EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 30 juin 2004 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Philippe Marini , rapporteur général , sur le débat d'orientation budgétaire .
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a commencé son exposé en indiquant qu'il avait axé son analyse autour de l'idée de stabilisation, qui devait concerner à la fois la dépense publique, le solde budgétaire, l'endettement, tout du moins, a-t-il précisé, à moyen terme, ainsi que la fiscalité. Il a estimé que cette stabilisation devait être conçue dans un cadre macro-économique cohérent et prudent. Il a mis en garde contre une éventuelle surestimation du taux de croissance en 2005, rappelant que si les chiffres semblaient aujourd'hui plus favorables, on ne connaissait pas ceux du second semestre. Considérant qu'il était dangereux d'arbitrer les choix budgétaires en fonction d'un taux de croissance surévalué, il lui a paru préférable de faire preuve de prudence budgétaire, quitte, en cas de différentiel positif du taux de croissance, à répartir un surplus de recettes.
Il a indiqué que, pour l'année 2005, le rapport soumis au parlement par le gouvernement en vue du débat prévoyait un rythme de croissance de 2,5 % qu'il a comparé aux taux anticipés par les économistes du « consensus » dont la moyenne se situait à 2,1 %. Il a fait remarquer que les prévisions du gouvernement faisaient apparaître le paradoxe suivant : alors que la prévision de croissance était inférieure à celle des économistes, la prévision de déficit public était, elle aussi, plus faible.
En ce qui concerne le cadrage macro-économique, il a estimé que le taux de croissance n'était pas la seule variable et qu'il fallait également prendre en compte les prix des matières premières et, en particulier, ceux des produits pétroliers. A ce sujet, il a estimé utile d'interroger le gouvernement, afin de connaître la moyenne annualisée des prix des produits pétroliers prévue pour 2005. De même, il a indiqué qu'il fallait prendre en compte les prévisions d'inflation ainsi que celles des taux d'intérêt à long terme, dont il a rappelé l'impact, potentiellement redoutable, sur la dette. Il a également insisté sur le danger des promesses reposant sur des recettes non concrétisées. Soulignant que les engagements pris jusqu'ici constituaient une réalité dont le coût estimé devait être pris en compte à dépense globale constante, c'est-à-dire financés par redéploiement, il a précisé que, pour l'année 2004, il demeurait des incertitudes sur le montant des recettes fiscales, qui pourraient soit être inférieures de 3 milliards d'euros aux prévisions, soit leur être supérieures de 2 milliards d'euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général , a rappelé que, dans le passé, les allègements d'impôts qui n'avaient pas été accompagnés de réformes structurelles, avaient dégradé le solde des finances publiques. Puis il a estimé insuffisant l'effort de maîtrise du déficit structurel sur la longue période, qu'il a jugé responsable de l'importance des déficits actuels. Il a déclaré que la conséquence en était manifeste au niveau de l'endettement public, dont la part en pourcentage du produit intérieur brut avait augmenté de 25 points depuis 1992, relevant à cet égard que la période de haute conjoncture des années 1999-2000 en avait tout juste freiné la croissance.
Puis il a abordé la question théorique de l'affectation d'un éventuel surplus de recettes. Il a rappelé que M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, proposait de prendre des engagements selon lesquels un éventuel surplus serait consacré pour l'essentiel à la réduction de la dette, et pour la part restante, à des investissements tournés vers le futur, le surplus ne devant en aucun cas être utilisé pour abonder les budgets de fonctionnement.
Ensuite, il a évoqué brièvement les impératifs européens et les procédures mises en oeuvre par la commission à l'égard des 11 Etats en situation de « déficit excessif ». Il a fait état des réflexions de la Commission européenne sur l'adaptation du pacte de stabilité et de croissance.
Il a également abordé la question du contenu du futur projet de budget pour 2005 et a souhaité dégager les grandes lignes de la stratégie fiscale de la commission des finances. S'agissant des dépenses, il a indiqué que les départs en retraite constituaient la seule véritable marge de manoeuvre des budgets de fonctionnement et, qu'en outre, le rythme actuel des départs en retraite ne se traduisait pas par des économies sur le budget de l'Etat mais par des charges nouvelles de pensions. Aussi, il a estimé indispensable de disposer d'une vision globale des masses budgétaires, afin de jouer le jeu de la performance, en particulier dans le nouveau cadre budgétaire défini par la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
M. Philippe Marini, rapporteur général , a ensuite évoqué la problématique du patrimoine de l'Etat. Il a déclaré que la croissance en volume de la dette ne pouvait être contenue que si le déficit ne dépassait pas 2,5 points de PIB. Il s'est demandé s'il ne serait pas plus opportun de freiner la dynamique de la dette par des cessions d'actifs publics plus importantes, indiquant que le montant total des participations de l'Etat atteignait 50 milliards d'euros dans les sociétés cotées et environ 70 milliards d'euros dans des sociétés non cotées. Convenant qu'il s'agissait d'un montant relativement faible, il a néanmoins estimé qu'il était suffisant pour entamer un processus d'assainissement des finances de l'Etat.
Il a ensuite affirmé que le système fiscal français était quasiment « à bout de souffle », jugeant qu'il reflétait le non-choix, l'empilement des diverses politiques fiscales, pour constituer un ensemble exagérément complexe, et parfois contradictoire. Il a rappelé que l'impôt sur le revenu rapportait environ 50 milliards d'euros de recettes, alors que les « niches » fiscales constituaient un manque à gagner d'un montant à peu près équivalent pour le budget de l'Etat. Dans l'hypothèse théorique où ces « niches » seraient supprimées, il a estimé qu'il serait possible d'alléger substantiellement son barème. Il a également évoqué la piste d'une réunification de la contribution sociale généralisée et de l'impôt sur le revenu. Enfin, concernant l'imposition du capital, il en a rappelé le caractère néfaste et a souhaité son allègement.
A l'issue de cet exposé, un large débat a eu lieu.
M. Jean Arthuis, président , s'est réjoui de ce que le taux de croissance prévu en 2005 soit supérieur à 2 % mais a souhaité qu'il soit fait preuve de prudence. Concernant l'affectation des surcroîts de recettes fiscales imprévues, il a estimé que la vraie sagesse consisterait à les consacrer intégralement à la réduction du déficit et donc de la dette publique. Il a par ailleurs salué la constance de la position de la commission des finances concernant ses propositions de réforme fiscale.
M. Yves Fréville a estimé que la question de la réduction du déficit structurel n'apparaissait pas clairement dans les projets gouvernementaux.
M. Gérard Miquel a estimé que la situation délicate des finances publiques confirmait que les mesures prises depuis deux ans n'étaient pas opportunes, et a cité, en particulier, la baisse de l'impôt sur le revenu. Il a rappelé que son groupe avait proposé de plafonner les possibilités de réduction fiscale à hauteur de 50 % de l'impôt à payer. Il a par ailleurs jugé regrettable la multiplication des outils de défiscalisation et estimé qu'il devait être mis un terme à ces pratiques. Enfin, il s'est inquiété de ce que le retour de la croissance n'ait pas forcément comme corollaire la décrue du nombre de chômeurs, du fait des délocalisations croissantes.
M. Jean-Philippe Lachenaud a souhaité savoir s'il existait une évaluation des conséquences de la remontée des taux d'intérêt sur la dette. Il a également souhaité avoir des informations sur la politique de gestion des effectifs et a enfin estimé que le débat fiscal n'avait pas encore eu lieu.
M. Roland du Luart a fait remarquer que la croissance reprenait surtout dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, alors qu'elle semblait moins vive dans le secteur industriel. Il a par ailleurs jugé qu'il serait plus parlant d'expliquer aux contribuables que les recettes de l'Etat ne couvraient pas ses dépenses à hauteur de 22 % plutôt que de parler en termes de pourcentage de produit intérieur brut. Il s'est inquiété également de ce que 80 % de l'impôt sur le revenu serve à couvrir les intérêts de la dette. Enfin, il a jugé le nombre de ministres pléthorique et responsable du montant élevé de propositions de dépenses.
M. Aymeri de Montesquiou a estimé que l'écart de 0,4 point entre les prévisions de croissance des instituts et celles du gouvernement était important. Il a souhaité savoir si le coût de la réforme de la taxe professionnelle était pris en compte dans les projets gouvernementaux. Il a, par ailleurs, estimé utile d'actualiser la courbe des prix des produits pétroliers en fonction du dernier état du marché. Enfin, il a considéré que la politique européenne de défense devait avoir une incidence sur les budgets militaires et que tous les pays devaient faire un effort.
M. Michel Moreigne est intervenu pour demander des précisions sur les prévisions de recettes au titre de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP).
M. Yann Gaillard a demandé comment le gouvernement entendait s'impliquer dans le débat d'orientation budgétaire.
Enfin, M. Jean Arthuis, président , a insisté sur la nécessité d'affecter intégralement les surplus de recettes à la réduction du déficit.
M. Philippe Marini, rapporteur général , a d'abord répondu à M. Yann Gaillard , estimant que l'importance du débat budgétaire dépendait tout autant de l'implication des parlementaires que de celle du gouvernement, et a incité ceux-ci à saisir cette occasion pour exprimer largement leurs points de vue, évoquant la « méthode de l'ébranlement », qui consistait, selon lui, à poser des jalons dans le débat national, même si leurs effets ne devaient se faire sentir qu'à plus long terme.
Il a déclaré partager l'approche de M. Yves Fréville , en ce qui concerne l'insuffisante prise en compte de la réduction du déficit structurel.
En réponse à M. Jean-Philippe Lachenaud , il a indiqué qu'une hausse des taux d'intérêt de 1 % se traduirait par une augmentation de la dette de 1,1 milliard d'euros au bout d'un an et de 10 milliards d'euros à long terme.
A M. Gérard Miquel , il a déclaré que plafonner les déductions fiscales revenait à augmenter la pression fiscale.
Il a précisé, à l'attention de M. Aymeri de Montesquiou , que les recettes de taxe professionnelle en année pleine atteignaient environ 22 milliards d'euros.
Puis, en réponse à M. Michel Moreigne , il a indiqué que la baisse du rendement de la TIPP pouvait être liée à l'action du gouvernement en matière de sécurité routière, dans la mesure où un plus strict respect des limitations de vitesse avait pour conséquence une moindre consommation de produits pétroliers.
Enfin, il a qualifié de vertueuse la proposition de M . Jean Arthuis, président, consistant à affecter l'intégralité des excédents à la diminution de la dette.
A l'issue de ce large débat, la commission a donné acte au rapporteur général de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.