N° 691
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 juin 2011 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur le Fonds social européen ,
Par M. Richard YUNG,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet , président ; MM. Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Michel Billout, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour , vice-présidents ; Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange , secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Mme Roselle Cros, M. Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Charles Gautier, Jean-François Humbert, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, François Marc, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca, M. Richard Yung. |
INTRODUCTION
Le FSE au sein de la politique de cohésion
Créé en 1957 par le Traité de Rome, le Fonds social européen (FSE) est actuellement le principal levier financier de l'Union européenne pour la promotion de l'emploi.
A l'origine, il était destiné à accompagner la mobilité géographique et professionnelle des travailleurs. Face à la montée du chômage, son rôle a évolué et il constitue maintenant le principal pilier de la Stratégie européenne pour l'emploi (SEE) qui est elle-même une des expressions de la Politique de Cohésion.
Avec le FEDER et le Fonds de cohésion, le FSE est l'un des trois fonds structurels de l'Union européenne dont la mission consiste à mettre en oeuvre la Politique de Cohésion, c'est-à-dire à réduire les écarts de développement et à renforcer la cohésion économique et sociale entre pays et régions de l'Union. Pour ce faire, le FSE reçoit environ 8 % du budget total de l'Union européenne et il investit plus de dix milliards d'euros par an dans l'ensemble des États membres (75 milliards d'euros pour la période 2007-2013, dont presque 5 pour la France).
Pour mettre en oeuvre la SEE, il apporte un concours financier aux actions et aux dispositifs mis en place dans les États membres dans plusieurs domaines : l'adaptation des travailleurs et des entreprises, l'accès à l'emploi des demandeurs d'emploi, des personnes inactives, des femmes et des migrants, l'intégration sociale des personnes défavorisées et la lutte contre la discrimination sur le marché du travail, l'amélioration des compétences, la réforme des systèmes éducatifs et la mise en réseau des établissements d'enseignement supérieur, des centres de recherche et de technologie et des entreprises.
L'attribution des crédits par le FSE est régie par le principe du cofinancement, ce qui signifie que le FSE ne finance jamais seul un projet (le FSE finance en moyenne 45,76 % du projet). Les crédits ne peuvent pas se substituer aux efforts financiers des États membres, que ces efforts soient réalisés par les États eux-mêmes ou les collectivités locales ou des personnes morales de droit privé. Ainsi le FSE cofinance des projets locaux, régionaux et nationaux. Les projets sélectionnés émanent aussi bien du secteur public que du secteur privé. Les budgets de ces projets sont abondés par le FSE, par l'État membre (État central ou collectivité locale) et parfois aussi par des fonds privés.
Ce sont les objectifs de la stratégie globale de l'Union européenne en matière économique, qui déterminent les priorités du FSE. La plupart des instruments financiers et politiques de l'UE sont conçus pour soutenir la stratégie « UE 2020 » qui succède à l'Agenda de Lisbonne. La Politique de Cohésion en découle et utilise les ressources financières des fonds structurels et notamment celles du FSE.
Quant à la Stratégie européenne pour l'emploi (SEE), elle offre aux États membres un cadre de coordination pour définir les objectifs et les priorités en matière d'emploi. Ces priorités communes, une fois définies, sont reprises dans les lignes directrices pour l'emploi et sont intégrés aux programmes d'action nationaux préparés par chaque État membre. Ces programmes portent le nom de « programme opérationnel » (PO).
Les financements du FSE sont ventilés par les États membres en fonction de leurs programmes d'action nationaux mais aussi de leurs cadres de référence stratégiques nationaux qui définissent les grandes priorités de l'État membre dans l'allocation des fonds structurels qui lui sont accordés.
L'Agenda social européen joue également un rôle dans la définition des priorités d'allocation des ressources du FSE (moderniser le marché du travail tout en protégeant les personnes les plus vulnérables dans nos sociétés).
La stratégie du FSE
Le FSE est géré selon des programmes cycliques de sept ans. Sa stratégie négociée entre les États membres définit les objectifs de ses financements. Les objectifs du FSE sont la « Compétitivité régionale et l'emploi » et la « Convergence » (stimuler la croissance et l'emploi dans les régions les moins développées) pour la période de programmation 2007-2013.
Dans le cadre des objectifs « Convergence » et « Compétitivité régionale et emploi », le règlement du FSE indique les quatre piliers ou axes où il peut intervenir.
Le premier pilier
Le premier pilier concerne l'augmentation de la capacité d'adaptation des travailleurs, des entreprises et des chefs d'entreprise, afin d'améliorer l'anticipation et la gestion positive des changements économiques.
Le second pilier
Le second pilier est consacré à l'emploi et permet au FSE de soutenir les actions des États membres en vue d'améliorer l'accès à l'emploi et l'insertion durable sur le marché du travail des demandeurs d'emploi et des personnes inactives. Il lui permet aussi de soutenir les actions des États en vue de prévenir le chômage de longue durée et le chômage des jeunes, d'encourager le vieillissement actif et de prolonger la vie active ainsi que d'accroître la participation au marché du travail.
Le troisième pilier
Le troisième pilier est consacré au renforcement de l'insertion sociale des personnes défavorisées en vue de leur intégration durable dans la vie active ainsi qu'à la lutte contre toute les formes de discrimination sur le marché du travail.
Le quatrième pilier
Le quatrième pilier est le renforcement du capital humain et il vise à adapter l'éducation et la formation aux besoins du marché du travail.
Et pour mémoire, il convient de rappeler qu'il existe un cinquième pilier qui est constitué des crédits d'assistance technique utilisables pour la gestion administrative des projets FSE.
La mise en oeuvre du FSE
Les Programmes opérationnels (PO), d'une durée de sept ans, sont planifiés par les États membres et leurs régions en partenariat avec la Commission européenne ; les PO décrivent les champs d'activité qui seront financés. Ces champs peuvent être géographiques ou thématiques. Les États membres désignent les organismes nationaux de gestion du FSE qui sont chargés de sélectionner les projets, de redistribuer les fonds et d'évaluer la progression et les résultats des projets. Des autorités de certification et d'audit sont également désignées pour contrôler et vérifier que les dépenses sont conformes au règlement du FSE.
En France, le Ministère de l'emploi est chargé de la gestion du FSE et au niveau régional, la gestion des crédits FSE est dévolue aux préfets de région. Les projets sélectionnés émanent du secteur public et du secteur privé. Parmi les acteurs publics, on compte Pôle Emploi, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFTA) ou les groupements d'établissements publics locaux d'enseignement (GRETA) ainsi que les collectivités locales. Le secteur privé est représenté par les syndicats (CGPME), par les entreprises elles-mêmes qui mettent en oeuvre des actions de formation, par les organismes consulaires et par les associations.
I. LE FSE PERMET LA MISE EN oeUVRE D'UNE POLITIQUE DE PROXIMITÉ
A. LE FSE : DE LA POLITIQUE SECTORIELLE À L'INVESTISSEMENT DANS LA PERSONNE
Comme le FSE, en tant que fonds structurel, participe à la politique de cohésion, il a pour objectif de réduire les écarts de richesse et de niveau de vie entre les États membres, mais il doit se consacrer à l'emploi et sa véritable devise est : « investir dans la personne ». C'est en ce sens qu'il est devenu un outil de proximité dans la politique de l'emploi et de la formation. L'échelon local est donc privilégié dans l'exécution pratique sur le terrain. Comme il a été dit, les programmes opérationnels sont mis en oeuvre par un large éventail d'organismes des secteurs public et privé : administrations nationales et régionales, collectivités locales, établissements d'enseignement et de formation, organisations non gouvernementales et secteur associatif. À ces acteurs essentiels, il faut ajouter les partenaires sociaux (syndicats, comités d'entreprises, chambres professionnelles, etc.) et les associations, particulièrement pour les actions auprès des plus démunis.
À ses débuts, le FSE servait à compenser les pertes d'emploi et il aidait les travailleurs des secteurs en restructuration en leur fournissant des allocations de reconversion. Il devait aussi favoriser la créativité et il aidait à la réinstallation des personnes ayant quitté leur région pour chercher un emploi ailleurs dans l'espace européen.
Dans les années 50 et 60, l'économie des trente glorieuses battant son plein et le chômage étant faible, le FSE a surtout bénéficié à l'Italie dont 9 millions de travailleurs ont quitté le Sud pour trouver un emploi. Au même moment, en Allemagne, par exemple, le FSE servait à aider, en les formant à d'autres tâches, les personnes victimes d'un accident du travail.
Le FSE a été réformé en 1971 pour permettre de cibler de nouveaux publics et son budget a été augmenté. Il s'agissait d'accompagner l'exode rural : les agriculteurs et les ouvriers agricoles abandonnant le secteur ont pu en bénéficier ; puis, en 1975, le FSE s'est ouvert au secteur de la confection textile.
À la fin des années 70, résorber le chômage des jeunes, qui s'était considérablement accru après la crise due aux chocs pétroliers, est devenu une priorité du FSE. Les femmes devenant de plus en plus nombreuses sur le marché du travail, le FSE a également commencé à les aider, soit qu'elles aient perdu leur travail, soit qu'elles voulussent entrer pour la première fois sur le marché du travail. Puis, le FSE a commencé à cibler d'autres groupes : les handicapés et les seniors.
Au fur et à mesure que le FSE passait d'une politique d'intervention sectorielle vers une politique ciblée sur des catégories de personnes au sein de la société, il s'est trouvé confronté à la nécessité de travailler avec un plus grand nombre de partenaires et surtout avec des partenaires qui n'étaient plus toujours des partenaires issus de l'administration d'État ou de l'administration locale. Cela a entraîné un changement majeur dans le fonctionnement du FSE. Jusqu'alors, les projets des États membres étaient remboursés après leur mise en oeuvre ; cette pratique a été abandonnée au profit de la définition de priorités auxquelles étaient attachés des crédits.
À partir des années 80, le déclin des industries traditionnelles européennes (acier, constructions navales, etc.) et le développement des services issus des technologies nouvelles, ont rendu nécessaire la formation de travailleurs très qualifiés plus nombreux. La formation professionnelle et l'utilisation des nouvelles technologies sont devenues de nouvelles priorités du FSE. Le financement par le FSE s'adresse alors aux jeunes ayant peu de perspectives d'emploi en raison d'un manque de formation professionnelle ou d'une formation inadéquate ainsi qu'aux chômeurs de longue durée et aux jeunes en décrochage scolaire. Le FSE continuait aussi à aider les femmes à entrer sur le marché du travail.
En 1983, il a été décidé que le FSE privilégierait les régions en difficulté. En 1988, le FSE a donc été réformé pour mieux aider les régions les plus en retard. Ainsi, à la fin des années 80, plus de la moitié du financement était alloué aux régions et aux pays les plus pauvres de l'Union européenne (Andalousie, Iles Canaries, départements français d'Outre-mer, Irlande, Mezzogiorno, Portugal).
En 1988, une autre réforme a consisté à passer de projets menés dans un contexte national à un effort pluriannuel programmé sur une base convenue en partenariat avec les États membres et la Commission. Cette réforme devait permettre de concentrer les efforts là où les besoins étaient les plus grands (régions ou groupes de travailleurs).
À partir des années 90, la hausse du chômage, la mondialisation et le passage à une société de l'information a contraint l'Union européenne à adopter une stratégie pour l'emploi (1994). Le FSE, en conséquence, a déplacé sa priorité du chômage à l'emploi et s'est consacré plus particulièrement aux personnes actives afin de les aider à conserver leur emploi et à progresser dans leur carrière.
La formation, la création d'emplois, l'orientation professionnelle et le conseil devenaient le coeur de l'action du FSE, sans pour autant que le FSE se détourne de la formation des jeunes, des chômeurs et de toutes les personnes exclues du marché du travail et sans que le FSE puisse non plus abandonner les seniors de plus en plus nombreux sous l'effet du vieillissement général de la population européenne.
En 2000, l'Union européenne a adopté la stratégie de Lisbonne : faire de l'Europe une économie de la connaissance la plus avancée d'ici 2010. Il s'agissait également d'atteindre un taux d'emploi global de 70 %, un taux d'emploi des femmes supérieur à 60 %, et un taux d'emploi des seniors de 50 %.
À partir de 2000 également, le FSE a pris en compte la nécessité de lutter contre le sous-emploi des femmes et la discrimination sous toutes ses formes.
Pour la période 2007-2013 en cours, le FSE doit prioritairement renforcer l'adaptabilité des travailleurs et des entreprises et améliorer l'anticipation des mutations économiques, sans pour autant délaisser ses autres missions.
Enfin, dans le cadre de la stratégie UE 2020, trois axes devront être privilégiés. Le premier axe s'intitule « De nouvelles compétences pour de nouveaux emplois », et il concerne la mutation du marché du travail sous l'effet des nouvelles technologies ainsi que le retard de l'Europe dans le domaine scientifique. Le deuxième est la lutte contre la pauvreté et le troisième axe est l'accent qu'il convient de mettre sur la jeunesse qui entre dans la vie active.
Force est de constater que le FSE cumule un nombre important de missions liées toutes à l'emploi et à l'employabilité, mais que son action sur le terrain est devenue plus spécifiquement centrée sur la personne en difficulté et moins sur les mutations du marché du travail. À ce titre, le FSE est devenu un outil de proximité. Son utilité est reconnue par tous, mais on déplore les dispersions de ses moyens. Si le FSE remplit ses missions, il le fait en complément de la politique de l'emploi sans jamais apporter sa dynamique propre. Mais n'est-ce pas sa raison d'être ?