2. Une nouvelle norme de dépense annoncée pour l'Etat
Contrairement à la présentation qui en a généralement été faite par la presse, l'annonce du gel des dépenses de l'Etat, hors charges d'intérêt de la dette et hors dépenses de pensions, ne devrait pas pas présenter de différence majeure par rapport à la règle actuelle dite du « zéro volume élargi », appliquée depuis 2008 ( cf . infra).
La règle d'indexation des dépenses de l'Etat prévue pour 2011, 2012 et 2013 Le Premier ministre a annoncé, dans un communiqué de presse du 6 mai 2010, que « pour les 3 années à venir, (...) les dépenses de l'Etat, hors charges d'intérêt de la dette et hors dépenses de pensions, seront gelées en valeur ». Cette orientation a été confirmée par le relevé de conclusions de la 2 e conférence sur le déficit (20 mai 2010), qui prévoit de « geler les dépenses de l'Etat (hors pensions des agents publics et intérêts de la dette, mais y compris concours aux collectivités territoriales et à l'Union européenne) en valeur sur trois ans ». Cette déclaration a été fréquemment interprétée par la presse comme impliquant un « gel des dépenses publiques » sur trois ans, ce qui a donné lieu à de nombreux commentaires sur la nécessité ou non de parler de « rigueur ». Cette réaction est paradoxale, dans la mesure où cette déclaration ne paraît pas constituer une forte inflexion par rapport à la politique actuelle. Tout d'abord, seules sont mentionnées par le communiqué de presse les dépenses de l'Etat , qui représentent moins de la moitié des dépenses publiques. Ensuite, dans le cas des dépenses de l'Etat, il n'est pas évident que la norme annoncée soit beaucoup plus contraignante que celle prévue par le programme de stabilité 2010-2013 et en vigueur depuis déjà plusieurs années, qui consiste à stabiliser en volume la totalité des dépenses de l'Etat. Celles-ci (en « périmètre élargi ») sont de l'ordre de 350 milliards d'euros, ce qui, avec une inflation de 1,5 %, correspond à une augmentation de l'ordre de 5 milliards d'euros. En situation « normale » la charge de la dette et les pensions augmentent globalement de plus de 5 milliards d'euros, et absorbent donc la totalité de l'augmentation des dépenses. Autrement dit, en année « normale » les dépenses hors charge de la dette et hors pensions sont déjà au « zéro valeur ». L'application de la règle du « zéro valeur hors pensions et charge de la dette » ne présenterait donc pas de différence significative en situation « normale » par rapport à la règle actuelle. L'application de la règle en 2010 aurait certes exigé d'économiser environ 4 milliards d'euros, parce que, la charge de la dette ayant fortement diminué en 2010, les dépenses hors charge de la dette ont pu davantage augmenter qu'elles ne l'auraient fait sinon. Il est cependant possible qu'à moyen terme la nouvelle règle soit analogue à la règle actuelle, voire moins contraignante, en raison de la faiblesse prévisible de l'inflation et de l'augmentation probable de la charge de la dette. |
Ainsi, lors de son audition par la commission des finances le 23 juin 2010, Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, a jugé, en réponse à une question de votre rapporteur général, que « l'adoption d'une nouvelle norme de dépense modifie peu la situation ». Il a ajouté qu'il convenait « donc [d'] aller au-delà car les objectifs de maîtrise de la dépense publique ne sont pas respectés, en raison de l'accroissement des dépenses fiscales et des dépenses des opérateurs de l'État, dont l'augmentation respective a été de plus de 8,5 % et de plus de 11 % . »