TRAVAUX DE LA COMMISSION : AUDITION POUR SUITE À DONNER À L'ENQUÊTE RÉALISÉE PAR LA COUR DES COMPTES, EN APPLICATION DE L'ARTICLE 58-2° DE LA LOLF, SUR LE SERVICE PUBLIC DE L'ÉQUARRISSAGE

Présidence de M. Jean Arthuis,

Président

Séance du

Mercredi 28 juin 2006

Ordre du Jour

- Audition de MM. Jacques Sallois, président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes, Olivier Mary, chef de mission à la direction générale de l'alimentation, Philippe Vinçon, sous-directeur de l'élevage et des produits animaux à la direction des politiques économique et internationale au ministère de l'agriculture et de la pêche, Bernard Bezeaud, directeur général adjoint du CNASEA, Olivier Caillou, chef de bureau à la 7 ème sous-direction de la direction du budget au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et de MM. Bertrand Oudry, attaché principal à la sous-direction des produits agricoles et alimentaires à la DGCCRF, Yves Berger, directeur général de l'ONIEP et Jean-Jacques Pinet, adjoint au chef de bureau à la direction du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales représentant le ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes relative au fonctionnement du service public de l'équarrissage (SPE).

__________

La séance est reprise à 11 heures 30.

M. le président - La séance est reprise.

Mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour une audition de suivi d'une enquête réalisée par la Cour des comptes, en application des dispositions de l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, qui prévoit la réalisation par la Cour des comptes « de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée Nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elles contrôlent ».

Il s'agit aujourd'hui d'une communication sur le fonctionnement du service public de l'équarrissage que la Cour des comptes a transmis à notre commission à la fin du mois de janvier 2006.

C'est un sujet complexe et particulièrement d'actualité puisque le service public de l'équarrissage a fait l'objet d'une réforme d'envergure dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2006, réforme sur laquelle la commission des finances du Sénat a dû se prononcer dans l'urgence et sans la base de cette enquête de la Cour des comptes qui lui aurait pourtant apporté un éclairage précieux.

Il m'a semblé, conformément à la procédure déjà suivie, qu'était nécessaire une audition conjointe des représentants des administrations compétentes sur le sujet du service public de l'équarrissage, en présence de M. Jacques Sallois, président de la 7 ème chambre, de MM. Jean-Pierre Lafaure et Francis Brun-Buisson, conseillers maîtres, et de M. Jean-Pierre Sekely, rapporteur.

S'agissant de l'administration, le ministère de l'agriculture et de la pêche sera représenté par M. Alain Cirot, directeur général adjoint de l'alimentation, et M. Philippe Vinçon, sous-directeur de l'élevage et des produits animaux à la direction des politiques économiques et internationales. Je voudrais également saluer la présence du directeur général adjoint du CNASEA, M. Bernard Bezeaud, ainsi que celle de M. Yves Berger, représentant l'Office national de l'élevage et des productions.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sera représenté par M. Bertrand Oudry, attaché principal à la sous-direction des produits agricoles et alimentaires à la DGCCRF et M. Olivier Caillou, chef de bureau à la 7 ème sous-direction de la direction du budget.

Enfin, le ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales est représenté par M. Jean-Jacques Pinet, adjoint au chef du bureau commerce, distribution et artisanat.

Cette audition est ouverte à la presse afin d'assurer un débat le plus ouvert et fructueux possible. Notons que, dans la même perspective, les membres de la commission des affaires économiques ont été invités à participer à cette discussion.

Vous avez tous reçu, mes chers collègues, copie de l'enquête de la Cour des comptes. Dans cette perspective, je compte sur chaque interlocuteur invité pour présenter très brièvement ses principales conclusions et laisser ensuite toute sa place à un débat le plus interactif et constructif possible dans lequel je donnerai prioritairement la parole aux deux rapporteurs spéciaux concernés. L'un, Joël Bourdin, avait suggéré fin 2004 le thème de cette enquête au nom de la commission des finances ; l'autre, Nicole Bricq, est l'actuelle rapporteure spéciale des crédits de la mission « sécurité sanitaire » qui englobe aujourd'hui le financement du service public de l'équarrissage.

Pour replacer les choses dans leur contexte, je souhaite rappeler que la communication de la Cour des comptes a notamment mis en évidence les failles de la gestion du SPE, et plus particulièrement l'impuissance de l'Etat et de ses représentants locaux à faire jouer les règles de mise en concurrence et de passation des marchés locaux, la dissociation de la fonction d'ordonnateur entre les préfets et le directeur général du CNASEA, l'insuffisance du contrôle du « service fait » par les équarrisseurs et enfin les difficultés financières associées à la gestion du SPE.

En outre, la communication de la Cour des comptes a souligné les incertitudes liées à la mise en oeuvre de la réforme votée en loi de finances initiale pour 2006, notamment économiques et financières, susceptibles de continuer à affecter la gestion et le coût du SPE. Elle estime ainsi que le recours à un appel d'offres pour l'exécution de ce service ne suffira pas à instaurer d'emblée un régime de concurrence dans une profession très concentrée et que des incertitudes continuent d'affecter le bilan financier du SPE : contentieux administratifs en cours, capacité des pouvoirs publics à obtenir des éleveurs une participation significative, conformément aux règles imposées par la Commission européenne.

Je rappelle aux membres de la commission des finances que nous aurons à prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour des comptes au sein d'un rapport d'information à la fin de cette audition.

Pour commencer, je donne la parole à M. Jacques Sallois, président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes pour présenter les principales conclusions de l'enquête réalisée par la Cour des comptes sur le fonctionnement du service public de l'équarrissage.

M. Jacques Sallois - Monsieur le Président, Madame le rapporteur spécial, Monsieur le rapporteur général, Mesdames et messieurs les sénateurs, avant de vous rappeler les observations que la Cour vous a communiquées sur ce sujet que vous avez qualifié fort justement d'austère, je voudrais, si vous le permettez, formuler deux observations liminaires.

La première concerne le contexte dans lequel la Cour est intervenue. A votre demande, le 1 er mars dernier, nous avons commencé nos investigations alors même que s'engageaient deux enquêtes.

Vous le savez, Monsieur le Président, les éléments d'information dont disposait l'Etat au début 2005 pour piloter ce service étaient, de l'avis général insuffisantes, irrégulières, peu fiables et au surplus, disparates dans leur origine et quant à leur contenu. C'est dans ces conditions que deux enquêtes ont été engagées, l'une sous le pilotage du COPERCI et visant à dresser le bilan du SPE et à proposer les principes de sa révision, l'autre confiée aux inspections générales des finances et de l'agriculture, visant à étudier le financement, le coût, le contrôle du SPE pour 2004.

Dès lors que ces travaux étaient engagés avant les siens, la Cour a veillé à conduire ses contrôles sur le terrain en évitant de redoubler les enquêtes des inspections.

Ayant pris connaissance, au début de l'automne, des conclusions des travaux des inspections, et, le 28 septembre, du projet de réforme confirmé par la loi de finances pour 2006, la Cour s'est placée dans une situation qui ne visait pas à apprécier la réforme mais à tenir compte des leçons du passé pour voir dans quelles conditions elle était susceptible de s'appliquer fructueusement.

Ma seconde observation sera pour rappeler les modifications fréquentes dont ce service a été l'objet depuis vingt-cinq ans. Je n'en ferai pas l'historique : le rapport de M. Rigaudière l'a fait remarquablement il y a peu d'années. J'en rappellerai seulement les grandes dates.

En 1975 s'instaure un service d'utilité publique basé sur un « subtil équilibre » - comme le qualifiait le sénateur Rigaudière - qui repose sur le monopole du traitement des sous-produits animaux destinés notamment à être transformés en farines pour l'alimentation du bétail, en contrepartie de l'obligation faite aux bénéficiaires d'assurer la collecte des animaux morts en élevage.

La viabilité économique de cette organisation était assurée par la valorisation des produits d'origine animale obtenus à partir des cadavres collectés par les équarrisseurs. Cette réglementation a permis à l'outil de production d'évoluer fortement. Il s'est considérablement concentré et remarquablement modernisé en l'espace de vingt ans.

En 1996, la crise de la vache folle, qui avait déjà suscité, depuis 1990, de nombreuses mesures réglementaires d'organisation sanitaire, rompt définitivement cet équilibre : les sous-produits animaux perdent toute valeur marchande et doivent être détruits, le champ de la collecte obligatoire des sous-produits est étendu aux matières à risques issues de l'activité des abattoirs, des ateliers de découpe et boucheries, dont la liste est progressivement étendue. Le maintien de la gratuité pour les éleveurs est assuré par un concours public et une taxe sur les achats de viande est simultanément instaurée.

En 2005, la conjugaison de la régression de l'épizootie, la multiplication des contestations professionnelles et communautaires, les problèmes posés par l'équilibre financier du système imposent une nouvelle réforme. Il s'agit de réduire le périmètre, désormais cantonné à l'élimination des cadavres d'animaux trouvés morts en exploitation, l'exclusion des déchets d'abattoir désormais sous-traités dans le cadre de relations contractuelles et d'une aide aux boucheries agréées pour la collecte des colonnes vertébrales prises en charge par le ministère chargé de l'artisanat.

Plusieurs mesures sont décidées : modification du système de la commande publique, nouvel équilibre financier avec le concours recherché des professionnels dans un nouveau mode de financement et enfin transfert de la gestion du CNASEA à l'OFIVAL devenu l'ONIEP (après fusion avec l'ONILAIT), qui doit intervenir dans les prochains jours.

Pour conclure ce propos introductif, et sans reprendre dans le détail l'essentiel du rapport de la Cour, extrêmement détaillé et précis, je voudrais simplement rappeler en deux points les grandes leçons qu'il tire du passé et les grandes questions qui subsistent aujourd'hui, en dépit de la mise en oeuvre de cette réforme.

La Cour tire deux grandes catégories de leçons de l'expérience passée.

Premièrement, elle constate l'impossibilité de faire jouer la concurrence et de maîtriser les tarifs dans le cadre d'un oligopole que l'Etat a organisé au cours des décennies précédentes.

Le secteur de l'équarrissage est fortement concentré. Il était géré à l'origine par deux grandes compagnies nationales peu à peu privatisées, dans le cadre de monopoles locaux départementaux.

De ce fait, la passation des marchés publics prévus par la loi de 1996, adoptée après la crise de la vache folle, et le bouleversement économique que cette crise a entraîné s'est avéré irréaliste. Comment faire jouer la concurrence dans un système où chacun, localement, est assuré d'un monopole, dans le cadre d'un pays où ces monopoles sont répartis entre deux grandes sociétés oligopolistiques ?

Devant cette impossibilité de mettre en oeuvre les dispositions de la loi de 1996 et la nécessité impérative d'assurer l'exécution du service public, les préfets ont logiquement eu recours à des réquisitions, parfaitement irrégulières au demeurant en raison de leur caractère systématique et permanent.

J'ajoute que vous ne disposiez pas d'informations économiques et financières fiables, malgré l'obligation de nature législative de présenter chaque année un rapport d'exécution au Parlement - rapport qui n'a été présenté que pour les premières années, de 1997 à 2000 - vous vous êtes sans doute lassés de le réclamer, puisque vous avez constaté dans la loi de février 2005 le fait que ce rapport n'était plus publié et ne l'avez même plus exigé.

Deuxième constat : l'extrême difficulté pour l'Etat de maîtriser les problèmes de gestion, de contrôle du service fait et de financement.

Dans le cadre d'un contrôle du CNASEA dont les conclusions avaient été communiquées en 2004 à votre commission, la Cour avait regretté la séparation entre l'ordonnateur et le comptable, le CNASEA et les préfets.

La Cour constate également que les prestations facturées au service public de l'équarrissage font l'objet d'un contrôle essentiellement documentaire et très inégal de la part des services déconcentrés de l'Etat. Il est de ce fait à l'origine de tolérances qui nous sont apparues excessives vis-à-vis des opérateurs, de telle sorte que la sincérité, la fiabilité, voire la régularité des déclarations peuvent fréquemment être mises en cause : mort des animaux non avérée, éligibilité non assurée au SPE en raison de la modicité des poids collectés, pesées imprécises, recours au SPE gratuit en lieu et place d'un service obligatoire et payant d'élimination des déchets de cliniques vétérinaires, déplacements systématiques générateurs de facturations rentables.

Une telle carence des administrations compétentes est difficilement compréhensible sur une aussi longue période.

Enfin, les fréquentes modifications de la réglementation en fonction de l'évolution des dispositions sanitaires visant à pallier dans l'urgence la conséquence de la maladie de la « vache folle », sans que les conditions de leur mise en oeuvre administrative soient précisément définies, ont lourdement affecté le bilan financier du SPE.

Je rappelle à cet égard que les dépenses publiques liées à la mise en oeuvre de la politique d'équarrissage ont dépassé 2,1 milliards d'euros à la fin de 2005.

Les difficultés financières ont été amplifiées par le refus de mettre à contribution les éleveurs en vertu du principe pollueur-payeur -qui trouve très difficilement à s'appliquer en agriculture- et par les conséquences des contentieux européens et professionnels suscités par l'assujettissement des grandes surfaces à la taxe sur les achats de viande, mode de financement qui n'avait pas été notifié aux autorités européennes et qui a été déclaré non conforme au droit communautaire, ce qui a conduit l'Etat à rembourser 387 millions d'euros.

Mais, au-delà de ces deux grandes catégories de leçons que la Cour tire du passé, je voudrais mettre l'accent sur les quatre grandes questions qui, selon nous, subsistent pour l'avenir en dépit de la réforme engagée.

La première concerne le risque contentieux qui continue d'affecter le bilan du SPE. Le refus par l'Etat de rembourser les taxes sur les achats de viande perçues entre 2001 et 2003, comme il l'a fait sur la période 1997-2000 - dans la mesure où ces recettes étaient budgétées dans la deuxième période afin de rompre le lien trop apparent entre le produit de la taxe et les aides publiques à l'équarrissage - fait l'objet d'un contentieux devant les juridictions administratives.

Les sommes en jeu sont très importantes puisque le produit de la taxe sur les achats de viandes entre 2001 et 2003 est de près de 1,7 milliard d'euros alors que, dans le même temps, le financement du SPE a représenté 1,1 milliard d'euros.

Un premier jugement du tribunal administratif de Marseille, en novembre dernier, avait ordonné le remboursement des taxes perçues après 2001. La cour administrative d'appel de Marseille, en décembre 2005, a rendu une décision favorable à l'administration en annulant la décision du tribunal administratif.

Pour autant, nous ne pouvons considérer la situation comme parfaitement réglée car 9.500 contentieux restent pendants.

Deuxième grande question : les objectifs et les conditions du transfert de la gestion du SPE à l'ONIEP, qui regroupe l'OFIVAL et l'ONILAIT, mériteraient d'être précisés.

Le transfert de la gestion du SPE, qui doit intervenir dans les tout prochains jours doit permettre de mettre un terme à la séparation entre ordonnateur et comptable, mais ce transfert n'est pas de lui-même, à nos yeux, de nature à résoudre l'ensemble des difficultés de gestion constatées par la Cour.

Dans l'immédiat, ce nouvel office ne pourra en effet que reprendre la gestion du marché public négocié après, nous allons le voir, un échec récent. Sans trahir le caractère confidentiel d'enquêtes soumises à contradiction, nous travaillons aujourd'hui sur la gestion de l'OFIVAL. Ce n'est qu'à l'issue de cette contradiction que nous pourrons être rassurés sur ses capacités à gérer, dans des conditions améliorées, le SPE.

En tout état de cause, il serait utile que l'ONIEP et ses administrations de tutelles précisent le dispositif qu'ils ont mis en place pour assurer la reprise de ce service de manière plus efficace, s'il est possible, que le CNASEA précédemment.

Troisième question, sans doute majeure : l'Etat est confronté à l'échec d'une nouvelle procédure de passation des marchés publics d'équarrissage.

La Cour avait souligné les incertitudes, voire l'impossibilité de lancer un appel d'offres national à lots départementaux dans les conditions d'organisation de la profession. L'administration elle-même reconnaissait que la décision de recourir désormais, pour l'exécution du service, à des appels d'offres nationaux ne suffirait pas, par elle-même, à instaurer d'emblée un régime de concurrence dans une profession très concentrée, juxtaposant des monopoles territoriaux de fait, suscités à l'origine par l'Etat lui-même.

Les premiers éléments dont dispose la Cour concernant cet appel d'offres confirment le bien-fondé de ces observations.

Le résultat de la passation du marché se traduit en effet par une forte hausse du coût du SPE et laisse apparaître des indices sérieux de concertation entre les opérateurs au point qu'on peut se demander si la réduction des coûts obtenus sur la sortie des abattoirs n'aurait pas pour contrepartie dans l'augmentation de ceux payés dans le cadre du SPE.

En tout état de cause, il serait souhaitable que les administrations concernées - agriculture et finances - précisent les suites qu'elles ont réservées à l'engagement d'une procédure de marché négocié, leur incidence sur les modes de gestion du SPE en cours de réforme et les enseignements qu'elles tirent, pour le moyen terme, des difficultés rencontrées pour instaurer un degré minimum de concurrence sur les marchés concernés.

Enfin, l'équilibre financier du SPE, au coeur de la réforme en cours, ne semble pas encore garanti.

Cette réforme a pour objectif essentiel de profiter du retour à une situation sanitaire normale pour alléger la charge des finances publiques en réduisant le périmètre du SPE au traitement des cadavres d'animaux, à l'exclusion des autres déchets soumis à réglementation.

Sur la base d'une estimation réalisée par les inspections générales des finances et de l'agriculture, la charge totale du SPE a été réduite à 136 millions d'euros selon les prévisions de la loi de finances pour 2006. Le lancement d'un appel d'offres national le 29 novembre 2005 visait un abaissement des tarifs des équarrisseurs, abaissement qui n'a pas été obtenu puisqu'au terme de cet appel d'offres, le coût du SPE serait nettement plus élevé que prévu, de l'ordre de 152 millions d'euros.

Selon l'arbitrage rendu par le Premier ministre en juin 2005, le financement du SPE devait être assuré par une contribution des éleveurs de 8 millions d'euros, une dotation budgétaire de 44 millions d'euros, le solde, soit 84 millions d'euros, devant être financé par le produit de la taxe d'abattage.

Or, la participation des seuls éleveurs de porcs et de volailles - 4 millions d'euros - pourrait être inférieure de moitié aux prévisions, en dépit des engagements d'un ensemble d'organisations professionnelles.

Par ailleurs, le produit net de la taxe d'abattage devrait s'élever à 77 millions d'euros, à taux inchangés. En conséquence et au total, une contribution du budget de l'Etat à hauteur de 44 millions d'euros laisserait subsister une impasse de 27 millions d'euros.

Un surcoût budgétaire viendra alourdir le coût de la réforme pour l'Etat, à la charge duquel reste, outre une moins-value fiscale de 13 millions d'euros du fait de la récupération de la TVA par les bouchers - 3 millions d'euros - et par les abattoirs - 10 millions d'euros - l'aide de 10 millions d'euros prévue en faveur des bouchers, soit 23 millions d'euros au total.

Enfin, les modalités de la prise en charge budgétaire de l'aide de 10 millions d'euros accordée aux entreprises de boucherie pour l'élimination des colonnes vertébrales par la direction des entreprises commerciales, artisanales, de service et des professions libérales ne semblent pas encore avoir été définitivement arrêtées -en tout cas elles ne l'étaient pas lors de l'audition que nous avons organisée à la Cour des comptes.

La Cour constate en conséquence que les objectifs d'économies associés à la réforme du SPE ne seront pas atteints, du moins à court terme et estime qu'il est utile que l'administration précise le montant des charges non financées dans le cadre prévu par la loi de finances, les modalités envisagées pour leur couverture, soit par le budget de l'Etat, soit par le relèvement des taux de la taxe d'abattage, ainsi que les solutions étudiées pour le retour à une situation normale de la commande publique.

En conclusion, il nous paraît difficile de nous résigner à la persistance de graves dysfonctionnements, qu'il s'agisse du coût global du SPE, qui demeure très élevé alors que son équilibre pèse toujours fortement sur les finances publiques, ou encore au constat que la réforme en cours n'a toujours pas réussi à mettre en place un mécanisme de régulation efficace des marchés et des prix face à un solide oligopole d'opérateurs.

M. le président - Merci pour le rappel que vous venez d'effectuer, les grandes leçons que vous avez tirées de vos investigations et la formulation de quatre questions auxquelles, j'espère, cette audition va permettre d'apporter des réponses.

Graves dysfonctionnements avez-vous dit, réformes vaines, y compris l'ultime puisqu'on reste avec des atteintes réelles aux règles du marché et subsistance de déficits qui affectent considérablement les finances publiques.

Avant de donner la parole aux rapporteurs spéciaux, les représentants de l'Etat ont-ils des observations à formuler ?

Qui se sent responsable du service public de l'équarrissage ?

M. Philippe Vinçon - La sous-direction de l'élevage du ministère de l'agriculture s'est beaucoup investie au cours des quatre dernières années...

M. le président - C'est donc le ministre de l'agriculture qui est responsable du SPE ?

M. Philippe Vinçon - Après le discours qui a été tenu, c'est une tâche difficile à assumer, j'en ai conscience mais, au regard du temps que l'on y a passé, notamment avec les services de la Cour des comptes, oui - sauf si quelqu'un d'autre le revendique, mais je n'en suis pas certain !

M. le président - Voulez-vous nous faire partager les impressions que vous ressentez, ayant entendu la Cour ?

M. Philippe Vinçon - Nous avons eu des échanges approfondis avec la Cour. Il y a eu une audition fort complète et fort longue du directeur au mois de décembre. Cela a permis de travailler ensemble sur ce sujet et je remercie chacun de l'état d'esprit dans lequel on a travaillé.

Je me retrouve très bien dans les grandes lignes de ce qui a été dit, en particulier sur l'absence de concurrence. La genèse de cette absence de concurrence, encouragée par l'Etat, a été très bien rappelée. Chez nos concurrents européens, en Allemagne, il y a un opérateur, en Belgique, un opérateur, aux Pays-Bas, un opérateur, et je ne suis pas certain que l'on ait les mêmes difficultés.

Pendant trop longtemps, l'Etat a payé l'ensemble des charges liées au SPE sans trop de difficulté dans la mesure où la taxe sur les achats de viandes lui permettait de couvrir largement cette dépense.

M. le président - La DGCCRF a fait de nombreuses observations accréditant des ententes répréhensibles. Qu'est-ce qui explique que les rapports sévères de la DGCCRF n'ont jamais eu de suite au plan judiciaire ?

M. Bertrand Oudry - C'est à la DGCCRF, que je représente, de répondre. Vous faites sans doute référence aux enquêtes qui ont pu être effectuées par nos services sur la partie de l'équarrissage hors SPE.

M. le président - Oui.

M. Bertrand Oudry - Cela visait les mêmes opérateurs et les constatations faites concernant le fonctionnement de l'équarrissage pouvaient être transposées sans difficulté pour la partie relevant du SPE lui-même.

Comme on l'a expliqué à la Cour en réponse aux questions qu'elle nous a posées, en fait, on a eu, durant cette période, l'occasion de faire deux enquêtes dans des conditions assez différentes. La première a été réalisée dans la période qui précédait la deuxième phase de la crise de l'ESB et la décision d'interdiction des farines animales, fin 2000.

Cette enquête, qui a été faite par notre direction nationale des enquêtes, avait effectivement mis en évidence un certain nombre de pratiques qui pouvaient être considérées comme des pratiques anticoncurrentielles au sens du code de commerce, principalement des concertations sur la répartition des volumes de déchets traités, donc sur la répartition des marchés et, dans une moindre mesure, des pratiques d'entente ou d'échange d'informations sur les prix, pas strictement au sens classique du terme, avec fixation d'un prix commun...

M. le président - Tout cela aurait pu justifier des poursuites !

M. Bertrand Oudry - A ce stade, ce rapport pouvait justifier une saisine du conseil de la concurrence. Ainsi qu'on l'a expliqué à la Cour, compte tenu du contexte dans lequel le rapport nous a été transmis - déclenchement de la deuxième crise de l'ESB, suspension de l'utilisation des farines et des graisses de viande dans l'alimentation animale, qui faisaient disparaître le principal débouché commercial de ces produits, modifiant les conditions de fonctionnement économique du secteur - la DGCCRF a estimé, en opportunité, que le moment n'était pas choisi pour saisir le conseil de la concurrence et le dossier a été conservé sous le coude.

Lorsque, ultérieurement, compte tenu de l'évolution de la situation, la possibilité de saisir le conseil de la concurrence a de nouveau été évoquée, la direction de la DGCCRF a estimé que les faits étaient trop anciens, qu'on était à la limite de la prescription et la décision a été prise de classer ce rapport.

M. le président - C'est une décision de la DGCCRF elle-même ?

M. Bertrand Oudry - Effectivement.

M. le président - A quel moment ?

M. Bertrand Oudry - En janvier 2004.

M. le président - Et le premier cas que vous avez décrit ?

M. Bertrand Oudry - C'est celui-là.

M. le président - Qu'est-ce qui se passe entre 2000 et 2004 ?

M. Bertrand Oudry - Il n'y a pas eu de décision.

M. le président - Je comprends bien, mais vous faites un rapport en 2000 et c'est en 2004 que vous décidez de le classer. Il se passe quatre ans !

M. Bertrand Oudry - Cela fait trois ans. Pendant cette période, on a continué à suivre l'évolution du secteur, mais il n'y a pas eu de décision de saisir le conseil de la concurrence.

M. le président - Qui le décide ?

M. Bertrand Oudry - Le directeur. La décision de classement a été prise en janvier 2004 par le directeur lui-même.

M. le président - Il décide de ne pas donner suite parce que l'agriculture fait pression sur lui ?

M. Bertrand Oudry - Non, pas spécialement, parce que les faits étaient trop anciens et qu'on était au bord de la prescription.

M. le président - Mais entre les deux, les faits n'étaient pas trop anciens ?

M. Bertrand Oudry - Début 2001, le rapport arrive à la DGCCRF, qui l'examine, qui constate qu'il existe un faisceau d'indices graves, précis et concordants qui laissent penser qu'il y a matière à saisine du conseil de la concurrence.

Le contexte de l'époque - déclenchement de la deuxième crise de l'ESB, suspension de l'utilisation des farines animales, perturbation complète de l'équilibre du secteur, puisque l'enquête portait sur les conditions de fonctionnement de l'équarrissage relatives aux déchets valorisables jusqu'au moment de la décision de suspension de novembre 2000 - conduit la hiérarchie à estimer qu'il n'est pas opportun de saisir le conseil de la concurrence, à la fois parce qu'on estime que le secteur est déjà suffisamment conflictuel, que la gestion de la situation est suffisamment difficile, que les équarrisseurs, quoi qu'on en pense, sont des interlocuteurs encore plus incontournables. Effectivement, le rapport d'enquête a été conservé en attente.

Au bout d'un certain temps, la question s'est posée de la suite à donner et c'est à ce moment-là, fin 2003-début 2004, que la direction de la DGCCRF a estimé qu'il fallait classer.

La deuxième enquête faite par nos services dans le secteur des déchets valorisables a été conduite début 2004, à la demande du cabinet du ministre délégué des PME, et soumise à des conditions de délais beaucoup trop strictes, pour des raisons que j'ignore, qui n'ont pas permis de mettre en évidence des pratiques anticoncurrentielles. Elle a constaté qu'il y avait une situation peu concurrentielle, sans pour autant que cette concurrence soit totalement absente.

Il y a quand même, à la marge, une légère concurrence entre opérateurs. Elle existe surtout là où il y a valorisation. Il y a alors un effort de la part des opérateurs pour essayer d'obtenir des parts de marché supplémentaires en se faisant concurrence.

Quand il n'y a pas valorisation, les opérateurs ne cherchent pas à se faire concurrence. Les conclusions ne mettaient pas en évidence l'existence de pratiques anticoncurrentielles. Peut-être qu'entre temps les opérateurs avaient appris à être plus prudents.

Il faut aussi souligner que l'efficacité des enquêtes que l'on peut mener dépend des pouvoirs d'enquête que l'on utilise. Dans le premier cas, l'enquête réalisée en 2000, on avait pu utiliser des pouvoirs d'enquête renforcés, ce qui avait aidé à obtenir des résultats plus convaincants. L'enquête de 2004 a été faite avec les pouvoirs classiques. Si à l'avenir, on devait faire à nouveau des investigations concurrentielles dans le secteur de l'équarrissage, voire de l'élimination-incinération des farines, qui n'est pas assurée par les équarrisseurs, il faudrait faire ces investigations avec des pouvoirs d'enquête renforcés si on veut trouver quelque chose.

Ceux-ci nécessitent une autorisation judiciaire ; or, pour cela, il faut produire un certain nombre d'éléments pour emporter la conviction du juge.

M. le président - Et vous n'aviez pas ces éléments à l'époque ?

M. Bertrand Oudry - En 2004, on n'avait pas le temps de les rassembler.

M. le président - Je lis une sorte de scepticisme sur le visage du président Sallois.

M. Jacques Sallois - Je me demande s'il y a lieu de faire beaucoup d'enquêtes pour constater qu'il n'y a pas de situation concurrentielle quand l'Etat a organisé lui-même le monopole local, réparti entre deux grandes sociétés, dont l'une fait 50 % du marché et l'autre un tiers.

M. le président - Quelles sont ces deux sociétés ?

M. Jacques Sallois - La SARIA et Caillaud. Chaque département fait l'objet d'un monopole.

Effectivement, sur les marges que se répartissent les entreprises, on constate de temps en temps, par exemple dans le sud du Cantal et le nord de la Corrèze, des zones de frottement mais, pour le reste, il y a peu de concurrence.

M. le président - Ces deux sociétés appartiennent-elles à des groupes ?

M. Jacques Sallois - A l' origine, il s'agit de l'entreprise minière et chimique d'un côté, et d'Elf de l'autre, qui ont été privatisées. La situation s'est donc transformée.

Je voudrais donner un autre élément. Lorsque, à l'automne dernier, on a sorti les produits d'abattoir du SPE et que la négociation s'est engagée sur des bases contractuelles, les prix ont chuté de 20 % entre les mêmes opérateurs, mais dans des conditions différentes.

M. le président - C'est un indice !

M. Jacques Sallois - C'est une constatation...

M. Bertrand Oudry - La question est de savoir s'il y a des conditions objectives qui permettent ou non un fonctionnement concurrentiel du marché. La DGCCRF peut, avec les moyens qu'elle a, constater des pratiques anticoncurrentielles et les faire sanctionner ; elle ne peut faire en sorte que la concurrence existe sur un marché où il n'y a pas, pour des raisons techniques et économiques, d'incitation à la concurrence entre opérateurs.

Les équarrisseurs ne voient pas d'intérêt à se faire une concurrence féroce. Leur préoccupation première est de trouver un volume de déchets suffisant pour rentabiliser leurs installations et leurs investissements. Compte tenu de l'héritage de l'histoire, des monopoles territoriaux instaurés par la loi de 1975, de la concentration des entreprises qui a fait disparaître un grand nombre de petits opérateurs qui n'avaient pas les moyens de suivre l'évolution de la réglementation, il existe très peu d'opérateurs, sur des territoires relativement bien délimités.

Dans la mesure où les coûts de collecte sont la partie la plus lourde des coûts d'équarrissage, il est évident que la recherche de parts de marché supplémentaires suppose de mettre en place des circuits coûteux.

M. le président - Pourrait-on imaginer une différenciation entre ceux qui font la collecte et ceux qui traitent les cadavres d'animaux ?

M. Bertrand Oudry - Je laisserai le soin à mes collègues de l'agriculture de répondre sur le plan réglementaire.

M. Philippe Vinçon - C'est déjà assez largement le cas. Les coûts de collecte représentent 60 % des coûts d'équarrissage. C'est l'élément essentiel, notamment pour les espèces bovines et ovines.

M. Jacques Sallois - Lors des contrôles sur place, les interlocuteurs de la Cour eux-mêmes ont reconnu dégager des marges très confortables, que certains ne pouvaient même pas redistribuer aux actionnaires en raison des contraintes associées à certaines structures juridiques, comme les SICA.

Historiquement, le choix qui a été fait a été celui de la modernisation de notre réseau. Il a été réussi et fructueux, il faut le souligner. Nous avons aujourd'hui un réseau technique remarquable, mais ce résultat a été obtenu au prix d'une situation désormais monopolistique localement et oligopolistique nationalement.

Il ne faut pas faire preuve d'hypocrisie en imaginant instaurer une situation de concurrence dans de telles conditions.

M. le président - Peut-être faudra-t-il prévoir que ceux qui sont chargés de ces missions rendent compte de ce qu'ils accomplissent pour plus de transparence et que l'on essaie de fixer une juste rémunération de ces services rendus.

La parole à Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Je voudrais revenir sur les conclusions de l'appel d'offres du 29 novembre 2005. Quel a été le nombre de réponses ? C'est un appel d'offres européen. Pourquoi cela n'intéresse-t-il pas des opérateurs européens ?

M. Philippe Vinçon - Des marchés ont été passés au niveau départemental. Sur les 92 lots, on a eu 96 réponses, avec des réponses multiples sur un nombre très limité de départements -les points de friction évoqués par le président Sallois.

Une concurrence sur certains départements notamment frontaliers était espérée mais elle n'a pas été observée. S'il existe plusieurs équarrisseurs en France (8 sociétés différentes ont répondu à l'appel d'offres), ils sont le plus souvent en situation de monopole de fait dans le département où ils interviennent. Ainsi, dans le Var ou les Alpes maritimes, un seul opérateur -une PME- est intervenu sur le lot concerné.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Concernant les problèmes financiers, il y a eu des difficultés financières importantes en 2004-2005, à hauteur de 93 millions d'euros. Quelles en sont les raisons ? Comment l'Etat a-t-il couvert ce besoin de financement ?

M. Olivier Caillou - La réforme intervenue en LFI 2004 qui visait à remplacer la taxe sur les achats de viande, contestée au niveau communautaires, en la remplaçant par une taxe d'abattage, a conduit à un système théoriquement équilibré, avec une dépense estimée à 220 millions d'euros, une recette estimée à 156 millions d'euros et une subvention de l'Etat estimée initialement à 34 millions d'euros, abondée de 20 millions d'euros en loi de finances rectificative.

Le rapport de l'inspection des finances évoqué par le président Sallois a constaté une sous exécution de la recette liée sans doute à la contestation de la légitimité de la taxe par certains opérateurs et à une dépense supérieure à ce qui avait été escompté de la réforme de 2004 - une réduction du montant des dépenses à la faveur d'un certain nombre d'abus supposés dans le passé, qui n'est pas apparue.

Le montant de 93 millions d'euros annoncé par l'IGF semble être le cumul de l'ensemble des dossiers présentés par les équarrisseurs dans les directions départementales avant d'être présentés au CNASEA pour paiement et finalement acquittés.

Il y a dans le financement public du SPE un décalage technique de 2 à 3 mois entre le moment où un équarrisseur effectue une prestation et le moment où la facture est présentée au CNASEA.

M. le président - Qui est chargé du contrôle du service rendu ? Qu'est-ce qui fait qu'il y a un tel décalage dans le temps ?

M. Philippe Vinçon - C'est la direction départementale des services vétérinaires qui atteste du service fait.

M. le président - Sur quelle base ?

M. Philippe Vinçon - Sur la base de contrôles qu'ils effectuent. Le service est fait, même trop bien puisqu'il n'y a pas, en France, de problèmes de cadavre d'animaux non collectés. La collecte est exhaustive.

M. le président - La rémunération est-elle fonction du nombre de cadavres ramassés ?

M. Philippe Vinçon - Du tonnage traité. Il en va de même des déchets avant que la réforme n'intervienne.

Les services vétérinaires s'assurent qu'il n'y a pas de défauts - et on n'en constate pas. En revanche, nous avons demandé aux services vétérinaires, qui n'ont pas souhaité s'engager parce que ce n'est pas leur travail, de s'assurer de la bonne cohérence entre les déchets d'abattoir traités et la taxe d'abattage acquittée sur ces déchets. C'est là qu'il n'y a pas forcément d'adéquation, mais c'est un problème à caractère fiscal et c'est ce qui explique le déficit.

Il y a un point que je voudrais souligner que le rapport de la Cour ne met pas suffisamment en avant : c'est l'importance de la décrue du SPE pour les finances publiques. En 2001, on était, entre SPE et traitement des déchets « bas risques », sur des budgets pour l'Etat de 450 millions d'euros, quand la taxe sur les achats de viandes rapportait plus de 500 millions d'euros. On est passé à un total de 404 millions d'euros en 2002, dont 230 millions d'euros pour le SPE et 174 millions d'euros pour l'élimination des farines, de 359 millions d'euros en 2003, dont 252 millions d'euros pour le SPE et de 107 millions d'euros pour les farines, et de 248 millions d'euros en 2004, dont 209 millions d'euros pour le SPE et 39 millions d'euros pour l'élimination des farines animales.

En 2005, on est à 216 millions d'euros, 180 millions d'euros pour le SPE et 36 millions d'euros pour les farines.

Il y a eu en effet un transfert considérable de tout ce volet sur les filières viandes même si l'Etat a facilité la répercussion de cette charge nouvelle en pied de facture. C'est ce qui explique les difficultés. L'Etat s'est désengagé de manière relativement significative et sous une pression communautaire. En juillet 2003, la Commission a adopté des lignes directrices sur les aides d'Etat en expliquant qu'il fallait resserrer le dispositif, contraignant ainsi l'Etat au désengagement financier.

Ceci s'est fait au détriment des entreprises d'abattage. Les éleveurs ont été exonérés de l'effort, alors que c'est l'éleveur qui appelle l'équarrisseur pour venir chercher un animal. Il n'y a là-dessus aucun ticket modérateur, aucune internalisation du coût. L'éleveur est libre et a été assuré qu'il n'y aurait pas de paiement direct. C'est là toute la difficulté qui fait qu'au moment initial, la taxe d'abattage a été placée à un niveau relativement optimiste, compte tenu de la pression politique exercée par la filière de l'abattage, qui est relativement fragile et qui emploie beaucoup de monde. Ensuite, il a été difficile de relever ce taux, ce qui devrait quand même être fait dans les jours qui viennent.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Vous n'avez pas l'air très sûr des causes de ce cumul -mais je passe.

Comment l'Etat a-t-il couvert le financement ?

M. Olivier Caillou - Par une ouverture de crédits de 20 millions d'euros en LFR pour 2003, de 50 millions d'euros en LFR pour 2004 et de 34 millions d'euros en LFR pour 2005 pour compléter les dotations inscrites en LFI pour 2003, 2004 et 2005 (34 millions d'euros), dont 20 millions d'euros chaque année au titre des subventions aux filières « porc » et « volaille ».

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Vous avez redéployé des crédits ?

M. Olivier Caillou - Absolument.

M. Philippe Vinçon - On peut détailler l'explication de la moins-value du fait des retards pris dans les arrêtés fixant la taxe, des difficultés de recouvrement, notamment sur le volet déchets, d'un geste fait sur les filières de jeunes bovins, au moment où la filière engraissement a rencontré une certaine fragilité, notamment dans l'Est de la France. On a fixé pour les jeunes bovins le même taux que pour les veaux, alors que ce n'était pas prévu initialement.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Vous nous le récapitulerez par écrit.

M. Philippe Vinçon - On peut vous l'adresser.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Actuellement, on arrive à une impasse budgétaire de 25 millions d'euros.

Vous sentez-vous capable d'obtenir des éleveurs des filières porcs et volailles une participation significative ?

On a voté une réforme du système d'équarrissage dans la LFI pour 2006 sans avoir tous les éléments d'appréciation. L'argument qui a emporté la décision de la commission des finances était que cela réduisait la charge de l'Etat du fait de la contribution de la filière et du rendement estimé de la taxe d'abattage.

Aujourd'hui, on nous dit que ces estimations sont confrontées à des difficultés d'exécution et qu'on aboutira à une impasse budgétaire. C'est une vraie difficulté pour le Parlement. Vous la comprenez.

Je veux donc savoir aujourd'hui où on en est de la première partie de la gestion 2006. Les éleveurs devaient accepter une participation. Où en est-on ?

La taxe d'abattage connaît-elle des perspectives d'évolution ? Dans quelles proportions ? On sait que les interprofessions ne sont pas d'accord avec l'augmentation. Si ces deux éléments de l'équation ne sont pas satisfaisants, c'est une fois encore l'Etat qui va apporter la différence, car il faudra bien faire face au financement.

M. Philippe Vinçon - La situation est en train de s'éclaircir. Les éleveurs de porcs participent. L'interprofession du porc a mis sur pied un dispositif qui fonctionne et qui doit permettre de rapporter les 2,5 millions d'euros que vous évoquez, qui seront versés directement aux équarrisseurs.

La filière porcine veut continuer à avancer sur ce dossier. En effet, pour un éleveur de porcs, le passage des équarrisseurs à un rythme hebdomadaire constitue un risque sur un plan sanitaire.

La filière volailles connaît une situation de crise récurrente depuis plusieurs années et la récente crise de l'influenza aviaire l'a encore fragilisée. Une structure se met en place sur le modèle du porc mais, à ce stade, le recouvrement escompté de 1,5 M€ reste incertain.

Pour ce qui concerne les éleveurs bovins, un dispositif interprofessionnel particulier devrait faire en sorte que les éleveurs allègent la charge des abatteurs. Il y aurait donc une certaine compensation au sein de l'interprofession. Les discussions sont en cours mais sont difficiles. Enfin, la semaine prochaine, une réunion est programmée qui devrait fixer les nouveaux taux de la taxe d'abattage. Une augmentation significative est envisagée, en particulier dans le secteur bovin.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Je vois bien la difficulté pour la volaille. Etant donné les conséquences économiques de l'influenza aviaire, je pense qu'ils ne paieront pas. La taxe d'abattage est très contestée. Je ne vois pas trop une augmentation en période préélectorale. Comment va-t-on faire ? C'est le budget d'Etat qui va être mis à contribution ?

M. Olivier Caillou - Je ne veux pas laisser donner l'impression d'une indifférence de la direction du budget à propos de ce financement complexe.

Le ministère du budget a été extrêmement actif dans ce dossier depuis 2004, d'une part en essayant de sécuriser le dispositif de financement mis en place à partir de 1997. C'est nous qui avons demandé la suppression de l'affectation de la taxe sur les achats de viandes au CNASEA, qui est un indice du fait que le SPE public n'était pas financé selon le principe pollueur-payeur et qu'on avait donc un risque de ce point de vue.

Nous défendons devant les tribunaux le fait que, sur la partie de la taxe sur les achats de viande 2001-2003, du fait de l'absence de lien contraignant entre la taxe et le financement du service, cette taxe est un impôt affecté au budget de l'Etat et que, ne finançant plus le SPE, il n'a pas à être remboursé aux grandes surfaces.

D'autre part, nous avons plaidé, pour tenir compte de l'amélioration de la situation sanitaire, du retour des prix de la viande bovine à un niveau supérieur à celui d'avant la crise de l'ESB. Nous avons plaidé pour une libéralisation du dispositif. Nous avons été partiellement entendus avec cette libéralisation partielle qui est intervenue dans le domaine des déchets d'abattoir, à la faveur de la loi sur le développement des territoires ruraux et de la loi de finances pour 2006.

Nous plaidons aujourd'hui - nous avons demandé un arbitrage à ce sujet - pour le respect du schéma de financement indiqué par le président Sallois, c'est-à-dire une subvention budgétaire limitée à 44 millions d'euros, une contribution des éleveurs de 8 millions d'euros, et qu'elle prenne la forme de 4 millions d'euros payés directement et 4 millions d'euros à travers une majoration de la taxe, schéma dans lequel est le ministère de l'agriculture...

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Quel est le montant de la majoration ?

M. Olivier Caillou - 4 millions d'euros sont payés directement par les éleveurs de porcs et de volailles aux équarrisseurs, soit par l'intermédiaire de l'interprofession, soit directement...

M. le président - La facture est établie par l'équarrisseur ?

M. Olivier Caillou - Absolument. 4 millions d'euros concernant les bovins ont plutôt vocation à passer au travers d'une majoration de la taxe d'abattage.

Nous plaidons pour que ce soit la taxe d'abattage qui soit, comme prévu, le facteur d'ajustement du dispositif.

M. le président - Pourquoi y a-t-il une différence avec les bovins ? Les porcs passent aussi par les abattoirs.

M. Olivier Caillou - Je me suis mal exprimé : la taxe d'abattage est payée par tout le monde.

M. le président - On la paye aussi bien sur les porcs que sur les bovins ?

M. Olivier Caillou - Absolument.

M. le président - Les porcs payent deux fois !

M. Philippe Vinçon - C'est le dispositif communautaire. Tout cela a été mis en place à cause de l'ESB. Il y a un risque sanitaire beaucoup plus important dans le secteur bovin-ovin. L'aide de l'Etat peut donc être plus importante dans le secteur bovin-ovin.

En revanche, dans le secteur porcs et volaille, une aide peut être apportée par l'Etat à condition qu'il y ait une contribution directe des éleveurs.

Il est impératif pour la France que les éleveurs de porcs et de volailles payent directement ; c'est ce que la France a notifié en 2004 aux services de la Commission. On court toujours le risque d'avoir des difficultés de ce côté. C'est pourquoi il y a cette différence entre les trois filières.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Dans la variable d'ajustement de la taxe d'abattage, vous tenez compte du fait que l'on n'a pas obtenu d'abaissement des tarifs du fait de la non-concurrence et que l'estimation du coût est passée de 136 à 152 millions d'euros.

M. Olivier Cailloux - Avec un élément : cette augmentation du coût va se mettre en place au moment où les marchés seront notifiés. On va en fait se retrouver en demi-année.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Quand allez-vous le faire ?

M. Philippe Vinçon - Courant juillet.

M. le président - On peut dire aussi que les 8 millions d'euros demandés aux éleveurs sont peu de choses par rapport au budget global. On se donne beaucoup de mal pour pas-grand-chose et cela va donner lieu à de nombreuses réunions !

M. Philippe Vinçon - Pour les volailles, c'est une obligation communautaire.

Par ailleurs, pour la filière bovine, il faut comprendre qu'aujourd'hui un abatteur contractualise directement avec un équarrisseur pour le ramassage et la destruction des déchets à hauts risques qu'il produit. Par ailleurs, il acquitte une taxe d'abattage qui sert, en complément de la dotation budgétaire, à assurer la gratuité de service d'enlèvement des cadavres des éleveurs bovins sur leur exploitation. Dans la situation actuelle où la viande bovine est rare et chère et où les industries des viandes sont en situation délicate, une telle situation est souvent mal acceptée même si la répercussion de cette charge en pied de facture se fait, au moins pour les viandes commercialisées en France.

M. le président - La parole est à Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - La Cour a mis en évidence les difficultés et l'hétérogénéité du contrôle du service fait par les équarrisseurs et exercé par les directions départementales des services vétérinaires - dérogations à l'obligation de pesée, non transmission aux DSV par les abattoirs de leurs déclarations fiscales, inégale qualité du contrôle de la collecte en ferme, etc.

Quelles sont les mesures envisagées par l'administration pour remédier à ces carences ?

M. Philippe Vinçon - Le transfert de cette mission à l'office de l'élevage nous paraît une manière de répondre à cet élément, dans la mesure où l'office a des contrôleurs de terrain, est déjà présent dans certains abattoirs et peut, de notre point de vue, mieux jouer ce rôle de contrôle et surtout, connaissant bien les filières viandes, avoir une meilleure évaluation des coûts et des dépenses de façon à aider la gestion du dispositif. Il peut enfin faciliter la réflexion avec l'ensemble des acteurs sur les évolutions à apporter à l'organisation actuelle.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - Des orientations ont-elles été données en ce sens ?

M. Yves Berger - L'office ne fera pas de miracles. Vers le 2 ou le 3 juillet, l'office va se voir confier la gestion de l'ancien dispositif en lieu et place du CNASEA, avec des constatations de service fait qui nous seront adressées par les DDSV. Je pense que cela ne changera rien. Peut-être les délais seront-ils plus courts pour le paiement parce que le périmètre a changé.

En revanche, nous avons déjà prévu une autre façon de prendre les coûts en compte, avec des pesées, dans la mesure où cela peut être fait si les camions de ramassage sont dotés de bascules, et avec de nouveaux bordereaux d'enlèvement normalisés. On se donne la possibilité de contrôler de façon impromptue que les pesées se font bien et que les données sont correctes.

Si les camions ne sont pas équipés de bascules, nous avons mis au point, avec l'institut technique, les équarrisseurs et les fédérations d'éleveurs, un système d'abaque où, en fonction du cadavre enlevé, on peut avoir une estimation la plus proche possible du poids.

Il y aura systématiquement, à l'arrivée sur le lieu de transformation des cadavres en farines animales, une pesée avec des contrôles organisés. Nous avons actuellement une équipe d'une trentaine de contrôleurs. Ils ne feront pas que cela et seront amenés, à certaine période de la journée ou de la semaine, à faire ce qui était leur métier. Aujourd'hui, nous avons du temps à consacrer à cette opération parce que les métiers traditionnels - essentiellement les opérations d'intervention, d'achat, de stockage et de déstockage de viandes - sont réduits à leur plus simple expression.

Cela fait à peu près une quinzaine d'agents de terrain. Ce ne sera pas un contrôle exhaustif, mais il y aura une pression de contrôle plus forte qu'aujourd'hui, où il s'agit de vérifier un service fait.

J'insiste sur le fait que c'est dans l'organisation même du système que l'on a fait un certain nombre de choix qui doivent nous permettre d'avoir une meilleure connaissance.

Dernier élément : même si c'est plus anecdotique, on met en place une commission au sein de laquelle vont siéger toutes les parties prenantes de la filière.

Aujourd'hui - et cela transparaît bien à travers les divers propos que j'ai entendus ce matin - on dit que deux oligopoles font la pluie et le beau temps, le reste - éleveurs, abatteurs, pouvoirs publics - étant soumis au bon vouloir des équarrisseurs. On dit aussi que les pouvoirs publics, avec la hausse de la taxe, reprennent d'une main ce qui avait été accordé de l'autre aux abatteurs avec la libéralisation du système, le 15 octobre dernier.

Facialement, c'est vrai, mais les équarrisseurs, lors de différentes séances, nous ont indiqué qu'il existait une incertitude sur la durée de ce système nouveau. On sait que l'appel d'offre a vocation à durer trois ans mais personne ne se cache, les éleveurs de porcs cherchant en particulier à se doter de systèmes internes aux exploitations qui pourront, essentiellement pour des raisons sanitaires, leur permettre d'être dispensés du ramassage des cadavres. Les éleveurs de volailles se posent également ces questions.

C'est plus compliqué pour les éleveurs bovins, les volumes à traiter nécessitant des coûts plus élevés, mais il existe également des systèmes d'assurance qui font dire aux équarrisseurs que l'Etat leur a demandé énormément d'investissements, avec des usines comportant une séparation hauts risques/bas risques, que ces investissements ne sont pas totalement amortis et que, ayant une incertitude sur la durée, ils ont pris des assurances maximum.

Second élément : certains abattoirs ont vu baisser le coût d'enlèvement de leur MRS de plus de 20 %. En effet, l'abattoir est un lieu de collecte unique. S'il est de taille importante et peu distant de l'usine de transformation en farines, le coût d'enlèvement sera assez proche du coût de revient de l'élimination de ces sous-produits. Des prix très intéressants ont parfois pu être obtenus.

D'autres abattoirs, suite à la libéralisation intervenue en octobre dernier, ont eu des coûts plus importants qu'avant.

Pour en revenir à la question du contrôle, nous considérons que l'équarrissage fait partie intégrante de la filière de l'élevage.

M. le président - J'ai reçu, en tant que parlementaire, de la part des représentations régionales des offices, un courrier disant : « On va nous confier cette responsabilité, mais chacun sait qu'il n'y a pas de concurrence ; on ne sait donc pas comment s'y prendre ». J'imagine que chaque sénateur a reçu les mêmes lettres...

C'est une situation singulière à la veille de l'entrée en vigueur du nouveau dispositif !

M. Yves Berger - Je suis très surpris. Ce courrier émane sans doute de représentants syndicaux. Nous avons fait depuis trois mois un certain nombre de sessions de formation à l'utilisation du logiciel, en expliquant ce qu'ils allaient avoir à faire...

M. le président - Je vous ferai parvenir la lettre qui m'a été adressée il y a quelques semaines, qui est déjà un début de protestation, qui dit : « On a en face de nous des opérateurs qui sont en oligopole. On ne sait pas comment on va pouvoir s'en sortir ».

M. Yves Berger - Le seul document dont j'ai eu connaissance émanant du terrain était une critique où il était dit que le ministre de l'agriculture prônait la simplification et que cela se traduisait, pour l'équarrissage, par l'existence de bordereaux de plus en plus complexes, avec davantage de renseignements à donner. Si on collecte le cadavre d'une vache laitière ou d'une charolaise, le poids n'est pas le même. Il faut donc bien préciser un certain nombre de renseignements.

Nous avons indiqué que, du point de vue informatique, nous allions travailler avec la DGAL pour nous connecter avec la base de données d'identification nationale, pour assurer la bonne fluidité de l'information, mais je n'ai pas d'échos d'inquiétudes d'agents de l'office.

M. le président - Tous les animaux sont-ils sur le fichier national ?

M. Yves Berger - A 99,9 %. Il y a toujours quelques animaux qui peuvent s'en échapper, mais c'est aussi un des éléments qui va améliorer le dispositif.

M. le président - Y a-t-il un lien entre la collecte du cadavre...

M. Yves Berger - Un lien va être fait grâce à un logiciel de la DGAL. Une information sera donnée directement pas l'équarrisseur, confirmée par l'office de l'élevage, pour renseigner la base et indiquer que l'animal a été traité par les équarrisseurs.

M. le président - Il va donc y avoir un contrôle à partir de maintenant...

M. Yves Berger - Il va y avoir un nouveau système de contrôle. Si je vous réponds oui, je laisse entendre qu'il n'y avait pas de contrôle auparavant.

M. le président - C'est quand même un peu ce qu'on a compris !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - Quelles sont les modalités pratiques pour la mise en oeuvre des aides aux bouchers depuis le début de cette année et quelles sont les difficultés associées à une répercussion, en pied de facture, de l'augmentation de la taxe d'abattage ? Pourquoi cette répercussion est-elle si contestée par les bouchers ?

M. Jean-Jacques Pinet - Il convient de faire une relative séparation entre la sortie du SPE et cette aide, qui n'est pas une aide à l'élimination des déchets puisque, à la demande de M. Dutreil, nous laissons l'aspect sanitaire du SPE à la responsabilité de nos amis de l'agriculture. Nous considérons donc que le soutien à la boucherie est le soutien à la poursuite du savoir-faire artisanal des bouchers et nous ne lions pas cette aide au SPE.

En clair, les dispositions qui sont effectivement prévues laissent le soin d'aider les artisans bouchers pour le maintien du traitement de la carcasse, mais il n'y a pas de lien par rapport à l'élimination des déchets.

M. le président - Pourquoi pas une aide à la pâtisserie ou à la boulangerie ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - C'est curieux comme réponse !

M. Jean-Jacques Pinet - En effet, il existe aussi des aides. C'est un effort qui est fait en faveur d'un secteur.

M. le président - Qu'est-ce que cela représente sur une année ?

M. Jean-Jacques Pinet - 500 euros.

M. le président - Quel est le coût du traitement administratif ?

M. Jean-Jacques Pinet - Le traitement administratif n'a pas été estimé à ce jour.

M. le président - Cela ne doit pas être neutre. C'est peu par boucherie...

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - J'ai entendu parler de 3 millions d'euros.

M. Jacques Sallois - Si ma mémoire est fidèle, il y a 10 millions d'euros d'aide aux bouchers. La question que je souhaiterais poser, en prolongeant la vôtre, Monsieur le Rapporteur, est de savoir si le financement de ces 10 millions d'euros, qui me semblait encore faire problème lorsque nous avons organisé l'audition à la Cour, est maintenant tranché.

Il y a d'un autre côté les problèmes de récupération de TVA, à hauteur de 3 millions d'euros pour les bouchers et de 10 millions d'euros pour les abattoirs...

M. le président - Je ne comprends pas le problème de TVA. Quel est-il ?

M. Jacques Sallois - C'est une moindre recette fiscale.

Nous avons eu un débat très franc sur toutes ces questions et nous étions convenus que nous nous reposerions la question des 10 millions d'euros d'aide aux bouchers après qu'un débat soit né devant nous, à l'époque, entre la direction chargée de l'artisanat et celle du budget. Le débat est-il aujourd'hui clarifié ?

M. Olivier Caillou - Jusqu'en janvier 2006, l'élimination des déchets des bouchers était partie prenante du SPE. A ce titre, il était prévu qu'elle soit prise en charge par l'Etat à hauteur de 1.000 euros, dans le plafond du « de minimis » agricole autorisé par l'Union européenne. La sortie du SPE des déchets des bouchers renvoie ce coût à la profession.

Pour assurer la transition, il a été examiné l'éventualité de mettre en place un dispositif d'accompagnement qui récupère cette charge, effectivement minorée par le fait que les bouchers récupèrent la TVA qu'ils ne récupéraient pas auparavant, soit une charge nette de l'ordre de 7 millions d'euros.

La question était de savoir qui, du ministère de l'agriculture ou de la direction du commerce et de l'artisanat assumait cette charge. L'orientation donnée par le cabinet du Premier ministre est plutôt un dispositif d'accompagnement du type de ceux qui sont gérés par le ministère du commerce et de l'artisanat.

M. le président - Sur quoi ne récupéraient-ils pas la TVA ?

M. Olivier Caillou - Auparavant, les équarrisseurs payaient la TVA sur les prestations qu'ils réalisaient.

M. Jean-Jacques Pinet - Les 1.000 euros HT dont bénéficiaient les bouchers étaient prélevés sur les recettes de la taxe TTC. Ce n'était donc pas un échange commercial, avec une facturation où l'on trouve une TVA déductible. C'est ce que reproche l'ensemble de la profession qui fait que, par le biais de l'existence de ce service public, nous sommes obligés d'avoir une taxe fiscale pour assurer une recette à l'Etat et cette taxe est prélevée en TTC. Dans un régime libéralisé, comme c'est le cas maintenant pour les déchets d'abattoirs et les colonnes vertébrales de bouchers, le client contracte avec son fournisseur et paye du HT. Il récupère donc immédiatement la TVA.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - Il s'agissait de 500 ou de 1.000 euros ?

M. Jean-Jacques Pinet - C'était 1.000 euros en année pleine HT et c'est 500 maintenant.

M. Olivier Caillou - Compte tenu de l'avantage dont bénéficient les bouchers, du fait de la déductibilité de la TVA...

M. le président - Les grandes surfaces bénéficient-elles du même avantage ?

M. Olivier Caillou - Non, les grandes surfaces ne bénéficieront pas de cet avantage, dans la mesure où ce soutien est attribué aux opérateurs qui ont un atelier de découpe certifié conforme par les services vétérinaires.

M. le président - Les grandes surfaces n'ont pas d'ateliers de découpe ?

M. Olivier Caillou - Environ 16.500 ou 17.000 opérateurs sont concernés par ce soutien.

M. le président - Dans les grandes surfaces, il y a des ateliers de découpe certifiés...

M. Olivier Caillou - Non, pour l'instant, les grandes surfaces ne sont pas concernées par cette mesure.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - Mais pas à cause de l'absence ou de la présence d'ateliers de découpe ?

M. Olivier Caillou - Les ateliers de découpe intégrés dans les grandes surfaces ne sont pas, à ma connaissance, compris dans ce dispositif.

M. le président - Cela ne pose donc pas de problème...

Et s'agissant des pieds de facture ?

M. Bertrand Oudry - La DGCCRF a eu l'occasion de se préoccuper de cette revendication des professionnels de la viande. Lorsqu'ils ont été soumis à la taxe d'abattage instaurée début 2004, ils ont demandé aux pouvoirs publics la possibilité de répercuter de manière systématique et forfaitaire l'incidence de la taxe sur le prix des viandes facturé à leur client, en faisant valoir que c'était une charge nouvelle pour eux.

M. le président - C'est pédagogique.

M. Bertrand Oudry - C'est aussi anti-concurrentiel et ce n'est pas conforme aux règles de facturation. La taxe d'abattage est en effet une charge pour les entreprises qui en sont redevables. Il leur appartient de l'intégrer dans leur coût de revient et de décider de manière autonome si elles doivent la répercuter dans les prix facturés à leurs clients et à quelle hauteur.

Il existe une jurisprudence du Conseil de la concurrence sur des questions similaires et le fait que des entreprises s'entendent pour décider de la manière dont elles répercutent une charge sur leurs clients, ainsi que du niveau de celle-ci, constitue une forme d'entente sur un élément du prix.

D'autre part, le fait de le faire porter sur la facture signifie que le redevable d'une taxe transfère cette charge à son client, alors que la facture doit uniquement servir à faire apparaître le prix des produits ou des prestations.

Pour les professionnels, le pied de facture est une ligne de facturation. L'abattoir facture à son client, grossiste ou boucher, telle quantité de viande, à tel prix unitaire, HT, et ajoute une ligne « taxe d'abattage » ou « contribution coproduit », terme utilisé par les professionnels. En fait, au regard des règles du code de commerce, cette disposition n'est pas conforme.

M. le président - N'est-ce pas une réplique à certains messages de la grande distribution que le ministère de l'économie et des finances encourage volontiers à pratiquer pour que le pouvoir d'achat ne soit pas amputé ? Vous auriez d'ailleurs pu prendre là argument pour constater qu'elle était en abus de position dominante puisqu'elle faisait supporter à ses fournisseurs le poids de cette taxe.

M. Bertrand Oudry - La taxe sur les achats de viande pesait avant 2004 sur la grande distribution qui, selon les cas, l'a effectivement répercutée ou non dans ses prix de vente aux consommateurs...

M. le président - Elle l'a répercutée sur ses fournisseurs !

M. Bertrand Oudry - Elle l'a répercutée sans doute aussi en partie.

M. le président - C'était donc un indice d'abus de position dominante de la grande distribution par rapport à ses fournisseurs. Comme tel, vous auriez dû les poursuivre...

M. Bertrand Oudry - Si on avait été saisis d'indices.

M. le président - ... Avant qu'ils ne se délocalisent dans un autre pays que la France !

M. Bertrand Oudry - La répercussion par le redevable de la taxe sur une ligne de facturation, en tant que telle, n'est pas possible.

M. le président - C'est à relier à l'attitude assez agressive de la grande distribution qui, à un moment, disait ne pas vouloir répercuter cela sur les consommateurs - mais c'est une hypothèse ; oubliez donc ce que je viens de dire !

A ce stade, nous allons devoir nous prononcer sur l'opportunité de publier cette communication et cet échange qui ont largement permis de répondre aux quatre questions posées devant nous par le président Sallois.

Première question : sur le risque contentieux, on n'a pas vraiment argumenté. Il serait intéressant que le président Sallois nous dise si ce risque justifie qu'au 1 er janvier 2006, au moment où l'Etat va devoir présenter son bilan d'ouverture, l'on constitue une provision pour permettre à la Cour d'exprimer une opinion sur la sincérité des comptes...

M. Jacques Sallois - Nous avons reçu il y a deux jours seulement la maquette du ministère des finances. Permettez-moi de vous répondre que nous allons d'abord analyser la maquette ; nous verrons ensuite comment répondre à la question.

M. le président - Nous nous permettrons de vous interroger à nouveau sur ce point particulier.

M. Jacques Sallois - Je pense que vous n'aurez pas besoin de nous interroger, car nous serons obligés de nous prononcer dès l'année prochaine.

M. le président - Sur la deuxième question - la reprise par l'ONIEP de ce qui était accompli jusqu'à maintenant par le CNASEA - il semble qu'il y avait des délais entre le moment où l'on facturait et le moment où l'on payait. Est-ce à dire qu'au 1 er janvier 2006, il faut constater une dette sur ce qui n'est pas encore réglé et qui correspond à des charges effectives ?

M. Bernard Bezeaud - En effet, le dispositif était tel qu'entre le moment où la prestation est réalisée, la vérification du service fait assurée par la direction des services vétérinaires, la transmission des factures à notre établissent, l'instruction et le délai de traitement dans notre établissement, il y a forcément un écart entre la date de réalisation de la prestation et le paiement.

M. le président - Quel est le délai moyen ?

M. Bernard Bezeaud - Entre 3 et 4 mois selon les départements.

M. le président - Cela fait une charge de combien au 31 décembre ?

M. Bernard Bezeaud - Un peu plus de 80 millions d'euros.

M. Jacques Sallois - La Cour a commencé à regarder, l'an passé, la manière dont les patrimoines de certains opérateurs s'articulaient avec celui de l'Etat. Nous avions notamment choisi l'ONILAIT. Nous allons probablement étendre notre champ jusqu'à l'OFIVAL. De cette manière, nous serons en mesure de répondre à votre question.

M. le président - Au 1 er janvier 2006, c'était le CNASEA.

M. Jacques Sallois - Nous nous y préparons, Monsieur le Président...

M. le président - Non, mais vous aurez à certifier le bilan au 1 er janvier 2006.

M. Jacques Sallois - Absolument. Nous allons tenter de le faire, s'il est en état d'être certifié.

M. le président - On sait que les procédures sont en place et qu'elles constituent une avancée qualitative en termes de contrôle interne. La qualité du contrôle interne facilitera la certification des comptes.

Troisième question : l'échec de la procédure d'appel à concurrence. On n'a pas vraiment de réponse. Peut-on avancer dans la voie d'une plus grande transparence des comptes de ceux qui sont chargés d'une mission de service public ? Cela peut-il être une proposition, Nicole Bricq et Joël Bourdin ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Il n'y a que comme cela qu'on y arrivera !

M. le président - Il faut demander plus de transparence, puisqu'il n'y a pas de concurrence. On comprend qu'il n'y en ait pas, puisque la montée en puissance des normes sanitaires a entraîné une concentration des opérateurs, du fait de la pression des exigences sanitaires, de l'environnement, que sais-je encore. Toutes ces normes ont un effet de concentration et constituent donc une atteinte au potentiel de concurrence.

Enfin, s'agissant de l'équilibre financier du SPE, Nicole Bricq a exprimé quelques doutes sur l'effectivité des recouvrements.

Globalement, nous avons incontestablement avancé. Je remercie le président Sallois et les magistrats qui l'ont entouré, les représentants des trois ministères présents, ainsi que du CNASEA.

Je remercie mes collègues ici présents, tout spécialement Nicole Bricq et Joël Bourdin.

La commission des finances est-elle favorable à la publication d'une communication sur l'enquête de la Cour et sur l'audition d'aujourd'hui ?

Réponse unanime. Cette communication fera donc l'objet d'une publication.

Y a-t-il d'autres questions ?

(...)

M. le président - La séance est levée.

La séance est levée à 13 heures 20.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page