C. LE DÉCLIN RELATIF DU NON COTÉ ET DE LA DÉTENTION DIRECTE

Dresser une typologie de la détention d'actions par les ménages conduit à distinguer :

- les actions cotées et les actions non cotées,

- la détention directe et la détention indirecte d'actions.

1. Déclin du non coté

Il n'est guère surprenant que les ménages détiennent principalement des actions non cotées. La grande majorité des sociétés par actions existant en France ne sont, en effet, pas cotées en Bourse.

QUELQUES DONNÉES STATISTIQUES SUR LES SOCIÉTÉS

1. Statistiques des sociétés au 1 er mars 2002

Le nombre des sociétés immatriculées dépasse largement le million. Selon les statistiques fournies par l'INSEE, elles se répartissaient de la façon suivante à la date du 1 er mars 2002.

Type de société

Nombre

Pourcentage

SARL

845 470

68,12 %

Sociétés civiles

182 287

14,69 %

Sociétés anonymes

149 108

12,01 %

Sociétés en nom collectif

29 150

2,36 %

Sociétés par actions simplifiées

24 890

2,00 %

GIE* et GEIE**

8 973

0,72 %

Sociétés en commandite

1 330

0,10 %

Total

1 241 208

100 %

* Groupements d'intérêt économique
** Groupements européens d'intérêt économique

Les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiées, et une partie des sociétés en commandite, émettent des actions.

2. Sociétés françaises cotées en 2002 :

Premier marché :

425

Second marché :

347

Nouveau marché :

164

Total :

936

Toutefois, la tendance récente est à un déclin de la part du non coté dans le patrimoine des ménages. En 1977, 71 % des actions détenues étaient non cotées, contre seulement 60 % en 2001 .

Montant des actions détenues par les ménages en France, coté/non coté

(en millions d'euros)

Source : calcul CGP à partir des comptes financiers

Cette évolution de la répartition entre coté et non coté reflète une évolution de l'offre : les sociétés cotées sont devenues plus nombreuses, en raison des privatisations, et du choix d'un nombre croissant de chefs d'entreprise d'introduire leur société en Bourse.

Précisons que le graphique ci-dessus a été réalisé à partir de la valeur des actions non cotées, telle qu'elle a été estimée par le groupe de travail « Actions non cotées », créé par le Commissariat général du Plan. Cette précision est d'importance puisque ce groupe de travail a estimé qu'une évaluation réaliste de la valeur des actions non cotées détenues par les ménages supposait de diviser par 2,1 l'estimation proposée par les comptes nationaux.

L'estimation proposée par les comptes nationaux est fondée sur une étude de l'Observatoire des entreprises de la Banque de France, qui indique que, en moyenne, 35 % du capital d'une entreprise est détenu par les ménages. Ce ratio, qui n'est pas pondéré par la taille des entreprises, a été utilisé pour évaluer le montant d'actions non cotées détenues par les ménages. Or, cette méthode est des plus approximatives, dans la mesure où la proportion d'actions détenues par les ménages décroît avec la taille des entreprises. Les ménages détiennent donc bien moins de 35 % des actions non cotées.

L'évaluation proposée par le Commissariat général du Plan est ainsi de 463 milliards d'euros en 2001 pour les actions non cotées détenues par les ménages (l'estimation présentée dans les comptes financiers est de 973 milliards d'euros).

2. Repli de la détention directe

Les ménages peuvent détenir des actions de manière directe ou de manière indirecte, c'est-à-dire via des instruments de placement composites (titres d'OPCVM, assurance-vie), gérés par les investisseurs institutionnels (l'encadré 1 présente les grandes catégories d'investisseurs institutionnels, et les principales caractéristiques des produits d'épargne qu'ils proposent).

La détention directe d'actions reste prédominante dans notre pays (65 % du total en 2001) . Elle est cependant en recul au fil des ans : le nombre d'actions détenues de manière indirecte par les ménages a été multiplié par trois depuis 1977. Cette augmentation tient plus aux progrès de l'assurance-vie (76 % du total) que des OPCVM.

Montant des actions détenues par les ménages en France, direct et indirect

(en millions d'euros)

Source : calcul CGP à partir des comptes financiers

Le déclin relatif de la détention directe n'est pas sans lien avec le déclin du non coté : en effet, la plupart des actions non cotées sont détenues en direct. Au-delà de cette relation arithmétique, le choix de la détention indirecte s'explique aussi par des justifications économiques. Allen et Santomero 10 ( * ) mettent en avant le rôle des coûts de participation comme élément explicatif du choix des ménages pour des placements intermédiés. Leur analyse part du constat que, face à la sophistication croissante des marchés financiers, la gestion d'un portefeuille d'actions requiert un effort d'acquisition et d'utilisation de l'information de plus en plus important pour les investisseurs. Par leurs compétences, éventuellement renforcées par une spécialisation pertinente, les intermédiaires financiers offrent un service essentiel aux épargnants. L'avantage qu'ils procurent est encore accru lorsque l'épargne est placée en titres étrangers (l'accès à l'information utile est alors encore plus difficile).


ENCADRÉ 1 :
LES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS ET LES PRODUITS D'ÉPARGNE EN ACTIONS

Trois grands types d'investisseurs institutionnels existent dans le monde : les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ; les compagnies d'assurance ; et les fonds de pension. Seuls les deux premiers types d'acteurs sont fortement présents en France.

a) Les organismes de placement collectif en valeur mobilière :

Les OPCVM, ou fonds mutuels d'investissement, se subdivisent eux-mêmes en trois catégories de fonds. On distingue en effet :

- les sociétés d'investissement à capital variable (SICAV) : ces fonds se caractérisent par la variabilité de leurs fonds propres, qui dépendent des entrées et sorties continues de souscriptions ;

- les sociétés d'investissement à capital fixe (SICAF) : le capital du fond ne dépend pas des entrées et sorties de souscriptions, mais seulement de la valeur des investissements sous-jacents ;

- les « unit trusts » : ces fonds, présents dans les pays anglo-saxons, investissent dans un portefeuille dont la composition ne varie pas pendant la durée de vie du fonds.

Les SICAV sont prédominantes en France, et en Europe continentale de manière générale, tandis que les deux autres catégories de fonds sont plutôt répandues aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

Une autre classification des OPCVM peut être opérée selon le type de placements qu'ils proposent :

- les fonds du marché monétaire sont principalement investis dans des titres de dette de court terme, c'est-à-dire avec une maturation de moins de douze mois ;

- les fonds obligataires sont investis dans des titres de dette de plus long terme, émis par les entreprises, ou, principalement, par les administrations publiques ;

- les fonds actions sont placés dans des actions de sociétés ; ils sont plus ou moins risqués, selon les stratégies de placement choisies par les gestionnaires du fonds ;

- enfin, les fonds mixtes optent pour des placements diversifiés, mêlant actions et obligations.

Naturellement, seuls les fonds actions ou mixtes sont des véhicules de l'épargne en actions des ménages.

Les OPCVM ont une importante clientèle de particuliers. Mais ils tendent de plus en plus à devenir des prestataires de services de gestion pour le compte d'autres investisseurs institutionnels, fonds de pension ou assureurs-vie.

b) L'assurance-vie : les compagnies d'assurance-vie sont également d'importants détenteurs d'actions.

Il existe deux grandes classes de produits d'assurance-vie :

- des produits prévoient, à la sortie du contrat, le versement d'une somme fixée à l'avance, ou, au moins, d'une somme minimale garantie ;

- d'autres produits ne garantissent aucun rendement précis pour le client : ce qu'il touche dépend simplement de la rentabilité des investissements effectués.

Les contraintes imposées aux assureurs pour limiter leur prise de risque ont été assouplies dans la plupart des pays européens dans les années 1990, ce qui a favorisé les placements en actions.

c) Les fonds de pension : peu répandus en France, à l'exception de la Préfon, ils jouent un rôle essentiel dans les pays anglo-saxons. Ce sont à la fois des instruments d'épargne-retraite pour les ménages, et d'importants acteurs du financement de l'économie.

Leurs horizons de placement très longs les différencient des OPCVM ou des assureurs-vie. Les possibilités de retrait avant terme des fonds par les épargnants sont généralement très limitées. Cette organisation favorise les placements en actions qui sont les plus rentables à long terme.

La répartition du risque entre le fonds de pension et l'épargnant n'est pas la même selon que l'on a souscrit à un fonds à prestations définies ou à cotisations définies :

- dans les fonds à prestations définies, l'épargnant est assuré de toucher, pendant sa retraite, un certain niveau de pension, sauf défaut du fonds ;

- dans les fonds à cotisations définies, l'épargnant choisit entre différents instruments de placement qui présentent des profils de risque et de rendement variés ; la pension qu'il percevra sera fonction de la rentabilité des placements effectués.

Aux Etats-Unis, pays où les fonds de pension sont les plus développés, les fonds à prestations définies demeurent largement majoritaires, mais perdent du terrain au profit des fonds à cotisations définies .

* 10 Allen F.A. et Santomero A.M. (2001), « What do financial intermediaries do ? », Journal of Banking and Finance, n° 25.

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