B. IDENTIFIER DES PRIORITÉS DE L'ACTION PUBLIQUE EN CRÉANT DE NOUVELLES MISSIONS INTERMINISTÉRIELLES
1. La mission « Stratégie de l'aménagement du territoire »
Bien que l'aménagement du territoire constitue l'un des axes forts de la politique gouvernementale, il n'apparaît pas au niveau des missions dans la maquette présentée le 21 janvier 2004 par le gouvernement. Dans la mesure où de nombreuses interventions de l'Etat, relevant de ministères différents, participent de l'aménagement du territoire, la constitution d'une mission interministérielle retraçant l'ensemble des crédits y afférents ne saurait être envisagée, ainsi que le souligne la note d'orientation précitée sur l'interministérialité et la LOLF ; il serait en effet difficile d'identifier les crédits qui devraient y être inclus, et une telle mission conduirait à fragmenter de manière excessive le budget de l'Etat, contrevenant à la logique de fongibilité des crédits prévue par la LOLF.
Votre commission des finances vous propose donc de regrouper les seuls programmes « structurants » de cette politique dans une nouvelle mission interministérielle intitulée « Stratégie de l'aménagement du territoire » . Elle rassemblerait les programmes « Aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'Etat » de l'actuelle mission « Premier ministre », ainsi que les programmes « Soutien des politiques d'équipement », « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique » et « Information géographique et cartographique » de la mission « Logement, aménagement et tourisme ».
Faute de regrouper les crédits d'une politique identifiable comme telle, la mission « Logement, aménagement et tourisme » proposée dans la maquette gouvernementale présentée le 21 janvier 2004 serait ainsi éclatée entre les missions « Stratégie de l'aménagement du territoire », « Logement et urbanisme » (pour le programme « Logement ») et « Politique économique » (s'agissant du programme « Tourisme »).
Le programme « Aménagement du territoire » regroupe en fait les crédits de la DATAR (soit 267 millions d'euros), qui ne représentent que 2,5 % des crédits destinés à l'aménagement du territoire (7 milliards d'euros en autorisations de programmes et 11 milliards d'euros en crédits de paiement d'après le « jaune » budgétaire Aménagement du territoire ). Le montant budgétaire de la nouvelle mission interministérielle « Stratégie de l'aménagement du territoire » pourrait atteindre, au total, 1,8 milliard d'euros.
L'élaboration de la nouvelle nomenclature budgétaire doit ainsi être l'occasion de définir une politique ambitieuse d'aménagement du territoire, en identifiant les crédits correspondant à une action réellement programmatique . Il apparaît par ailleurs souhaitable qu'un document de politique transversale (DPT) permette de retracer l'ensemble des dotations concourant à l'aménagement du territoire, ainsi que les objectifs correspondants.
Votre commission des finances observe que le programme « Interventions territoriales de l'Etat » (PITE) est le seul à ne faire l'objet d'aucune dotation dans l'actuelle nomenclature budgétaire. Interrogé sur le périmètre de ce nouveau programme par notre collègue François Marc, rapporteur spécial des crédits des services généraux du Premier ministre, le cabinet du Premier ministre a répondu qu'il s'agissait de regrouper des crédits destinés à des interventions territoriales relevant de plusieurs ministères. Le PITE serait ainsi destiné à rassembler, afin d'assurer une transversalité au niveau local, les moyens consacrés à une politique territoriale sur une zone faisant face à un problème spécifique, exigeant une action coordonnée.
En particulier, les crédits du programme pluriannuel d'investissements exceptionnels (PIE) en Corse devraient être inscrits sur ce programme. Le gouvernement devrait préciser, d'ici la fin de l'année, les autres actions qui relèveraient du PITE, et par conséquent le montant prévisible de ce programme.
Le responsable du PITE relèverait des services du Premier ministre, mais les crédits seraient gérés par les services déconcentrés du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La création du PITE répondrait d'ailleurs à une demande des préfets.
Si votre commission des finances reconnaît la nécessité de prévoir des actions transversales dans la nouvelle nomenclature budgétaire, elle veillera à ce que le PITE fasse l'objet d'une information suffisante du Parlement, et ne constitue pas un programme à géométrie variable, qui ne répondrait pas aux conditions de cohérence et de stabilité voulues par le législateur organique, et reviendrait à « sanctuariser » des crédits en les soustrayant au principe de fongibilité.
2. Le cas particulier des autorités administratives indépendantes et des juridictions financières : une nouvelle mission « Transparence et régulation de l'action publique »
Votre commission des finances vous propose enfin de créer une mission entièrement nouvelle traduisant les fonctions de régulation et d'audit des finances de l'Etat et reflétant, au sein même de la nomenclature budgétaire, l'objectif fondateur de la LOLF de transparence et de lisibilité de l'action publique.
La mission « Transparence et régulation de l'action publique » serait constituée de deux programmes , « Juridictions financières » et « Autorités administratives indépendantes » .
Le programme « Juridictions financières », actuellement rattaché à la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », regroupe les crédits de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, dont la gestion relève déjà de la Cour des comptes, et dont le responsable devrait être le premier président de la Cour des comptes.
On rappellera que le 5° de l'article 58 de la LOLF a investi la Cour des Comptes d'une mission de « certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'Etat. Cette certification est annexée au projet de loi de règlement et accompagnée du compte rendu des vérifications opérées ». Auditeur et certificateur des comptes de l'Etat, la Cour des Comptes effectue ainsi des missions non exclusivement juridictionnelles, la distinguant des juridictions administratives et judiciaires.
Le programme « Autorités administratives indépendantes », regrouperait un ensemble d'organismes comme l'Autorité de régulation des télécommunications, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ou le Conseil de la concurrence, traités de manière hétérogène dans la nomenclature présentée par le gouvernement le 21 janvier 2004. On rappellera que le gouvernement avait souhaité faire figurer les autorités administratives indépendantes dans les programmes de politiques correspondant à leurs finalités. Toutefois, ce n'était pas le cas de l'ensemble des autorités administratives indépendantes, le Conseil supérieur de l'audiovisuel figurant par exemple au sein de la mission « Premier ministre » plutôt que dans la mission « Médias ».
Compte tenu de cette diversité et du statut spécifique des autorités administratives indépendantes, il semble que le responsable de ce programme pourrait relever des services du Premier ministre. La mission « Transparence et régulation de l'action publique » revêtirait ainsi un caractère interministériel.
Le regroupement des autorités administratives indépendantes dans un même programme assurerait la séparation des crédits du régulateur et des administrations compétentes, en évitant que la règle de fongibilité au sein d'un programme ne s'opère au détriment du régulateur. Cette option serait ainsi de nature à conforter et à harmoniser le statut d'autonomie dont jouissent les autorités administratives indépendantes.