IV. LE PROJET DE RÉVISION DE LA DIRECTIVE SÛRETÉ A OUVERT PLUSIEURS DÉBATS ESSENTIELS
A. UN CALENDRIER ANTICIPÉ
Personne ne s'oppose à la révision de la directive de 2009, mais la plupart des personnalités interrogées ont reconnu que le calendrier a été précipité après l'accident de Fukushima, alors même que la directive de 2009 n'était pas encore totalement transposée dans tous les États membres, que le bilan de la directive de 2009 n'avait pas encore été fait (les rapports des États membres qui étaient prévus pour juillet 2014 n'ont pas été rédigés) , que le processus de révision de la Convention sur la sûreté nucléaire était en cours et que la mise à jour des normes techniques entreprise par l'AIEA n'était pas achevée.
Cette précipitation s'est ressentie dans le texte du projet de révision qui contenait dans sa première version un grand nombre de définitions ou d'appellations nouvelles, pour des concepts déjà élaborés par l'ENSREG ou l'AIEA, ce qui a entraîné une certaine confusion dans l'esprit des principaux acteurs du secteur. D'une manière plus générale, la Commission a été invitée à se caler sur les normes en cours d'élaboration par l'AIEA et l'ENSREG et sur leur terminologie qui est celle aussi de WENRA.
Les principaux acteurs de l'énergie nucléaire ont également déploré que le texte de la Commission n'ait pas d'emblée reconnu la différence opérationnelle existant entre les anciens et les nouveaux réacteurs et tenté d'imposer aux anciens réacteurs des normes qui venaient d'être définies pour les nouveaux, sans prendre en considération la question de savoir si ces normes étaient transposables.
Un travail de clarification terminologique s'est donc révélé nécessaire. De même la négociation a conduit à mieux différencier le sort des anciens réacteurs.
B. UNE VOLONTÉ DE CONTRÔLE SUPRANATIONAL DE LA PART DE LA COMMISSION MENAÇANT L'INDÉPENDANCE DES AUTORITÉS NATIONALES DE SÛRETÉ
La Commission est partie sur une idée à la fois prématurée et hasardeuse quand elle a un moment envisagé que la création d'une autorité de sûreté européenne coiffant les autorités nationales était possible.
Les personnalités que vos rapporteurs ont interrogées ont fait remarquer que les disparités entre les autorités nationales existantes étaient encore trop grandes et surtout que l'harmonisation des normes de sécurité et du vocabulaire employé n'était pas assez avancée. En second lieu, on estime qu'il ne saurait y avoir deux autorités responsables en matière de sureté nucléaire. L'opérateur ne doit avoir qu'un seul interlocuteur. Le mot d'ordre est très vite devenu qu'il ne devait y avoir sur un territoire donné qu'un seul gendarme de la sûreté nucléaire.
Si un jour, il devait y avoir une autorité supranationale, alors il n'y aurait plus d'autorités nationales et les opérateurs ne traiteraient qu'avec l'autorité européenne dans un environnement totalement harmonisé.
Le contexte ne s'y prête pas encore et il faut éviter toute disposition qui conduirait à « déresponsabiliser » les autorités nationales. Leur responsabilité ne doit être ni partagée ni diluée afin d'éviter le risque d'affaiblir leur légitimité et le crédit qu'elles ont acquis.
C'est la raison pour laquelle la France a soutenu tout ce qui pouvait renforcer l'indépendance des autorités nationales de sûreté tant il est indispensable de faire en sorte que les autorités de sûreté aient les moyens juridiques et matériels de garantir leur indépendance vis-à-vis des autres autorités publiques et des différents groupes d'intérêt. En France, l'ASN a le statut d'autorité administrative indépendante, concept français qu'il n'a pas été facile de promouvoir auprès des autres États membres.
C'est pourquoi le compromis final ne comprendra que l'indépendance fonctionnelle des autorités de sûreté et non une indépendance juridique.