TROISIÈME PARTIE

DÉVELOPPER L'ÉPARGNE EN ACTIONS
EN VUE DE LA RETRAITE

Même si la retraite par répartition a vocation à demeurer le socle de notre système de retraite, les difficultés financières auxquelles vont être confrontés les régimes par répartition à l'horizon 2020 ou 2040, difficultés auxquelles le Gouvernement s'efforce aujourd'hui de répondre, rendent plus nécessaire que jamais une réflexion sur l'épargne retraite. Le développement de l'épargne retraite ne saurait apporter à lui seul une réponse globale au problème du financement des retraites.


IMPASSE FINANCIÈRE DES RÉGIMES DE RETRAITE PAR RÉPARTITION ET CAPITALISATION, QUELQUES PRÉCISIONS

L'introduction d'une dose de capitalisation - soit par des fonds de pension, soit par un fonds de réserve - est souvent présentée comme une solution alternative à l'augmentation des prélèvements obligatoires pour dégager des ressources indispensables au financement du système des retraites.

1. Une transition délicate

Une observation liminaire s'impose pour mettre en évidence la difficulté pratique du passage d'un système de répartition à un système de capitalisation.

L'introduction de fonds de pension créerait des droits nouveaux pour leurs cotisants. Autrement dit, quel que soit le poids des fonds de pension dans notre système de retraite, il faudra soit financer d'une manière ou d'une autre les droits déjà ouverts par les régimes par répartition , soit baisser ces droits.

L'introduction de systèmes par capitalisation pour financer le maintien des droits déjà ouverts par les régimes par répartition aboutit à faire « payer deux fois » la génération actuelle des actifs (pour la retraite de leurs parents et pour la leur).

2. Le financement des retraites est avant tout un prélèvement sur la valeur ajoutée

Il faut se persuader que, quelles que soient ses modalités, le financement des pensions est toujours, avant tout, un prélèvement sur la valeur ajoutée.

Il y a certes deux manières d'organiser les droits des retraités : soit en épargnant aujourd'hui et en récupérant les revenus de cette épargne demain -, c'est le principe des systèmes par capitalisation - ; soit en affectant une fraction de la production aux inactifs - c'est le principe du système par répartition -.

Mais, sur un plan macroéconomique, quel que soit le système, il faut toujours que les actifs produisent ce qui sera réparti entre eux-mêmes et les inactifs. Ainsi, la manière dont le prélèvement sur les actifs destiné à financer les pensions s'opère à un moment donné - répartition ou capitalisation - est une question beaucoup moins déterminante que le niveau du prélèvement.

Dans tous les cas, les actifs devront s'abstenir de consommer ce qui ira aux inactifs, que ceci s'opère par le biais des cotisations sociales (répartition) ou par le biais des transferts financiers engendrés par l'épargne des retraités (capitalisation).

Deux observations sont traditionnellement avancées pour tempérer les conclusions d'une analyse qui n'est, en soi, pas contestée :

- La première tend à montrer qu'un haut niveau d'épargne garantit une croissance plus dynamique et que l'augmentation du PIB qui en résulte atténue les problèmes de répartition. Cette objection doit être fortement relativisée : le taux d'épargne est déjà particulièrement élevé en France et un peu plus de consommation serait sans doute souhaitable ; surtout, un PIB plus élevé ne modifie pas en soi les problèmes de répartition, dès lors que le taux de remplacement du revenu d'activité par la pension est inchangé.

- La deuxième tend à admettre la validité de cette analyse mais à observer que la ponction opérée sur les actifs pourrait concerner les actifs étrangers si l'épargne était orientée vers l'extérieur (notamment dans les zones ne connaissant pas le même cycle démographique et/ou à croissance plus dynamique).

Ultimes observations, auxquelles l'actualité conduit à porter une certaine attention : le développement de la capitalisation, qui devrait être important pour combler l'impasse financière prévisible (il faut une épargne égale à 80 % du PIB placée à 5 % pour financer le déficit prévisionnel de 4 points de PIB), n'est pas sans risque financier, le moindre n'étant pas qu'en raison de la pyramide des âges en Europe, tous les retraités vendent simultanément leurs actifs.

Malgré ces données difficilement contestables, les incertitudes de moyen terme sur les taux de remplacement servis par le système par répartition devraient inciter les ménages qui le peuvent à compléter leur pension par un mécanisme de capitalisation. Les placements en actions devraient bénéficier d'un développement de l'épargne retraite : comme cela a été montré précédemment, ces placements sont en effet ceux qui offrent la plus forte rentabilité à long terme.

L'économie française gagnerait elle aussi à la création d'un produit, largement accessible, d'épargne retraite. Le financement durable de l'économie requiert une épargne stable, investie dans une perspective de long terme. La préparation de la retraite amène les épargnants à envisager leurs placements dans une perspective de plusieurs décennies. Or, les produits d'épargne existant actuellement ont un horizon temporel nominal trop court pour investir largement en actions : huit ans pour l'assurance-vie, dix ans pour le PPESV.

Il existe déjà dans notre pays des produits de retraite par capitalisation, mais qui ne sont pas ouverts de la même manière à tous les Français, ce qui est source d'inéquité. Promouvoir l'épargne-retraite placée en actions ne doit cependant pas conduire à nier les risques inhérents aux actions, et à l'instabilité des marchés financiers ni le coût d'une généralisation de la Préfon. C'est pourquoi la création d'éventuels « fonds de pension à la française » devra s'accompagner d'une régulation adaptée. Une directive 29 ( * ) récemment adoptée par le Conseil des ministres de l'Union européenne fixe le cadre des règles prudentielles à appliquer.

I. DES DISPOSITIFS DE RETRAITE PAR CAPITALISATION EXISTENT DÉJÀ DANS NOTRE PAYS, MAIS NE COUVRENT QUE CERTAINES CATÉGORIES DE LA POPULATION

La baisse prévisible des taux de remplacement offerts par le système par répartition est un fort encouragement à la constitution d'un complément de retraite par capitalisation. Les dispositifs aujourd'hui existants forment un paysage très fragmenté, et ne couvrent que certaines catégories de Français, étant ainsi à l'origine d'un accès très inégal à l'épargne-retraite.

A. L'UTILITÉ D'UN COMPLÉMENT DE RETRAITE PAR CAPITALISATION

Il n'est pas nécessaire de revenir ici sur la problématique d'ensemble des retraites, qui a déjà fait l'objet de multiples rapports et études. Une telle analyse est d'autant moins indispensable que le Parlement débat en ce moment même d'une importante réforme des retraites.

Il convient toutefois de rappeler qu'une baisse des taux de remplacement par rapport au dernier salaire d'activité est inéluctable, à l'horizon 2020 et 2040, pour les salariés du privé, sous l'effet mécanique des réformes de 1993 pour le régime général et les régimes alignés, et sous l'effet des réformes de 1996 et 2001 pour les régimes complémentaires AGIRC-ARRCO.

Le tableau suivant décrit, pour des cas-types de carrières complètes, l'évolution tendancielle du taux de remplacement. La notion de carrière complète est d'ailleurs toute théorique, lorsque l'on sait, par exemple, que moins de la moitié des salariés du secteur privé sont encore en activité au moment où ils liquident leur retraite.

Évolution des taux de remplacement nets entre 2000 et 2040,
à réglementation inchangée

(en  %)

2000

2020

2040

Salarié non cadre du secteur privé ayant toujours perçu
le salaire moyen des non cadres

84

71

67

Salarié cadre du secteur privé ayant toujours perçu
le salaire moyen des cadres

75

62

58

Salarié cadre du secteur privé ayant eu une carrière très
ascendante

56

50

47

Fonctionnaires avec un taux de primes de 6 %
(exemple : personnel de service de la fonction publique d'État)

78

78

78

Fonctionnaires avec un taux de primes de 36 %
(exemple : cadre de la fonction publique d'État)

60

60

60

Moyenne pondérée

78

-

64

Source : Conseil d'orientation des retraites

De plus, le projet de réforme des retraites prévoit d'étendre aux fonctionnaires la règle de revalorisation des pensions en vigueur pour les salariés du privé, à savoir une revalorisation au rythme de l'indice des prix à la consommation, et non plus au rythme de l'augmentation des traitements des fonctionnaires en activité. Ce mode de revalorisation pourrait conduire à une baisse du pouvoir d'achat relatif des retraités par rapport à celui des actifs. Cette perspective devrait constituer une incitation supplémentaire à épargner en vue de la retraite.

* 29 Directive relative aux fonds de pension, adoptée le 13 mai 2003, non encore publiée au Journal officiel des communautés européennes.

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