C. UN GOUVERNEMENT SOUS SURVEILLANCE(S)
Le problème de crédibilité a débouché sur une double mise sous surveillance, de la part des marchés dans un premier temps, via une dégradation des notes italiennes et une augmentation des taux, puis de celle de ses partenaires européens et du Fonds monétaire international.
1. La dégradation continue de la position italienne sur les marchés
a) La note souveraine
L'annonce, le 20 septembre dernier, de la dégradation de la note de la dette italienne par l'agence Standard & Poor's ne se fonde pas uniquement sur des données financières et économiques. Elle vient souligner, notamment, la prise en compte du facteur politique. La crise politique que traverse le pays depuis près d'un an est, en effet, considérée comme un facteur renforçant le risque de dérapage budgétaire. L'agence relève ainsi que la fragilité de la coalition au pouvoir et les divergences politiques observées au Parlement limitent la capacité de l'État à répondre au défi de la crise.
La note à long terme a été ainsi abaissée de A + à A. L'agence américaine a, par ailleurs, maintenu sa perspective négative. Standard & Poor's estime ainsi que le PIB italien devrait reculer de 0,6 % en 2012, en l'absence d'une réelle politique de relance. L'affaiblissement de la demande extérieure en raison du ralentissement économique mondial, les mesures d'austérité et la pression sur les coûts de financement ne seront pas non plus, selon les analystes, sans incidence sur la croissance italienne.
L'agence américaine émet, en outre, des doutes sur la réalisation des plans d'austérité. La décision de Standard & Poor's a été suivie de celle, le 5 octobre, de l'agence Moody's qui a également dégradé la note italienne de Aa2 à A2, soit trois crans. Cet abaissement est motivé par l'érosion soutenue et non cyclique de la confiance des investisseurs envers la dette italienne à long terme. Les lacunes structurelles et les incertitudes renforcent cette défiance. L'agence s'interroge à ce titre sur le laps de temps qui sera nécessaire aux autorités italiennes pour atteindre ses objectifs en matière de réduction des déficits. Ce faisant, elle s'interroge sur la réalisation effective des manovre .
L'agence Fitch a également annoncé une dégradation de la note italienne le 6 octobre, de AA - à A +. La note de cette agence demeure plus élevée que celle des deux autres. Le haut niveau de la dette demeure néanmoins, aux yeux des analystes, préoccupant. Cumulé à l'absence de réelle croissance économique, il rend l'Italie vulnérable à tout choc externe. L'agence relève également que les hésitations initiales du gouvernement italien à apporter une réponse au problème de l'endettement ont pu éroder la confiance des marchés. La note pourrait, à ce titre, être de nouveau abaissée si le gouvernement s'écartait des objectifs du plan de consolidation budgétaire. Les conclusions demeurent cependant globalement positives, la situation d'endettement de l'Italie étant considérée comme plutôt solide, Rome bénéficiant d'une position budgétaire plus favorable que d'autres pays européens, ayant pourtant des notes plus élevées. L'Italie est solvable et est, en tant que troisième économie de la zone euro, un des membres clés de la zone.
Les décisions des agences ont, de façon générale, été contestées par les autorités italiennes qui estiment l'Espagne mieux traitée par les analystes. Rome souligne ainsi que le spread espagnol a pu baisser pendant quelques semaines en raison de l'annonce d'élections anticipées et non grâce aux performances économiques du gouvernement espagnol.
Espagne, Italie : Éléments de comparaison (en % du PIB)
Déficit public |
Endettement des ménages |
Endettement des entreprises |
Dette publique |
Chômage |
|
Espagne |
9,3 |
85 |
140 |
60 |
21,52 % |
Italie |
4,6 |
42 |
83 |
119 |
8,4 % |
Sources : Eurostat et Association des banques italiennes
Il convient de relever que l'appréciation des marchés est encore plus dure que celle des agences. Alors que Standard and Poor's a indiqué dans sa notation une probabilité de 0,68 % pour un défaut de l'Italie au cours des cinq prochaines années, la cotation des CDS tend à indiquer que la probabilité d'un défaut italien d'ici 2015 est ainsi estimée entre 32 et 34 %.
b) Les conséquences sur le secteur bancaire
La dégradation de la note souveraine italienne n'a pas été sans effets sur les établissements financiers transalpins, jusque-là relativement préservés par la crise financière.
Standard & Poor's a ainsi annoncé, le 21 septembre, avoir abaissé la note de sept banques italiennes, dont Mediobanca et Intesa Sanpaolo. Cette dernière a également revu en baisse sa perspective, de stable à négative, sur huit autres banques, dont Unicredit , premier établissement bancaire du pays en termes d'actifs. L'exposition des établissements financiers italiens à la dette grecque justifie dans une large mesure cette dégradation 9 ( * ) .
L'agence Fitch a également annoncé, le 12 octobre, une baisse des notes des principales banques italiennes : Intesa San Paolo , UBI , Monte dei Paschi di Siena ont ainsi été dégradées d'un cran, passant respectivement de AA - à A, de A à A - et de A - à BBB +. Toutes ces notes sont accompagnées d'une perspective négative. Si la note du groupe Unicredit est confirmée, la banque est néanmoins placée sous perspective négative. Cette décision n'est pas sans susciter d'inquiétudes alors qu' Unicredi t doit procéder à court terme à une augmentation de capital de l'ordre de 5,5 milliards d'euros en vue de se mettre en adéquation avec le niveau de liquidités demandé aux instituts systémiques dans le cadre de la réglementation Bâle III.
Fitch justifie ses dégradations par l'abaissement de la note souveraine de l'Italie mais aussi la pression croissante sur l'ensemble des banques de la zone euro. Les analystes relèvent, en outre, la profitabilité modeste des banques italiennes. La qualité des avoirs détenus par les cinq principales banques italiennes s'est, par ailleurs, fortement détériorée depuis 2008. L'exposition au risque souverain de ces cinq banques à la fin juin 2011 concernait surtout la dette italienne, pour un montant de 171 milliards d'euros. Cette exposition est limitée à 5,2 milliards d'euros en ce qui concerne la dette des autres pays périphériques européens.
Cette exposition au risque souverain n'est pas sans susciter d'inquiétude chez les investisseurs et les analystes alors que les cotations du secteur bancaire ont connu une baisse marquée au cours de l'été. Les marchés craignent, en outre, un retard du retour à la rentabilité dans un contexte de d'augmentation des coûts de financement. Les titres Unicredit ont ainsi baissé de 32 % en juillet, ceux d' Intesa Sanpaolo de 36 %. Ces peurs peuvent néanmoins apparaître pour partie irrationnelles à la lumière du cas d' Unicredit. Alors que cet établissement publiait, le 3 août dernier, des résultats semestriels en hausse de 97,5 % en variation annuelle et supérieurs aux attentes et qu'elle indiquait dans le même temps une exposition peu élevée au risque italien - 40 milliards d'euros, soit 5 % de ses actifs - son titre a enregistré une nouvelle baisse de 7 % le lendemain.
Par ailleurs, les inquiétudes sur les banques italiennes sont reflétées ces derniers mois par l'évolution de leurs assurances contre le défaut de paiement - les CDS -, celle de l'italienne Banco popolare ayant ainsi doublé en sept mois.
Les tensions enregistrées en juillet-août sur les obligations italiennes n'ont pas été non plus sans incidence sur le secteur financier local, dont l'accès à la liquidité est de plus en plus délicat. Un risque réel de pénurie de crédit (« credit crunch ») est même apparu. Face à ce danger, les banques devraient être contraintes de restreindre le crédit, d'accepter d'émettre des titres à des prix très élevés au détriment de leur rentabilité ou de vendre des actifs pour dégager de la liquidité. La Banque d'Italie a d'ailleurs relevé une tendance au resserrement des conditions de crédit, ce qui n'est pas sans altérer un peu plus les perspectives de croissance pour les exercices à venir.
Les banques françaises demeurent les plus exposées à la dette publique italienne. Selon les chiffres de la Banque des règlements internationaux, leur exposition totale au secteur public italien s'élevait à 105 milliards d'euros à la fin mars 2011. L'Allemagne (50 milliards d'euros) et le Japon (29 milliards d'euros) sont les deux autres pays les plus exposés. La BNP et le Crédit agricole sont les banques les plus exposées en Italie. Leurs filiales péninsulaires, la BNL et Cariparma disposent respectivement d'un encours de crédits de 72 milliards d'euros et de 33 milliards d'euros.
Exposition des banques française à la
dette italienne à fin juin 2011
(en milliards d'euros)
Société générale |
La Banque postale |
Banque populaire Caisse d'Épargne |
Crédit mutuel / CIC |
Crédit agricole |
BNP Paribas |
1,5 |
3,1 |
3,5 |
4,3 |
8,7 |
24,1 |
Source : Les Échos
2. Une mise sous tutelle implicite
Les doutes persistants des marchés dans un contexte marqué par la réévaluation du deuxième plan d'aide à la Grèce ont corroboré l'idée d'un possible effet de contagion de la crise de la dette souveraine. L'importance de l'économie italienne conjuguée à l'incapacité pratique pour la zone euro de faire face à une éventuelle crise de liquidités italiennes ont conduit les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro, lors du sommet de Bruxelles du 23 octobre dernier, à inciter le gouvernement italien à présenter un programme de réduction de la dette efficient, doublé de mesures en faveur de la croissance, plaçant quasiment le pays sous surveillance.
a) De nouvelles annonces gouvernementales...
Silvio Berlusconi a présenté à ses partenaires européens, le 26 octobre, les grandes lignes d'un plan de relance de l'économie et de réduction de la dette au travers d'une lettre de quinze pages. Les objectifs en matière de diminution de l'endettement demeurent inchangés : 112,6 % du PIB en 2014.
Le document insiste sur la révision de l'utilisation des fonds européens en faveur du sud du pays, via la mise en place d'un programme Eurosud défini avec la Commission européenne. Un tel plan avait déjà été adopté en 2010 sans que suite ne lui soit réellement donnée. 8 milliards d'euros pourraient être obtenus en réduisant le quota national de cofinancement. De nouveaux marchés seraient, par ailleurs, ouverts à la concurrence, les pouvoirs de l'Autorité nationale de la concurrence étant renforcés à cette fin. Les horaires d'ouvertures des commerces seraient, par ailleurs, assouplis. Les dissensions politiques avaient déjà eu raison d'un projet semblable à l'occasion de la discussion, cet été, de la manovra bis . Le texte rappelle, en outre, l'intention des autorités italiennes de libéraliser les services publics locaux, les transports ferroviaires et la gestion des déchets seraient notamment concernés.
Le marché du travail devrait également être réformé, au travers notamment d'une nouvelle réglementation en matière de licenciements économiques. Les salariés disposant d'un contrat à durée indéterminée serait concernés. La flexibilisation du marché du travail était, elle aussi, déjà prévue par la manovra bis dans sa rédaction initiale avant que la procédure parlementaire n'affaiblisse le texte. Des dispositions spécifiques en faveur des contrats d'apprentissage et du travail à temps partiel des femmes sont également envisagées.
Le gouvernement prévoit, par ailleurs, la mise en place d'une mobilité obligatoire des agents de la Fonction publique et la limitation du remplacement des fonctionnaires partant à la retraite. Il poursuit de la sorte la réforme Brunetta, vaste plan de modernisation de l'administration italienne lancé en 2008 mais inachevé. Les fonctionnaires travaillant au sein d'une administration dont les effectifs sont en excédents pourraient être mis en disponibilité pour une période allant jusqu'à deux ans avec une réduction concomitante du traitement de 20 %.
Les autorités italiennes souhaitent dans le même temps simplifier les procédures administratives afin d'attirer les investisseurs et de financer de la sorte de nouvelles infrastructures. Des incitations fiscales seront ainsi mises en oeuvre. La mise en place de « zone à bureaucratie zéro » encouragée par le plan de rigueur de juin 2010 devrait, dans le même temps, être poursuivie. Dans le domaine de la construction, l'État devrait se porter garant des prêts hypothécaires contractés par les jeunes couples mariés qui acquièrent une première habitation. Un dispositif fiscal destiné aux entreprises est également abordé par le document, reprenant en cela une des mesures du projet de loi de délégation fiscale pour 2012. Il favoriserait le développement du capital risque et permettrait d'atteindre les objectifs du gouvernement en matière de dépenses en recherche et développement publiques et privées (1,53 % du PIB contre 1,13 % actuellement). Les autres dispositions annoncées par le gouvernement - Fonds rotatif pour le soutien aux entreprises, Contrat de développement - sont d'ores et déjà mises en oeuvre par le gouvernement italien.
Le gouvernement prépare, en outre, un programme de cessions d'actifs publics d'au moins 15 milliards d'euros sur trois ans qui devrait être présenté d'ici au 30 novembre. Un fonds immobilier pourrait ainsi être créé, les immeubles recensés par les collectivités publiques y seraient adossés. Les régions devront également définir un programme de privatisations des entreprises qu'elles contrôlent. Cette mesure avait été rejetée par les Italiens lors d'un referendum organisé en juin dernier.
Le texte rappelle parallèlement la volonté d'inscrire dès 2012 une règle d'or budgétaire dans la Constitution et de réduire le nombre de collectivités territoriales et celui des parlementaires.
L'annonce d'un âge de départ en retraite porté à 67 ans pour tous les salariés en 2026 ne constitue pas une nouveauté puisque l'indexation de l'âge de départ en retraite était déjà prévue par la manovra bis . La suppression du régime dit « de l'ancienneté », déjà envisagée par la manovra bis n'a pas été retenue, en raison d'un désaccord persistant avec la Ligue du Nord sur cette question. L'application dès 2012, et non 2014, de l'augmentation de l'âge de départ en retraite des femmes n'est également pas abordée.
Ces réformes, à l'exception de celle concernant le marché du travail soumise à un accord préalable des partenaires sociaux, ont été présentées pour adoption au Parlement le 12 novembre, sous la forme notamment d'un « maxi-amendement » au projet de loi de stabilité financière. La date a été avancée afin de répondre à la pression des marchés financiers, inquiets des turbulences politiques dans le pays.
b) ... qui ne semblent pas enrayer la hausse des taux
Ces nouvelles mesures n'ont pas levé les doutes tant elles constituent un rappel d'engagements d'ores et déjà pris ou annoncent des réformes structurelles d'ampleur abandonnées quelques semaines plus tôt, faute d'accord politique.
La présentation détaillée de ces mesures à l'occasion du G20 le 3 novembre n'a pas tempéré, à cet égard, le scepticisme des marchés. Le taux à 10 ans des obligations de l'Italie a d'ailleurs atteint un niveau historiquement haut à 6,404 % le 4 novembre dernier, alors que le spread avec l'Allemagne enregistrait également un record à près de 460 points de base (4,6 %). A cet égard, la « protection » que fournit la Banque centrale européenne depuis le mois d'août, via son programme de rachats d'obligations sur le marché secondaire, ne semble plus contrarier la dégradation de la position italienne sur le marché des taux. Une telle augmentation n'est pas non plus sans inquiéter au regard des échéances de remboursement à venir. A ce titre, l'Italie devra honorer 410 milliards d'euros de remboursements en 2012 contre 354 cette année. Si la Banque d'Italie estime que la situation demeurait sous contrôle si les taux à 10 ans restaient inférieurs à 8 %, les analystes estiment que le seuil est plutôt situé entre 6 et 6,5 % compte tenu d'un excédent primaire inférieur à 1 % en 2011.
Le président du Conseil avait pourtant indiqué son souhait, le 3 novembre, de voir le Fonds monétaire international (FMI) surveiller et certifier les mesures adoptées par le gouvernement et répondre, de la sorte, au problème de la crédibilité du programme italien. L'Union européenne avait annoncé au préalable sa volonté de diligenter une équipe d'experts de la Commission afin d'examiner les comptes publics mais également le lancement des réformes du marché du travail, de la carte territoriale, des régimes de retraites ainsi que l'état d'avancement du programme de privatisations. Les équipes de l'Union européenne et du Fonds monétaire publieront des rapports trimestriels relatifs aux progrès du pays. Les experts de la Commission sont présents à Rome depuis le 9 novembre. Ils ont adressé aux autorités un questionnaire sur la mise en application des réformes visant les retraites, le marché du travail ou la fiscalité.
La question de la crédibilité de la politique budgétaire italienne demeurait donc entière, posant en filigrane celle du maintien à son poste du président du Conseil. Son déni de la réalité économique du pays, ses atermoiements sur les dispositions à adopter, ses interrogations sur l'urgence relative des plans de rigueur ou ses déclarations finalement démenties sur l'utilité de l'euro étaient de plus en plus considérés comme le principal point faible de l'Italie sur les marchés financiers. Au jeu des comparaisons avec l'Espagne, le ministre des finances Giulio Tremonti a récemment indiqué que l'écart entre les taux espagnols et italiens était lié à l'organisation, à Madrid, d'élections générales anticipées, estimant que cette « promesse de changement » n'était pas sans conséquence pour les marchés.
Le président du Conseil ne disposait plus, le 8 novembre, que de 308 soutiens au sein de la Chambre des députés qui en comprend 630, contre 344 au début de son mandat au printemps 2008. La possibilité que son gouvernement arrive au terme de la législature, en avril 2013, apparaissait, de fait, de plus en plus délicate, alors même que les appels à la démission se multipliaient au sein de sa majorité parlementaire. La côte de popularité de Silvio Berlusconi ne dépasse pas, par ailleurs, 25 %.
L'annonce, le 8 novembre, de sa démission à l'issue du vote du 12 novembre pouvait, en conséquence, apparaître logique. Elle ne peut être considérée, cependant, comme la seule solution au déficit de crédibilité de la politique budgétaire italienne.
En effet, au delà du cas du président du Conseil, les négociations autour de la manovra bis ont mis en lumière les dissonances croissantes au sein de la majorité parlementaire sur l'ampleur des réformes à mener : le parti même de Silvio Berlusconi était hostile à toute augmentation de l'imposition sur le patrimoine alors que la Ligue du Nord s'oppose aux dispositions touchant l'âge de départ en retraite ou à la TVA.
Par ailleurs, alors que le maintien en poste de Silvio Berlusconi semble avoir nettement contribué à la hausse des taux (6,77 % à 10 ans le 8 novembre) et du spread (497 points le même jour), sa démission n'a pas enrayé le mouvement. Le taux à 10 ans atteignait ainsi 7,246 % le 9 novembre, au lendemain de l'annonce de son retrait, le spread se hissant à 552 points.
La défiance des marchés tenait en premier lieu à des raisons politiques : l'incertitude entourant les modalités de la succession du président du Conseil et la perspective d'élections anticipées ont été analysées comme des obstacles à la mise en oeuvre effective des manovre et du maxi-amendement.
Un facteur technique n'est, par ailleurs, pas à négliger : la société LCH.Clearnet , cette «chambre de compensation» qui met en relation les investisseurs disposant de trésorerie avec ceux qui en ont besoin pour financer leurs activités, principalement les banques, a relevé les niveaux de garanties exigées pour toute transaction concernant la dette italienne. LCH.Clearnet se porte, en effet, garant des opérations de crédit et demande donc des gages aux emprunteurs. Les banques européennes utilisent, à cet effet, les bons d'États qu'elles détiennent. Or depuis le 9 novembre, LCH.Clearnet prend davantage de précautions dès lors qu'il s'agit de bons italiens. De fait, une obligation italienne à 10 ans de 100 euros ne permet plus que d'emprunter 88,35 euros, au lieu de 95,35 euros jusqu'ici.
Le vote du 12 novembre et le consensus relatif autour de la nomination de Mario Monti ont néanmoins permis d'observer une relative détente autour des taux italiens. Cette accalmie pourrait néanmoins n'être que passagère au regard de l'absence, à l'heure actuelle, d'accord sur les réformes du marché du travail et sur les retraites anticipées. Les conditions d'adjudication de bons à 5 ans réalisée le 14 novembre traduit ces doutes persistants : le Trésor italien a dû offrir un rendement de 6,29 % contre 5,32 % un mois plus tôt.
La démission de Silvio Berlusconi traduit en tout état de cause un peu plus l'immixtion des marchés dans la sphère politique, véritables juges de la crédibilité d'un homme ou d'une équipe, élus démocratiquement. Il convient en effet de retenir que le chef du gouvernement italien n'a pas été conduit à la démission par un vote défavorable au sein du Parlement italien et par l'émergence concomitante d'une alternative politique, mais bien au terme d'un processus complexe où les défections ont épousé la courbe des taux d'intérêts des titres italiens.
*
* *
L'Italie est victime à la fois d'un contexte - dégradation de la note américaine et mise en place de nouvelles mesures d'urgence à l'égard de la Grèce - qui suscite chez les investisseurs une crainte d'un effet de contagion et de l'incapacité de son gouvernement à rendre crédible ses différents plans d'austérité. Elle se retrouve, de fait, dans la situation paradoxale où ses taux de refinancement augmentent alors même qu'une large partie de son modèle économique demeure viable et que sa dette, bien qu'imposante, reste soutenable à moyen terme.
De manière quasi irrationnelle, et alors même que Madrid est confrontée à une crise d'une ampleur plus importante, la situation espagnole semble susciter relativement moins de craintes de la part des marchés, voire de ses partenaires européens. La démission du président du Conseil n'a pas été suffisante, les marchés s'inquiétant de l'absence de crédibilité de la politique budgétaire italienne en général. Alors qu'elles sont envisagées comme une opportunité en Espagne, d'éventuelles élections anticipées en Italie ont même été appréhendées comme un frein à la réforme économique.
La zone euro est ainsi confrontée à une crise pour partie inédite tant il semble évident que la donnée économique ne constitue plus le seul facteur déterminant quant à la position d'un pays sur les marchés financiers. La solidarité dont ont bénéficié jusqu'à présent la Grèce, l'Irlande et le Portugal doit, de fait, emprunter de nouveaux canaux afin de pallier au déficit de crédibilité italien, lui permettant d'aller encore plus loin en matière de gouvernance économique et de soutien financier.
* 9 La côte de Mediobanca , Banca Findomestic , Intesa Sanpaolo , Banca IMI , Banca Infrastrutture Innovazione et Sviluppo , Casa di Rispiaramo di Bologna et Banca Nazionale del Lavoro (BNL) a ainsi été abaissée. La BNL appartient au groupe BNP Paribas. Instituto per il Credito Sportivo, Banca Fideuram , Agos-Ducato , UniCredit , UniCredit Bank Austria , UniCredit Leasing et Casa di Risparmio di Parma e Piacenza (Cariparma) ont, quant à elles, vu leur perspective passer de stable à négative. Cariparma fait partie du groupe Crédit agricole .