B. L'ÉTAT DOIT GARANTIR UNE RÉCIPROCITÉ DES INFORMATIONS
Les élus locaux comprennent la nécessité de participer à l'effort de détection et, quand c'est possible, de prise en charge des personnes signalées. Mais ils regrettent fréquemment que le flux d'informations semble à sens unique vers l'État. Pour autant, si les élus ne demandent pas d'avoir connaissance de tout, certaines informations sont nécessaires à l'accomplissement de leurs missions.
1. Le premier besoin des maires et des élus locaux : connaître la situation globale sur leur territoire
La principale demande des maires aujourd'hui est de mieux connaître la situation de la radicalisation sur le territoire de leur commune . Jacqueline Eustache-Brinio, maire de Saint-Gratien et représentante de l'AMF, l'a exprimé avec conviction et netteté devant vos rapporteurs : « L'une des difficultés existantes est de mettre en place une vraie coordination avec les services de l'État. Les maires se sentent seuls. Nous avons souvent des réunions avec les services de l'État, mais autant nous sommes les premiers à faire remonter les informations, autant la démarche inverse n'existe pas ou peu. À titre d'exemple, les élus locaux d'Ile-de-France ne sont pas mis au courant de ce qui se passe. L'AMF n'est pas arcbouté pour avoir le nom des fichiers S. Ce n'est pas l'essentiel. Les maires ont un sentiment, un ressenti de ce qui se passent sur leurs territoires. Mais ils ne connaissent pas aujourd'hui la réalité de ce qui se passe en matière de radicalisation sur leur territoire, de renseignements. Il me semble que pour pouvoir avancer sur ces sujets, il faut une confiance mutuelle. » 55 ( * ) .
Cette intervention résume bien la première demande formulée par les élus : obtenir une information sur la situation générale de la radicalisation sur leur territoire . Il s'agit simplement de pouvoir exercer leurs attributions en toute connaissance de cause, notamment en matière de prévention de la délinquance et de tranquillité et de sécurité publiques. La consultation nationale des élus locaux confirme amplement ce point : plus de 60% des répondants estiment ne pas disposer de tous les éléments d'informations nécessaires pour appréhender le phénomène de radicalisation . Ils sont plus de 75% à estimer qu'ils manquent d'éléments d'informations de la part des services de l'État sur l'ampleur du phénomène de radicalisation sur le ressort de la commune ou de l'intercommunalité.
En outre, l'échange d'informations relatives à l'ambiance locale et aux situations de terrain est un acquis de la prévention de la délinquance depuis de nombreuses années, largement pratiqué au sein des CLSPD et de leurs groupes de travail, sur lequel il n'y a pas lieu de revenir. Sur ce point, la mesure n°48 du Plan d'action contre la radicalisation et le terrorisme 2016 invite « Les maires et les préfets à développer un volet de prévention de la radicalisation au sein des Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), partout où la situation l'exige . ». La difficulté en la matière provient de l'extension parfois exagérée de la composition de certains CLSPD qui gêne l'échange d'informations, lesquelles, pour être générales, n'en sont pas moins sensibles. Il y a donc probablement lieu de distinguer deux situations :
- s'agissant d'un échange très général destiné à sensibiliser et informer les citoyens, l'information peut être délivrée en CLSPD plénier ;
- s'agissant d'un échange plus précis sur des informations sensibles, il serait opportun de les traiter en CLSPD restreint, dans un groupe de travail dédié du CLSPD, voire directement avec le maire.
Recommandation n° 11 : Encourager, lorsque cela n'a pas été fait, les autorités préfectorales à prendre l'initiative de contacts avec les élus locaux sur la prévention de la radicalisation et communiquer régulièrement aux maires des éléments sur la situation de la radicalisation dans leur commune. Envisager cette communication, selon la sensibilité des informations, en CLSPD plénier ou restreint, en groupe de travail, voire directement au maire. Destinataires : Ministère de l'Intérieur, préfets et services de sécurité. |
2. Le second besoin des maires et des élus locaux : être informés des situations à risque dans leurs domaines de responsabilité
a) La communication des fiches S n'est pas la solution
Au-delà de cette information « d'ambiance », qui doit permettre au maire d'adapter la stratégie territoriale de sécurité, se pose la question des informations ciblées concernant soit des individus précis présentant un risque, soit des lieux, évènements, organismes ou individus menacés. La consultation nationale des élus montre que 71% des répondants considèrent qu'ils manquent d'informations sur les risques induits par la radicalisation sur le territoire de la commune ou de l'intercommunalité . Les interlocuteurs de la mission ont très généralement confirmé ce souhait de disposer d'informations plus précises pour exercer leur mission.
Le débat a pris un tour polémique à propos de nombreuses demandes de communication du nom des individus « fichés S ». Ces demandes existent - vos rapporteurs ont pu le constater dans les réponses apportées à la consultation - mais elles sont assez rares. La plupart des élus ne souhaitent pas, semble-t-il, en savoir plus que le strict nécessaire à l'exercice de leur mandat. Par ailleurs, comme l'ont souligné plusieurs interlocuteurs à la mission, la diffusion large des fiches S pourrait se retourner contre les élus : que ne leur serait-il reproché s'il advenait un drame causé par un fiché S qui serait connu d'eux mais sur lequel ils n'avaient en fait aucune prise ?
En tout état de cause, il est loin d'être certain que la diffusion des fiches S aux élus locaux soit souhaitable. Outre les raisons avancées par le ministre de l'Intérieur, opposé à la divulgation de ces fiches (inadaptation du contenu-même des fiches, risque pour la confidentialité des enquêtes, risques d'alerte des suspects...), il est probable que leur publicité croissante irait de pair avec l'allégement de leur contenu et l'utilisation progressive par les services d'un autre type de fichage qui leur serait réservé.
Par ailleurs, l'interprétation d'une fiche et des risques afférents ne serait pas toujours aisée par un élu ne disposant pas des informations en profondeur sur l'individu concerné. Enfin, le risque existe que les élus soient débordés par la gestion de trop nombreuses fiches.
Plutôt qu'avoir connaissance de tous les profils à risques de la commune, les maires doivent pouvoir accéder à ceux qui, à un moment ou à un autre, peuvent intervenir dans des circonstances sensibles dont les maires ont la responsabilité directe ou indirecte. C'est le cas, bien sûr, pour les personnels fonctionnaires ou contractuels. C'est évident pour les fonctions d'autorité (cabinet, directions...), de sécurité (police municipale, agents de médiation), d'accueil, de contact avec les enfants (animateurs...), mais compte tenu de la responsabilité qui pèse sur le maire en qualité d'employeur, ce sont tous les personnels qui devraient être concernés. Les procédures de recrutement sont particulièrement stratégiques, mais il en va de même des affectations.
b) Une première réponse : le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT)
L'État a apporté une première réponse à ce besoin des élus, mais aussi de ses propres services, en créant, sur le modèle du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS), un fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT), par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement et le décret n° 2015-1840 du 29 décembre 2015 modifiant le code de procédure pénale et relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes.
Ce fichier présente en effet l'intérêt d'être accessible notamment aux préfets et agents préfectoraux habilités ainsi qu'aux services compétents de l'Éducation nationale. Par ailleurs, la loi précise que, par l'intermédiaire des préfets , et pour les décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, les maires et les présidents des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales sont également destinataires des informations contenues dans le fichier . On ne peut sur ce point que se féliciter que le Gouvernement et le Parlement n'aient pas suivi l'avis de la CNIL, qui souhaitait retreindre significativement les possibilités d'accès des collectivités au fichier 56 ( * ) .
Art. 706-25-9 du code de procédure pénale - Droit d'accès au FIJAIT Les informations contenues dans le fichier sont directement accessibles, par l'intermédiaire d'un système de communications électroniques sécurisé : 1° Aux autorités judiciaires ; 2° Aux officiers de police judiciaire, dans le cadre de procédures concernant une des infractions prévues aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal ou à l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure, et pour l'exercice des diligences prévues aux articles 706-25-7, 706-25-8 et 706-25-10 du présent code. Les officiers de police judiciaire peuvent également, sur instruction du procureur de la République ou du juge d'instruction ou avec l'autorisation de l'un de ces magistrats, consulter le fichier dans le cadre d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire ou en exécution d'une commission rogatoire ; 3° Aux représentants de l'État dans le département et aux administrations de l'État dont la liste est fixée par le décret prévu à l'article 706-25-14, pour les décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation ; 4° Aux agents des greffes pénitentiaires habilités par les chefs d'établissement, pour vérifier que la personne a fait l'objet de l'information mentionnée à l'article 706-25-8 et pour enregistrer les dates de mise sous écrou et de libération ainsi que l'adresse du domicile déclaré par la personne libérée, ainsi qu'aux agents individuellement désignés et habilités du bureau du renseignement pénitentiaire de la direction de l'administration pénitentiaire ; 5° Aux agents individuellement désignés et habilités des services mentionnés à l'article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure et des services désignés par le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 811-4 du même code pour la seule finalité de prévention du terrorisme ; 6° Aux agents du ministère des Affaires étrangères habilités pour l'exercice des diligences de l'article 706-25-7 du présent code. Les autorités et personnes mentionnées aux 1° et 2° et 4° à 6° du présent article peuvent interroger le fichier à partir d'un ou de plusieurs critères fixés par le décret prévu à l'article 706-25-14, et notamment à partir de l'identité d'une personne, de ses adresses successives ou de la nature des infractions. Les personnes mentionnées au 3° du présent article ne peuvent consulter le fichier qu'à partir de l'identité de la personne concernée par la décision administrative. Les maires et les présidents des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales sont également destinataires, par l'intermédiaire des représentants de l'État dans le département, des informations contenues dans le fichier pour les décisions administratives mentionnées au même 3°. À l'issue des délais prévus à l'article 706-25-7, les informations contenues dans le fichier sont uniquement consultables par le service gestionnaire du fichier, les autorités judiciaires, les officiers de police judiciaire mentionnés au 2° du présent article et les agents individuellement désignés et habilités des services mentionnés au 5°. |
Vos rapporteurs notent toutefois qu'aucun de leurs interlocuteurs sur le terrain n'a évoqué la création ou la consultation de ce fichier, ce qui semble témoigner d'une méconnaissance assez généralisée de son existence. Il est vrai qu'il n'a guère fait l'objet de communications de la part des autorités de l'État.
Recommandation n° 12 : Faire connaître aux maires l'existence du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT) et ses possibilités d'accès via les préfectures. Destinataires : Préfets. |
Par ailleurs, même s'il constitue un outil intéressant, le FIJAIT ne répond pas totalement à la demande des maires. En effet, il ne comprend que les noms d'individus ayant fait l'objet d'une condamnation ou d'une décision judiciaires . Or, la prévention doit viser, aussi et surtout, des personnes susceptibles de passer à l'acte mais non encore condamnées. Le fichier comporte toutefois deux avancées par rapport au casier judiciaire puisqu'il contient les condamnations non encore définitives ainsi que les mises en examen, mais seulement lorsque le juge d'instruction a ordonné l'inscription de la décision dans le fichier.
En revanche, sont exclues certaines infractions qu'il eut pourtant été utile de connaître, en particulier, l'apologie du terrorisme ou encore la consultation habituelle de sites terroristes.
Enfin, les décisions concernant des mineurs de treize ans ne sont pas inscrites dans le fichier, et celles qui portent sur des mineurs de treize à dix-huit ans ne sont inscrites que sur décision expresse, selon les cas, de la juridiction ou du procureur de la République.
c) Une deuxième réponse : capitaliser sur les règles fixées en matière de partage d'informations nominatives dans le champ de la prévention de la délinquance
Au-delà du FIJAIT, la correcte information des élus exige donc que la relation de confiance avec les services de l'État aboutisse à une information quant aux individus susceptibles de présenter des risques , en particulier avant un recrutement ou une affectation. Certes, généralement, les services de l'État indiquent répondre aux sollicitations qui leur sont adressées par les collectivités. Mais les réalités semblent disparates, notamment pour les petites communes, qui n'ont pas forcément un accès aisé aux autorités préfectorales. Par ailleurs, la teneur des informations dispensées ne permet pas toujours aux élus de prendre leurs décisions en connaissance de cause. Son caractère généralement informel ne leur permet pas, en outre d'être « bordés » juridiquement en cas de contentieux.
Vos rapporteurs estiment qu'une réflexion devrait être engagée pour rappeler de manière plus claire les informations nominatives qui peuvent d'ores et déjà être communiquées au maire. Elle pourrait utilement s'appuyer sur le respect des principes forgés dans le cadre de la prévention de la délinquance, et rappelés notamment dans le Guide méthodologique sur l'échange d'informations dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance , publié en 2014 par le SG-CIPDR.
Recommandation n° 13 : Engager une réflexion pour assurer la transposition à la prévention de la radicalisation des règles fixées en matière de partage d'informations nominatives existant dans le champ de la prévention de la délinquance. Destinataires : SG-CIPDR, ministère de l'Intérieur. |
Tableau récapitulatif des modalités d'échanges d'informations dans le champ de la prévention de la délinquance
Textes de loi |
Composition |
Informations échangées |
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Formation plénière
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Art. 1. 3° de la loi du 5 mars 2007
Art. L. 132-4
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Ensemble
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Informations
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Formation restreinte
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Art. 1 du décret
Art. D 132-9 du CSI |
Représentants des partenaires les plus concernés par la prévention de la délinquance |
Informations
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Groupe de travail à vocation territoriale ou thématique du CLSPD (ou cellule de coordination opérationnelle du partenariat dans le cadre des ZSP sous réserve qu'elle se confonde avec un groupe de travail à vocation territoriale du CLSPD) |
Art. 1 3° de la loi du 5 mars 2007
Art. 45 de la loi
Art. L. 132-5
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Représentants des services, des institutions et des acteurs locaux plus particulièrement concernés par le territoire ou la thématique abordée |
Informations confidentielles,
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Source : SG-CIPDR, Guide méthodologique sur l'échange d'informations dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance, 2014, p.8.
d) Une perspective : aller au-delà du FIJAIT et engager une réflexion sur le criblage des profils au profit des collectivités territoriales
Depuis plusieurs années, le législateur a mis en place progressivement des régimes d'enquêtes administratives et de consultation de fichiers de sécurité au profit de certains employeurs.
Dans un premier temps, ce sont les personnels ayant à connaître des informations et supports classifiés qui ont été soumis à une habilitation (Article R. 2311-7 du code de la défense).
En 2001, est créée une faculté de procéder à des enquêtes administratives avant la prise de décisions administratives de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation concernant (Article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure) :
- les emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'État ;
- les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense ;
- les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses ;
- l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce ;
- l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux .
En 2012 a été mise en place une procédure d'accès aux points d'importance vitale , qui donne à l'opérateur la faculté de demander par écrit l'avis du préfet de département (Article R. 1332-22-1 du code de la défense). Pour coordonner ces enquêtes, s'agissant des équipements nucléaires, un commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (COSSEN) a été créé le 20 juillet au sein de la Gendarmerie nationale ;
En 2016, la loi n°2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, dite « loi Savary », met en place un dispositif proche pour les décisions de recrutement et d'affectation concernant les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d'une entreprise de transport public de personnes ou d'une entreprise de transport de marchandises dangereuses soumise à l'obligation d'adopter un plan de sûreté (Article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure). Ce dispositif crée une faculté de procéder à des enquêtes administratives avant la décision ou ultérieurement, en cas de doute sur le comportement de l'intéressé, à la demande de l'employeur ou à l'initiative de l'autorité administrative. Il s'adresse, à titre principal, aux personnels de la SNCF et de la RATP.
En 2016 toujours, la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale étend ce type de régime aux « grands évènements » exposés à un « risque exceptionnel de menace terroriste » . Les modalités sont similaires à ceci près qu'il ne s'agit plus d'une faculté mais d'une obligation de soumettre à autorisation l'accès du personnel à ces évènements et de recueillir préalablement l'avis de l'autorité administrative rendu à la suite d'une enquête administrative (article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure).
Ces évolutions significatives laissent penser que deux pistes peuvent exister pour offrir aux responsables locaux les informations dont ils ont besoin pour exercer leurs missions dans leur domaine de responsabilité.
Une première piste consisterait pour l'État à organiser la mise en place d'un fichier spécifique comprenant celles des informations pertinentes des autres fichiers (FIJAIT, FPR, FSPRT) qui seraient à porter à la connaissance des élus locaux dans l'exercice de leurs fonctions, notamment d'employeurs. Un maire ou un président d'intercommunalité souhaitant procéder à un recrutement pourrait y accéder et disposer de toutes les informations nécessaires. Ou, de manière plus restreinte, un nom y figurant pourrait générer une alerte. Le maire ou le président d'intercommunalité pourrait en ce cas saisir la préfecture pour obtenir davantage d'informations.
Une seconde piste, sans doute plus simple, consisterait à transposer aux principales procédures de ressources humaines des collectivités les règles présentées plus haut en créant la faculté pour un employeur local de demander soit un avis de l'autorité administrative rendu à la suite d'une enquête administrative, soit directement une enquête administrative. Dans les deux cas, l'enquête peut donner lieu à la consultation de certains traitements automatisés. La constitution, actuellement en cours, d'un service chargé des enquêtes administratives de sécurité au ministère de l'Intérieur 57 ( * ) est l'occasion d'offrir aux collectivités un service de « criblage » dont elles peuvent avoir besoin.
Recommandation n° 14 : Engager une réflexion sur la constitution d'un fichier spécialisé destiné à permettre aux présidents d'exécutifs locaux de disposer des informations nominatives nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. Cette réflexion pourrait aussi porter sur l'éventuelle transposition aux principales procédures de ressources humaines des collectivités locales de la faculté pour un employeur, créée récemment par la loi dans plusieurs domaines (grands évènements, transports publics de personnes...), de demander soit un avis de l'autorité administrative rendu à la suite d'une enquête administrative, soit, directement, une enquête administrative. Destinataires : Premier ministre (Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale), ministère de l'Intérieur. |
3. Le troisième besoin des maires : disposer des informations nécessaires pour gérer l'émotion locale
Les maires sont en première ligne dès lors que survient un évènement qui peut troubler, inquiéter ou choquer la population. Ainsi, après un attentat, ils sont assaillis de questions par des habitants, même si la commune n'a pas été directement touchée. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne le terrorisme islamique, dans la mesure où cette menace paraît prégnante et diffuse, et surtout susceptible de frapper les citoyens partout sur le territoire national.
Les autorités de l'État devraient davantage considérer ces craintes qui s'expriment dans la mesure où elles-mêmes notent avec justesse que la menace est partout. Encore ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve relevait, en février 2016 : « (...) A cet égard, je veux insister sur le fait que cette menace pèse sur l'ensemble du territoire national, et non seulement sur la région parisienne. (...) C'est la raison pour laquelle nous luttons partout en France contre la menace terroriste et la radicalisation violente. Je dis bien : partout en France. Car chaque Français doit pouvoir bénéficier du même niveau de sécurité où qu'il vive sur le territoire national . » 58 ( * ) . Plus récemment, devant tous les acteurs de la sécurité, Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice, insistait : « Avec cette menace djihadiste, il n'y a plus de front, plus d'arrière, plus de champ de bataille. Les attentats de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray l'ont montré. Plus aucun espace n'est sécurisé, et les objets les plus civils peuvent devenir une "arme par destination" comme disent les juristes. Le péril n'a pas de contours précis, il peut venir de l'intérieur ou de l'extérieur, on ne sait pas quand il commence ni quand il finit . » 59 ( * )
Pour éviter que cette menace générale et diffuse ne s'apparente à une psychose, il est important que les maires soient informés rapidement et correctement lorsque des situations à risque se profilent, de façon à pouvoir anticiper les réactions locales, mais aussi lorsque les situations de crises interviennent . À cet égard, le témoignage de Christian Gliech, maire de Wissembourg, lors des rencontres nationales « Tous les territoires mobilisés contre la radicalisation » en octobre 2016, a été frappant. Il n'avait appris que tardivement, par un gendarme, lui-même informé par la presse, que l'un des assassins du Bataclan était un habitant de sa ville. Ceci signifie concrètement que les cabinets des préfets doivent s'organiser pour être en capacité de contacter rapidement les maires pour leur communiquer des informations validées.
Recommandation n° 15 : Informer rapidement et correctement les maires lorsque des situations à risque se profilent, de façon à pouvoir anticiper les réactions locales, mais aussi lorsque les situations de crises interviennent. Destinataires : Préfets. |
D'une manière plus globale, on peut s'interroger sur la participation des maires ou des représentants d'intercommunalités aux cellules de suivi préfectorales. Les informations recueillies par vos rapporteurs témoignent d'une certaine frilosité des préfets en la matière. La consultation nationale montre en effet que si une majorité de répondants (58%) a bien entendu parler de la cellule préfectorale de suivi de la radicalisation, seule une infime minorité y a été associée à un moment ou un autre (6%) . La secrétaire générale du CIPDR, lors de son audition par la délégation aux collectivités territoriales, a estimé que des représentants de communes étaient actifs dans 27 cellules préfectorales, ce chiffre s'élevant à 77 pour les conseils départementaux.
C'est d'autant plus regrettable que les rares bénéficiaires de cette participation aux cellules sont généralement très satisfaits de cette association et la jugent utile pour 79% d'entre eux. Ces élus notent en particulier qu'elle leur permet d'avoir une « vision globale du phénomène et de son évolution sur le territoire départemental », de comprendre le rôle et les méthodes des différents services de l'État et d'en connaître les protagonistes, de faciliter le partage d'informations entre l'État et les collectivités, mais aussi de mieux appréhender la situation sur le territoire communal.
Recommandation n° 16 : Organiser, selon les modalités locales pertinentes, des formes d'association des maires et présidents d'intercommunalité aux cellules départementales de suivi et s'assurer de la présence de tous les conseils départementaux à ces cellules, en particulier au titre de leurs compétences en matière de protection de l'enfance. Destinataires : Préfets. |
* 55 Table ronde organisée avec les associations d'élus locaux, Sénat, 24 novembre 2016.
* 56 CNIL, délibération n°2015-119 du 7 avril 2015 portant avis sur un projet de dispositions législatives visant à créer un Fichier national des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT).
* 57 Ce service, dirigé par un commissaire divisionnaire, devrait dans un premier temps être composé de 25 personnes, policiers, gendarmes et personnels administratifs et techniques.
* 58 Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, à l'occasion de l'inauguration de la section zonale de recherche et d'appui du Renseignement territorial de Metz, 12 février 2016.
* 59 Discours de M. Jean-Jacques Urvoas, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, lors de l'ouverture des travaux de la réunion entre procureurs et préfets sur la lutte contre le terrorisme et la radicalisation, École militaire, 7 novembre 2016.