D. QUELLES CONSÉQUENCES EN MATIÈRE DE GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE ?
La crainte d'une contagion a également motivé l'effort européen en faveur de l'Irlande. Les menaces que font peser les crises irlandaise et grecque, comme les incertitudes espagnoles ou portugaises, sont en effet source d'inquiétude. Si la confiance à l'égard de la monnaie unique s'affaiblissait, les obligations d'Etat verraient leurs taux d'intérêt ou d'assurance augmenter. La charge de la dette payée par l'impôt augmenterait en conséquence créant les conditions d'une défiance des marchés sur les capacités d'emprunt des pays concernés, au risque de voir certains pays trop endettés se retrouver dans l'impossibilité d'emprunter sur les marchés. Ces Etats se retrouveraient eux aussi confrontés à une crise de liquidités.
La question de la contagion ne tient pas à la similarité des crises mais au climat de défiance vis-à-vis de la dette souveraine européenne. Là où il y a deux ans, toute obligation venant de la zone euro était traitée sur un plan d'égalité, qu'elle vienne de Grèce ou d'Allemagne, les marchés développent désormais une crainte à l'égard de la dette souveraine européenne toute aussi excessive que ne l'était la confiance.
La restauration de la confiance à l'égard d'un pays est donc à cet égard primordiale. La zone euro permet de mutualiser le risque, les Etats confrontés à de sérieuses difficultés pouvant emprunter à des taux raisonnables.
Au-delà de la question de la stabilité de la zone euro, cette crise n'aura pas non plus été sans incidence en ce qui concerne la gouvernance économique de l'Union européenne. La faillite du système bancaire local et son renflouement par les deniers publics européens sont venus à l'appui du souhait allemand de faire participer les établissements financiers au mécanisme permanent de gestion de crise prévu à la mi-2013.
Le dispositif d'aide potentielle valable jusqu'en 2013 Fonds européen de stabilité financière (FESF) - 440 milliards d'euros (Volet intergouvernemental) Cet instrument aide les États en difficulté après avoir emprunté sur les marchés grâce aux garanties apportées par les seize États de la zone euro. Le fonds a été mis en place en mai dernier pour une durée de trois ans. Il est activé à l'unanimité des États participants. Il convient de relativiser le chiffre de 440 milliards d'euros. Les moyens disponibles sont plutôt de l'ordre de 255 milliards d'euros selon les économistes, ni la Grèce ni l'Irlande ne pouvant être appelées en garantie. Il est, par ailleurs, raisonnable de ne pas compter sur la contribution du Portugal, voire celle de la Grèce. La part française de la garantie s'élève pour sa part à 110 milliards d'euros. Mécanisme européen d'assistance financière - 60 milliards d'euros (Volet communautaire) Il est financé par des emprunts réalisés par la Commission sur les marchés, garantis par le budget communautaire. Il est activé à la majorité qualifiée des Vingt-Sept États membres de l'Union Fonds monétaire international - 250 milliards d'euros |
Les ministres européens des finances sont, à cet, égard, parvenus à un accord le 28 novembre dernier. Reprenant les principes du dispositif actuel, le Mécanisme de stabilité européenne (ESM) prévoit de conditionner l'aide à l'égard d'un pays à l'adoption par celui-ci d'un programme drastique d'ajustement de la dette souveraine. Le futur mécanisme prévoit parallèlement une participation du secteur privé, au cas par cas. Deux cas sont envisagés :
• Lorsqu'un pays faisant appel à l'ESM est considéré comme solvable, les créanciers privés sont encouragés à conserver leur exposition à la dette souveraine ;
• Dans le cas contraire, s'il est tenu pour insolvable, le pays concerné doit négocier un plan exhaustif de restructuration de sa dette avec les créanciers privés.
Les pays de la zone euro devront, à ce titre, inclure dans leurs émissions de dette souveraine des clauses d'action collective après la mi-2013. Les créanciers pourront alors décider à la majorité qualifiée de modifier les termes des contrats liés aux titres de dette et d'accepter notamment un rééchelonnement du remboursement, une baisse du taux d'intérêt voire une décote de la valeur des titres de dette.
La création de l'ESM sera entérinée après modification du Traité de Lisbonne.
La crise irlandaise invite également la Commission à renforcer ses normes en matière de supervision bancaire et notamment en ce qui concerne ses « stress tests », ces tests de résistance des banques aux chocs macroéconomiques, afin de prévenir ce type de crise. A partir de 2011, ces tests seront organisés chaque année sous le contrôle de l'Autorité européenne de supervision bancaire.
La crise irlandaise incite enfin l'Union à accélérer la mise en place du mécanisme de surveillance macro-économique tel que mis en place par le Conseil européen des 28 et 29 octobre derniers. La mise en place de ce cadre devrait permettre d'évaluer chaque année les déséquilibres et les faiblesses macroéconomiques. Cette estimation serait effectuée en fonction d'indicateurs : déficit commercial, situation de la balance des paiements, évolution des prix et notamment ceux de l'immobilier, etc. Si les chiffres des pays concernés s'écartent de la moyenne de l'Union européenne, la Commission serait en mesure de demander des éléments d'explications aux autorités des États membres. Avec ce mécanisme, l'Irlande comme l'Espagne auraient pu être interrogées sur la bulle immobilière en gestation dans leurs pays, où les prix ont été multipliés par 4 ou 5 sur une courte période. En l'absence de justification et en cas de déséquilibre particulièrement grave, le Conseil déclarerait l'État membre concerné en « situation de déséquilibre excessif » et lui adresserait un ensemble de recommandations destinées à corriger les déséquilibres. Si ces recommandations n'étaient pas mises en oeuvre, la question serait portée devant le Conseil européen. Pour les États membres de la zone euro, des sanctions - éventuellement financières - pourraient être décidées.