CHAPITRE IV - LES DÉCHETS
Jacques MÉZARD
Sénateur du Cantal
I. PROPOS INTRODUCTIF
À la pointe de la lutte contre le réchauffement climatique, les collectivités territoriales multiplient dans tous les domaines les actions innovantes, développent avec un succès croissant des solutions concrètes, sensibilisent nos concitoyens à la centralité de cette politique. Dans le cadre du présent travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, votre rapporteur a souhaité mettre en lumière leur rôle dans le secteur si sensible et si complexe de la collecte, du traitement et de la valorisation des déchets, où la diffusion des bonnes pratiques locales répond à une nécessité pédagogique tout aussi impérieuse qu'ailleurs, peut-être plus urgente.
En effet, les situations locales sont souvent peu satisfaisantes, et quand s'achèvent les rendez-vous mondiaux au cours desquels les États affichent des ambitions plus ou moins iréniques, les véritables avancées dépendent des gestes quotidiens de nos concitoyens et de ce que les collectivités sont en mesure de faire pour les influencer et les accompagner. À cet égard, votre rapporteur considère que la sensibilisation des jeunes publics - dans les écoles notamment -, est incontestablement nécessaire mais n'est pas suffisante : toutes les générations de consommateurs doivent être associées activement aux progrès de la gestion durable des déchets.
Certes, on multiplie les campagnes, on rappelle ici ou là que les petits gestes de tri sont une solution efficace pour réduire l'empreinte carbone. Mais les messages sont souvent difficiles à comprendre, le consommateur-citoyen se perd dans la profusion et le manque de lisibilité des consignes de recyclage. C'est pourquoi votre rapporteur juge qu'il est indispensable de simplifier la communication. Singulièrement, il faut changer la connotation du geste de tri, qui est encore trop « négatif » et culpabilisant, et faire en sorte qu'il devienne « positif », sans doute grâce à la mise en place d'un avantage financier au tri sélectif.
Au-delà, c'est toute notre approche des politiques publiques de traitement des déchets qui doit être repensée.
La détermination des objectifs est simple : il s'agit d'obtenir simultanément la diminution des volumes de déchets produit, ainsi que l'augmentation des tonnages et du nombre des produits recyclés. Il s'agit aussi d'améliorer la valorisation, qui peut constituer un atout économique et permettre de donner une connotation positive à un secteur dont l'image est encore trop dégradée.
En ce qui concerne la démarche à suivre, votre rapporteur estime que le pragmatisme est essentiel et que la différenciation doit prévaloir dans le choix des solutions. La perception et les problèmes varient en effet selon les caractéristiques économiques, géographiques et sociologiques des territoires. C'est pourquoi les projets doivent être adaptés à la réalité locale : il faut en finir avec les projets décidés dans des bureaux parisiens éloignés du terrain. Dans cette perspective, votre rapporteur reste perplexe à l'égard du « centralisme régional » imposé par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) adoptée cet été. Ce texte prévoit en effet de faire de l'échelon régional le périmètre pertinent de gestion des flux de déchets. Or les frontières administratives n'ont aucun sens dans ce domaine comme dans d'autres ; l'action doit se déployer dans un cadre qui sera très souvent le bassin de vie, le bassin de production des déchets, qui peut se situer à cheval sur plusieurs départements et régions.
Ensuite, votre rapporteur est convaincu qu'il faut donner aux élus locaux une meilleure lisibilité à long terme du cadre réglementaire en fonction duquel ils se déterminent car, dans le domaine des déchets, les investissements se font sur des dizaines d'années. Nous devons donc offrir aux collectivités une stabilité réglementaire, et donner à nos élus des indications fiables et cohérentes, même si elles sont parfois difficiles à entendre. Ceci acquis, il faut faire confiance aux élus locaux pour opérer les bons choix et maximiser la performance des territoires.
Enfin, votre rapporteur constate que la grande diversité d'organisation et de gestion du service public de gestion des déchets, la vaste palette des problèmes et des solutions techniques, la rapidité des innovations technologiques dans ce secteur, rendent indispensable de diffuser l'information la plus large et la plus concrète sur les bonnes pratiques. Il faut donner aux élus la possibilité de faire leurs choix en parfaite connaissance de cause, il faut que la diversité et la technicité des solutions disponibles ne débouche pas sur une hétérogénéité excessive dans la performance environnementale et dans le coût du service par habitant. L'utilisation optimale des ressources est aujourd'hui plus que jamais une nécessité, du fait des contraintes financières qui pèsent de façon croissante sur nos collectivités.
La diversité des exemples retenus par votre rapporteur confirme l'importance d'agir en fonction de chaque territoire.
Votre rapporteur a d'abord voulu mettre en lumière le centre multi-filières de valorisation des déchets de Villers-Saint-Paul, dans l'Oise, qui permet une triple valorisation énergétique en produisant de l'électricité pour les habitants, de la vapeur pour les industriels voisins, et de la chaleur pour alimenter le réseau de chauffage de Nogent-sur-Oise.
Il a ensuite souhaité présenter l'exemple du Pays de Sarrebourg, en Moselle, où des communes ont fait le choix de mettre en place une tarification incitative afin de maîtriser les coûts d'enfouissement des ordures ménagères résiduelles.
Votre rapporteur a également voulu mettre en avant l'exemple du centre de tri télé-opéré d'Amiens où, grâce à des innovations technologiques, les opérateurs peuvent trier les déchets sans contact.
Enfin, il a choisi l'exemple de la commune de Lapouyade, en Gironde, qui abrite un projet innovant de valorisation du biogaz issu d'un site de stockage de déchets pour chauffer des serres destinées à la production agricole.