4. L'arrêt de la Cour de justice : 20 millions d'euros de somme forfaitaire et 57,8 millions d'euros d'astreinte par période de six mois
Sur la base de ces conclusions, la Cour de justice a, pour la première fois, dans son arrêt du 12 juillet 2005, condamné un Etat membre - la France - à payer à la Commission, sur le compte « Ressources propres de la Communauté européenne » :
- une somme forfaitaire, à hauteur de 20 millions d'euros 4 ( * ) ;
- et une astreinte, à hauteur de 57.761.250 euros pour chaque période de six mois à compter du prononcé de l'arrêt au terme de laquelle le premier arrêt de la Cour de justice, en date du 11 juin 1991, n'aura pas été exécuté pleinement.
Une charge financière répartie entre cinq ministères D'après les informations communiquées à votre rapporteur spécial, le paiement de la somme forfaitaire de 20 millions d'euros a été réparti comme suit entre cinq ministères : - 10 millions d'euros à la charge du ministère de l'agriculture, de la pêche et des affaires rurales, principal concerné ; - 2,5 millions d'euros à la charge du ministère de la défense, responsable des actions de la gendarmerie maritime ; - 2,5 millions d'euros à la charge du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, au titre de la direction générale des douanes et des droits indirects et de la direction générale de la consommation et de la répression des fraudes ; - 2,5 millions d'euros à la charge du ministère des transports et de l'équipement ; - 2,5 millions d'euros à la charge du ministère de la justice, les sanctions ayant été trop peu dissuasives. La même clé de répartition a été reconduite pour le paiement de l'astreinte de 57,8 millions d'euros, dont le paiement a été requis par la Commission le 1 er mars 2006. Le produit des sanctions pécuniaires payées par les Etats membres est versé au budget général de la Communauté, au titre de la catégorie « autre revenu de la Communauté » en application de l'article 269 du Traité CE et de la législation sur les ressources propres. |
Il convient de souligner que si la Cour de justice a décidé d'infliger le paiement d'une astreinte par période de six mois, c'est à la Commission européenne que revient l'appréciation de la nécessité ou non d'imposer effectivement le paiement de l'astreinte, en fonction des progrès réalisés par l'Etat membre pour se conformer à l'arrêt de la Cour de justice.
Dans le cas des « poissons sous taille », la Commission a ainsi estimé, le 1 er mars 2006, que la France n'avait pas encore pris toutes les mesures nécessaires pour s'acquitter pleinement des obligations que lui impose un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 juillet 2005 et que, en conséquence, elle devait s'acquitter d'une astreinte au titre des six premiers mois suivant cet arrêt. La France a décidé de contester la décision de la Commission, mais a toutefois déjà dû la payer.
Les raisons invoquées par la Commission pour appliquer l'astreinte « Qu'aurait dû faire la France à la suite du jugement de la CJE de juillet 2005 ? « Dans une correspondance adressée aux autorités françaises, l'an dernier, la Commission a défini l'action à laquelle elle s'attendait de la part de la France pour remplir ses obligations vis-à-vis de la Cour. Ceci impliquait la mise en place, par la France, d'un système de contrôle global, intégré et basé sur un cadre réglementaire adéquat, des inspections rigoureuses et complètes, l'organisation d'inspections selon une stratégie rationnelle. Ce système devait être mis en place de manière transparente et soutenue. Il y était aussi indiqué que le régime de sanctions devait garantir un effet dissuasif, comme requis par l'arrêt de la CJE. « La Commission y définissait aussi les diverses mesures qui devaient être prises dans chaque partie du contrôle concernée ainsi que les informations précises qu'elle s'attendait à recevoir en ce qui concerne les inspections en mer et dans les ports, les inspections de la première vente du poisson et du stade suivant ainsi que celle du transport. Des informations devaient aussi être fournies sur les infractions détectées durant ces inspections. La Commission avait aussi requis des détails concernant le suivi de ces infractions et des sanctions imposées. « Qu'a fait la Commission pour évaluer la situation en France ? « La Commission était en contact avec les autorités françaises afin de les informer des mesures qu'elle devait mettre en place et des informations que la France devait lui fournir (...). Des réunions ont eu lieu entre les services de la Commission et des représentants des autorités françaises . Des inspecteurs de la Commission ont aussi entrepris 7 visites en France afin de constater par eux mêmes quelle était la situation concernant la mise en oeuvre sur le terrain. La Commission s'est ensuite appliquée avec soin et de manière détaillée à évaluer toute l'information dont elle disposait avant de considérer sa décision. C'est sur la base des faits contenus dans cette évaluation que le Collège des Commissaires a décidé que la France n'avait pas encore pleinement exécuté l'arrêt de la CJE. « Quelles sont les faiblesses qui persistent ? « La Commission constate que la France a récemment pris des mesures. Toutefois, leur impact est encore limité. En outre, toutes les mesures annoncées n'ont pas encore été mises en oeuvre. D'autres, telles que les modifications dans la législation, qui étendent l'application des sanctions administratives à toutes les infractions aux règles communautaires de pêche, entrées en vigueur le 6 janvier 2006, sont trop récentes pour avoir un impact mesurable. « Faiblesses dans le contrôle « Les mesures prises pour renforcer l'efficacité du système de contrôle, en particulier par une coopération renforcée entre les inspections sur toute la chaîne d'activités, du navire jusqu'à la vente finale, n'ont pas encore mené à des changements opérationnels sur le terrain où les inspecteurs de la Commission ont noté l'absence d'une stratégie globale et le manque d'exploitation des données collectées durant des inspections en amont. « Des faiblesses ont été aussi notées dans le nombre, la qualité et la rigueur des inspections des activités de pêche, des débarquements, du transport et de la mise sur le marché du poisson. Cette situation était souvent due aux ressources humaines limitées employées à cette tâche ainsi qu'au manque de formation spécifique des inspecteurs. Ces faiblesses étaient dans bien des cas exacerbées par des rapports d'inspection inadéquats. En fait, des inspecteurs de la Commission ont constaté des infractions qui n'avaient pas fait l'objet de rapport écrit. « La Commission a aussi constaté que dans le département du Finistère qui, étant donné le nombre de pêcheries présentes dans cette zone, est particulièrement vulnérable aux débarquements de merlu sous taille, les inspections des débarquements pour 2005, jusqu'en novembre, ne représentaient pas plus d'un pour cent de tous les débarquements. Des pourcentages encore plus bas ont été enregistrés dans d'autres régions sensibles telle que la Loire et l'Aquitaine. « Suivi des infractions « La Commission constate que le système en place depuis juillet 2005 jusqu'au 6 janvier 2006 (lorsque la France l'a modifié) était insuffisant pour garantir la poursuite efficace des infractions. « Ainsi, en ce qui concerne le merlu sous taille, qui faisait l'objet du jugement de la Cour le 12 juillet 2005, les données les plus récentes font respectivement état pour 2004, 2005 et 2006, de quatre, sept et trois rapports d'infractions, sans aucune sanction imposée à ceux ayant enfreint les règles au cours de la même période. « La Commission en conclut que la France ne peut être considérée comme s'étant pleinement acquittée de ses obligations que lui imposait l'arrêt de la Cour. Elle invite donc la France à prendre les actions requises dans son courrier de l'an dernier afin qu'elle soit en mesure de déclarer que cet Etat membre est en conformité, d'ici juillet 2006. « Est ce que l'on n'aurait pas dû donner plus de 6 mois à la France pour mettre en place les mesures requises ? « L'arrêt de la CJE est clair et sur le montant de l'astreinte et sur la durée de chaque période d'évaluation, qui est de 6 mois. Tant la Commission que la France sont tenues par cet arrêt et ne peuvent modifier la durée de cette période d'évaluation. « Il est d'ailleurs utile de placer ce cas dans le contexte d'un manquement qui perdure depuis juin 1991. Entre-temps, deux avis motivés ont été envoyés par la Commission en 1996 et en 2000. En outre, le plan de reconstitution du merlu, adopté en avril 2004, exige que 20 % des débarquements de poisson provenant des pêcheries concernés soient entrepris en présence d'inspecteurs. Tous ces éléments, ajoutés au fait que la Commission avait décidé de se tourner de nouveau vers la Cour vu les manquements persistants de la France, auraient dû inciter cet Etat membre à rectifier les carences identifiées ». Source : Commission européenne |
* 4 Cette somme forfaitaire est plus faible que la somme demandée par l'avocat général dans ses conclusions, puisque celui-ci proposait d'infliger à la France le paiement d'une somme forfaitaire de 115.522.500 euros, correspondant à une année d'astreinte.