C. QUELLES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES AU DELÀ DE L'AIDE EUROPENNE ?
Il convient à cet égard de souligner la spécificité de la crise irlandaise qui reste une crise essentiellement bancaire. A la différence d'autres pays de la zone dite périphérique, notamment l'Espagne et le Portugal, l'Irlande dispose encore de relais de croissance et ne souffre pas d'un déficit de compétitivité. La banque mondiale classe encore l'Irlande parmi les dix meilleurs pays au monde pour la facilité à exercer des activités commerciales Le pays se classe au deuxième rang européen en ce qui concerne la productivité et la flexibilité. Le programme des Nations unies pour le développement classe enfin l'Irlande parmi les cinq pays bénéficiant de la meilleure qualité de vie.
Par ailleurs alors que la consommation devrait diminuer d'environ 4 % en 2011 en raison, notamment, des mesures d'austérité adoptées depuis trois ans, le secteur des exportations est le seul estimé à la hausse (environ 5 % en 2011). Seules les exportations, générées pour l'essentiel par les compagnies étrangères (88 %), devraient permettre une reprise de la croissance. Cette bonne tenue des exportations devrait permettre à l'Irlande de retrouver le chemin de la croissance et à l'horizon 2013-2014 d'observer une réelle reprise de la consommation. Rappelons que celle-ci était en baisse de 7 % en 2009.
La croissance demeure néanmoins difficile à évaluer comme en témoignent les hésitations de la Commission à ce sujet, validant l'hypothèse du gouvernement irlandais d'une progression du PIB de 1,75 % avant de la contredire quelques semaines plus tard pour la ramener à 0,9 %.
Par ailleurs, le poids de l'endettement privé, 160 milliards d'euros, soit l'équivalent du PIB, risque de peser durablement sur la reprise de la consommation. Le chômage des non diplômés issus du secteur du bâtiment ou de la distribution demeure important. L'émigration de diplômés, cette nouvelle fuite des cerveaux, vers les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, la Nouvelle-Zélande ou l'Australie est également source d'inquiétude. Rappelons que 100 000 jeunes diplômés sont actuellement sans emploi en Irlande. Une centaine d'entre eux quittent le pays chaque semaine. Cette émigration ne vise pas uniquement les jeunes, les candidats au départ ayant entre 25 et 50 ans. Le taux d'émigration net est le plus haut de l'Union avec 9 %, la Lituanie se classant derrière avec 4,6 %.
Ce taux constitue une rupture avec les années de prospérité du tigre celtique, où une partie de la diaspora irlandaise était revenue vers l'Eire. Ce faisant, l'Irlande renoue avec une tradition migratoire entamée avec la grande famine de 1840, événement à partir duquel l'exil constitue une réponse aux crises récurrentes qui frappent le pays.
Par ailleurs, au delà du montant de l'aide, les marchés demeurent très sensibles au contexte qui l'entoure. L'incertitude politique, les craintes entourant la soutenabilité de la dette irlandaise en 2013 comme les déclarations d'Angela Merkel sur la participation des sociétés au mécanisme de gestion de crise après 2013 ont largement contribué au maintien des taux à 10 ans concernant l'Irlande à un niveau relativement haut la semaine suivant l'annonce du plan d'aide européen, 9 % contre 2,74 % pour l'Allemagne.
Taux à 10 ans le 29 novembre 2010 au lendemain de l'annonce du plan d'aide à l'Irlande
Allemagne |
France |
Espagne |
Grèce |
Irlande |
Portugal |
2,73 % |
3,14 % |
5,18 % |
11,77 % |
9,20 % |
6,99 % |
L'une des grandes questions demeure à cet égard la mesure exacte de l'ampleur des pertes des banques qu'il apparaît encore difficile d'évaluer.