C. UN ENJEU DE POLITIQUE EXTÉRIEURE POUR L'UNION EUROPÉENNE
La politique de voisinage a pour but ultime la stabilité et la prospérité de l'Europe. Mais elle a indéniablement des répercussions sur les relations extérieures de l'Union européenne, ce qui pose la question de l'articulation entre la dimension interne et la dimension externe de la politique de voisinage. À cet égard, il est intéressant d'étudier la perception de cette politique par la Russie et les États-Unis.
1. La politique de voisinage ne peut ignorer les relations entre la Russie et l'Union européenne
L'Union européenne éprouve des difficultés certaines à articuler sa politique de voisinage avec ses relations avec la Russie. En effet, celle-ci ne cache pas ses réticences vis-à-vis de la politique de voisinage, à laquelle elle a refusé de participer. Quelles sont les raisons de ces crispations ?
Tout d'abord, la politique de voisinage ne pouvait prendre en compte la spécificité russe. Or, la Russie se considère comme un partenaire particulier de l'Union. Sa spécificité se fonde à la fois sur sa position géographique et sur son rôle comme acteur global sur la scène internationale. Ensuite et surtout, la Russie perçoit la politique de voisinage comme un mode autocentré d'organisation du continent. Pour Moscou, l'approche européenne a un caractère d'ingérence, à travers le processus d'européanisation amorcé dans les pays voisins via l'harmonisation législative avec une partie de l'acquis communautaire et l'alignement sur les normes et valeurs européennes.
Le voisinage est ainsi devenu un enjeu primordial des relations russo-européennes. Aux yeux des Russes, la politique de voisinage est une stratégie que l'Union peut employer pour saper sa position hégémonique dans l'espace post-soviétique, et contrarier ses tentatives de reconstruction d'un voisinage qui lui soit favorable. Elle illustre la volonté européenne d'accroître son influence dans son « étranger proche », à la fois par l'exportation de ses valeurs, mais aussi par son intervention dans le règlement des conflits régionaux. Les pays environnants deviennent ainsi l'enjeu de rivalités stratégiques et politiques plus qu'économiques.
La politique de voisinage présente donc des enjeux de sécurité pour le continent européen à un double titre. Elle a en effet pour but de stabiliser les pays du voisinage. Mais elle ne doit pas pour autant susciter la désapprobation et la méfiance de la Russie, avec qui la définition de relations harmonieuses est l'une des conditions primordiales de la stabilité et de la sécurité européennes. Or, face à la Russie, les États membres divergent sur l'appréciation de l'influence négative de Moscou dans leur zone de voisinage. Il est pourtant évident que l'absence d'une politique russe commune à l'ensemble des membres de l'Union nuit à la politique de voisinage, et plus généralement, à la politique extérieure de l'Union.