B. DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES MISES DEVANT LE FAIT ACCOMPLI
Sous-tendue par un processus de prise de décision extrêmement centralisé, la RGPP a pourtant des conséquences majeures sur les collectivités territoriales. De la combinaison de ces deux facteurs, il résulte une situation fort inconfortable pour les collectivités . Celles-ci se retrouvent très fréquemment, pour ne pas dire toujours, mises devant le fait accompli.
1. Un diagnostic unanimement partagé par les élus locaux
S'il est un sujet sur lequel la RGPP fait l'objet d'un large consensus, c'est bien sur le constat de l'absence de concertation s'agissant des décisions prises et de leur mise en oeuvre. Tel est l'un des principaux enseignements des auditions menées par la mission.
a) Une position commune à l'AMF, l'ADF et l'ARF...
Selon M. Jacques Pélissard, président de l'AMF , « il n'y a pas eu grande concertation en amont. Cette réorganisation de l'administration territoriale d'Etat a été mise en oeuvre par les préfets ». Le président de l'AMF établit toutefois une nuance en distinguant la notion d'association et celle d'information : « Au niveau des départements, ils (les préfets) ont -bien- informé les parlementaires, les maires des villes les plus importantes, les conseils généraux, mais il ne s'agissait que d'information » 37 ( * ) .
Tout en reconnaissant la légitimité de l'Etat à se réformer, il regrette d'ailleurs cette absence de dialogue : « il n'est pas anormal que l'Etat veuille ajuster son organisation en fonction des évolutions démographiques ou techniques : trop longtemps la France est demeurée passive, conservant des structures du passé. La volonté des gouvernements successifs de s'adapter à un monde en mutation doit être saluée. Mais une concertation en amont aurait été souhaitable ».
S'agissant des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, il précise par ailleurs son souhait de renouer avec la concertation grâce à la réactivation de la Conférence nationale des exécutifs :
« Nous sommes en train d'obtenir du gouvernement la réactivation de la Conférence nationale des exécutifs, CNE, qui était un forum où de très nombreux participants s'exprimaient, chacun à son tour, mais sans véritable dialogue. La nouvelle formule sera plus resserrée, plus dense, avec trois représentants de l'Association des régions de France, trois de l'Assemblée des départements de France et trois de l'AMF. Des réunions plus thématiques se tiendront aussi avec les ministères compétents. Il s'agira d'une instance de concertation, non de négociation à proprement parler car le mot n'a pas été prononcé, mais d'échange sur les attentes et les préoccupations respectives. La CNE aura un rôle à jouer en amont du processus législatif et réglementaire ».
M. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), a pour sa part un jugement encore plus tranché. A la question de savoir s'il avait été associé à la réforme, il a répondu à la mission « Jamais ! ». Il a ajouté : « je ne l'ai pas été comme président du Conseil général des Côtes d'Armor. (...) Je n'ai pas non plus été associé comme président de l'ADF et ce n'est pas faute de l'avoir demandé, à plusieurs reprises, par les voies les plus officielles. Mais tout s'est passé comme si l'Etat devait se réformer sans que les collectivités territoriales ne soient concernées » 38 ( * ) .
Il est rejoint en ce sens par M. Alain Rousset, président de l'Association des régions de France (ARF) . A la même question, « la réponse est très clairement, non ! » 39 ( * ) . Pour lui, « les régions ont vécu la mise en place de la RGPP avec beaucoup de surprise et d'agacement ».
Il convient toutefois de relever le cas particulier de l'Outre-mer. Lors de son audition, Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'Outre-mer, a fait valoir que les Etats généraux de l'Outre-mer, en 2009, ont été l'occasion d'une concertation avec les élus ultramarins sur la mise en oeuvre de la RGPP.
* 37 Audition du 23 mars 2011.
* 38 Audition du 9 février 2011.
* 39 Audition du 13 avril 2011.