AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
À la fin de l'année 2011, le groupe Dexia a rencontré d'importantes difficultés qui l'ont conduit à solliciter le soutien financier des États belge, luxembourgeois et français. Ce soutien a été autorisé par la Commission européenne - au titre des aides d'État - à la condition que le groupe entre en « gestion extinctive » et cesse progressivement son activité.
Cette disparition brutale du premier financeur des collectivités territoriales françaises, par le biais de sa filiale Dexia Crédit Local, a entraîné une perturbation majeure du marché du crédit bancaire au secteur public local, qui a laissé craindre son « assèchement ».
Dans ce contexte, l'État français, La Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations ont proposé de créer un nouvel acteur bancaire public chargé d'assurer le financement à long terme des collectivités territoriales.
Le 28 décembre 2012, la Commission européenne, ayant identifié une « défaillance de marché dans le financement des collectivités territoriales et des hôpitaux publics français », a autorisé la mise en oeuvre d'un tel dispositif public, permettant ainsi la création de la Société de financement local (SFIL) à compter du 1 er février 2013. Pour mener à bien sa mission, la SFIL a notamment procédé à l'acquisition à 100 % de la société de crédit foncier « Dexia Municipal Agency » (filiale de Dexia Crédit Local) qui est devenue la Caisse française de financement local (CAFFIL).
*
Après bientôt trois ans d'existence, votre rapporteur spécial a entendu faire un point sur le développement de la SFIL à la fois par rapport à son plan d'affaires initialement présenté en 2013 mais également au vu des nouveaux défis qui ont pu apparaître depuis.
À cet égard, il faut notamment relever la hausse brutale du cours du franc suisse au début de l'année 2015 qui a rendu plus coûteuse la sortie des emprunts « toxiques » indexés sur la parité « euro/franc suisse », dont une grande majorité - distribués à l'origine par Dexia - sont maintenant détenus par la SFIL.
Plus globalement, la réussite de la désensibilisation des emprunts toxiques et, par-là, de l'assainissement du bilan de la SFIL constitue un des enjeux les plus importants pour son avenir.
UNE BANQUE QUI A TROUVÉ SA PLACE DANS LE PAYSAGE DU FINANCEMENT LOCAL
I. UNE « BANQUE PUBLIQUE DE DÉVELOPPEMENT »
A. UNE ACTIVITÉ AUTORISÉE ET SURVEILLÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE
Conformément au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les garanties apportées au groupe Dexia par les États belge, français et luxembourgeois ont fait l'objet d'un examen par la Commission européenne au titre des aides d'État. Le 28 décembre 2012, elle a rendu une décision portant notamment sur le dispositif public de financement local créé autour de la SFIL 1 ( * ) .
Dans le cadre des discussions préalables à cette décision, l'État français a fait valoir que, suite à la disparition de Dexia Crédit Local, le besoin de financement annuel du secteur public local (collectivités territoriales, établissements publics de santé, organismes de logement social) ne serait plus couvert, par les autres établissements bancaires, à hauteur de 7 à 8 milliards d'euros. En effet, ainsi que le relève le paragraphe 182 de la décision de la Commission européenne, « deux éléments rendent ce marché peu attractif pour les établissements bancaires généralistes : i) l'absence de certains revenus complémentaires aux prêts, notamment du fait de l'obligation de dépôts des fonds au Trésor ; et ii) la maturité très longue des financements demandés (15 ans ou plus), en ligne avec l'amortissement technique des investissements, mais qui oblige les financeurs à lever de la liquidité sur des durées analogues ».
La Commission européenne a reconnu que le marché du financement aux collectivités territoriales françaises et aux établissements publics de santé français « ne fonctionne pas actuellement 2 ( * ) de manière satisfaisante en raison d'une défaillance de marché (déficit de l'offre de financement ou "credit crunch"). La Commission considère qu'il a été démontré que les acteurs privés existants (les banques privées) ne sont pas en situation de pouvoir combler ce déficit de financement [...] . La Commission note donc que la part de marché prépondérante que détenait le groupe Dexia avant sa mise en résolution ordonnée [...] ne devrait pas être entièrement reprise par les autres établissements bancaires ».
Elle a ainsi autorisé la mise en place d'une « banque publique de développement » dont l'offre, venant s'ajouter à celle du secteur privé, devait permettre de couvrir la demande de financement des collectivités territoriales et des établissements publics de santé .
Pour la Commission européenne, les banques de développement sont des entités financières auxquelles un État ou une collectivité publique confère le mandat de mener des activités de développement ou de promotion. Elles interviennent essentiellement lorsqu'une défaillance de marché est identifiée. Toutes choses égales par ailleurs, elles sont conçues comme le pendant au niveau national de la Banque européenne d'investissement.
Pour autant, la Commission européenne a strictement limité le champ d'intervention de la nouvelle entité et lui a notifié dix-huit engagements qu'elle doit respecter 3 ( * ) . Ainsi, elle ne peut s'adresser qu'à deux catégories de bénéficiaires (collectivités territoriales et hôpitaux) auxquelles elle doit offrir des financements « à des conditions de marché qui ne seront pas plus attractives que celles offertes par d'autres banques commerciales » 4 ( * ) . Ces engagements font l'objet d'une revue annuelle par un mandataire indépendant 5 ( * ) .
Parmi ces engagements, il convient de relever que :
- la nouvelle banque devra proposer des produits simples, dits « vanille », avec des « méthodes de tarification simples et transparentes », l'annexe IV B décrivant les caractéristiques précises de cette « offre produit » ;
- les clients détenant un prêt sensible ne pourront obtenir de financements de la part de la nouvelle entité, à moins que ce prêt ne permette la restructuration du prêt sensible.
Au total, ainsi que l'a souligné Philippe Mills, président-directeur général de la SFIL devant la commission des finances du Sénat, le 25 mars 2015, le nouveau dispositif public vise à :
« - répondre durablement à la raréfaction de l'offre de financement long terme pour le secteur public local ;
« - sécuriser l'accès aux financements à long terme : prêts de maturité de 15 à 25 ans ;
« - développer pour le marché français une offre commerciale simple et accessible à prix de marché ».
* 1 2014/189/UE : Décision de la Commission du 28 décembre 2012 concernant l'aide d'État SA.33760 (12/N-2, 11/C, 11/N) ; SA.33763 (12/N-2, 11/C, 11/N) ; SA.33764 (12 N-2, 11/C, 11/N) ; SA.30521 (MC 2/10) ; SA.26653 (C9/09) ; SA.34925 (12/N-2, 12/C, 12/N) ; SA. 34927 (12/N-2, 12/C, 12/N) ; SA.34928 (12/N-2, 12/C, 12/N) mise à exécution par le Royaume de Belgique, la République française et le Grand-Duché de Luxembourg en faveur de Dexia, DBB/Belfius et DMA [notifiée sous le numéro C(2012) 9962].
* 2 Au 28 décembre 2012.
* 3 Annexe III de la décision de la Commission européenne.
* 4 Paragraphe 661 de la décision.
* 5 Il s'agit du cabinet Duff&Phelps, qui a remis trois rapports à la Commission européenne, en date du 11 octobre 2013, du 29 avril 2014 et du 29 avril 2015.