4. Conséquence de la course aux talents et aux marchés : l'internationalisation des emplois suit globalement l'internationalisation du chiffre d'affaires
L'évolution de l'organisation des grandes entreprises tend à accroître la part des fonctions et de la chaîne de valeur qu'elles « internationalisent », c'est-à-dire qu'elles opèrent ou font opérer sur le territoire d'un pays autre que celui où est situé leur centre de décision économique principal.
Le centre de réflexion européen BRUEGEL 45 ( * ) a analysé ce phénomène dans une note de juin 2006, « Adieu champions nationaux ». Cette étude montre une forte corrélation d'ensemble entre la proportion du chiffre d'affaires réalisée à l'étranger par les entreprises et la répartition de leurs employés, même si de fortes disparités demeurent au niveau des entreprises, voire au niveau de leur pays d'origine.
Le schéma ci-dessus, tiré de l'étude précitée, montre que pour les 73 groupes analysés, qui appartiennent tous au « top 100 » des capitalisations européennes, la répartition des employés sur les trois zones que sont le pays d'origine, le reste de l'Europe et le reste du monde est, « en moyenne », quasiment la même que celle de leur chiffre d'affaires sur les trois mêmes zones. Tout en demeurant prudente et en insistant sur les disparités qui demeurent si, au lieu de se placer à un niveau global, on raisonne au niveau de l'entreprise, l'étude y distingue une tendance de fond.
Entendu par la mission commune d'information le 18 octobre 2006, M. Nicolas Véron, auteur de l'étude, en a déduit qu'« au fur et à mesure que les entreprises s'internationalisent, leurs effectifs s'internationalisent. En d'autres termes, le modèle mercantiliste selon lequel les ressources et emplois d'une entreprise sont concentrés dans un pays donné alors que celle-ci conquiert des marchés partout dans le monde peut être valable pour une structure donnée, mais pas sur l'ensemble des grandes entreprises ».
Un tel constat est parfaitement cohérent avec les propos tenus par M. Denis Ranque, président-directeur général de Thales, qui a expliqué à la mission commune d'information que l'essentiel des localisations à l'étranger de son groupe n'a pas été conduit pour des raisons de coût (hormis les cartes électroniques et les logiciels), mais pour des questions de proximité du client, afin de conquérir des marchés.
Le commerce extérieur : de plus en plus une affaire de groupes « Le commerce extérieur de la France et les échanges intragroupe sont l'affaire d'un nombre limité de grands groupes industriels internationaux et d'une faible partie de leurs filiales. En 1999, les 210 plus grands réalisaient la moitié des échanges extérieurs de produits manufacturés et les 800 premiers les deux tiers et près de 90 % des échanges intragroupe. Les échanges intragroupe ont pris une place de plus en plus importante dans le commerce extérieur français. En 1999, ils représentaient 41 % des exportations et 36 % des importations de biens manufacturés. C'est la partie la plus dynamique des échanges. Son développement touche tous les secteurs industriels. Il n'a pas, pour autant, arrêté la croissance des échanges extérieurs classiques [...] « Les groupes industriels internationaux, quelle que soit leur nationalité, organisent d'abord leurs échanges pour pénétrer les marchés des pays où ils sont implantés. Les groupes industriels étrangers qui s'implantent en France cherchent principalement à conquérir le marché français. Leur volonté est avant tout commerciale : 73 % de leurs importations intragroupe sont revendues en l'état sur le marché français. Dans cette stratégie, leurs filiales de commerce de gros installées en France occupent une place déterminante. Elles y acheminent près de la moitié des importations intragroupe de ces groupes industriels étrangers. En revanche, pour les filiales industrielles de ces groupes étrangers installés en France, commerce et activités productives sont équilibrés : 50 % de leurs importations intragroupe sont des biens réutilisés en France dans le processus de fabrication. » Source : Boris Guannel et Claire Plateau ; « Les échanges au sein des groupes industriels internationaux. Un levier pour leur stratégie industrielle » Le 4 Pages des statistiques industrielles n° 186, SESSI - direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes (DIGITIP), janvier 2004 |
Les chaînes de production s'internationalisent
Source : Banque mondiale, base de données des indicateurs du développement dans le monde ; OCDE, base de données pour l'analyse structurelle.
* 45 « Brussels european and global economic laboratory »