B. LA LOI DE 2000 CONFÈRE AUX COMMUNES AYANT RESPECTÉ LEURS OBLIGATIONS EN MATIÈRE D'ACCUEIL DES POUVOIRS DE POLICE CLAIRS ET FONDÉS EN DROIT À L'ÉGARD DES GENS DU VOYAGE EN CAS DE STATIONNEMENT ILLICITE
a) Arrêté d'interdiction de stationnement
Les articles 9 et 9-1 de la loi prévoient que, lorsque les communes inscrites au schéma d'accueil des gens du voyage ont respecté leur obligation, ou pour les communes non inscrites à ce schéma, le maire peut, par arrêté, interdire, en dehors des aires d'accueil aménagées, le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles.
b) Évacuation d'une installation qui s'est mise en place malgré l'interdiction de stationnement
Dans le cas d'un stationnement en contravention avec l'arrêté pris précédemment mentionné, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, mais seulement si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques .
En outre, la mise en demeure ne peut être exécutée avant un délai de 24h. Le recours contre la mise en demeure a un effet suspensif. Le président du tribunal ou son délégué doit statuer dans un délai de 72 heures à compter de sa saisine. Au total, la durée maximale entre la mise en demeure et l'exécution effective est de 96 heures.
c) Sanctions pénales de l'occupation illicite d'un terrain
L'article 322-4-1 du code pénal sanctionne le fait de s'installer en réunion, en vue d'y établir une habitation, même temporaire sur un terrain appartenant soit à une commune qui s'est conformée aux obligations lui incombant du fait du schéma départemental d'accueil des gens du voyage ou qui n'est pas inscrite à ce schéma, soit à tout propriétaire autre qu'une commune, sans être en mesure de justifier de son autorisation ou celle du titulaire du droit d'usage du terrain. Le délit d'installation sans titre est puni de 6 mois d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 euros, ainsi que d'une suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans et une confiscation du ou des véhicules automobiles utilisés pour commettre l'infraction, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation. Le délit est constitué dès que l'installation est réalisée.
Cette disposition est cependant peu appliquée : « 49 infractions constatées en 2008, 58 en 2009, 92 en 2010, 45 en 2011 et 57 en 2012 », alors même que cet article ne concerne « pas seulement les installations illicites des gens du voyage, mais toute installation illicite constitutive de l'infraction 15 ( * ) » .
d) Droit commun applicable en cas de dégradations
Comme cela l'a été rappelé plusieurs fois lors de réponses à des questions parlementaires, le droit commun civil et pénal en cas de dégradations est applicable. C'est notamment le cas de l'article 322-1 du code pénal qui prévoit que « la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, sauf s'il n'en est résulté qu'un dommage léger ». La peine est de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice (article 322-3 du même code).
En outre, en application de l'article 1382 du code civil, « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » . Cependant, il appartient à celui qui s'estime victime d'un dommage de prouver le fait prétendu. Par ailleurs, cette procédure civile est souvent longue et pose la question de l'identification de la personne responsable du dommage.
Cette situation a conduit à étudier des alternatives à cette solution peu utilisée :
La mise en place d'un système de dépôt de caution lors du constat d'une occupation illégale du territoire présente l'avantage de faciliter, le cas échéant, le dédommagement du propriétaire du terrain en cas de constat de dégradations. En effet, dans le système actuel, il appartient à la commune, une fois le montant des dégâts évalués de retrouver l'auteur des faits, puis de le poursuivre devant la justice civile pour obtenir des réparations. Ce système est souvent très long et difficile à mettre en place.
Toutefois, la mise en place d'un dépôt de caution est également sujette de nombreux problèmes. Premièrement se pose la question de qui va payer la caution. Doit-elle être payée par chaque famille, ou bien un responsable du groupe doit-il être identifié ? Par ailleurs, un risque de trouble à l'ordre public n'est pas à exclure, lorsque le versement de la caution est exigé. Enfin, et surtout, le fait de demander une caution légitime implicitement l'occupation du terrain.
e) Suppression de l'obligation de trouble à l'ordre public dans le cadre de la procédure de délogement d'un stationnement illégal
La décision n° 2010-13 QPC du 9 juillet 2010 précise que la procédure dans son ensemble offre des garanties suffisantes et ainsi, « le législateur a adopté des mesures assurant une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre la nécessité de sauvegarder l'ordre public et les autres droits et libertés ». Parmi les outils permettant d'assurer l'équilibre entre sauvegarde de l'ordre public et autres droits et libertés sont mentionnés :
- la mise en oeuvre de l'évacuation forcée des résidences mobiles seulement par le préfet ;
- la procédure ne pouvant être mis en place que par un nombre limité de personnes, en raison de leur qualité : propriétaire ou utilisateur du terrain, maire ;
- la mise en demeure obligatoire ;
- le délai avant exécution de la mise en demeure ne pouvant être inférieur à 24 h ;
- la possibilité de recours ;
- la procédure visant les seules personnes occupant illégalement un terrain dont elles ne sont pas propriétaires.
Dès lors, la sauvegarde à l'ordre public est expressément citée comme cause de constitutionnalité de la procédure.
f) Réduction du délai de mise en demeure pour quitter un terrain occupé illégalement
La décision n° 2010-10 QPC mentionnée ci-dessus cite notamment comme garantie de l'équilibre entre sauvegarde de l'ordre public et autres droits et libertés le fait que « les intéressés bénéficient d'un délai qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures à compter de la notification de la mise en demeure pour évacuer spontanément les lieux occupés illégalement ». Dès lors, on peut s'interroger sur la conformité à la Constitution d'un dispositif réduisant fortement ce délai. En outre, le rapport de M. Leconte, au nom de la commission des lois, rappelle que ce délai de 24 heures doit « permettre à l'administration de rechercher des solutions alternatives à l'exécution forcée et de les présenter aux mis en demeure » et que tant la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) que la direction générale des collectivités locales (DGCL) ont souligné l'utilité de ce délai afin de mener une médiation avec les groupes occupant illégalement un territoire.
* 15 Rapport n° 197 (2013-2014) de M. J.-Y. Leconte au nom de la commission sénatoriale des lois sur la proposition de loi n° 818 (2012-2013) visant à renforcer les sanctions prévues par la loi du 5 juillet 2000.