22. Audition de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) (2 juillet 2003)
La mise en place du réseau Natura 2000 représente un véritable enjeu de développement durable et d'aménagement du territoire. Les espaces qui abritent une grande biodiversité et qui méritent d'être protégés sont presque toujours concernés par des activités économiques ou des activités de tourisme ou loisirs.
Une gestion adaptée des habitats naturels et des habitats de la faune et de la flore sauvages est certes une nécessité. Toutefois, cette gestion des sites doit pouvoir prendre en compte les particularités économiques, sociales et culturelles locales ou régionales afin de ne pas geler le développement économique des territoires. Si la conservation des habitats et des espèces naturelles est aujourd'hui permise sur certains territoires, c'est bien parce que les activités et les pratiques économiques ont permis de les sauvegarder jusqu'ici.
L'enjeu est d'autant plus important pour les entreprises que tous les projets et programmes susceptibles d'affecter de façon notable un ou plusieurs sites sont concernés. L'impact pour l'activité économique ne s'arrête donc pas au périmètre du site Natura 2000.
Compte tenu de ces considérants, on ne peut que déplorer l'insuffisance de la concertation avec les acteurs économiques.
- Le ministère chargé de l'environnement a créé en 1997 un comité national de suivi Natura 2000. Les membres de ce comité se sont pleinement investis dans la préparation d'un projet de loi Natura 2000 et son décret d'application. Sont ressorties de ce débat de multiples propositions ou suggestions qui n'ont été reprises dans aucun des textes publiés en 2001, que ce soit l'ordonnance du 3 janvier ou les décrets du 8 novembre et 20 décembre. De plus, les membres du Comité national de suivi ont pu constater que la procédure des ordonnances privait le pays d'un débat parlementaire sur ce sujet de société.
En outre, le Comité national de suivi n'a pas encore d'existence officielle reconnue par les textes.
- Le manque de concertation se retrouve au niveau local lors de la procédure de désignation des sites Natura 2000, qui n'associe pas de manière systématique l'ensemble des acteurs locaux. Ce manque de concertation est également tangible avec la suppression, en 2001, du caractère obligatoire des comités départementaux de suivi Natura 2000. Véritable instance de dialogue entre tous les acteurs, leur création et leur fonctionnement sont désormais soumis au bon vouloir des préfets alors que jusqu'alors ces comités avaient une existence officielle prévue par les textes.
- Les entreprises et leurs représentants souhaitent être partie prenante à la désignation des périmètres des sites. Le décret du 8 novembre 2001 relatif à la désignation des sites Natura 2000 prévoit une consultation limitée aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale sur le territoire desquels est localisée en tout ou partie la zone envisagée. Cette consultation est certes nécessaire mais insuffisante car Natura 2000 aura également un impact très fort sur les projets situés à proximité du site.
La circulaire du 26 juillet 2002 de la ministre chargée de l'environnement va dans le sens d'une plus grande concertation car elle incite les préfets à dialoguer avec les représentants des activités économiques. Toutefois, cette circulaire ne saurait donner une reconnaissance officielle et une portée juridique réelle à cette consultation.
Il serait donc opportun de modifier le décret du 8 novembre 2001 afin d'élargir le champ de la concertation à tous les acteurs économiques lors de la désignation d'un site.
- Il conviendrait également de renforcer la publicité foncière lors de cette désignation. Les entreprises sont très souvent dans l'incertitude à propos de la définition d'un périmètre Natura 2000. Aujourd'hui, la délimitation des sites repose sur une cartographie au 1/25.000 e , sans se référer à la parcelle cadastrale. A cette imprécision géographique, vient s'ajouter l'absence de toute publicité ou information pour les entreprises concernées.
Par conséquent, c'est lors du dépôt d'un dossier pour la réalisation d'un projet ou programme que les entreprises vont avoir connaissance de leur présence sur ou à proximité d'une zone protégée. Cette situation peut être très grave pour une entreprise qui s'est engagée dans un projet de modernisation ou développement et qui le voit bloqué. Sa survie économique peut être remise en cause.
L'ACFCI considère qu'il y a une urgence à clarifier le zonage Natura 2000, qui doit se référer au fond cadastral. Elle demande que soient mis en place des dispositifs d'information des propriétaires ou exploitants directement concernés et des entreprises situées à proximité d'un site. Elle suggère que les Chambres de commerce et d'industrie constituent le relais de l'information sur les sites Natura 2000 pour les entreprises.
S'agissant de l'élaboration des documents d'objectifs, le décret du 20 décembre 2001 prévoit que le comité de pilotage Natura 2000 est associé à cette étape du processus. Ce comité peut être complété notamment par des représentants des concessionnaires d'ouvrages publics, des gestionnaires d'infrastructures, des organismes consulaires. Les CCI sont donc associées à l'élaboration des documents d'objectifs. Toutefois, une clarification s'impose quant à la portée du document d'objectifs sur les activités situées à proximité d'un site Natura 2000.
- Les infrastructures existantes ou en projet méritent une attention particulière notamment lorsque des sites ont une superficie très importante (exemple de la Sologne) ou lorsqu'ils sont susceptibles de fractionner des bassins d'emploi ou d'activités cohérents.
Le décret du 20 décembre 2001 relatif à la gestion des sites est très contraignant pour les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements situés en dehors du périmètre d'un site Natura 2000. Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de façon notable un ou plusieurs de ces sites, ces projets doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences éventuelles au regard des objectifs de conservation de la directive Habitats. Les entreprises sont susceptibles d'être concernées non seulement pour le développement ou la modernisation de leur activité principale, mais aussi pour toutes leurs activités connexes : transports, entrées-sorties d'entreprises, approvisionnements, prélèvements d'eau, etc.
- Un certain nombre d'activités économiques cohabitent et ont cohabité avec des espèces protégées. La création de certaines infrastructures gérées par les CCI a également contribué à créer dans leur voisinage immédiat des habitats naturels et des zones de reproduction des oiseaux exceptionnels. Dans beaucoup de situations, les entreprises contribuent et ont contribué à la conservation d'espaces naturels. Il est donc important que les entreprises (commerciales, industrielles, de services ou de tourisme) déjà implantées sur des sites Natura 2000 ou à proximité immédiate puissent être assurées de leur pérennité et continuer à se développer. En effet, le maintien de l'activité ne peut être assuré sans une possibilité de modernisation ou de développement.
L'ACFCI demande d'associer les représentants des entreprises à la clarification de la notion d'« affectation notable », en fonction de critères tels que la distance par rapport au site Natura 2000, la topographie, l'hydrographie, le fonctionnement des écosystèmes, la nature et l'importance du projet, les caractéristiques du projet, du site et des objectifs de conservation.
Natura 2000 peut devenir un véritable outil de valorisation des territoires ruraux. Le rapprochement entre les outils Natura 2000 et contrats d'agriculture durable (ex CTE) en est la meilleure illustration.
Cependant, cette approche contractuelle ne doit pas se cantonner au monde agricole. C'est pourquoi l'ACFCI préconise la création d'un « contrat d'entreprise durable ». Force est de constater qu'aujourd'hui aucune contrepartie financière n'est prévue pour les entreprises dans le cadre des contrats Natura 2000.
Pourtant l'impact de Natura 2000 n'est pas à négliger lors de l'installation ou lors du développement d'une entreprise. Des moyens financiers pourraient être associés aux investissements, aux coûts supplémentaires, aux mesures correctives ou compensatoires liées à Natura 2000. Ces financements s'inscrivent pleinement dans les actions de gestion allant dans le sens de la conservation ou la protection des espèces et rentrent dans les objectifs affichés par la Stratégie nationale de développement durable présentée par le Gouvernement.