II. LA VALORISATION DU PATRIMOINE : UN VÉRITABLE DÉFI POUR LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

A. UNE PRISE DE CONSCIENCE RÉCENTE ET INÉGALE

1. Une préoccupation longtemps secondaire et une gestion largement passive

La gestion active du patrimoine privé des hôpitaux a été généralement une préoccupation secondaire.

Comme le note la Cour des comptes, les biens du domaine privé des hôpitaux ont ainsi pu être :

- mis en location dans des conditions peu avantageuses pour les hôpitaux ;

- laissés gratuitement à des partenaires externes très divers (organismes de recherche, associations,...) ;

- confiés à un tiers spécialiste qui réalise les tâches de gestion de base, sans véritable contrôle de l'établissement, ni objectif précis d'optimisation des recettes que le bien pourrait procurer . La gestion des terres agricoles, des forêts ou des vignes est, à cet égard, selon la Cour, révélatrice de ce manque d'intérêt pour leur valorisation.

2. Le cas atypique des Hospices de Beaune

Les Hospices de Beaune constituent cependant, dans ce cadre, une exception notable .

Les bénéfices dégagés de leur patrimoine privé (surtout viticole) se sont ainsi élevés à 3,3 millions d'euros en 2009 par rapport à un budget hospitalier consolidé de 67 millions d'euros.

L'exploitation de ce patrimoine permet à l'établissement d'en assurer la conservation, mais également de financer une partie des investissements hospitaliers nécessaires à la modernisation de ses structures.

Le montant des disponibilités figurant au bilan de l'établissement au 31 décembre 2010 était ainsi de 31 millions d'euros.

Si l'aspect atypique et historique de cette situation ne doit pas être minimisé, la situation des Hospices de Beaune suscite néanmoins, pour la Cour, deux interrogations :

- d'une part, celle de la « légitimité pour un hôpital d'exercer une activité commerciale accessoire aussi importante » (depuis le début des années 2000, l'établissement a cherché à professionnaliser son activité viticole : vente des vins confiée à la société Christie's, vente par Internet,...) ;

- d'autre part, celle de « l'utilisation de ces bénéfices et de l'éventuelle opportunité de leur redistribution entre établissements » (pour financer des programmes de recherche par exemple).

Au regard de la situation financière des Hospices de Beaune, la Cour s'interroge, plus particulièrement, sur le versement à l'établissement d'une subvention d'un million d'euros par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour la rénovation d'une maison de retraite des Hospices.

On peut en effet s'interroger sur la non prise en compte du potentiel de recettes que certains établissements peuvent dégager de la valorisation de leur patrimoine privé au moment de l'attribution de certaines dotations ou subventions .

3. Une prise de conscience tardive et variable selon les sites

Soumis à des contraintes financières, certains établissements ont néanmoins progressivement pris conscience des enjeux de leur patrimoine privé et se sont engagés, ces dernières années, dans une politique d'optimisation.

a) Cette politique passe notamment, en ce qui concerne les HCL et l'AP-HM, par des cessions importantes

Les HCL , confrontés à un déficit hors DNA de 94 millions d'euros en 2008, ont ainsi intégré dans leur plan de retour à l'équilibre les gains attendus d'une politique immobilière active .

Dans le cadre d'un schéma directeur immobilier, une politique de cession a été mise en place, couplée à une politique d'optimisation de la gestion du patrimoine privé non cédé : augmentation des loyers, réduction des taux de vacance, normalisation progressive de la situation des locaux mis à disposition de manière gratuite ou préférentielle.

Cette politique passe également par la reconversion de biens hospitaliers désaffectés, comme l'Hôtel-Dieu.

S'agissant de l' AP-HM , la stratégie immobilière définie en 2008 par l'établissement a également reposé principalement sur des cessions , dont il est espéré un montant de recettes de 92 millions d'euros entre 2009 et 2014.

Cette politique s'est traduite par une réduction importante des logements mis à la disposition des agents.

En revanche, la valorisation du patrimoine désaffecté est plus délicate. La Cour note que certains de ces projets « portés notamment par des médecins, ont été conduits sans concertation préalable avec l'agence régionale de santé et n'ont pas encore démontré leur pertinence en termes d'organisation territoriale de l'offre de soins et de viabilité financière » 3 ( * ) .

b) En revanche, d'autres établissements (comme l'AP-HP) n'ont pas jusqu'à présent affiché de stratégie de valorisation publique et explicite

L'AP-HP a certes procédé, pendant les dix dernières années, à un nombre important de cessions (pour un montant total de 343 millions d'euros) et d'acquisitions (pour un montant total de 19 millions d'euros).

Cependant, alors même que les enjeux financiers sont élevés, l'AP-HP n'a pas eu jusqu'à présent, selon la Cour, de stratégie explicite de valorisation de son patrimoine privé.

Un nouveau plan stratégique 2010-2014 a été élaboré. Il prévoit une « politique active et cadencée de cessions », ainsi qu'une « politique tarifaire adaptée et conforme à la réglementation » pour les activités locatives. Néanmoins, pour la Cour, les objectifs-cibles et le rythme des opérations de cession n'apparaissent pas encore de façon claire.


* 3 Cour des comptes - rapport public annuel 2012.

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