CONCLUSION
La crise irlandaise vient sanctionner en partie une course en solitaire à la croissance au sein de la zone euro. La crise de croissance qui frappe le jeune « tigre celtique » a montré que le développement ne peut s'opérer durablement au mépris de normes de régulations adéquates. Elle invite à réfléchir au renforcement de celles-ci à l'échelle européenne. Par delà, la crise justifie la mise en place d'une véritable gouvernance économique européenne.
L'austérité à laquelle va être confrontée l'Irlande dans les prochaines années ne devrait pas à moyen terme empêcher le retour à la croissance. Un consensus politique sur l'ajustement économique à opérer aidera à atteindre cet objectif. La fiscalité des entreprises installées sur son territoire constitue aujourd'hui sa principale arme pour une reprise à l'horizon 2013-2014.
EXAMEN PAR LA COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie le mardi 7 décembre 2010 pour l'examen du présent rapport.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes :
Je me réjouis que cette communication puisse avoir lieu aujourd'hui, alors que l'Union européenne a officialisé en début d'après-midi son plan d'aide et que le gouvernement irlandais présente à l'heure actuelle son budget devant le Parlement.
M. Pierre Bernard-Reymond :
La situation irlandaise appelle plusieurs observations.
D'abord, à quoi servent les « stress tests » ? J'aimerais que les responsables de ces contrôles viennent nous expliquer l'écart entre leurs estimations et l'état réel des banques irlandaises. Ces tests sont ils surévalués de façon à adresser un message positifs aux agences de notation ? Quoi qu'il en soit, ils ont beaucoup perdu en termes de crédibilité.
Je m'interroge par ailleurs sur la contradiction entre cette volonté irlandaise de faire respecter sa souveraineté et le soin particulier qu'a mis Dublin à fonder sa croissance sur les investissements internationaux.
Je souscris à la nécessité de renforcer la gouvernance économique, notamment par le bais du mécanisme de surveillance macro-économique. Celui-ci devrait notamment nous permettre de repérer la formation des bulles spéculatives. Mais comment faire éclater ces bulles avant qu'elles ne menacent les économies nationales ?
La gouvernance économique européenne implique de véritables transferts de souveraineté et, notamment, la mise en place d'un gouvernement économique. Or on constate une différence notable entre le discours sur la nécessité d'une vraie gouvernance économique et la crispation des États sur leur souveraineté dans le domaine économique. A l'heure actuelle, les pays les plus vertueux parent aux difficultés des autres. Cette situation ne peut tenir durablement, comme en témoignent les réticences de l'Allemagne lors de la crise grecque.
M. Jacques Blanc :
Je tenais à rappeler que l'Irlande a été une des grandes bénéficiaires des fonds structurels européens, devenant même avec la Lozère et le Mezzogiorono un territoire expérimental en ce qui concerne la convergence des crédits européens en matière de cohésion.
Je souligne également que l'Irlande a été un de nos principaux soutiens en matière de politique agricole commune comme en a témoigné il y a quelques années notre combat commun sur le problème des ovins.
Cette adhésion à l'idée européenne trouve néanmoins des limites, comme l'a montré le rejet du Traité de Lisbonne. Peut-être faut-il trouver dans l'influence britannique une raison à ce scepticisme. La crise permettra peut-être à l'Irlande de se rapprocher à nouveau de l'Europe.
Concernant le montant de l'aide européenne, je veux croire, puisqu'il s'agit de prêts, qu'elle ne coûtera rien au contribuable européen.
M. Michel Billout :
La crise irlandaise comme la crise grecque donne lieu à une plaidoirie en faveur de la gouvernance économique. Je m'interroge néanmoins sur un point. Si elle avait été mise en place il y a une dizaine d'années, cette gouvernance économique aurait-elle tempéré les excès irlandais ? Rien n'est moins sûr ! Je me demande même si elle n'aurait pas alors encouragé la croissance irlandaise.
Je suis peu satisfait du niveau de la réponse apportée par l'Union européenne aux difficultés irlandaises. La crise irlandaise est une crise bancaire. L'effondrement des banques irlandaises a conduit à une socialisation de la dette en Irlande. La peur d'un effet domino et d'un effondrement des banques européennes exposées en Irlande s'est propagée et a conduit dans la précipitation à mettre en oeuvre un véritable plan de sauvetage européen des établissements financiers dont les deux tiers seront financés par des emprunts sur les marchés financiers, laissant libre cours à la spéculation.
Force est de constater qu'en Irlande, ce sont les personnes en difficulté qui vont contribuer au redressement de l'économie via la réduction des salaires et des allocations sociales. Le levier de la fiscalité des entreprises ne sera, quant à lui, pas actionné.
M. Jean Bizet :
Il y a quelques semaines, Jacques Delors a rappelé devant cette commission que l'Union économique et monétaire ne marchait que sur une jambe. Le semestre européen ou le mécanisme de surveillance macro-économique sont autant d'avancées en faveur d'une véritable gouvernance économique européenne. Les transferts de souveraineté ne sont pour autant pas à l'ordre du jour, comme en témoigne le programme sur lequel a été élu John Cameron au Royaume-Uni.
Pour revenir aux propos de Jacques Blanc sur le coût pour le contribuable, je pense que s'il y a un coût, il sera à terme à la charge du secteur privé qui sera confronté tôt ou tard à la nécessité de restructurer les dettes.
Je veux croire comme Angela Merkel que nous n'assistons pas à une crise de l'euro, mais bien à des crises liées aux dérives des finances publiques. Cela étant, une telle situation risque de nous obliger à ne pouvoir annoncer que des mesures de rigueur et d'austérité.
A l'issue du débat la commission a autorisé la publication du rapport.