3. Utiliser le levier des mesures de trésorerie
a) La pérennisation du remboursement immédiat du CIR
L'ensemble des entreprises engagées dans une démarche de R&D ont particulièrement apprécié les mesures de remboursement immédiat du CIR , décrites précédemment dans le présent rapport. De l'avis général, elles ont parfaitement rempli leur rôle de soulagement de la trésorerie de ces sociétés, que la crise avait fragilisées. Plusieurs de leurs représentants ont émis le souhait que celles-ci soient pérennisées, même une fois que la croissance sera revenue.
Dans cette perspective, deux éléments doivent être mis en balance :
- d'une part, le coût pour les finances publiques. Si, comme rappelé ci-avant, celui-ci a été élevé en 2009 et devrait l'être encore en 2010 (respectivement 3,7 milliards d'euros et 2,5 milliards d'euros), il convient de rappeler qu'il ne s'agit « que » d'un coût de trésorerie, l'Etat réglant plus tôt une dette qu'il a réellement à l'égard de l'ensemble des bénéficiaires du CIR ;
- d'autre part, le gain économique pour les entreprises. Par définition, le remboursement anticipé profite aux contribuables n'ayant pu imputer complètement leur CIR sur leur impôt. Il s'agit donc souvent de structures déficitaires qui, pour les plus petites d'entre elles, ont de réels facteurs de fragilité alors même qu'elles sont engagées dans un processus de R&D qui peut s'avérer, à terme, profitable à l'économie nationale.
C'est dans ce sens que la proposition formulée par le Président de la République 36 ( * ) de pérenniser ce dispositif pour les seules PME mérite d'être suivie .
Selon une estimation établie par la direction générale du Trésor, le coût de trésorerie de cette mesure devrait s'établir , sur quatre ans, entre 494 millions d'euros et 664 millions d'euros 37 ( * ) .
b) La question de la prise en compte des dépenses ayant bénéficié d'avances remboursables
Votre rapporteur spécial a déjà soutenu l'idée d'un retour aux dispositions en vigueur avant 2008 en matière de prise en compte des avances remboursables pour le calcul du CIR . Tel était le sens d'un amendement au premier projet de loi de loi de finances rectificative pour 2010 qu'il a cosigné avec nos collègues Jean Arthuis, président de votre commission des finances, et Philippe Adnot, co-rapporteur de la mission « Recherche et enseignement supérieur » 38 ( * ) . La commission mixte paritaire chargée d'examiner le projet de loi n'a pas retenu ce dispositif, qui avait été adopté par le Sénat contre l'avis du Gouvernement.
Il est nécessaire de bien poser les termes de ce débat dans le cadre du présent rapport.
Comme indiqué précédemment, la réforme du CIR à laquelle a procédé la loi de finances pour 2008 a inclus un réaménagement de la prise en compte des avances remboursables pour le calcul de ce crédit d'impôt afin de respecter une préconisation de la Cour des comptes. Alors qu'auparavant, les avances remboursables n'étaient déduites de l'assiette du CIR qu'au moment du constat de l'échec du projet financé (ce qui les transformait en subventions), ces avances doivent désormais être déduites des bases de calcul du crédit d'impôt l'année où elles sont versées à l'entreprise. En revanche, elles sont prises en compte, dans le calcul du crédit d'impôt, lorsque l'entreprise procède à leur remboursement .
Certes, cette évolution correspond à une certaine logique. Il s'agit de ne pas octroyer « d'aide sur une aide » en permettant le cumul d'un crédit d'impôt et d'une avance publique. De plus, comme la Cour des comptes l'a souligné dans son rapport public de 2007 précité, « à défaut d'un suivi précis des conditions de remboursement [des avances remboursables], il est arrivé que certaines d'entre elles ne soient jamais prises en compte pour diminuer l'assiette du crédit d'impôt recherche, ou qu'alors elles viennent la diminuer à un moment où l'entreprise dispose de crédits négatifs. Dans de tels cas, l'entreprise bénéficie d'un cumul de fait de l'avantage du crédit d'impôt recherche et de la subvention publique ». L'évolution législative de 2008 a supprimé cette possibilité de cumul qui apparaît effectivement peu défendable.
Toutefois, votre rapporteur spécial considère que l'intérêt économique devrait permettre, s'agissant de ce point précis, une dérogation à la stricte application des principes .
Tout d'abord, les entreprises bénéficiant d'avances remboursables, en particulier d'OSEO, sont, presque par définition, des sociétés de taille petite ou moyenne qui portent des projets innovants. Il s'agit d'entreprises souvent jeunes, à la fois fragiles et prometteuses, qui méritent tout particulièrement d'être soutenues. L'association France Biotech a bien montré comment certaines de ces « jeunes pousses » actives dans le domaine des biotechnologies, ont été paradoxalement pénalisées par la réforme de 2008, le triplement de la part en volume ne compensant pas l'exclusion des avances remboursables de l'assiette de leur CIR.
Ensuite, le coût de la mesure serait à la fois modique (de l'ordre de 70 millions d'euros pour une dépense fiscale d'environ 4 milliards d'euros) et surtout provisoire. En effet, en bout de chaîne, dans le système actuel comme avant 2008, l'entreprise qui a mené à bien son projet doit rembourser l'avance et l'inclure dans son CIR tandis que celle dont le projet a échoué bénéficie d'une subvention de fait, laquelle est naturellement exclue de l'assiette du crédit d'impôt. La différence entre les deux systèmes ne porte donc que sur la période durant laquelle l'entreprise dispose de l'avance pour mener son projet, période au cours de laquelle elle est souvent la plus fragile.
De plus, même si les avances remboursables sont bien des aides publiques, elles ne sont pas de même nature que les subventions. Dans la comptabilité des bénéficiaires, elles sont enregistrées en tant que dettes et ne contribuent donc pas à l'accroissement de leurs fonds propres, c'est-à-dire à leur capacité à obtenir d'autres financements.
Enfin, comme l'a souligné M. François Drouin, président directeur général d'OSEO, lors de son audition par votre rapporteur spécial, cet établissement public a renforcé ses outils de suivi de manière très significative, ce qui a nettement réduit le risque de cumul dénoncé en 2007 par la Cour des comptes.
Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur spécial reste partisan de ne déduire les avances remboursables de l'assiette du CIR qu'au moment du constat de l'échec du projet financé .
* 36 Extrait du discours prononcé par M. Nicolas Sarkozy à Marignane, le 4 mars 2010, en conclusion des Etats généraux de l'industrie : « Le remboursement anticipé [n'avait] pas [été] conçu pour être structurel, mais pour répondre à la crise aiguë de trésorerie des entreprises de 2009. Ceci dit, nous avons constaté à quel point le remboursement anticipé du crédit impôt recherche a amplifié [son] effet positif pour les petites entreprises dont la caractéristique [est d'être] en permanence en recherche de trésorerie. Nous allons donc pérenniser le remboursement anticipé du crédit impôt recherche pour les PME ».
* 37 Selon le scénario de base, ce coût s'élèverait à 164 millions d'euros en 2011, puis 157 millions d'euros en 2012, 148 millions d'euros en 2013 et 26 millions d'euros en 2014. Dans l'hypothèse haute, ces montants s'élèveraient respectivement à 213 millions d'euros, 207 millions d'euros, 200 millions d'euros et 44 millions d'euros.
* 38 Amendement n° 91 au projet de loi de finances rectificative pour 2010. Voir le compte-rendu des débats du Sénat du 16 février 2010.