TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 26 juin 2013 , sous la présidence de Mme Annie David, présidente , la commission entend M . Yves Daudigny, rapporteur général sur la situation des finances sociales , en vue du débat sur l'orientation des finances publiques .
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - Je vous présente aujourd'hui les principaux éléments du rapport d'information que publiera cette année encore la commission en vue du débat d'orientation des finances publiques programmé le 4 juillet prochain.
Ce débat, qui permettra de préparer l'examen des deux textes financiers de l'automne, se déroulera dans un contexte économique marqué par la progression continue du chômage et par des perspectives de croissance incertaines. Je vous rappelle à cet égard que l'hypothèse de croissance de + 0,8 % sur laquelle ont été établis les PLF et PLFSS pour 2013 a dû être révisée à + 0,1 % dans le cadre du programme de stabilité 2013-2017 transmis à la commission européenne fin avril. Au-delà de l'aspect anecdotique, cette hypothèse joue un rôle essentiel dans la définition du niveau de nos déficits, dans le respect de nos engagements européens et dans notre crédibilité internationale. Une révision à la baisse de 1 % des prévisions du PIB entraine en effet mécaniquement une hausse de 0,5 point de la prévision de déficit public.
Dans ce contexte, le Gouvernement a pris les décisions nécessaires pour réduire les déficits qui pèsent sur nos budgets et nous privent de marges de manoeuvre importantes. L'ajustement structurel, d'une ampleur sans précédent, a été amorcé par les textes financiers votés à l'été et à l'automne dernier. Malgré une croissance nulle, le déficit public a été ramené à 4,8 % du PIB en 2012 (après 5,3 % en 2011), au prix d'un ajustement structurel de 1,2 point de PIB. En 2013, l'effort structurel, porté à 1,9 point de PIB, permettrait d'atteindre un déficit public nominal de 3,7 % du PIB.
Jugeant que l'adoption de mesures supplémentaires pousserait la France en récession, le Gouvernement a ainsi convaincu ses partenaires européens de reconnaître les efforts déjà fournis et d'accepter de reporter à 2015 le retour du déficit sous la barre des 3 %. Il s'est néanmoins engagé à ramener le déficit public à 2,9 % du PIB en 2014 et à l'équilibre structurel en 2016.
Après avoir porté majoritairement sur les hausses de recettes, l'effort d'ajustement devrait désormais concerner la réduction des dépenses publiques. Le débat de jeudi prochain sera l'occasion d'aborder ce point et d'interroger le ministre des finances sur ses intentions en ce domaine.
Les administrations de sécurité sociale participeront bien entendu à cet effort sans précédent de maîtrise de la dépense publique. Ce choix correspond à la mise en oeuvre d'un principe de bonne gestion, le principe d'équilibre des différentes branches qui composent le régime général étant inscrit dans le code de la sécurité sociale. Il répond également à un principe de justice intergénérationnelle. Financer les prestations sociales d'aujourd'hui par des déficits et de la dette, c'est reporter des charges sur les générations à venir tout en hypothéquant leur niveau de protection sociale.
A cet égard, quelle est la situation des finances sociales en ce milieu d'année 2013 ?
Conformément à l'objectif de redressement des comptes sociaux fixé par le Gouvernement, les prévisions fixées en loi de financement pour 2012 ont été atteintes.
Le déficit d'ensemble des différentes branches du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est même repassé pour la première fois depuis 2008 sous les 20 milliards pour s'établir à 17,5 milliards d'euros. A lui seul, le solde des différentes branches du régime général s'est amélioré de plus de 4 milliards par rapport à 2011.
Ce déficit reste sans doute trop élevé. Mais il doit être comparé, dans un contexte économique pourtant moins favorable, au point bas historique atteint en 2010 - soit 28 milliards de déficits pour les comptes du régime général et du FSV.
Au niveau des dépenses, l'Ondam a ainsi été inférieur à l'objectif fixé en 2012. Selon le constat issu des comptes du régime général, les dépenses de l'assurance maladie se sont élevées à 170,3 milliards d'euros, soit 870 millions de moins que l'objectif fixé par la loi de financement pour 2012 et 520 millions de moins que l'estimation des dépenses de 2012 retenue à la dernière rentrée pour la construction de l'Ondam 2013.
Mais cette amélioration des comptes sociaux est surtout le fruit des nouvelles recettes votées dans le cadre de la loi de finances rectificative du 16 aout 2012. Les mesures de suppression des niches fiscales - recommandées par la Cour des comptes depuis juillet 2011 - et le relèvement des taxes sur le capital - déjà proposé par la majorité du Sénat dans le cadre du PLFSS pour 2012 - ont largement contribué à la croissance de 4,4 % des produits du régime général en dépit du ralentissement de leur croissance spontanée.
Le découvert de trésorerie de l'Acoss s'est quant à lui établi à plus de 16 milliards d'euros au 31 décembre 2012.
Je tiens à cet égard à vous rappeler que si la LFSS pour 2011 a programmé la reprise annuelle des déficits de la branche vieillesse et du FSV jusqu'en 2018, rien n'a à ce jour été prévu pour les déficits des branches maladie et famille du régime général à compter de 2012. Ces déficits, financés en trésorerie par l'Agence, contribuent donc à peser sur les résultats de l'Acoss et à dégrader les comptes du régime général.
Au regard des taux courts particulièrement attractifs dont bénéficient les organismes publics, la question du transfert des déficits de l'ensemble des branches à la Cades est sans doute moins stratégique qu'il y a quelques années. Mais je tiens néanmoins à rappeler la position de principe de la commission sur le sujet : dette et trésorerie ne doivent pas être confondues et il convient de s'interroger sans tarder sur les conditions prochaines d'un transfert à la Caisse d'amortissement de la totalité des déficits constatés.
Si l'année 2012 a été marquée par un recul considérable des déficits sociaux, l'année 2013 devrait se caractériser par leur stabilisation.
Pénalisé par une croissance quasi nulle et - surtout - par une progression de la masse salariale moins dynamique que prévue (1,3 % contre 2,3 % retenus dans le cadre du PLFSS), le déficit du régime général et du FSV devrait s'établir à 17,3 milliards d'euros en fin d'année soit une réduction de 200 millions d'euros par rapport à l'année passée.
En dépit de 5 milliards d'euros de recettes nouvelles, le solde du régime général devrait se dégrader d'un milliard en 2013 pour atteindre 14,3 milliards d'euros.
Tous postes confondus, les dépenses de l'Ondam pour l'année 2013 devraient pourtant être contenues. Le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie a ainsi considéré dans son avis du 31 mai dernier qu'une « prévision prudente prenant en compte tous les aléas négatifs conduit pour 2013 à un montant de dépenses inférieur de 200 millions d'euros à l'objectif ». Mais le très faible dynamisme des ressources de la Cnam, en particulier la faible progression des recettes nettes de CSG - qui représentent 35 % des produits de la caisse - devrait contribuer à aggraver le déficit de la branche de 2 milliards d'euros.
Le même paradoxe est perceptible pour les comptes de la Cnaf. En dépit du ralentissement des dépenses lié à l'évolution modérée de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), les comptes de la branche famille seraient pénalisés par la décélération des produits, reflétant l'impact du ralentissement de la masse salariale sur les recettes de cotisation et de CSG, qui représentent 83 % de son financement.
S'ils devaient se confirmer, ces chiffres s'écarteraient sensiblement des objectifs votés dans le cadre de la loi de financement pour 2013. Par rapport aux tableaux d'équilibre adoptés le 17 décembre 2012, le solde du régime général se dégraderait de près de trois milliards tandis que le déficit du FSV progresserait de 500 millions d'euros.
Les comptes du régime général semblent être une illustration du mythe de Sisyphe ! Malgré les recettes supplémentaires, malgré la maîtrise des dépenses, le déficit peine à diminuer, traduisant l'importance des variables exogènes telles que l'évolution de la masse salariale et l'existence de déficits structurels non corrigés au moment où la conjoncture économique était favorable.
Au total, près de 13 milliards d'euros de recettes nouvelles auront été votées entre septembre 2011 et septembre 2012 afin de rompre avec la dérive des comptes sociaux constatée entre 2009 et 2011, pour une réduction effective des déficits du régime général de 3 milliards d'euros !
Nous n'avons certes pas à regretter ce choix. En l'absence de mesures correctrices, le déficit avoisinerait cette année les 26 milliards d'euros et les perspectives financières seraient de nouveau catastrophiques.
L'écart entre les efforts réalisés - et les résultats obtenus - mettent néanmoins en évidence le chemin restant à parcourir pour atteindre l'équilibre des comptes sociaux.
Cet équilibre comptable n'est certes pas une fin en soi. En période de crise, notre système de protection doit bien évidemment jouer son rôle « d'amortisseur » social. C'est là l'un des piliers de notre « pacte républicain ». Mais comment pourrait-il continuer à le faire lorsque le niveau de ses déficits est tel qu'il remet en cause la soutenabilité des politiques qu'il porte ?
Afin de répondre à ce défi et de restaurer la crédibilité de nos comptes sociaux, le Gouvernement s'est engagé dans la voie des réformes, conformément à la feuille de route déterminée à l'issue de la première conférence sociale de juillet 2012.
S'inspirant des travaux menés par Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil de la famille, le Premier ministre a ainsi annoncé le 3 juin dernier une série de mesures visant à rendre la politique familiale plus juste et mieux adaptée au besoin des familles d'aujourd'hui. Ces mesures permettront, en augmentant la contribution des ménages les plus aisés au financement de la politique familiale, de garantir des ressources supplémentaires aux familles les plus vulnérables - les familles mono parentales et les familles nombreuses - par le biais d'une hausse de 25 % de l'allocation de soutien familial et de 50 % du complément familial. Elles contribueront aussi à améliorer sensiblement les comptes d'une branche en déficit chronique depuis dix ans en dégageant 1,9 milliard de recettes supplémentaires d'ici 2016 dont 1,3 milliard dès l'an prochain.
Je tiens à préciser qu'en proposant une réduction du montant du plafond de l'avantage fiscal accordé au titre du quotient familial plutôt qu'une mise sous condition de ressources des allocations, la réforme envisagée me parait opportune pour au moins trois raisons :
- elle confirme d'une part le principe d'universalité des prestations familiales auquel nous sommes toutes et tous attachés ;
- elle conforte d'autre part les acquis d'une politique familiale qui, de l'avis général, a jusqu'ici donné d'excellents résultats ;
- elle évite enfin de faire peser sur les Caf de nouvelles contraintes administratives susceptibles d'altérer une fois de plus leur fonctionnement.
S'agissant de l'autre grande réforme de l'automne, à savoir la réforme des retraites, les conclusions rendues par la commission présidée par Yannick Moreau ouvrent, à compter du 4 juillet prochain, la voie à une dernière phase de concertation avec les partenaires sociaux.
Si nul ne connaît aujourd'hui le détail des dispositions du projet de loi qui nous sera présenté en septembre, je tiens néanmoins à rappeler les trois piliers de la réforme évoqués par le premier ministre à l'issue de la conférence sociale. Le texte comprendra ainsi :
- des mesures garantissant le financement des retraites à court terme ;
- des évolutions garantissant la pérennité du système de retraite par répartition ;
- des mesures de justice visant à prendre en compte certaines situations particulières (pénibilité, jeunes, femmes, poly pensionnés...).
Après l'accord conclu entre les partenaires sociaux le 13 mars dernier sur les régimes complémentaires Agirc-Arrco, il s'agit d'une nouvelle étape vers la réduction des déficits de la branche retraite susceptibles de passer, tous régimes confondus, de 15 milliards en 2013 à plus de 20 milliards dès 2016.
Voici, mes chers collègues, les quelques dossiers qui nous attendent dans les mois à venir. Famille, retraites, auxquels je me permets d'ajouter la renégociation de la future convention d'assurance chômage programmée en fin d'année, seront au menu de nos discussions. Il s'agit de sujets sensibles sur lesquels nous allons pouvoir nous expliquer. Il s'agit d'enjeux essentiels sur lesquels nos concitoyens seront extrêmement vigilants. Il s'agit de thèmes structurants qui conditionneront grandement l'avenir de notre pays.
Je souhaiterais conclure mon propos en faisant état des travaux du Haut Conseil du financement de la protection sociale, au sein duquel j'ai l'honneur de vous représenter. Je me limiterai, dans la perspective de la discussion du prochain PLFSS, à vous indiquer les principes dégagés par le Haut Conseil susceptibles de guider l'évolution de la structure de financement des différents régimes.
Alors que nous dénonçons régulièrement la complexité des modalités de financement de notre protection sociale et l'opacité de la tuyauterie imaginée pour en assurer la mise en oeuvre, ces recommandations, si elles étaient suivies, permettraient à chacun d'y voir plus clair.
Le Haut Conseil préconise ainsi la définition de schémas de financement pérennes pour chacun des grands risques de la protection sociale. Une telle démarche permettrait de considérer les problèmes d'équité dans leur ensemble et de limiter les transferts de couvertures entre les régimes au gré de leurs besoins propres de financement, avec des incidences parfois mal prises en compte sur les droits des assurés.
Le Haut Conseil appelle également à la prise en compte de la dynamique des diverses sources de financement. Il s'agit de veiller à ce que les recettes complémentaires ou alternatives aux ressources transférées permettent d'accompagner la dynamique de moyen terme des risques auxquels elles sont affectées. Par le passé, il nous est arrivé de substituer des produits peu dynamiques à des ressources en fortes progression. Je pense ici à la Cnaf qui s'est vu attribuer, en lieu et place d'une part de CSG, le « préciput assurance vie » dont le rendement diminue de 200 millions d'euros par an pour s'éteindre définitivement en 2020.
Le Haut Conseil appelle également de ses voeux une affectation plus rationnelle des impôts et taxes affectés aux différents régimes ou aux différentes branches.
Il préconise enfin l'amélioration de la gouvernance des modes de financement de la protection sociale grâce à la publication, dans une annexe au PLFSS, des données relatives aux dépenses et aux recettes de l'ensemble des régimes de protection sociale, y compris les régimes complémentaires de retraite et d'assurance chômage. Cette innovation, que j'avais appelée de mes voeux lors de l'examen de la loi de programmation des finances publiques 2013-2017, nous permettrait d'assurer un suivi global, rapproché et régulier des modes de financement de l'ensemble des dépenses de protection sociale par grands risques.
J'ai bon espoir que ces principes de bon sens guident notre action au cours des mois à venir afin de renforcer la lisibilité et, par conséquent, l'acceptabilité de notre système de protection sociale.
M. Gilbert Barbier. - Je crains que la présentation du rapporteur général soit encore trop optimiste et que les hypothèses de croissance retenues par le Gouvernement doivent être prochainement révisées.
Je souhaiterais par ailleurs connaître les propositions du Haut Conseil du financement de la protection sociale relatives à l'évolution des modalités de financement de la branche famille.
Ma dernière question porte sur la branche maladie, dont les comptes sont appelés à se dégrader en 2013. Dans la mesure où de récents rapports laissent entendre qu'il serait possible de limiter les dépenses de santé, le Gouvernement envisage-t-il de diminuer le montant de l'Ondam ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général . - L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) vient effectivement d'annoncer un chiffre de croissance du PIB égal à - 0,1 % pour l'année 2013, légèrement inférieur à celui retenu par le Gouvernement dans le cadre du pacte de stabilité 2013-2017 présenté à Bruxelles en avril dernier. Les conséquences financières d'un tel écart restent néanmoins limitées.
Si les perspectives de croissance sont inquiétantes, certains éléments permettent d'espérer une amélioration du contexte économique. La production manufacturière et les exportations ont ainsi dépassé les prévisions au mois d'avril. Il convient toutefois de reconnaître que la croissance devrait être nulle pour la deuxième année consécutive dans notre pays, ce qui ne facilite pas la réduction des déficits du régime général de la sécurité sociale.
Concernant l'Ondam, il faut se féliciter du respect des objectifs fixés. Cela n'a pas été toujours le cas par le passé. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoit d'ailleurs un nouvel effort en 2015, année au cours de laquelle l'objectif de dépenses passera à 2,5 % par an. Avant d'aller plus loin, il faut en mesurer les conséquences sur le fonctionnement des hôpitaux et sur l'efficacité de l'ensemble de notre système de soins.