B. VERS UNE RÉFORME AMBITIEUSE DU SYSTÈME DE RETRAITE
Les conclusions rendues par la commission présidée par Yannick Moreau le 14 juin dernier ouvrent la voie aux ultimes concertations destinées à définir le cadre législatif de la prochaine réforme des retraites.
Trois ans après l'adoption du dernier texte de loi sur le sujet, cette réforme s'avère indispensable pour consolider, à court terme, un système de retraite appelé à faire face aux conséquences du baby-boom et garantir, à long terme, un équilibre financier menacé par l'allongement de l'espérance de vie.
1. Un système déséquilibré à court terme et insoutenable à long terme
Le projet de loi portant réforme des retraites déposé le 7 septembre 2010 sur le bureau de l'Assemblée nationale était censé, aux termes de son exposé des motifs, « rééquilibrer et pérenniser le modèle français de retraite par répartition fondé sur la solidarité. »
Moins de trois ans plus tard, force est de constater que ces objectifs n'ont pas été atteints : le modèle de retraite français demeure fragilisé par de profondes évolutions démographiques et par un environnement économique incertain.
A cet égard, l'ensemble des travaux publiés ces derniers mois sur le sujet s'accordent sur l'importance des besoins de financement auxquels s'apprête à faire face notre système de répartition.
A l'horizon 2020, les projections du Conseil d'orientation des retraites 7 ( * ) (COR) mettent en évidence une lente mais régulière dégradation des soldes du régime général, toutefois compensée par une amélioration des résultats du FSV. Le solde de l'ensemble des régimes passerait quant à lui d'un déficit de 15 milliards d'euros en 2013 (équivalent à 0,8 point de PIB) à 20,2 milliards d'euros en 2017 (0,9 point de PIB) pour atteindre 21,3 milliards (0,9 point de PIB) en 2020.
Besoins de financement des régimes de retraite d'ici 2020
Source : COR
Ces prévisions initiales du COR doivent toutefois être actualisées en fonction de deux éléments de contexte intervenus depuis mars qui ramèneraient le besoin de financement à 0,8 point de PIB en 2020.
Il s'agit, d'une part, de la signature de l'accord national interprofessionnel du 13 mars qui conduit à réduire le besoin de 3,9 milliards d'euros en 2017 (4,2 milliards en 2020) grâce aux diverses mesures d'équilibrage 8 ( * ) destinées à diviser de plus de moitié les déficits projetés des régimes Agirc-Arrco à échéance 2020.
Il s'agit, d'autre part, des nouvelles hypothèses économiques retenues par le Gouvernement à l'occasion de la présentation du programme de stabilité 2013-2017 à la Commission européenne, conduisant à une dégradation de la trajectoire de l'ordre de 1,5 milliard d'euros en début de période et de 2 milliards d'euros en 2020.
Besoins de financement des régimes de retraite à l'horizon 2020 |
|||
2013 |
2017 |
2020 |
|
Prévisions COR tous régimes |
- 15 |
- 20,2 |
- 20,9 |
Impact de l'ANI |
- |
+ 3,9 |
+4,2 |
Impact des nouvelles hypothèses du pacte de stabilité |
- |
- 1,5 |
- 2 |
Prévisions actualisées |
- 15 |
- 17,8 |
- 18,7 |
Sources : COR - Rapport Moreau, juin 2013 |
A l'horizon 2030, les prévisions actualisées réalisées par la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publique mettent quant à elles en évidence le caractère non soutenable des déficits cumulés des différents régimes de retraite.
En retenant le scénario C du COR, qui correspond à l'évolution historique de la masse salariale (+ 3,5 % par an), la Cour évalue que « la prise en compte des nouvelles hypothèses macro-économiques du programme de stabilité pour les années 2013-2017 aboutit à un solde déficitaire du système de retraite atteignant - 1,6 % du PIB en 2030. (...) Une croissance moindre de 0,25 point par an de la masse salariale conduirait à un déficit de - 2,3 % du PIB à ce même horizon. »
Une analyse par régime souligne par ailleurs la dégradation des soldes de chacun d'entre eux à l'horizon 2030. A cette échéance, les besoins de financement du système de retraite se concentreraient sur le régime général (36 %), les régimes complémentaires Agirc-Arrco (28 %) et les régimes des fonctionnaires et agents publics (34 %).
2. Des modalités de réforme qui restent à arrêter
Les perspectives issues des travaux du Conseil d'orientation des retraites et de la Cour des comptes mettent en lumière les risques liés au maintien de la réglementation en vigueur. En l'absence de mesures appropriées, notre système de retraite est appelé à connaître d'importants déficits susceptibles de limiter sa capacité à honorer ses engagements.
En attendant de connaître le détail des dispositions du projet de loi présenté par le Gouvernement en septembre prochain, votre rapporteur souscrit aux axes de réforme évoqués par le Premier ministre au sortir de la grande conférence sociale pour l'emploi des 20 et 21 juin derniers.
Ceux-ci reposent sur :
- la définition d'un cadre financier garantissant le financement des retraites à court terme ;
- la prise en compte des évolutions assurant la pérennité du système de retraite par répartition ;
- l'élaboration de mesures de justice prenant en compte certaines situations particulières (pénibilité, jeunes, femmes, polypensionnés...).
Après l'accord conclu entre les partenaires sociaux sur les régimes complémentaires Agirc-Arrco, il s'agit donc de franchir une nouvelle étape vers la maîtrise des déficits de la branche retraite.
* 7 Onzième rapport du COR consacré aux perspectives des régimes à 2020, 2040 et 2060 adopté le 19 décembre 2012, complété lors de la séance plénière du 26 mars 2013.
* 8 Il s'agit plus précisément de la hausse des taux de cotisation contractuels de 0,2 point, de la revalorisation des pensions limitée en 2013 à 0,5 % (Agirc) et 0,8 % (Arrco) puis à l'évolution de l'inflation moins un point en 2014 et 2015, de la fixation de la valeur d'achat du point suivant les règles de la valeur de service du point en 2014 et 2015.