B. LA DÉCLINAISON LOCALE : LE PRÉFET PIVOT DÉPARTEMENTAL DE LA PRÉVENTION

Les différents textes relatifs à la prévention de la radicalisation ont fait du préfet de département le pivot de cette politique publique. Dès la circulaire du 29 avril 2014, le ministre de l'Intérieur demandait aux préfets de mettre en place une cellule de suivi départementale. Sa composition et ses fonctions n'étaient pas clairement définies et, du reste, vos rapporteurs ont pu noter une certaine lenteur dans la mise en place de ces cellules, même dans des départements très concernés. À titre d'exemple, il a fallu attendre le 19 mars 2015 pour que cette cellule soit installée dans les Alpes-Maritimes ! Dans une instruction du 19 février 2015, le ministre de l'Intérieur s'étonnait de ce que certaines préfectures n'aient toujours pas constitué leur cellule de suivi, notant, en guise de « menace », que sa mise en place conditionnait l'octroi des crédits du fonds interministériel pour la prévention de la délinquance (FIPD).

Le dispositif est désormais rodé dans la plupart des départements , même si ses contours peuvent varier en fonction des spécificités locales. Le principe général est l'existence d'une structure d'échanges sur l'identification des individus radicalisés et d'une autre structure davantage chargée de leur prise en charge « sociale ».

Dans le département du Bas-Rhin , ce dispositif a d'ailleurs évolué puisqu'initialement articulé autour de deux cellules de détection et d'accompagnement, il comporte désormais quatre cellules :

- une cellule « détection » , composée des services préfectoraux, du parquet, du renseignement territorial, de la sécurité intérieure, de la gendarmerie nationale et d'un référent pour l'Éducation nationale. Elle a pour mission d'évaluer tous les signalements reçus, d'attribuer un chef de file à tous ceux qui sont pertinents et de réaliser les premières prises en charge, notamment par le parquet mineurs ;

- une cellule « accompagnement » , composée des services préfectoraux, du parquet, du conseil départemental, de représentants de la Ville de Strasbourg et de l'Eurométropole, de personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), de l'administration pénitentiaire, de l'Éducation nationale, des responsables des CLSPD de Saverne et de Bischwiller-Haguenau. Elle a pour tâche de s'assurer de la prise en charge personnalisée des personnes signalées et de leurs familles et d'en vérifier le suivi ;

- un comité partenarial départemental , présidé par le préfet et élargi à l'ensemble des acteurs institutionnels du département, qui a surtout pour objet de mobiliser ses acteurs et d'encourager à l'organisation d'actions de sensibilisation et de formation ;

- une cellule « prévention » , réunit deux fois par an, autour du secrétaire général adjoint de la préfecture chargé de la politique de la ville, les services préfectoraux, les élus en charge de la politique de la ville et des politiques de la jeunesse et de la prévention, les délégués du préfets, le directeur du contrat de ville Eurométropole, le coordinateur du contrat intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance de l'Eurométropole, les coordonnateurs des CLSPD et CISPD des communes ne disposant pas de contrats de villes, les référents des opérateurs publics et des services déconcentrés de l'État. Celle cellule vise à mobiliser et « coordonner » les dispositifs de détection et de prise en charge des radicalisés, de favoriser les échanges de bonnes pratiques, de coordonner les actions des acteurs associatifs, etc.

Dans le département du Val-d'Oise , on distingue trois structures :

1) Un comité départemental restreint, présidé par l'autorité préfectorale, rassemble, chaque semaine, préfet, directeur de cabinet, membres du cabinet, gendarmerie nationale, police judiciaire, services de renseignement, police de l'air et des frontières. Ce comité a quatre fonctions principales :

- il centralise et analyse les nouveaux signalements, veille au suivi des individus signalés, met en oeuvre les mesures et de nouvelles instructions concernant les dossiers suivis ;

- il oriente les individus signalés vers un module de prise en charge ;

- il contribue à la mise en place des mesures urgentes (autorités judiciaires ou administratives), par exemple les interdictions de sortie du territoire ;

- il assure le renseignement du FSPRT : attribution du chef de file, état, insertion des notes,...

2) Un comité départemental élargi, à fréquence bimensuelle, est composé par le préfet, le procureur, les forces de sécurité, les services de renseignement, l'Éducation nationale, le représentant de la maison d'arrêt du Val-d'Oise (MAVO), le SPIP, la PJJ, le conseil départemental, les délégués du préfet, l'agence régionale de santé (ARS), la caisse d'allocations familiales (CAF). Ce comité assure :

- une remontée des informations relatives aux signalements réalisés et aux cas de radicalisations des partenaires ;

- des échanges d'informations sur le contexte local ;

- la mobilisation et l'entretien actif du réseau d'acteurs locaux.

3) Une cellule de suivi « Prise en charge des signalements et accompagnement des familles »

Supervisée par le préfet elle associe le procureur de la République, le cabinet du préfet, les forces de sécurité, les services de renseignement, le préfet délégué à l'égalité des chances, un représentant des maires du Val-d'Oise, la maison d'arrêt du Val-d'Oise, son aumônier musulman de la MAVO, le SPIP, la PJJ, le conseil départemental, l'Éducation nationale, la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), un psychiatre, des associations mandatées.

Son rôle est de veiller à la prise en charge des signalements et à l'accompagnement des familles ».

En Saône-et-Loire , la préfecture a mis en place trois instances se réunissant à des périodicités différentes et rassemblant des personnes différentes.

1) La réunion « ordre public et radicalisation » se tient toutes les semaines. Y participent le préfet et sa directrice de cabinet, le colonel du groupement de gendarmerie départementale, le service départemental des renseignements territoriaux, la direction départementale de la sécurité intérieure, et le délégué militaire départemental. Cette cellule étudie les cas nouveaux et analyse l'évolution des cas connue.

2) La cellule restreinte qui se réunit à un rythme mensuel. Elle regroupe outre les participants à la réunion « ordre public et radicalisation » le corps préfectoral (y compris les sous-préfets), les procureurs, le directeur du centre pénitentiaire de Varennes et les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Elle étudie à chaque réunion une dizaine de cas, des dossiers alternant signaux forts et signaux faibles de radicalisation

3) La cellule partenariale qui se réunit après la cellule restreinte, également à un rythme mensuel. Outre les participants de la cellule restreinte, elle regroupe les référents de la direction départementale de la cohésion sociale, le directeur académique des services de l'Éducation nationale, l'ARS, la protection judiciaire de la jeunesse, le conseil départemental, la cellule de recueil des informations préoccupantes (enfance en danger), l'Union départementale des associations familiales (UDAF), des associations de soutien à la parentalité et de soutien psychologique, un imam, qui est également aumônier pénitencier. Il est désigné un référent de parcours pour chaque cas, ou un traitement local individualisé à mettre en place si celui-ci est adapté.

Le département souhaite également mettre en place un réseau de psychologues sur lequel la cellule partenariale pourra s'appuyer. Les groupes de traitement individuel sont une spécialité du département. Trois types de cas ont été prévus :

- le cas « jeune scolarisé » avec une coopération renforcée entre le sous-préfet, qui est chef de file, le maire, l'Éducation nationale, le cas échéant un imam, et un psychologue ;

- le cas « PJJ » : la Justice est alors chef de file. Elle peut bénéficier d'un appui du groupe de traitement pour les mesures qui ne sont pas encore mises en place. Il s'agit donc d'un accompagnement complémentaire à celui existant au sein de la justice. Les juges savent qu'ils peuvent s'appuyer sur ces ressources supplémentaires, des psychologues par exemple ;

- le cas « soutien de famille ».

Au 27 janvier 2017, 230 signalements ont eu lieu (depuis 2014), avec une très forte prédominance de majeurs (plus de 82%).

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