CHAPITRE 4 - COMMERCE EXTÉRIEUR : POURSUITE DE LA DÉGRADATION OU STABILISATION ?
La dégradation du solde extérieur français, engagée en 2003, va-t-elle se prolonger à moyen terme ?
Il faut d'abord observer que la dégradation récente obéit essentiellement à des facteurs conjoncturels : hausse des prix du pétrole, appréciation de l'euro et politique de modération des coûts salariaux poursuivie par l'Allemagne depuis 2000.
Ces facteurs conjoncturels pèsent encore négativement sur la contribution du commerce extérieur à la croissance française en 2006-2007.
Pour le moyen terme , l'arrêt de cette dégradation dépend de la réponse à trois questions :
- la stratégie de compétitivité poursuivie par l'Allemagne va-t-elle se prolonger et même être imitée par d'autres pays de la zone euro ?
- une accélération de la croissance et de la demande dans les pays hors zone euro ne met-elle pas en évidence une faiblesse structurelle des entreprises françaises à l'exportation, qui pourrait peser sur la compétitivité à long terme de l'économie française ?
- la gestion du taux de change de l'euro correspond-elle aux intérêts de la zone euro et de notre pays en particulier ? 18 ( * )
I. UN SCÉNARIO DE MOYEN TERME ROMPANT AVEC LES TENDANCES RÉCENTES
A. UNE DÉGRADATION CONJONCTURELLE DU SOLDE EXTÉRIEUR
Après les excédents engrangés dans la seconde moitié des années 1990, le déficit apparu en 2003 n'a cessé de se creuser (graphique n° 1).
En 2005, le déficit des transactions courantes 19 ( * ) a atteint le niveau record (depuis 1982) de - 27 milliards d'euros (après - 5,6 milliards en 2004). Ce déficit représente une contribution négative à la croissance de - 1 point de PIB . Les exportations de biens et services ont augmenté de 4,5 %, tandis que les importations progressaient de 9,2 %.
Graphique n° 1
LE SOLDE DES TRANSACTIONS COURANTES :
UNE FORTE
DÉGRADATION DEPUIS 2001
Source : Banque de France
En effet, en 2005, les importations se sont accrues :
- sous l'effet de la facture énergétique : le solde énergétique a atteint - 37,9 milliards d'euros ;
- et sous l'effet d'une pénétration accrue des produits étrangers : le taux de pénétration des biens de consommation, rapport entre les importations et la demande intérieure, a continué d'augmenter, passant en volume de 30,5 % début 2001 à 38,3 % fin 2005.
Parallèlement, le contexte de croissance modérée au sein de la zone euro a freiné la progression des exportations de la France vers ses principaux partenaires. Quant aux exportations hors zone euro, elles ont progressé plus fortement (+ 5,6 %) que la moyenne des exportations françaises mais cette performance est inférieure à celle de la zone euro dans son ensemble (+ 7,7 %).
En 2006, malgré un environnement international favorable, la hausse du prix des produits énergétiques et l'appréciation de l'euro entraîneraient un creusement du déficit extérieur, mais de moindre ampleur qu'en 2005. Le gouvernement anticipe un déficit de - 35 milliards d'euros. En moyenne, les instituts de conjoncture prévoient que le commerce extérieur continuera à contribuer négativement à la croissance (- 0,2 point de PIB).
En 2007, la hausse de la TVA en Allemagne aura un double impact : d'une part, la hausse de 3 points de la TVA entraînera une baisse de la demande en provenance de ce pays et, d'autre part, la baisse des coûts de production allemands (pour un montant équivalent à 1,5 point de TVA 20 ( * ) ) sera défavorable à la compétitivité française, poursuivant la tendance observée depuis 2000 (graphique n° 2).
Graphique n° 2
COÛTS SALARIAUX UNITAIRES RELATIFS DANS LE SECTEUR PRIVÉ
Source : OCDE
L'impact des
chocs extérieurs
-
hausse du prix du pétrole, appréciation de l'euro et politique
allemande de contraction des coûts salariaux - sur la croissance de
l'économie française - sur la période 2003-2007 - fait
l'objet d'une évaluation à l'aide du modèle
e-mod
de l'OFCE. En 2007, le « coût », exprimé en
point de pourcentage de croissance, de ces chocs extérieurs, via la
dégradation du solde commercial, resterait
sensible :
-1,3 point de croissance
(après
-1,4 point en 2005 et -1,1 point en 2006).
Graphique n° 3
IMPACT DES CHOCS EXTÉRIEURS SUR LA CROISSANCE FRANÇAISE
Source : OFCE
Ceci s'explique à la fois par le double impact de la hausse de la TVA allemande (sur la demande adressée à la France et sur sa compétitivité) et par la nouvelle appréciation de l'euro par rapport au dollar en 2007 (de 1,2 en 2006 à 1,32 dollar pour 1 euro), hypothèse retenue par l'OFCE.
Globalement, la contribution négative du commerce extérieur à la croissance - solde des évolutions des exportations et des importations - s'amplifierait en 2007 (-0,4 point de PIB).
* 18 Cette question ayant été abondamment traitée dans le précédent rapport de votre Délégation, on se permet d'y renvoyer.
* 19 La balance des transactions courantes décrit les échanges de biens et services et les flux de revenus entre la France et l'étranger.
* 20 La hausse de 3 points de la TVA allemande correspond donc pour la moitié à l'instauration d'une « TVA sociale ».