III. UN EXEMPLE RÉVÉLATEUR : L'ÉVOLUTION DES FONDS RÉGIONAUX D'ART CONTEMPORAIN AU SORTIR DE LA RÉFORME DE LA CARTE DES RÉGIONS
Cristallisant ces évolutions budgétaires et institutionnelles, les fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) sont un exemple révélateur des évolutions récentes de la politique de décentralisation culturelle.
Institués et financés par les conseils régionaux et par l'État à partir de 1982, ils constituent un dispositif original de soutien décentralisé à la création dans le domaine des arts visuels.
Il existe actuellement 23 FRAC, soit un établissement par ancienne région métropolitaine et un établissement Outremer.
Or, on a rappelé que le nombre de régions métropolitaines est passé de 22 à 13 au 1 er janvier 2016.
La nouvelle carte des régions a donc une incidence très forte sur les FRAC , dans la mesure où 2 voire 3 fonds coexistent dorénavant au sein d'une même région fusionnée.
Dans ce contexte, des interrogations ont pu naître quant au devenir de ces structures , et plus spécifiquement quant à leurs périmètres, leurs modalités et leurs moyens d'intervention.
Aussi une réflexion sur leurs perspectives d'évolution a-t-elle été engagée par les FRAC eux-mêmes, ainsi que par leurs partenaires institutionnels.
A. UN RÔLE ÉTABLI DE DÉCENTRALISATION CULTURELLE
Depuis leur création dans les années 1980, les FRAC ont peu à peu acquis un rôle bien établi en faveur de la décentralisation culturelle.
1. Une institutionnalisation progressive
Créés par une circulaire du ministre en charge de la Culture du 3 septembre 1982, les FRAC sont des structures ayant vocation à constituer et à gérer sur leurs territoires un fonds d'oeuvres contemporaines , en fonction d'un projet artistique proposé par leurs directeurs et au moyen de financements apportés essentiellement par les conseils régionaux et l'État.
Afin de sensibiliser le public à la création contemporaine, ils mobilisent un certain nombre d'actions (la commande, l'acquisition, le prêt ou le dépôt d'oeuvres, la programmation d'expositions, la médiation culturelle et l'éducation artistique, des résidences d'artistes ou la publication d'ouvrages) et de partenariats (dont ceux avec les institutions culturelles, les collectivités territoriales, les établissements scolaires ou de santé).
Une circulaire du 28 février 2002 est venue préciser leurs missions - la constitution d'un patrimoine d'art contemporain public, la diffusion et la pédagogie -, de même que certaines modalités d'organisation afférentes notamment à leurs projets d'établissement et à leurs politiques d'acquisition.
Dotés d'un budget annuel moyen d'1 million d'euros , et structurés autour d'une équipe administrative allant de 4 à 24 personnes , les FRAC ont majoritairement un statut d'association 35 ( * ) . En 2013, les conseils régionaux 36 ( * ) ont concouru au financement de 54% de leurs frais de fonctionnement (contre 31% pour l'État) et de 41% de leurs frais d'acquisition (contre 56% pour l'État) 37 ( * ) .
Si les FRAC ne bénéficiaient originellement pas de lieu d'exposition permanent, ils en ont progressivement été pourvus depuis le début 2000, dans le cadre de la politique dite des FRAC de « seconde génération ». Ces opérations de construction 38 ( * ) ou de réhabilitation - dont certaines sont encore en cours - visent au développement de bâtiments adaptés à l'accueil du public, ainsi qu'à la présentation et à la conservation des oeuvres.
En trente-cinq ans, les FRAC ont acquis 26 000 oeuvres réalisées par 5 000 artistes, ce qui en fait la troisième collection d'art contemporain en France , après le Centre Georges Pompidou et le Centre national des arts plastiques (CNAP). En 2013, ces oeuvres ont par ailleurs été valorisées à travers 550 expositions, qui ont attiré 1,9 million de visiteurs 39 ( * ) .
2. Des réalisations notables
M. Bernard de Montferrand, président de l'association Platform - qui regroupe les 23 FRAC existants - et du FRAC Aquitaine, a fait valoir, lors de la table ronde, que ces fonds sont « un lieu privilégié où se rejoignent la décentralisation et la politique culturelle », indiquant que « l'État et les régions y ont été réunis autour de missions de démocratisation et de décentralisation culturelles ».
Il a estimé que ces fonds ont plusieurs réalisations à leur actif :
- les FRAC se sont inscrits dans le paysage culturel , en constituant un important patrimoine d'art contemporain public, et en réalisant des expositions ainsi que des actions de médiation auprès de territoires ou de publics parfois éloignés. À cet égard, il a précisé que 35% des collections sont annuellement exposées ;
- en outre, ils ont permis de soutenir la création contemporaine, et notamment les jeunes artistes. À titre d'exemple, il a relevé que 75% des acquisitions concernent des primo-bénéficiaires ;
- enfin, les FRAC sont des petites structures dont le statut est majoritairement associatif , ce qui témoigne selon lui de leur « légèreté » et de leur « souplesse ».
Ces réalisations ont été rendues possibles par l'engagement continu des élus locaux et de l'État , comme l'a rappelé M. Pierre Oudart, directeur adjoint chargé des arts plastiques : « Les FRAC [...] ont fonctionné jusqu'à présent sur la base de circulaires, ce qui démontre la continuité de l'engagement des élus dans ces politiques. À quelques anicroches près, les FRAC se sont maintenus sur la base d'une lettre écrite par le ministre Jack Lang aux présidents de région. »
* 35 Éléments indiqués au cours de la table ronde par M. Bernard de Montferrand, président de l'association Platform et du FRAC Aquitaine.
* 36 Certains fonds bénéficient également du soutien important de communes ou d'intercommunalités.
* 37 Platform, « Les chiffres des FRAC », décembre 2015.
* 38 Parmi les opérations de construction, on pourra citer celles du FRAC Pays-de-la-Loire, dont les nouveaux locaux ont été inaugurés dès 2000, ainsi que celles des FRAC Aquitaine, Bretagne, Centre, Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nord-Pas-de-Calais, plus récentes.
* 39 Platform, « Les chiffres des FRAC », décembre 2015.