2. TÉHÉRAN : l'étalement urbain et l'émergence des banlieues
Le processus d'urbanisation en Iran poursuit son développement depuis plus de 50 ans. Il s'est notamment accentué depuis la Révolution Islamique en 1979 et a donné lieu à l'émergence de nouvelles formes urbaines. Ainsi en 1956, la population urbaine iranienne était de l'ordre de 6 millions alors qu'en 2006, cette population se chiffrait à 48 millions (sur l'ensemble des 70 millions d'habitants), c'est-à-dire huit fois plus qu'un demi-siècle auparavant constituant ainsi 70% de la population totale.
Les banlieues et plus tard les villes nouvelles en Iran sont les résultats de la croissance démographique en milieu urbain.
A cet égard, il existe différentes typologies de villes :
Premièrement, des villes qui se sont développées dans les périphéries des grandes villes sans qu'elles soient programmées et inscrites dans la loi. Elles ont souvent pris place sur des terrains vagues et expropriés suite à la Réforme agraire sous le régime du Chah et avant la Révolution de 79.
Deuxièmement, des villes nouvelles telles que définies partout dans le monde et qui ont été mises en place selon une planification et programmation urbaines précises avec un objectif préétabli. Elles étaient toutes inscrites dans la loi et surtout dans les programmes de développement quinquennaux établis après la Révolution. Les complexes résidentiels, souvent fermés et autonomes, constituent une des formes courantes de ces villes nouvelles.
En parallèle à ces deux mouvements, certaines nouvelles villes ont vu le jour grâce à l'extension des villages et leur fusion en une seule ville mais ceci n'est pas un fait majeur.
Ces trois tendances ont fait augmenter le nombre des villes en Iran de 120 entre 1975 et 1985, de 116 entre 1985-1995, de 400 entre 1995-2005 et enfin de 83 entre 2005-2009. De même des dizaines de complexes résidentiels ont été mis en place dont la population s'approche de la taille d'une petite ville (entre 2000 à 11000 habitants).
Les étapes de développement de Téhéran
Source : Zanganeh Shahraki, S., (2007).
The analysis
of Tehran urban sprawl and its effect on agricultural lands, M A Thesis in
Geography and Urban Planning, University of Tehran ,(In Persian).
La ville de Téhéran, capitale iranienne depuis 1789, a entamé son développement dès le milieu du XIXe siècle depuis le sud vers le nord et les montagnes d'Alborz pour constituer ainsi un axe nord-sud autour duquel elle s'est élargie. Alors que la construction des nouvelles murailles en 1871 avait pour but de limiter son extension, elle a largement dépassé ses murailles pour ainsi s'approcher des montagnes dans le nord. La capitale iranienne s'étend alors aujourd'hui sur plus de 25 kilomètres entre le pied de la haute barrière du Towchâl et Rey (2746km²). La carte ci-dessus montre le développement vers le sud et l'ouest de la ville depuis 1892 jusqu'au 1997.
Avant les années 1960, le processus d'urbanisation était caractérisé par la continuité de l'espace bâti. On construisait les nouveaux quartiers accolés, ou presque, aux anciens, en conservant ainsi la logique sociale et urbanistique de la ville ancienne, avec son bazar et les palais du Chah. Jusqu'aux années 70, Téhéran restait une ville « compacte », dont la transition entre les milieux rural et urbain se faisait brutalement.
Dans les années 1960, avec le début de l'industrialisation rapide et à la suite de la Révolution blanche du Chah et marquée par la Réforme agraire, les classes moyennes et des classes aisées ont commencé à s'installer dans le nord de la ville.
Très vite les clivages entre le sud et le nord ont marqué le paysage social de la ville : au nord habitaient les classes aisées et dans le sud les plus démunies et les immigrés en provenance des milieux ruraux. Deux grandes avenues (Vali-e Asr et Shariati) ont marqué cette marche vers le nord qui permettaient et permettent toujours aujourd'hui de relier les quartiers pauvres du sud et les centres commerciaux, un peu plus vers le nord, aux quartiers nord et ses maisons cossues. A un rythme soutenu l'espace vacant situé entre Téhéran et ses quartiers d'été de Shemirân (Tâjrish) est construit, le long des deux axes routiers. Néanmoins, dans les années 70, l'axe est-ouest commençait à héberger des classes sociales moyennes qui d'ailleurs ont participé activement aux manifestations qui ont abouti à la Révolution de 1979 alors que la situation sociale se détériorisait chaque jour par l'arrivée massive des plus déshérités.
Le premier plan d'urbanisme, établi par les deux architectes Abdolaziz Farmanfarmaian, iranien et Victor Gruen américain en 1969, confirme la volonté des aménageurs de limiter le développement spatial de la ville dont on prévoit, pour 25 ans, les limites successives-notamment son développement vers l'ouest-, mais sans envisager l'expansion de villes périphériques.
L'expansion économique qui a suivi le boom pétrolier de 1974 a logiquement provoqué une accélération du développement urbain et en premier lieu de Téhéran. Le prix très élevé des logements dans Téhéran ne permettait pas de loger les nombreux ouvriers, venant toujours des provinces notamment celle d'Azarbâyejan (les turcophones d'Iran), et du Kurdistan. Les classes moyennes elles-mêmes, ne pouvaient pas trouver un logement à bon prix dans l'espace urbain central. Des lotissements pour maisons individuelles ont donc été prévus pour la première fois, loin de Téhéran, entre Karaj et Qazvin, mais la demande était trop forte. Les limites programmées de l'extension de la ville (mahdude) sont rapidement dépassées de façon illégale. Les villages en périphérie, en dehors des limites administratives de Téhéran, ont vu le jour grâce aux classes moyennes où la législation urbaine ne s'appliquait pas, notamment en matière de permis de construire. C'est ainsi que sont apparus, au sud de la ville, les premiers bidonvilles, sur des terrains agricoles appartenant à de grands propriétaires, ou sur des parcelles obtenues par les paysans dans le cadre de la Réforme agraire et donc interdits de construction ou de vente.
Les « villes rurales », restées en dehors de l'expansion de la capitale se sont également développées à cette période dont la population atteignait 5000 habitants et plus sans pour autant recevoir le statut administratif de ville (shahr). Le développement anarchique de ces villes a incité les autorités municipales à de nombreuses reprises d'empêcher leur développement en détruisant les maisons construites illégalement. Selon certains analystes, les incidents que ces politiques ont provoqués étaient à l'origine de la Révolution islamique dont le caractère urbain est souvent mis en avant « En Iran, la crise urbaine et la crise politique ont connu une histoire commune 92 ( * ) ».
La répartition des espaces par fonction urbaine
Avec la révolution Islamique en Iran, la ville a débuté son développement périphérique. L'émergence d'une banlieue autour de Téhéran est un fait urbain relativement récent, et son identité, administrative ou culturelle reste ambiguë. Le plan d'aménagement du Grand Téhéran prévoit la création ex-nihilo de « villes » et de Shahrak (des complexes résidentiels souvent privés et autonomes).
L'émergence des banlieues à Téhéran a donné ainsi une nouvelle organisation à l'agglomération urbaine. Le boom pétrolier de 1974, l'avènement de la révolution (1979) et de la guerre (1980-1988) accompagnés par l'exode rurale ont activement participé à l'étalement organisé (projets de villes nouvelles...) ou désorganisé (urbanisation non-planifiée...) de la capitale.
Jusqu'à 1980, Téhéran n'avait pas de banlieue urbaine, mais seulement une ville satellite, Karaj, et une banlieue rurale comprenant quelques gros bourgs.
Le centre de Téhéran s'organisait autour des quartiers commerciaux,- notamment le bazar - et politiques. A l'est, et surtout à l'ouest de la ville, s'étaient développés des quartiers occupés par les classes moyennes qui, comme mentionné auparavant, jouèrent un rôle central dans la révolution islamique de 1979 et continuent à jouer jusqu'aujourd'hui comme lors de la crise qui a suivi l'élection présidentielle en 2009 et dans la formation du mouvement de contestation vert.
Un nouveau type d'habitat s'est développé dans les quartiers périphériques de Téhéran pendant la période révolutionnaire que certains spécialistes de Téhéran ont qualifié de l' « habitat révolutionnaire » « Profitant de l'absence d'administration et des troubles révolutionnaires, les nouveaux Téhéranais ont construit leur logement sans permis, sur des terrains squattés ou achetés sans formalités. Les bâtiments étaient modestes, mais de qualité honorable, et organisés selon un plan d'ensemble souvent cohérent. Les inégalités sociales restaient grandes entre les nouvelles cités pavillonnaires de la banlieue ouest, vers Karaj ou Mehrshahr, et celles la ville industrielle de Qarchak, mais dans aucun cas on ne vit se construire des bidonvilles ou des taudis, si ce n'est quelques petits îlots. Au contraire, l'assurance que les maisons ne seraient pas détruites a conduit les propriétaires des cabanes de bidonvilles à construire de vraies maisons, modestes, mais en dur 93 ( * ) .
Déjà en 1991, 1,5 millions de personnes, sur les 8 millions d'habitants du Grand Téhéran, vivaient dans ces banlieues. Dès 1991, 17% de la population du Grand Téhéran habitait hors de la capitale, contre 3% en 1966. Le rythme de développement des villes entourant la capitale a été presque six fois plus rapide que celui de Téhéran entre 1986 et 1991 ; c'est ainsi que depuis 1986 les quartiers centraux de Téhéran ont perdu de leur population tandis que la population de Mehrshahr, dans la banlieue ouest de Téhéran, augmentait de 28% par an. Il s'agit de nouveaux espaces urbains populaires dont l'identité collective est souvent forte, et qui commencent à tenir leur place face aux huit millions de Téhéranais.
Nous allons présenter ici deux cas de villes périphériques : Eslâmshahr qui s'est développée de manière spontanée et non-planifiée dont les débuts datent de l'avant-révolution de 79 et une autre, Shahrakeh Pardis, qui s'est développée dans un périmètre défini et selon une planification préétablie.
Eslâmshahr : Située dans le sud de Téhéran, sur l'ancien village de Qâsem Abâd-e Shâhi, elle symbolise dans les années 1960, l'émergence d'une banlieue nouvelle et spontanée. Plus de quarante ans après et en 2006, cette ville désormais ayant une identité administrative compte près de 447 000 habitants, est devenue la capitale d'un échelon administratif (Shahrestân).
Suite à la croissance démographique interne de Téhéran, cette banlieue s'est peuplée dans un premier temps par des familles établies depuis souvent plus de dix ans, dans les taudis et quartiers misérables du sud de Téhéran qui pouvaient enfin accéder à la propriété en raison de la création des lotissements et leurs prix modérés. Ensuite, la mobilisation révolutionnaire puis le désordre post-révolutionnaire et la guerre ont fait venir des migrants qui se sont rajoutés à la population des banlieues. La périphérie s'offre alors comme un compromis acceptable pour les immigrés ruraux et provinciaux mais aussi pour ces classes urbaines déshéritées. Eslâmshahr s'est progressivement structurée sous la République islamique. Néanmoins, son identité restait marginale par rapport à la capitale et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle les mouvements sociaux les plus importants et des émeutes en 1992 et 1995 ont eu lieu dans cette dernière.
Eslâmshahr est caractérisée par sa forte identité Azeri (les turcs d'Iran). L'ethnicité et la particularité linguistique-dont résulte leur bilinguisme voire trilinguisme- est à l'origine de la formation des associations locales telle que les heyat dont la vocation est au départ, religieuse, mais qui forment surtout des réseaux de solidarité et de socialisation. Les femmes sont souvent à l'origine des initiatives pour la gestion locale de leur quartier même si elles sont nombreuses à travailler à l'extérieur.
La ville frappe également par la jeunesse de sa population. Les habitants d'Eslâmshahr sont en grande majorité ouvriers et petits employés des secteurs public et privé et près d'un tiers sont petits commerçants et artisans. La moitié de la population a un revenu équivalent à un salaire d'employé subalterne de l'administration à Téhéran mais avec cette différence qu'à Eslâmshahr la majorité de la population est propriétaire de sa maison grâce à un apport personnel complété par un emprunt le plus souvent familial 94 ( * ) . Les familles sont nombreuses mais selon les enquêtes effectuées par un chercheur iranien, les conditions de confort sont bonnes 95 ( * ) . Dans l'ensemble il s'agit d'une population qui, à l'échelle iranienne, fait partie de la couche subalterne de la classe moyenne sur le plan économique. Les appartenances ethniques, communautaires et parentales permettent souvent aux habitants d'Eslâmshahr de constituer des réseaux de solidarité et contribuer ainsi à une économique de survivance. « Dans le cas de certaines ethnies, le partage d'une même langue (notamment pour les turcophones) avec des populations d'origine différente, y compris urbaine venue de Téhéran, est un facteur supplémentaire de cohésion sociale et d'identification à l'espace habité » 96 ( * ) .
L'organisation spatiale des quartiers est en partie le résultat de leur souhait de reconstruire des réseaux fondés sur des identités collectives.
Ainsi héritière des cultures urbaine et rurale, traditionnelle et moderne, animée par la rencontre du communautarisme et la citoyenneté, Eslâmshahr a pu passer en trente ans d'un espace marginal spontané à une banlieue autonome vis-à-vis de la capitale téhéranaise et dotée d'une identité administrative à part entière. Elle est néanmoins considérée, depuis plus de dix ans, par les autorités iraniennes comme la ville où le feu de contestation, selon une expression iranienne, reste allumé sous les cendres !
Villes nouvelles et la mise en place des complexes résidentiels
Deux périodes importantes de l'avant et après révolution islamique de 1979 avec deux objectifs différents ont marqué la mise en place des complexes résidentiels qui ressemblaient pour certains aux fameuses gated communities : alors qu'avant la révolution leurs objectifs de mise en place correspondaient aux finalités politiques et militaires, la période postrévolutionnaire, caractérisée par une urbanisation intense, s'est fixée comme objectif de combler le manque de logements.
A Téhéran, ces villes nouvelles ont été élaborées dans les parties périphériques et concomitantes à l'émergence des banlieues. Pour éviter les constructions anarchiques et le mitage complet de la zone rurale, des villes nouvelles (shahrak) financées le plus souvent par les administrations et les coopératives de logements, abritent des dizaines de milliers de personnes à trente ou quarante kilomètres du centre.
A trente kilomètres au nord-est de Téhéran, la cité de Pardis financée majoritairement par les coopératives abrite plus de 30 000 personnes, en majorité des enseignants et des fonctionnaires, sur un très beau site au pied de la montagne et relié à Téhéran et au nord de l'Iran par deux grandes autoroutes. Elle a été conçue vers le milieu des années 90 pour contribuer à la réduction de la population de la capitale. Elle est constituée de 4 phases et un axe central autour duquel se déroulent les services et les activités urbaines. Cet axe est en réalité le lieu des passages des voitures et le piéton n'y trouve pas sa place. Une certaine homogénéité marque l'architecture de cette cité qui s'apprête à la confusion pour les habitants et les personnes de passage.
La construction de certains immeubles est achevée alors que d'autres sont en voie de construction. Ceci renforce une impression de vide en raison de l'importance des espaces vacants. La cité ressemble davantage à un atelier plus qu'à une ville et ce depuis plus de dix ans. La proximité de la cité vis-à-vis de Téhéran a donné lieu à des mouvements pendulaires importants de ses habitants qui pour la plupart travaillent à Téhéran et souhaitent un jour y retourner. Ils ont opté pour la cité seulement en raison du prix modéré des logements. Les départs permanents empêchent la construction du sentiment d'appartenance et de relation entre les voisins. Dans l'ensemble l'étude de cette cité par des sociologues iraniens montre que cette nouvelle cité, en raison de sa forme urbaine, son architecture homogène et ses critères d'attractivité pour les habitants, souffre depuis dix ans de l'absence du lien social et de sentiment d'appartenance de ses habitants.
L'expérience de la cité de Pardis est souvent citée aujourd'hui par les spécialistes urbains comme exemple d'un projet pour lequel aucune réflexion n'est faite autour des besoins sociaux de l'homme. Ce débat est d'autant plus virulent que le Président Ahmadinejad, depuis le début de son deuxième mandat, insiste sur la nécessité de réduire la population de la capitale jusqu'à déplacer une grande partie de la population et certains ministères et organisations publiques.
Conclusion et perspective
Depuis la Révolution islamique, Téhéran est entouré d'une véritable banlieue, composée de villages habités et des lotissements en forme de complexes résidentiels et qui sont passés en trente ans de l'état de terrain vague ou de villages à celui d'agglomérations atteignant, parfois 400 000 habitants. Ce n'est qu'en 2001 qu'un nouveau plan d'urbanisme fut réalisé comprenant la conurbation téhéranaise dans son ensemble-les terrains urbanisés et les villes-, nommé le Grand Téhéran. L'objectif premier de ce plan consiste à mettre en place de lourdes infrastructures de transport afin de relier facilement la capitale à ses banlieues.
Le réseau de métro à Téhéran
La carte ci-dessus montre le réseau du métro existant et les lignes qui vont se rajouter à celui-ci selon le master plan de 2001. Il montre clairement le développement de la ville vers le sud et l'ouest de Téhéran.
L'émergence des banlieues autour de Téhéran a été dans un premier temps le résultat de la redistribution de la population dans la région urbaine, avec notamment le départ des habitants des quartiers du centre et du sud de la ville vers de nouveaux logements, plus spacieux et moins chers situés en banlieue. La croissance de la population à Téhéran surtout après la Révolution islamique a contribué à l'extension de la ville et au développement des banlieues. Cette réalité économique a été accentuée par les transformations du centre de la capitale, marquée notamment par l'interdiction d'y circuler le matin en voiture particulière. Les habitants ont progressivement quitté ces quartiers dont les fonctions de service s'affirment fortement.
La différence des deux cas présentés montre l'importance des nouvelles formes de socialisation dans ces nouveaux lieux : alors que le premier a réussi, certes au bout de trente années, à se forger une identité commune le deuxième peine à former un sentiment d'appartenance pour ses habitants et s'est transformé en une cité-dortoir dépendante de la capitale.
Le cas d'Eslâmshahr montre à quel point les habitants de cette ville souhaitent sortir de la représentation collective de l'habitant du Téhéran qui les placerait au bas de l'échelle socio-spatiale qui structure les mentalités dans la capitale iranienne. Ce type de banlieue forme un nouvel espace social assez homogène associant les héritages ruraux et urbains et dans une perspective nouvelle de participation civile. Ces banlieues existent aujourd'hui à Mashhad, Ispahan et Tabriz et contribuent à la constitution d'une nouvelle bourgeoisie iranienne en quête de ses droits sociaux fondamentaux.
La vision actuelle des décideurs politiques de Téhéran n'est pas tellement différente de celle de Victor Gruen et Abdolaziz Farmanfarmaian pour qui la voiture jouait un rôle important dans la planification de la ville. Téhéran et ses banlieues se sont développées selon une logique de tout-voiture. Bien qu'une tendance opposée mette l'accent sur la mise en valeur des quartiers anciens par la création des itinéraires piétons existe aujourd'hui dans les débats (voir les travaux de l'Observatoire urbain de Téhéran rattaché à l'Institut français de recherche en Iran), l'extension des autoroutes promeut le développement de l'usage de la voiture.
Ceci pourrait être remis en cause :
Premièrement, l'Iran est aujourd'hui frappé par des sanctions internationales très sévères. De plus en plus les sociétés étrangères refusent de vendre de l'essence à l'Iran. L'usage de l'essence au prix public a été rationné selon un système de quota par voiture et ceci a obligé les familles, notamment les plus modestes, d'abandonner la voiture ou du mois être plus modérées dans son utilisation dans un pays où 80% des revenus proviennent des ressources d'hydrocarbures. Le report de celui-ci commence à se faire sentir sur les réseaux de transport collectif ainsi que l'amélioration de ce dernier (développement du métro, changements des bus, création des couloirs BRT (Bus rapid transit), mise en place des voitures collectives de grand volume à l'image des Dolmush en Turquie....).
Deuxièmement, le gouvernement du Président Ahmadinejad s'est obstiné à réduire la population de la capitale. Les raison avancées sont diverses. Certains supposent qu'il s'agit d'une volonté politique de vider la capitale des opposants car les événements qui ont suivi l'élection présidentielle de 2009 ont montré à quel point cette ville pourrait représenter un danger aux yeux du régime. Néanmoins, la première explication de cette décision est fondée sur le fait que Téhéran est situé sur une zone sismique très développée qui risque à tout moment de faire trembler la capitale. Sous la pression du gouvernement, certaines instances publiques ont déjà été transférées dans les villes de province.
Mais l'histoire de la capitale bicentenaire montre que le centralisme iranien n'est pas très éloigné du modèle jacobin français. Ainsi même si le Grand Téhéran pourrait connaître dans les années à venir un ralentissement dans son développement et même si le scénario du transfert de la capitale à une autre ville voit le jour, Téhéran restera au moins une grande capitale culturelle et économique de première importance dont la population dépasse largement celle des autres villes.
Amin Moghadam
Bibliographie
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- NOUCHINE VAVARI D'HELLENCOURT, « Immigration et construction identitaire en milieu péri-urbain à Téhéran : eslâm-shahr », in Cemoti , n° 24 - Métropoles et métropolisation.
- ESLÂM SHAHR, « un nouveau type de banlieue à Téhéra » ", Cahiers d'études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien , n° 21, 1996, pp. 251-270.
- ZANGANEH SHAHRAKI, S., (2007). « The analysis of Tehran urban sprawl and its effect on agricultural lands, M A Thesis in Geography and Urban Planning », University of Tehran ,(en Persan).
* 92 Hourcade, B. « Téhéran 1978-1989 : crise dans l'Etat, la capitale et la ville », Espaces et sociétés, 65, 1991, pp. 2-38.
* 93 Hourcade, B. et Khosrokhavar, K. « L'habitat révolutionnaire à Téhéran, 1977-1981 », Hérodote, 31, 1983, pp. 62-83.
* 94 Voir Nouchine YAVARI D'HELLENCOURT, «Immigration et construction identitaire en milieu péri-urbain à Téhéran : eslâm-shahr», in Cemoti, n° 24 - Métropoles et métropolisation.
* 95 "Eslâm Shahr, un nouveau type de banlieue à Téhéran", Cahiers d'études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, n° 21, 1996, pp. 251-270.
* 96 Nouchine YAVARI D'HELLENCOURT, op, cité