Mercredi 19 mai 2010 Mme Maya Atig, Sous-directrice des assurances à la direction générale du Trésor M. Sébastien Raspiller, Chef du bureau des marchés et des produits d'assurance

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- Présidence de M. Bruno Retailleau, président -

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Maya Atig, sous directrice des assurances, et de M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance, à la direction générale du trésor.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité connaître l'état des lieux en matière d'indemnisation, le partage du coût et les propositions de réforme envisagées.

Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances à la direction générale du Trésor, a présenté les règles relatives au régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, dit régime « catnat », en soulignant qu'il était fondé sur la solidarité nationale à la faveur d'une large mutualisation du risque. Son champ est précisé, depuis la loi du 13 juillet 1982, par l'article L. 125-1 du code des assurances qui dispose que ce régime couvre « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises ». En pratique, les risques concernés sont les diverses formes d'inondation (inondations de plaine, crue torrentielle, ruissellement en secteur urbain, coulées de boue et remontées de nappe phréatique), les phénomènes liés à l'action de la mer, les séismes, les mouvements de terrain (effondrement, affaissement, éboulement et chute de pierres, glissement et coulée boueuse associée, lave torrentielle), la sécheresse (y compris les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation du sol), les avalanches, et, enfin, les effets du vent dû à un événement cyclonique. Le régime catnat bénéficie d'une réassurance publique avec garantie de l'Etat et s'appuie à cette fin sur la Caisse centrale de réassurance (CCR), institution détenue à 100 % par l'Etat, mais soumise au droit commun des sociétés d'assurances privées.

Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances à la direction générale du Trésor, a observé qu'à la date du 11 mai 2010, 191 communes avaient été déclarées en état de catastrophe naturelle. Elle a rappelé que le Gouvernement s'était mobilisé en vue de faciliter le bon déroulement des procédures d'indemnisation. Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi avait en particulier décidé de nommer un médiateur des assurances. En outre, le délai de déclaration des sinistres au titre du régime catnat a été exceptionnellement porté de dix jours à un mois.

M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance à la direction générale du trésor, a précisé que le choix du Gouvernement a consisté à reconnaître dans un premier temps l'état de catastrophe naturelle dans l'ensemble des communes des quatre départements fortement touchés par la tempête Xynthia. Ce n'est que dans un deuxième temps que des arrêtés de reconnaissance plus classiques portant sur des communes spécifiques et non sur la totalité d'un département ont été pris. Il a souligné que les effets du vent sont assurables de plein droit, sans nécessiter le recours au régime catnat. Le montant de ce type de dégâts se situe souvent entre 1.000 et 2.000 euros. Les dommages résultant de risques classés catnat, tels que les inondations, font appel au régime spécifique couvrant ces risques.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur les marges d'amélioration du dispositif catnat.

En réponse, M. Sébastien Raspiller a souligné le caractère éprouvé de ce régime. Chaque mois, des communes sont reconnues victimes de catastrophes naturelles et, moins fréquemment quoiqu'assez régulièrement, des phénomènes de grande ampleur sont observés, à l'instar de la tempête de 1999, des inondations de la même année et de 2003, de la tempête Klaus de 2009 ou encore de la tempête Xynthia en 2010. Dans chacune de ces situations, le régime catnat démontre sa capacité, son efficacité et sa solvabilité.

Mme Maya Atig a précisé comment le partage du coût entre les assurances et l'Etat serait effectué. Sur un coût total de 1,5 milliard d'euros, les sociétés d'assurance devront prendre en charge 800 millions d'euros. Pour les inondations, environ 50 % des 700 millions d'euros de dommages seront pris en charge par la CCR, soit un coût de 250 à 350 millions d'euros.

M. Sébastien Raspiller a fait état d'un régime financé par une provision d'égalisation en franchise d'impôts, qui s'élève à 2 milliards d'euros environ. Le prélèvement de 12 % sur les cotisations et primes additionnelles catnat des contrats d'habitation est destiné à la fois aux assureurs et aux réassureurs. L'assureur s'accorde avec la CCR sur un traité de réassurance en quote part, qui conduit à un partage du coût pour moitié entre les deux parties. La CCR, avec une garantie illimitée de l'Etat, offre de plus aux assureurs une clause de limitation des pertes. Dans les cas où les sinistres dépassent un seuil de 200 % de la valeur des primes, la CCR prend ainsi en charge le coût de l'indemnisation. S'agissant de la tempête Xynthia, il ne devrait pas y avoir de cas où ce seuil serait atteint. La survenance d'une catastrophe majeure de type séisme sur la Côte-d'Azur ou d'inondations à Paris conduirait en revanche à l'utilisation de cette clause.

En réponse à M. Alain Anziani, rapporteur, M. Sébastien Raspiller s'est montré optimiste sur la capacité de la CCR à participer rapidement aux procédures d'indemnisation au titre du régime catnat en cours.

En complément, Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances à la direction générale du Trésor, a souligné le caractère parfaitement rôdé de ces mécanismes financiers.

M. Alain Anziani, rapporteur, a souhaité connaître le bilan des procédures d'indemnisation.

M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance à la direction générale du Trésor, a précisé que des indemnisations ont déjà été versées, mais que les procédures nécessitent deux visites d'experts : une première pour identifier les dégâts suivie d'une seconde, plus approfondie, pour déterminer les sommes devant être allouées. Ces dernières ont eu lieu pour 80 % des sinistres en Vendée et pour 50 % en Charente-Maritime. Les assureurs se sont engagés à les terminer d'ici la fin du mois de mai.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la procédure d'indemnisation dans les zones d'acquisition amiable, ainsi que sur le rehaussement, qui a été réalisé par la voie réglementaire, du plafonnement des subventions accordées par le Fonds « Barnier » de 60.000 à 240.000 euros par maison.

M. Sébastien Raspiller a déclaré que l'indemnisation s'effectuerait en deux temps : d'une part, la fixation d'une valeur d'intervention pour la remise en état au titre du régime catnat, de l'ordre de 20.000 euros en moyenne pour une inondation, d'autre part, la prise en charge de la valeur vénale du bien, voire des marges ajoutées au titre des frais de notaire, d'agence ou, encore, de démolition. Le recours au fonds Barnier pour le rachat des habitations devrait suivre trois procédures distinctes :

- une procédure d'acquisition amiable pour les biens sinistrés à plus de 50 % de leur valeur vénale. L'arrêté qui a déplacé le plafond de 60.000 à 240.000 euros ne concerne que cette procédure. Environ 30 maisons devraient être concernées ;

- une procédure d'acquisition amiable pour les biens non sinistrés ou sinistrés à moins de 50 % de leur valeur vénale. Dans ce cas, l'indemnisation n'est pas soumise à plafonnement ;

- enfin, une procédure formelle d'expropriation, soumise à déclaration d'utilité publique au terme d'une enquête contradictoire.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la capacité du fonds Barnier à assumer de telles dépenses, qui pourraient s'élever à environ 800 millions d'euros, d'après M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, tandis que les sociétés d'assurance n'apporteraient qu'une contribution réduite à ces indemnisations.

M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance à la direction générale du Trésor, a tout d'abord observé que l'évaluation de France Domaine tient compte d'environ 10 % de frais annexes (notaire, agence, déménagement...). Il a ajouté que le fonds Barnier dispose d'un flux de trésorerie de l'ordre de 150 millions d'euros par an et est contraint par des dépenses annuelles « fixes » d'environ 75 millions d'euros, y compris le plan séisme aux Antilles et le financement des travaux de reconstruction des digues.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'opportunité d'une mobilisation des réserves de la CCR ou d'un abondement du fonds Barnier par l'Etat.

Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances à la direction générale du Trésor, a indiqué que l'Etat avait la faculté de contribuer au financement du régime catnat. En revanche, la CCR est pour sa part soumise aux règles de droit commun des sociétés d'assurance, bien que l'Etat en soit actionnaire et garant. Elle doit disposer de fonds propres conséquents et ne peut donc être utilisée comme une « cagnotte », ni comme un instrument budgétaire.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, Mme Maya Atig a de nouveau précisé que le milliard d'euros de réserves de la CCR ne saurait être mobilisé par l'Etat pour abonder le fonds Barnier. Ces réserves apparaissent en effet incompressibles et il ne peut être distingué en leur sein une part de provisions et une part de fonds propres. Elle a souligné la différence de nature entre les deux structures : le fonds Barnier est un fonds budgétaire tandis que la CCR est un organisme de réassurance. Cette dernière répond donc à une logique spécifique qui ne lui permet pas de financer le fonds Barnier par ses réserves. L'hypothèse d'un financement budgétaire, sous forme d'avances, pourrait être, en revanche, envisagée. Une telle procédure devrait être approuvée par le Parlement à l'occasion de l'examen d'un projet de loi de finances.

M. Bruno Retailleau, président, a fait état des difficultés constatées dans les départements sinistrés pour le versement des indemnisations publiques dans le domaine agricole.

M. Sébastien Raspiller a rappelé que la CCR n'assure que la gestion du FNGCA, le pilotage de celui-ci relevant de la compétence exclusive du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Il a observé que les procédures d'indemnisation au titre de ce fonds peuvent prendre du temps et qu'elles nécessitent l'accord préalable de l'Union européenne.

M. Alain Anziani, rapporteur, a demandé confirmation que l'arrêté fixant le plafond d'intervention du fonds Barnier à 240 000 euros ne fera pas obstacle au rachat au prix de leur valeur vénale de la totalité des habitations classées en zone d'acquisition amiable.

En réponse, M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance à la direction générale du Trésor, a confirmé que ces biens seraient tous indemnisés en fonction de leur valeur sur le marché de l'immobilier. Il a rappelé que l'arrêté qui a déplacé le plafond de 60.000 euros à 240.000 euros ne concerne que les biens sinistrés à plus de 50 % de leur valeur vénale. Or seulement 30 maisons devraient être concernées par ce cas de figure. Les autres biens échapperont donc à cette procédure et ne seront soumis à aucun plafonnement.

Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances à la direction générale du Trésor, a précisé que les habitations n'ayant pas subi de dégâts et donc indemnisées sans plafonnement devront faire l'objet d'une évaluation scientifique du risque naturel impliquant un danger mortel.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'opportunité d'une réforme plus générale du fonds Barnier.

Mme Maya Atig a souligné les qualités de ce dispositif, en particulier sa grande réactivité et son incitation à anticiper les risques de danger mortel. Elle a observé que les travaux de la mission d'inspection interministérielle sur le régime catnat ont surtout conclu en faveur d'un développement des politiques de prévention.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, Mme Maya Atig est convenue du faible intérêt d'une prise en compte du risque dans le calcul du montant des primes d'assurances, bien qu'aujourd'hui, deux mécanismes se rapprochent d'une telle logique :

- les franchises sont modulées en fonction de l'adoption de plans de prévention des risques (PPR) et de l'existence de risques naturels ;

- l'ouverture de la garantie catnat est conditionnée par le respect des règles en vigueur, ainsi que le prévoit l'article L 125-6 du code des assurances. Les cas d'exclusion d'assurés restent rares, les assureurs préférant faire preuve de souplesse dans l'application de cette disposition.

La modulation financière des primes catnat ne peut avoir d'effets incitatifs que si les montants en jeu sont réellement conséquents. Or, la surprime est très peu élevée puisqu'elle représente aujourd'hui, en moyenne, 18 euros par contrat d'assurance. Les marges de manoeuvre existantes apparaissent dont particulièrement réduites.

M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance à la direction générale du Trésor, a rappelé que M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, lors de son discours prononcé à La Roche-sur-Yon le 16 mars 2010, a invité à maintenir des dispositifs assurantiels fondés sur la solidarité nationale.

En outre, il a attiré l'attention de la mission sur les recommandations des deux rapports consacrés au régime catnat. S'agissant du risque sécheresse, des réponses spécifiques doivent être apportées. La simple définition de normes de construction plus rigoureuses permettrait de prévenir les difficultés liées à la nature argileuse des sols. Le régime catnat relève efficacement le défi de l'indemnisation des risques pesant sur les biens, mais, s'agissant des risques humains, le cadre juridique reste encore perfectible.

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