POUR DES STRATÉGIES TERRITORIALES DE PRÉVENTION DE LA RADICALISATION

Face à l'ampleur du phénomène, les collectivités doivent s'impliquer dans la démarche de prévention de la radicalisation (I). Si cette implication est inégale, de nombreuses initiatives locales témoignent de leur dynamisme en la matière et montrent que de nombreuses possibilités d'action existent (II). Au-delà de ces exemples ponctuels, elles doivent s'organiser et capitaliser sur les acquis de la prévention de la délinquance. Certes, la radicalisation n'est pas réductible à la délinquance classique, mais outre qu'elles entretiennent des liens étroits, les collectivités ont la possibilité de mobiliser l'expérience acquise au cours de plus de vingt années de partenariat avec l'État dans le domaine de la prévention de la délinquance. Cette politique partenariale a donné aux collectivités une solide expérience en matière de « co-production » de sécurité dans les territoires, via notamment les contrats locaux de sécurité, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance ou les stratégies territoriales de sécurité et de prévention de la délinquance. Ce partenariat s'est traduit par la mise en place de dispositifs souples et adaptables aux besoins du terrain, ainsi que par la mise en oeuvre de bonnes pratiques et a rendu possible l'établissement d'une relation de confiance entre les collectivités territoriales et les acteurs étatiques (préfet, police, justice, école). L'ensemble fournit un modèle pour la prévention de la radicalisation. En effet, les dérives de comportements à repérer et à traiter dans le cadre de la prévention de la radicalisation sont, dans une large mesure, équivalents aux classiques problèmes d'incivilité relevant de la prévention de la délinquance (III). Bien sûr, elles doivent le faire en partenariat avec l'État régalien, sans prétendre inventer des politiques autonomes, ce qui sera l'objet de la dernière partie du rapport.

I. LA NÉCESSAIRE IMPLICATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Depuis 2014, l'État sollicite de manière croissante les collectivités territoriales en matière de prévention de la radicalisation. Cette sollicitation ne saurait étonner dans la mesure où les collectivités, et en particulier les mairies, sont, en d'abord, les premiers guichets républicains, en contact direct avec le terrain et les habitants. Elles sont, en deuxième lieu, au coeur de l'information nécessaire à cette prévention et, enfin, elles sont directement ou indirectement touchées par cette radicalisation.

A. LES COLLECTIVITÉS, PREMIERS « GUICHETS RÉPUBLICAINS »

Les collectivités territoriales, en particulier les communes, sont le premier échelon de proximité des institutions, et le premier lieu d'accès aux valeurs républicaines. Ce sont elles qui les premières sont confrontées aux difficultés liées au communautarisme ainsi qu'aux risques de radicalisation. Le premier engendre une multiplicité de demandes qui peuvent paraître bénignes prises isolément, mais qui, considérées dans leur ensemble, font système et vont à l'encontre des principes qui régissent notre société. Le second peut déboucher sur une violence qui va directement à l'encontre de tout ce que représentent les collectivités en termes de vie sociale et de communauté citoyenne.

Par leurs compétences, la plupart des collectivités sont concernées par ces phénomènes :

Les communes sont en première ligne en matière de radicalisation . C'est le cas, en particulier, en raison de leurs attributions en matière éducative et d'animation extra-scolaire, d'aide sociale (centres communaux d'action sociale gestion des crèches, des foyers de personnes âgées, centres municipaux de santé), de culture (bibliothèques, musées, écoles de musique, salles de spectacle et manifestations culturelles), de sport (accès aux équipements sportifs, aide aux activités sportives, y compris les clubs sportifs, évènements sportifs...).

D'une manière générale, l'ensemble de l'organisation des services publics de proximité qui relèvent des communes peut être touché. Il n'est pas jusqu'aux compétences en matière d'urbanisme qui ne puissent être « percutées » par le sujet lorsqu'il s'agit, par exemple, de s'interroger sur l'implantation d'un lieu cultuel ou même simplement « culturel », ou encore de certains commerces susceptibles de favoriser des attroupements et l'enracinement de certains réseaux (librairie islamique, fast-food de type kebab...).

Enfin, bien sûr, les maires sont directement impliqués en raison de leurs compétences en matière de prévention de la délinquance mais aussi de leurs pouvoirs de police. En vertu de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, le maire est chargé, sous le contrôle administratif du préfet, de la police municipale qui, selon l'article L. 2212-2 de ce code, « a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». Selon les cas, le maire exerce en outre des polices spéciales comme la police des baignades et des activités nautiques, qui a donné lieu à la polémique du burkini à l'été 2016, ou la police de la circulation et du stationnement...

Les départements sont impliqués à titre principal en raison de leurs compétences en matière de solidarité : l'aide sociale à l'enfance (ASE), la protection maternelle et infantile (PMI), la procédure d'adoption, l'aide aux personnes handicapées et aux personnes âgées : création et gestion de maisons de retraite, politique de maintien des personnes âgées à domicile (allocation personnalisée d'autonomie), les prestations légales d'aide sociale : gestion du revenu de solidarité active. Il faut y ajouter la gestion et des personnels dits TOS (techniciens, ouvriers et de service) ainsi que leur compétence partagée en matière culturelle et sportive.

Les régions sont structurellement moins touchées compte tenu de leur coeur d'attributions qui porte sur l'économie . Toutefois, leurs compétences relatives aux lycées, à la formation professionnelle continue et à l'apprentissage, ce qui inclut l'insertion des jeunes en difficulté et les formations en alternance, peuvent être concernées.

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