2. Etablir une relation de confiance entre les entreprises et l'administration fiscale
a) Un champ du rescrit désormais relativement étendu
Le rescrit général (terme qui ne figure pas comme tel dans la réglementation), introduit en 1987 en droit fiscal français et défini à l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, est une procédure de consultation préalable permettant au contribuable de bonne foi de se prémunir contre tout rehaussement d'imposition ou changement de doctrine lorsque l'administration a pris formellement position sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal. Cette garantie peut toutefois prendre fin lorsque le droit a évolué, la situation de fait a été modifiée, ou que l'administration change son analyse de cette situation.
Ces dispositions générales ont été ensuite complétées, au sein de l'article L. 80 B précité, par des procédures dédiées à des opérations ou situations particulières et par des modalités plus souples d'accord tacite de l'administration.
Les groupes d'entreprises français ou étrangers sont ainsi plus particulièrement concernés dans quatre cas :
- les accords préalables sur les prix de transfert (7° de l'article L. 80 B), légalisés par l'article 20 de la loi de finances rectificative pour 2004 ;
- les dépenses éligibles au crédit d'impôt-recherche (3° de l'article L. 80 B), dont le délai d'acceptation tacite est fixé à 6 mois ;
- l'assurance, pour un contribuable étranger, qu'il ne dispose pas en France d'un établissement stable ou d'une base fixe au sens de la convention fiscale liant la France à son Etat de résidence (6° de l'article L. 80 B). Le délai de reconnaissance tacite est fixé à 3 mois ;
- et surtout, la garantie contre la procédure de répression des abus de droit , définie à l'article L. 64 B du livre des procédures fiscales.
Elle s'applique lorsque la consultation de l'administration remplit quatre conditions 415 ( * ) et le délai d'autorisation implicite est de 6 mois. Cette garantie revêt une importance particulière car elle est susceptible de s'appliquer aux montages d'optimisation fiscale.
b) Des améliorations possibles au regard des délais et de la sécurité juridique
En dépit d'efforts réels de promotion par l'administration fiscale 416 ( * ) et du caractère opposable (sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales) de la publication de ses décisions 417 ( * ) , les demandes de rescrit auprès de l'administration centrale 418 ( * ) sont encore relativement faibles (de l'ordre de quelques dizaines par an). La procédure de l'article L. 64 témoigne en particulier de la persistance d'une méfiance réciproque de la part des grandes entreprises et de l'administration fiscale.
En effet, les entreprises et leurs conseils juridiques estiment que les réponses de l'administration sont encore trop souvent négatives et que l'information ainsi collectée sur les nouvelles pratiques fiscales lui permet d'opérer a posteriori des redressements ou de renforcer sa doctrine. Ils sont dès lors réticents à recourir à une procédure jugée peu sûre et inéquitable et préfèrent formuler des demandes informelles d'interprétation sur l'opération envisagée ou, le cas échéant, plaider la bonne foi auprès du comité consultatif de répression des abus de droit en cas de désaccord sur les rectifications notifiées par l'administration.
En outre, le rescrit n'apparaît pas encore suffisamment moderne et efficace si on le compare aux procédures analogues de ruling des administrations néerlandaise et suisse (cf. supra ). Alors qu'aux Pays-Bas, un ruling peut être accordé en l'espace de 2 à 4 semaines, une demande formulée en France peut nécessiter jusqu'à 6 mois pour une validation tacite. Bien qu'elle se soit renforcée dans la période récente , la dimension d'échange et de négociation est également moins présente dans le rescrit français et ne porte pas sur le taux d'imposition.
La condition - dans le cadre de la procédure de l'article L. 64 B précité - portant sur la fourniture de tous les éléments utiles pour apprécier la portée véritable de l'opération peut être source d'insécurité juridique , car son non-respect, volontaire ou non, empêche le contribuable de se prévaloir d'une quelconque garantie en l'absence de réponse de l'administration. Or en cas de silence valant approbation, l'entreprise de bonne foi n'obtient pas la certitude que les documents fournis seront à l'avenir jugés suffisants. Il semble donc qu'il subsiste une marge d'appréciation et de répression pour l'administration et qu'une réponse expresse et précise de sa part soit le seul moyen de réellement garantir la sécurité financière de l'opération projetée.
La mission d'information reconnaît les progrès accomplis par l'administration fiscale dans la compréhension des situations individuelles des contribuables mais considère que le rescrit, en particulier au titre de la procédure de répression de l'abus de droit, doit encore s'améliorer et placer davantage l'administration fiscale en posture d'écoute, de réactivité et de conseil, plutôt que de soupçon, d'insécurité et de tutelle. Un renforcement du rescrit ne devrait pas empêcher les redressements et pénalités - d'office ou à l'issue de vérifications - sur les fondements de la fraude à la loi et de la mauvaise foi du contribuable.
Ce constat est également valable, dans le domaine boursier, pour l'Autorité des marchés financiers , dont la doctrine est souvent jugée peu lisible et prévisible par les émetteurs et leurs conseils, alors que l'autorité de régulation américaine a mis en place une procédure d'agrément des opérations qui l'engage et la lie davantage.
* 415 La consultation concerne la portée d'un contrat ou d'une convention susceptible d'être mise en cause au regard de l'abus de droit, elle est préalable à la conclusion du contrat ou de la convention, la demande est adressée par écrit et comporte tous les éléments utiles pour apprécier la portée véritable de l'opération.
* 416 Mise en place d'une cellule spécifique au sein de la Direction générale des impôts afin de renforcer l'animation et la coordination du traitement des rescrits ; création d'un espace dédié (comportant des fiches pratiques, le modèle-type de demande et les adresses des services fiscaux) sur le portail Internet à destination des particuliers et des professionnels.
* 417 Au titre de l'année 2005, 104 décisions individuelles de portée générale ou emportant novation doctrinale ont ainsi été publiées sur le site Internet impôts.gouv.fr.
* 418 L'essentiel des rescrits est traité de manière déconcentrée et concerne des demandes spécifiques portant sur la reconnaissance du statut d'organisme d'intérêt général ou d'utilité publique, le crédit d'impôt-recherche ou l'éligibilité au statut de jeune entreprise innovante.