989, les élus locaux de Savoie, de la région autonome du Val d'Aoste (Italie) et du canton du Valais proposent aux Etats la prise en charge, au niveau local, de la gestion et de la valorisation du massif du Mont-Blanc. Il est constitué un « espace » de coopération dénommé Espace Mont-Blanc.

Les entités adhérentes sont :

- pour la France, le syndicat intercommunal Espace nature Mont-Blanc qui rassemble quinze communes situées en Savoie et Haute-Savoie ;

- pour l'Italie, cinq communes de la région autonome du Val d'Aoste ;

- pour la Suisse, treize communes du Valais.

Au total 100.000 personnes sont concernées par la structure qui protège une superficie de 2.000 km² environ. Les organes décisionnels de la structure sont la conférence transfrontalière constituée de cinq membres par pays dont trois au moins, par délégation, doivent représenter les institutions régionales et locales, et la commission permanente.

Les activités de l'Espace Mont-Blanc sont cofinancées par chacune des entités et poursuivent les objectifs suivants : conservation d'un espace cultivé et d'une activité pastorale, sauvegarde de la nature et des paysages, encouragement à un tourisme respectueux des ressources et de l'environnement et enfin, limitation dans l'impact des transports et de leurs infrastructures.

(2) Le réseau alpin des espaces protégés

En 1994, la France, lors de sa présidence de la Convention Alpine, a fait valoir l'intérêt de constituer un réseau alpin des espaces protégés au niveau européen afin de contribuer à l'application du « protocole de la nature et entretien des paysages » de la Convention.

Le réseau rassemble l'ensemble des gestionnaires des espaces protégés des Alpes (parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réserves naturelles...). Il permet une collaboration plus étroite entre l'Allemagne, l'Autriche, la France, l'Italie, la Principauté du Liechtenstein, la Slovénie, la Suisse et la Principauté de Monaco 8 ( * ) .

En 2002, le réseau alpin concerne 300 espaces protégés de plus de 100 ha gérés par plus de 3.000 gestionnaires.

Les missions du réseau alpin sont définies par un comité de pilotage international, composé de représentants de tous les pays alpins. Toutes les décisions sont soumises à l'Assemblée générale qui se réunit tous les deux ans et des groupes de suivi nationaux encadrent le travail courant.

Les axes de travail prioritaire sont :

- protection et gestion des espaces protégés des Alpes ainsi que de leurs ressources naturelles, habitats et espèces en prenant en considération les conventions et directives internationales en vigueur, et notamment les dispositions pour la mise en place du Réseau Natura 2000 ;

- développement d'un tourisme maîtrisé en cohérence avec la conservation du patrimoine et le projet économique territorial ;

- soutien de l'agriculture et de la sylviculture de montagne concourant au maintien de la biodiversité ;

- sensibilisation, information et formation du grand public et de la population locale sur les enjeux naturels et culturels des Alpes ainsi que sur l'importance de la conservation et des actions engagées.

* 7 Discours de Mme Roselyne Bachelot, ministre de l'écologie et du développement durable aux Journées nationales des parcs naturels régionaux - 3 octobre 2002

* 8 La Principauté de Monaco n'a pas d'espaces protégés de montagne à gérer, mais elle est très attachée à la sauvegarde de l'espace alpin et participe aux travaux de la Convention alpine.

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