3. Favoriser la diffusion de formes différentes d'évaluation du risque de crédit
À côté des notations émises par les agences existent d'autres formes de notation, de cotation ou d'évaluation du risque de crédit, qu'il serait utile de valoriser afin de diversifier les sources d'informations financières.
a) Sur la dette souveraine
Pour la dette souveraine, il existe des sources d'informations publiques susceptibles d'aider les investisseurs à apprécier le risque attaché à tel ou tel titre.
Dans un pays comme la France, la transparence des comptes et l'examen de la gestion sont garantis par les règles du débat démocratique : qu'il s'agisse du budget de l'État, de celui de la Sécurité sociale ou de ceux des collectivités locales, les délibérations sont publiques et toutes les informations pertinentes sont aisément consultables. Par ses rapports indépendants sur les finances publiques, la Cour des comptes, en application de l'article 47-2 de la Constitution, assure l'information du citoyen.
La qualité des institutions supérieures de contrôle de par le monde, ainsi que leur mise en réseau au niveau européen, sont donc des facteurs relativisant la notation.
À l'échelle mondiale, des organismes internationaux contribuent également à la connaissance des finances publiques. Le Fonds monétaire international (FMI) publie deux fois par an des projections sur l'évolution des finances publiques et sur les perspectives de l'économie mondiale. L'Organisation pour la coopération économique et le développement (OCDE) publie deux fois par an une étude sur les perspectives d'évolution de la dette publique.
Au total, la dette souveraine est donc bien le secteur pour lequel il est le plus facile de se passer des agences de notation, un investisseur avisé pouvant sans difficulté former sa propre opinion à partir des données et des analyses disponibles, tout au moins pour les pays développés qui publient en principe des informations financières fiables.
b) Pour la dette des entreprises
Dans tous les pays développés, les entreprises sont soumises à des obligations de publication de leurs comptes, avec des exigences de transparence renforcées pour les sociétés cotées. Les investisseurs peuvent donc procéder à leur propre analyse des risques s'ils souhaitent s'affranchir de la notation des agences.
De plus, certaines banques centrales 194 ( * ) , et notamment la Banque de France, ont développé leur propre notation des entreprises. Comme le fait valoir Robert Ophèle, sous-gouverneur, « la Banque de France est devenue une agence de notation » , qui « note environ 260 000 entreprises françaises ». Cette notation ou cotation ne porte pas sur des titres de dette mais vise à évaluer la viabilité d'une entreprise à trois ans. Elle est effectuée sur la base des informations collectées par la Banque de France et à l'issue d'un dialogue avec le chef d'entreprise, qui est informé de sa notation. Les banques commerciales paient pour avoir accès à cette notation, qui leur donne une idée plus précise du risque qu'elles prennent en accordant un crédit à une entreprise. De son côté, la Banque centrale européenne a développé un système interne d'évaluation des risques attachés aux titres qu'elle admet en garantie.
À l'heure actuelle, ces cotations ne sont pas rendues publiques. La Banque de France n'envisage pas de revenir sur cette règle, même si elle s'interroge sur l'utilisation qui pourrait être faite de sa notation en ce qui concerne les créances faisant l'objet d'une titrisation. En début d'année 2011, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, interrogé par la Commission européenne 195 ( * ) , a confirmé son refus de rendre publiques ses notations, en mettant en avant les risques qu'une activité publique de notation ferait courir à la réputation des banques centrales et les possibles risques de conflits d'intérêts.
La plupart des entreprises notées par la Banque de France sont des PME ne faisant pas l'objet d'une notation par les agences. Rendre publiques les notes de ces entreprises pourrait avoir des effets déstabilisateurs sur leurs relations avec leurs clients et fournisseurs, qui doivent être pris en considération.
En revanche, pour les entreprises de plus grande taille qui font l'objet d'une notation par au moins une agence, on pourrait envisager que la Banque de France, et ses homologues européennes, rendent publiques leur notes , ce qui permettrait d'enrichir l'information des investisseurs en leur apportant un point de vue complémentaire.
On pourrait également concevoir que les banques commerciales , qui évaluent elles-aussi le risque de crédit de leurs clients, en utilisant des modèles internes, communiquent leurs notes à un organisme européen, qui serait chargé de les agréger afin de rendre public un indicateur synthétique . Ainsi, tout en préservant le caractère confidentiel des évaluations internes des banques, les investisseurs auraient à leur disposition une information supplémentaire sur le risque de crédit attaché à tel ou tel émetteur. La divulgation de cet indicateur synthétique pourrait être limitée aux seules entreprises qui sont déjà notées par une agence, de manière à ne pas l'imposer aux entreprises qui n'ont pas souhaité s'engager dans une démarche de notation.
* 194 Les banques centrales d'Allemagne, d'Autriche et d'Espagne disposent également de leur propre système de notation des entreprises.
* 195 Cf . le document « European Commission public consultation on credit rating agencies - Eurosystem reply », Banque centrale européenne, février 2011.