Annexe 3 - Résolution n°1621 (2008) - Débat de politique générale sur la situation en Chine
1. L'Assemblée parlementaire présente ses condoléances à l'ensemble de la nation chinoise pour les victimes des tremblements de terre qui viennent de la frapper si durement. Elle se félicite de la rapidité avec laquelle les secours ont été dispensés aux sinistrés mais regrette que les militaires chinois aient eu pour ordre de protéger les installations militaires au lieu de porter immédiatement secours à la population sinistrée.
2. L'Assemblée tient à saluer les progrès considérables qui ont été accomplis par la Chine au cours de ces dernières décennies. Entre autres dans les domaines de l'économie, qui est florissante, de sa politique étrangère, qui oeuvre à un environnement international stable et favorable à la poursuite du développement national, ou encore de son rôle clé de médiateur dans de nombreuses crises.
3. Ces progrès, aussi importants soient-ils, n'ont toutefois pas été accompagnés de réformes profondes du système politique ni d'une amélioration nécessaire de la protection des droits de l'homme, comme le démontre, entre autres, l'intensification de la répression des groupes de dissidents par le parti communiste chinois. La puissance économique de la Chine ne pourra se maintenir au premier plan qu'à condition de faire parvenir les bénéfices de ce développement économique à l'ensemble de sa population.
4. L'Assemblée réaffirme que les principes sur lesquels reposent les droits fondamentaux de la personne humaine sont universels. Elle note que la République populaire de Chine a ratifié, à l'instar des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe, la Charte des Nations Unies. Tout en respectant la diversité des approches culturelles, elle considère que la promotion de ces principes ne s'arrête pas aux frontières des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe.
5. C'est pourquoi l'Assemblée est convaincue qu'elle a le devoir d'examiner la situation politique de la Chine et d'exprimer ses préoccupations quant à la situation des droits de l'homme et de la démocratie. En agissant de la sorte, l'Assemblée n'a pas pour objectif d'imposer unilatéralement son point de vue à la Chine, mais estime remplir la vocation qui est la sienne depuis sa création.
6. A la lumière des valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l'Europe, l'Assemblée se déclare prête à établir un dialogue avec les autorités chinoises sur toute une série de questions d'intérêt commun et, en particulier, sur les droits de l'homme, la démocratie et l'Etat de droit en vue d'encourager la Chine à poursuivre les réformes dans ces domaines.
7. L'Assemblée est convaincue que la diversité des approches culturelles avec la Chine ne peut qu'être source d'enrichissement mutuel, notamment au niveau d'un dialogue politique, interculturel et interreligieux.
8. En tant qu'organisatrice des jeux Olympiques d'été de 2008, la Chine a une occasion unique de montrer au monde entier non seulement ses capacités d'organisation mais aussi qu'elle est résolue à améliorer la situation en matière de démocratie, de droits de l'homme et d'Etat de droit. Dans le cadre de
l'organisation de ces jeux, nombreux sont ceux qui, en Chine comme dans le reste du monde, expriment des attentes très importantes quant à des progrès de la Chine dans ces domaines. Il convient de regretter que ces progrès se fassent encore attendre.
9. L'Assemblée est cependant préoccupée par le fait qu'à deux mois de l'ouverture des jeux Olympiques, des libertés aussi fondamentales que la liberté d'expression et la liberté d'association ne soient toujours pas garanties. Les citoyens chinois courent toujours un risque s'ils expriment ouvertement leur opinion, s'ils adressent des critiques au gouvernement, s'ils publient des articles sur internet, s'ils accordent des entretiens à des journalistes étrangers, ou encore s'ils pratiquent leur religion en dehors des lieux de culte strictement contrôlés par l'Etat.
10. L'accès à l'information est limité et internet et la presse font l'objet d'une censure étroite. Par ailleurs, la peine de mort continue d'être appliquée. Les formes abusives de détention administrative sont encore répandues, de même que les détentions et incarcérations arbitraires, la torture et le harcèlement des défenseurs des droits de l'homme (notamment militants syndicaux, avocats et journalistes). La discrimination à l'égard des migrants ruraux, des minorités ethniques et des femmes est également très courante.
11. L'Assemblée condamne la violente répression des manifestations de ces derniers mois au Tibet et dans les régions avoisinantes, avec son cortège d'arrestations, de disparitions et de morts.
12. Parallèlement, l'Assemblée se félicite du dialogue renouvelé - même s'il reste informel - qui a eu lieu le 4 mai 2008, dans le sud de la Chine, entre des envoyés du Dalaï-lama et des représentants des autorités chinoises. Il s'agit là d'une initiative louable.
13. L'Assemblée ne souhaite pas condamner la Chine mais s'interroge plutôt sur le mode de fonctionnement politique du régime communiste chinois, qui est loin des principes des démocraties modernes.
14. Dans ce contexte, l'Assemblée demande instamment aux Etats membres du Conseil de l'Europe et à la communauté internationale:
14.1. de continuer à s'engager avec la Chine à réfléchir aux défis majeurs d'un monde en perpétuel changement et de tenter de les résoudre ensemble, dans des domaines tels que le changement climatique, la lutte contre le terrorisme ou encore la lutte contre le trafic des êtres humains;
14.2. d'adopter une approche cohérente et constante vis-à-vis de la Chine afin d'aboutir à des progrès concrets en ce qui concerne la démocratie, l'Etat de droit et les droits de l'homme;
14.3. d'exercer une influence - au niveau de chaque Etat - sur la Chine, afin que celle-ci instaure un dialogue de fond au sujet du Tibet et des régions avoisinantes.
15. L'Assemblée demande au gouvernement chinois:
15.1. d'engager un dialogue franc et sincère avec les Etats membres du Conseil de l'Europe pour résoudre ensemble les défis majeurs d'un monde en perpétuel changement;
15.2. de respecter sa ratification de la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que tous les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient le faire;
15.3. de mettre en oeuvre des réformes profondes s'agissant du respect de la démocratie, des droits de l'homme et de l'Etat de droit, y compris après la fin des jeux Olympiques;
15.4. de prendre des mesures concrètes pour prouver son engagement dans le sens d'une amélioration de la situation en matière de libertés fondamentales, par exemple, en levant le blocus imposé à internet, en libérant ceux que l'on appelle les « cyberdissidents », en levant les assignations à résidence des défenseurs des droits de l'homme, en mettant un terme au harcèlement et aux arrestations de membres appartenant à des minorités religieuses, y compris les membres du Falun Gong, en s'abstenant de toute détention arbitraire, de tout harcèlement et de tout refoulement illégitime de journalistes, ou encore en garantissant la liberté de circulation et de reportage des journalistes, aussi bien chinois qu'étrangers, pendant et après la période des jeux Olympiques;
15.5. de mettre un terme aux mesures sévères dont font l'objet les militants qui défendent les droits de l'homme;
15.6. de poursuivre le dialogue avec les représentants tibétains sur la situation au Tibet;
15.7. d'envisager la création d'une « Commission vérité et de réconciliation », afin de permettre aux Chinois et aux Tibétains d'assumer l'héritage du conflit dans la région et de faire l'historique des abus commis et des injustices subies par toutes les parties en présence.
16. L'Assemblée invite le Parlement chinois à s'engager dans un dialogue politique avec elle en vue de promouvoir la démocratie parlementaire, la prééminence du droit et le respect des droits de l'homme. Une fois que la Chine aura réalisé des progrès notables dans ces domaines, le Parlement chinois pourrait se porter candidat au statut d'observateur auprès de l'Assemblée.
17. L'Assemblée, et de manière générale le Conseil de l'Europe, ont accumulé une expérience considérable dans le domaine de la démocratie. A ce titre, l'Assemblée est prête à mettre cette expérience à disposition tout en étant consciente qu'il appartient à chaque démocratie de choisir sa propre voie.
18. L'Assemblée encourage l'Union européenne à continuer à soulever les questions de la peine capitale, de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants, de la situation des défenseurs des droits de l'homme, de la liberté de la presse et de la liberté d'expression, dans le cadre de son dialogue politique et des droits de l'homme avec la Chine.
19. Enfin, l'Assemblée se tient prête à envoyer une délégation de parlementaires en visite d'information en Chine afin de recueillir sur place de plus amples informations sur la situation actuelle dans le pays.