DEUXIÈME PARTIE - QUELLES PRÉCONISATIONS POUR RIO ? POUR UNE « RENAISSANCE » DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

« Rio prônait la durabilité environnementale, sociale, économique. Pour Rio+20, la dimension sociale et économique paraît se rétrécir ; c'est préoccupant car ces trois éléments sont indissociables » . 8 ( * ) (Pascal Lamy)

En tout premier lieu, il est indispensable de rappeler que les préconisations de Rio+20 devront toutes veiller à préserver les trois piliers du développement durable. Il serait très risqué de faire opérer au document final un glissement de cette notion fondamentale vers une vision moins englobante, moins inclusive.

Comme le rappelle le rapport du Secrétaire général des Nations unies d'avril 2010 précité, « le concept de développement durable tente de jeter des passerelles non seulement entre les domaines économique, social et environnemental, mais aussi entre les pays développés et les pays en développement, entre les gouvernements, le monde des affaires et la société civile, entre les connaissances scientifiques et l'action publique, entre la ville et la campagne, et entre les générations d'aujourd'hui et de demain ». C'est donc un concept global et liant .

La résolution de l'Assemblée générale des Nations unies le rappelle bien : « A la Conférence et dans le cadre de son processus préparatoire, le développement économique, le développement social et la protection de l'environnement, volets interdépendants et complémentaires du développement durable, seront intégrés de façon équilibrée » .

Il convient donc de veiller à préserver les trois dimensions du développement durable : environnementale donc, mais aussi économique et sociale. La dimension sociale par exemple, ne semble pas à ce jour assez établie dans l'avant-projet de document final.

L'importance d'un quatrième pilier, culturel, est aujourd'hui largement admise.

I. VERS UNE VRAIE RÉGULATION ENVIRONNEMENTALE

A. LA QUESTION INSTITUTIONNELLE

Comme décrit plus haut, la gouvernance mondiale du développement durable n'est pas aujourd'hui satisfaisante, notamment en raison de sa fragmentation et de son éparpillement. En outre, au-delà de la question des institutions, s'esquisse la nécessité d'une meilleure articulation entre les échelons international et local.

Dans sa communication du 20 juin 2011 9 ( * ) , la Commission européenne fait état des différentes propositions de réformes en matière de gouvernance :

- renforcer le rôle du Conseil économique et social des Nations unies en matière de développement durable en accordant une importance égale à ses trois piliers ;

- transformer la Commission du développement durable des Nations unies en un organe plus permanent doté de fonctions élargies ;

- renforcer le PNUE, soit en améliorant son fonctionnement dans le cadre de son mandat actuel, soit en le dotant de nouvelles tâches et responsabilités, soit en créant une organisation environnementale multilatérale mondiale.

Dans ce contexte, l'Union européenne, et la France notamment, défendent l'idée d'une transformation du PNUE en une agence spécialisée des Nations unies afin de concentrer au sein d'une même et forte entité tous les pouvoirs institutionnels en matière de développement durable. Car, comme le montre le rapport du Conseil d'analyse stratégique précité, c'est la balkanisation de la gouvernance environnementale qui est responsable en partie de l'échec de la mise en oeuvre de la Conférence de Rio de 1992 : « la faible efficacité de cette gouvernance mondiale réside principalement dans son aspect éclaté, en particulier dans le domaine environnemental » .

Avec un budget de 75 millions d'euros de fonctionnement, le PNUE est aujourd'hui sous-dimensionné pour cette tâche et est largement déconnecté des traités environnementaux qui fonctionnent chacun séparément. Il a été créé il y a quarante ans : le fait que son Conseil d'administration comprenne 58 États seulement n'est plus justifiable aujourd'hui.

1. La réforme du PNUE : vers une agence spécialisée des Nations unies ?

L'idée d'une Organisation Mondiale de l'Environnement a été lancée à l'origine par François Mitterrand, développée par Jacques Chirac et Lionel Jospin et reprise par Nicolas Sarkozy lors de la Conférence de Copenhague en décembre 2009. A l'époque, dans la foulée du sommet de Rio de 1992, le terme d'OME n'était pas encore employé. L'idée était de réfléchir à une haute instance environnementale au niveau mondial, voire à un tribunal pénal environnemental.

La proposition de création d'une agence spécialisée est aujourd'hui soutenue par la France, par l'Union européenne et, depuis fin octobre 2011, par les pays de l'Union africaine.

Cette option, pour la Commission européenne, « nécessiterait l'adoption d'un traité juridiquement contraignant et serait le moyen le plus prometteur pour améliorer la gouvernance internationale en matière d'environnement et avancer sur la voie du développement durable au niveau mondial » .

La France préconise la création de cette agence à partir d'un PNUE réformé avec un budget plus conséquent et des pouvoirs étendus.

Cela reviendrait à créer une Organisation mondiale de l'environnement dont le rôle pourrait être, entre autres, d'uniformiser les normes environnementales au niveau mondial, de faire un bilan de l'état des ressources naturelles dans chaque pays et de lutter contre le dumping environnemental.

L'Union européenne soutient cette proposition, tout comme l'Union africaine, qui a pris position au sommet de Malabo en juin 2011. Afin de répondre à leurs souhaits, qui portent sur la mise en oeuvre effective des principes de la Déclaration de Rio de 1992, cette OME supposerait une participation absolument universelle (à l'inverse de nombreux accords multilatéraux pour l'environnement qui excluent souvent les pays les plus pauvres des négociations), une réponse coordonnée en matière de renforcement des capacités environnementales et enfin des conditions favorables pour accélérer les transferts de technologies.

En outre, cette organisation pourrait prévoir de s'appuyer plus largement sur l'analyse scientifique.

Enfin, le statut d'agence de l'ONU lui donnerait la légitimité pour coordonner des initiatives multilatérales. Dans le système onusien actuel, seule une organisation de plein droit peut adopter de nouvelles conventions sans passer systématiquement par l'Assemblée générale des Nations unies. Ainsi, le PNUE actuel n'a pas la capacité à adopter lui-même des accords multilatéraux pour l'environnement, ce qui auto-entretient l'inflation du système puisque cela incite à créer de nouvelles conventions autonomes et de nouveaux secrétariats pour en assurer la mise en oeuvre. Ce statut juridique renforcé permettrait donc aussi d'unifier le droit applicable en matière environnementale.

Mais la création d'une telle organisation peut également laisser craindre un degré de complexité supplémentaire si la conciliation de cette agence avec les organisations et conventions existantes n'est pas précisée. Les modalités de son fonctionnement et les contours précis de son mandat ne doivent pas demeurer flous pour éviter le risque de la création d'un organe qui s'avèrerait être une coquille vide.

Quel mandat donner à cette nouvelle agence ? Votre groupe de travail considère qu'un rôle coercitif pourrait éventuellement lui être confié, à l'instar de l'Organe de règlement des différends (ORD) qui permet un fonctionnement efficace de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), pour une bonne application des normes environnementales. Lucien Chabason, de l'Institut du développement durable et des relations internationales, avait également évoqué lors de son audition, la piste d'une mission d'inspectorat permettant des évaluations distanciées, sur des sujets comme les OGM par exemple, et des mesures d'accompagnement.

Sur cette question du mandat dont pourrait être investie la nouvelle organisation internationale, il est à noter que la récente résolution du Parlement européen a renouvelé sa proposition d'instaurer un tribunal international sur l'environnement « qui permettrait de rendre la législation environnementale mondiale plus contraignante et exécutoire, ou au moins une autorité internationale, telle qu'un médiateur investi de pouvoirs en la matière » .

Recommandation 1 : La Conférence «Rio+20» devra mettre en oeuvre la réforme de la gouvernance mondiale du développement durable. Il est impératif aujourd'hui de mettre fin à une fragmentation, facteur d'inefficacité et de faiblesse, des principes du développement durable au sein de l'ordre des régulations mondiales. Cette réforme doit reposer sur la promotion d'un renforcement du PNUE via sa transformation en une agence spécialisée des Nations unies, unique et centrale, profondément réformée dans son fonctionnement. Le mandat de cette nouvelle organisation devra être précisé. Il pourrait revêtir celui d'un organe coercitif, à la manière de l'organe de règlement des différends spécifique à l'OMC, ou d'un organe d'inspectorat.

Parallèlement, le rôle des experts scientifiques spécialisés et du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat devra être renforcé, sous l'égide de ce PNUE nouvelle version, afin que les experts puissent mener des évaluations transversales et diffuser des informations essentielles pour mieux comprendre et donc mieux préserver la biodiversité.


* 8 Pascal Lamy lors de son audition par les commissions du développement durable et des affaires économiques du Sénat le 4 avril 2012.

* 9 « Rio+20 : vers une économie verte et une meilleure gouvernance », communication de la Commission européenne, 20 juin 2011.

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