IV. L'ÉCO-CONSTRUCTION ET L'ÉCO-RÉNOVATION COMME OUTILS DE DYNAMISME DES TERRITOIRES : L'EXEMPLE DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE LOCHES DÉVELOPPEMENT
La communauté de communes de Loches développement regroupe 50 000 personnes vivant sur un territoire à dominante rurale, en Touraine. Ce projet est né d'une double volonté :
- d'une part, la communauté de communes souhaitait encourager le développement d'un secteur porteur, comme elle l'avait fait une dizaine d'années auparavant en soutenant le développement des NTIC (cette action avait conduit à la création de 1 000 emplois) ;
- d'autre part, une volonté politique forte se manifestait, dans le cadre de la mise en place de l'Agenda 21, de structurer des filières courtes autour de l'alimentaire et du bâtiment.
Un projet de rénovation énergétique de l'habitat est ainsi en cours de développement, axée sur trois actions : la conception et la fabrication des matériaux biosourcés, la formation des entreprises à leur utilisation, l'optimisation des bâtis du territoire. Les deux premières actions, qui font l'originalité de ce projet, sont présentées ci-après 59 ( * ) .
A. LES ACTIONS
1. La fabrication des agro-matériaux
Le projet visait le développement et l'utilisation de matériaux de construction et d'isolation locaux et respectueux de l'environnement. D'une part, comme le soulignait le président de la communauté de communes de Loches développement à votre rapporteur, lors de son audition, il s'agit de « valoriser les ressources locales et l'économie de proximité non délocalisable ». D'autre part, le prix de ces matériaux augmente fortement du fait de leur transport. Le territoire de la communauté de communes de Loches développement, et plus largement celui du sud de la Touraine dans lequel il s'inscrit, compte 30% de bois et forêts, mais également de nombreuses terres agricoles. Une réflexion a alors vu le jour, en partenariat avec les agriculteurs, les artisans et la chambre des métiers, autour du potentiel des résidus de paille agricole (céréales, paille de tournesol, de colza), dans le but de concevoir un biomatériau compatible avec le bâti existant.
En juillet 2014, Polytech Tours a bénéficié d'un financement régional pour le recrutement d'un doctorant pour la conception d'un isolant composé de terre et de granulats végétaux. La communauté de communes de Loches peut également s'appuyer sur Polytech Clermont-Ferrand, qui mène des recherches sur les granulats de tournesol.
Ces recherches présentent un intérêt important pour le patrimoine et le bâti ancien en Touraine. On trouve en effet dans cette région beaucoup de constructions en pierre de tuffeau, matériau qui présente la particularité d'être poreux et donc d'absorber l'eau. L'isolation de ces bâtiments doit donc être pensée avec soin : l'utilisation sur ces murs d'un matériau totalement imperméable entraîne une stagnation de l'eau dans la pierre de tuffeau et engendre une dégradation beaucoup plus rapide du bâtiment. D'autre part, l'utilisation de la laine de verre est également problématique, car ce matériau s'imprègne d'eau, du fait de la porosité de la pierre, et s'affaisse entre le mur et la paroi intérieure. Elle ne joue donc plus son rôle d'isolant au bout d'un certain moment. Or, le coût de retrait pour la changer et celui du recyclage ne sont pas neutres.
Un projet est actuellement mené autour de la canne de tournesol. En effet, la « moelle » de la tige de tournesol a une capacité d'absorption de l'eau supérieure à celle de l'éponge, ce qui permet d'éviter une stagnation de l'eau dans le mur en pierre de tuffeau, tandis que l'écorce de cette dernière présente des propriétés similaires à celles du chanvre. Or, si les propriétés d'isolation du chanvre sont connues en France, sa culture ne démarre pas. On ne recense que 10 000 à 15 000 hectares de culture de chanvre sur le territoire français. Par comparaison, 30 000 hectares de tournesol sont cultivés sur le seul territoire de l'Indre-et-Loire. La communauté de communes de Loches développement fait ainsi office de « laboratoire ».
Les agriculteurs sont également intéressés car le développement de ce matériau permet de valoriser la tige de tournesol, et ainsi d'améliorer le rendement de cette culture de printemps qui participe à la gestion des sols.
2. Une formation des entreprises locales à l'utilisation de matériaux biosourcés
L'un des axes principaux de l'action est la formation et l'accompagnement des entreprises à l'utilisation de ces nouveaux matériaux et, de manière plus générale, à la rénovation énergétique. La formation vise notamment à développer le travail d'ensemble, afin que les travaux réalisés par un artisan dans un domaine spécifique et les gains d'énergie ainsi réalisés ne soient pas mis à mal par le travail d'un autre artisan, l'enjeu étant la maîtrise des coûts. En effet, la rénovation globale est extrêmement onéreuse. Toutefois, elle est souvent nécessaire afin d'atteindre les objectifs de diminution de consommation d'énergie et d'émission de gaz à effet de serre. C'est pourquoi il est nécessaire de parvenir à optimiser les coûts en travaillant sur l'agencement du chantier.
Dans le cadre d'un financement de trois ans, l'objectif est de former 25 entreprises, soit près du tiers du chiffre d'affaires du bâtiment sur le territoire : il s'agit de créer une force d'entraînement, dans une vision « donnant-donnant ». Cette action doit permettre aux entreprises locales d'avoir un temps d'avance en matière de rénovation énergétique.
Enfin, dans le cadre de la création de la plateforme locale de rénovation énergétique de l'habitat, il est prévu que les particuliers soient mis en relation avec des artisans formés à ces nouvelles techniques et organisés en groupement afin de permettre une rénovation globale de l'habitat.
* 59 Dans le cadre de sa troisième action, la communauté de communes de Loches développement propose aux habitants un accompagnement pour le montage des dossiers de demande de subvention. Par ailleurs, un conseiller en énergie partagée a procédé à une analyse énergétique des bâtiments communautaires et communaux.