EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 31 mai 2017, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu une communication de MM. Thierry Carcenac et Michel Bouvard, rapporteurs spéciaux, sur l'avenir du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
M. Thierry Carcenac , rapporteur . - Michel Bouvard et moi-même sommes les rapporteurs spéciaux de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et du compte d'affectation spéciale. Nous nous sommes particulièrement intéressés à la politique immobilière de l'État, nous inscrivant dans les pas de nos prédécesseurs Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier .
La politique immobilière de l'État est particulièrement récente : ce n'est qu'en 2005 qu'elle a été définie de façon autonome dans le sillage de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Un immense travail de recensement du parc et de fiabilisation comptable s'est engagé, tandis que l'État propriétaire s'est incarné budgétairement par la création du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et, administrativement, par le service France Domaine. La logique de financement fait reposer les dépenses d'entretien et de restructuration sur les produits tirés des cessions.
Autonome, la politique immobilière de l'État ne l'a guère été longtemps. Politique support, elle a rapidement été convertie en support de politiques. Que ce soit la réforme de l'État, son moindre endettement ou la création de logements, ces objectifs ont concurrencé les ressources disponibles en réduisant le montant des produits de cession finalement affectés au compte d'affectation spéciale.
Après onze années d'exercice du compte d'affectation spéciale, trois rapports budgétaires dans lesquels Michel Bouvard et moi-même déplorions les lacunes de la politique immobilière de l'État, après des espoirs déçus en 2016 par une réforme timide, nous avons souhaité réfléchir à la nouvelle étape de la politique immobilière de l'État. Nous renouvelons en cela le rôle moteur du Parlement sur ces questions.
Certes, nous déplorons les lacunes et les inachèvements du tableau général, mais la toile n'est qu'en partie peinte aujourd'hui. D'importants progrès ont été enregistrés en une décennie : la connaissance du parc s'est améliorée, des restructurations d'ampleur ont eu lieu, notamment pour les administrations centrales en région parisienne. Toutefois, des pans entiers de la toile restent à peindre : le recensement du parc des opérateurs n'est toujours pas complet, ces derniers ne sont pas suffisamment agrégés à la démarche de rationalisation, l'état technique du parc et la dépense immobilière totale ne sont pas connus, les ministères occupants demeurent maîtres de leurs décisions immobilières.
Surtout, la soutenabilité financière de la politique n'est pas assurée. La logique de financement a vécu, dès lors que les produits de cession sont appelés à décroître et dépendent de plus en plus de quelques ventes. En 2016, quatre ventes ont ainsi rapporté autant que neuf cent neuf autres !
M. Michel Bouvard , rapporteur. - Avant tout, mes chers collègues, je souhaite exprimer ma gratitude à Thierry Carcenac que j'ai retrouvé avec grand plaisir et tiens à remercier la présidente d'avoir reconstitué le duo ! Ce rapport d'information met l'accent sur les enjeux que nous avons identifiés dès les débuts de la loi organique relative aux lois de finances.
Nous proposons une feuille de route en douze points pour permettre à la politique immobilière de l'État de franchir l'étape de la maturité. Il y va de notre capacité à relever les défis d'entretien des bâtiments publics, dont nous connaissons les limites actuelles, et de proposer des bâtiments aux normes d'accessibilité et respectueux des engagements de transition énergétique. L'État ne peut pas imposer ces exigences aux collectivités locales et s'en affranchir quand il s'agit de ses propres bâtiments. Il y va surtout de notre capacité à mettre en oeuvre l'ensemble des politiques publiques.
Pour ce faire, nous avons étudié comment nos voisins européens procédaient. Nous nous sommes rendus à Londres, où nous avons été stupéfaits de la rapidité des avancées accomplies : les implantations auront été réduites de 80 % entre 2010 et 2020. Nous avons vu des open spaces partagés entre ministères, des salles de réunions partagées, par exemple au National Audit Office , la Cour des comptes britannique. Si ces rationalisations traduisent des choix d'organisation du service public propres aux Britanniques, elles reflètent surtout la capacité à enregistrer des progrès rapides. Nous avons été impressionnés par leur avance dans la connaissance des données techniques de chaque bâtiment, une fiche récapitulative des performances énergétiques et des surfaces étant affichée à l'entrée de tout bâtiment public.
Dans ce cadre, notre feuille de route part d'un préalable nécessaire : conforter notre connaissance de l'état technique des bâtiments et des composantes de la dépense immobilière, éclatée parmi les missions. Elle se concentre sur l'immobilier de bureaux et de logements, qui offrent le plus de possibilités de mutualisations.
Elle repose surtout sur deux axes.
Le premier axe vise à renforcer l'État propriétaire dans sa relation avec les ministères occupants et avec les collectivités territoriales. Comment expliquer, malgré l'affirmation de la distinction entre État propriétaire et ministères occupants, que 94 % de la dépense immobilière demeure assurée par ces derniers et que seuls 6 % figurent dans le compte d'affectation spéciale ? Conjuguée aux tensions budgétaires, cette situation favorise le recours à des solutions de tiers-financement, pesant durablement sur nos finances publiques : dix partenariats public-privé accaparent ainsi le quart du budget immobilier annuel de l'administration pénitentiaire ! Cette situation sous-optimale traduit la volonté des ministères de conserver le contrôle de leur immobilier, face à la crainte que leurs besoins, dans une période de restriction budgétaire, ne soient pas suffisamment pris en compte par la direction de l'immobilier de l'État.
En réponse, nous proposons que l'État devienne le responsable unique de la décision de céder un bien et l'unique affectataire du produit de la vente. Cette centralisation doit néanmoins s'accompagner d'un renforcement de la capacité de la direction de l'immobilier de l'État à offrir, par un dialogue avec les occupants, un service immobilier aux administrations. Il s'ensuivra un gain d'efficacité : centralisée, la fonction immobilière permettra aux ministères de disposer de bâtiments mieux entretenus et, ainsi, de s'affranchir des contraintes de cette fonction support en se concentrant sur leur coeur de métier.
Par ailleurs, les règles d'urbanisme prévues à la date de décision de cession d'un bien par l'État ou par un démantèlement de l'État doivent s'appliquer jusqu'à son issue. Il s'agit ainsi de prévenir tout blocage de cessions par l'utilisation du pouvoir d'urbanisme des communes, qui conduit par exemple, à l'heure où les pouvoirs publics réunissent leurs efforts pour renforcer la place financière de Paris, à avoir plus de 10 000 mètres carrés de bureaux abandonnés à proximité immédiate de la Défense, pour un coût annuel de 50 000 euros en gardiennage. Cette opération est bloquée depuis maintenant plus d'une décennie. D'autres cas de ce type existent : lors de la dernière réunion du Conseil immobilier de l'État, les responsables de l'Urssaf reconnaissaient être dans la même situation de blocage, faute d'accord avec les communes qui modifiaient les règles d'urbanisme pour empêcher les cessions.
Il s'agit surtout de privilégier une démarche partenariale, sur le modèle de l'accord conclu entre l'État et la Ville de Paris l'an dernier - certes, cela est dû à la personnalité singulière du préfet de Paris, qui rompt avec les pratiques de l'administration préfectorale. Soulignons que, en Italie, l'ensemble des acteurs publics procèdent à la rationalisation du parc, collectivités locales et organismes sociaux compris. Tel n'est pas le cas en France : les données sur les réalisations immobilières des autres administrations publiques ne sont pas mêmes connues ! On sait ce que fait l'État, mais il n'y a aucune consolidation ni aucune vision d'ensemble avec les administrations de sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Le second axe vise à renforcer les capacités financières de l'État, en assurant la soutenabilité de la politique immobilière de l'État. En cédant pour 7 milliards d'euros, l'État a vendu 11 % de la valeur comptable des constructions dont il était propriétaire fin 2015 pour restructurer et mal entretenir les 89 % restants. Nous estimons qu'il faut désormais mieux valoriser notre patrimoine, en amont des ventes, et privilégier la location à la cession chaque fois que cela sera possible. Ainsi, nous dégagerons des revenus récurrents permettant davantage de prévisibilité et un pilotage amélioré de la dépense immobilière. Au Royaume-Uni, où le libéralisme est une tradition, les emphytéoses sont privilégiées pour permettre le retour des biens à l'État et l'encaissement de loyers afin d'injecter ces sommes dans l'entretien du patrimoine restant.
L'immobilier doit être géré comme un actif. Pour renforcer cette conception, nous proposons de transformer le compte d'affectation spéciale en budget annexe, reflétant la logique commerciale et patrimoniale qui doit guider la politique immobilière de l'État. Y seraient retracées l'ensemble des dépenses d'entretien du propriétaire en regard de l'ensemble des produits tirés de la gestion du parc - cessions et loyers, budgétaires et réels. Cette création préfigurerait la création, à terme, d'une véritable foncière publique regroupant l'immobilier de bureaux de l'État. Telle est l'organisation en vigueur pour l'État fédéral allemand, telle est également l'évolution en cours au Royaume-Uni.
Voilà les propositions que nous formulons sur ce sujet, qui prennent la forme de douze recommandations.
Première recommandation : afin de renforcer la vision globale du parc, il faut permettre à la direction de l'immobilier de l'État d'opérer l'arbitrage entre conservation et cession de ses biens immobiliers en la rendant unique responsable des décisions de cessions, dont elle assumerait en contrepartie les coûts associés.
Deuxième recommandation : pour augmenter la part des crédits immobiliers interministériels, il faut unifier l'affectation des produits de cession en supprimant le « droit au retour » des ministères civils. Conformément à leur statut d'occupants, leur incitation à la rationalisation immobilière serait alors assurée par l'utilisation des loyers budgétaires ou par le recours à la réputation.
Troisième recommandation : afin d'assurer une gestion efficiente des parcs de logements publics non mis à disposition par nécessité de service, il importe de déléguer leur gestion à des organismes tiers. Le parc de logements est parfois très mal géré.
Quatrième recommandation : il convient de favoriser le recentrage vers le pilotage et la gestion immobilière des moyens humains de l'État propriétaire en confiant à des professionnels privés de l'immobilier agréés les fonctions d'évaluation des biens immobiliers pour le compte des personnes publiques. Il s'agit de supprimer l'avis des domaines pour les collectivités locales, en se contentant d'une évaluation réalisée par des agents immobiliers dans le cadre d'une liste agréée par les préfectures, ce qui permettrait de gagner du temps et d'alléger la charge de la direction de l'immobilier de l'État.
Cinquième recommandation : afin de prendre en compte leurs conséquences à long terme pour les finances publiques, il faut renforcer les compétences de la direction de l'immobilier de l'État en centralisant le recours et le montage des contrats complexes de tiers-financement, comme les partenariats public-privé, auxquels ont recours les ministères.
Sixième recommandation : il s'agit d'approfondir les démarches de formation engagée en interne par la direction de l'immobilier de l'État pour répondre aux lacunes techniques de l'État, afin de lui permettre d'assurer ou d'encadrer la maîtrise d'ouvrage des travaux immobiliers mis en oeuvre. Cette compétence existait voilà dix ou quinze ans, mais s'est complètement perdue au fil des années.
Septième recommandation : il convient de prévenir tout blocage de cession par l'utilisation des règles d'urbanisme en stabilisant dans le temps les pouvoirs d'urbanisme des communes.
Huitième recommandation : pour optimiser les cessions des biens mis en vente, il est nécessaire de doter l'État propriétaire d'une structure d'appui à compétence interministérielle consacrée à la valorisation des biens, sur le modèle de la mission de réalisation des actifs immobiliers du ministère de la défense.
Neuvième recommandation : afin d'éviter la constitution d'un stock de biens cédés, in fine coûteuse pour les finances publiques, nous proposons de sécuriser par la loi la possibilité de céder avec décote par rapport à l'évaluation domaniale certains biens complexes.
Dixième recommandation : il convient de valoriser les biens immobiliers de l'État déclarés inutiles tout en en conservant la propriété, en recourant à des baux emphytéotiques et à des locations à des tiers.
Onzième recommandation : afin de constituer le nouvel outil d'incitation des ministères à la rationalisation de la fonction immobilière et d'accompagner la transition du modèle de financement de la politique immobilière de l'État des produits de cession aux produits de gestion récurrents, il importe de conforter les loyers budgétaires et de les étendre aux opérateurs de l'État.
Douzième recommandation : afin d'assurer la vision globale des traductions budgétaires de la politique immobilière de l'État et d'initier une approche commerciale et patrimoniale du parc, il s'agit de créer un budget annexe dédié à la politique immobilière de l'État pour doter le propriétaire d'un bras armé financier retraçant l'intégralité des produits, y compris les loyers budgétaires rénovés, et des charges résultant de son patrimoine immobilier, l'étape suivante pouvant être la création d'une foncière publique.
Dans ce dossier, l'enjeu budgétaire est important. De gros progrès ont été réalisés, il ne faut pas le nier, mais beaucoup reste à accomplir.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je remercie les deux rapporteurs, en particulier Michel Bouvard dont c'est le dernier travail en tant que parlementaire. Je ne doute pas que, dans ses nouvelles fonctions, il entendra toujours parler de l'immobilier de l'État.
Je me suis intéressé à ce sujet avec Philippe Dallier et ai été membre du conseil de l'immobilier de l'État. Certes, on peut saluer les progrès accomplis, mais la réalité reste effrayante : on s'aperçoit que certaines administrations ne connaissent pas leur patrimoine ou que des biens ont été oubliés ! De ce point de vue, aucun ministère n'est exemplaire.
Des propositions formulées, je retiens surtout l'objectif d'entretien des bâtiments publics afin de sauvegarder le patrimoine. Il s'agit d'un véritable enjeu. L'entretien courant n'est pas assuré, ce qui conduit à réaliser de gros travaux, pour des sommes considérables, parce que les réparations mineures n'ont pas été réalisées à temps. C'est particulièrement vrai pour ce qui concerne le patrimoine historique de l'État. Auparavant, il existait des architectes des bâtiments de France, dépendant du ministère de la culture. Comment s'assurer qu'une part de crédit soit affectée à l'entretien réel et au suivi des travaux ?
Ces préconisations visent, à terme, la création d'une foncière publique. Si j'ai bien compris, c'est le modèle allemand qui est retenu.
M. Michel Bouvard , rapporteur . - En matière d'entretien, nous sommes constamment en décalage : nous courons toujours après des besoins d'entretien que nous n'arrivons pas à satisfaire. Certes, il a été prévu un transfert du produit de certaines redevances domaniales du budget général vers le compte affectation spéciale mais, dans le cadre du projet de finances pour 2017, on s'est aperçu que, malgré cette recette supplémentaire, on dépensait 7 % de moins pour l'entretien de l'ensemble du parc.
C'est pourquoi nous proposons la constitution d'une recette récurrente : plutôt que de céder un bien avec un éclatement de la recette dans les conditions que l'on connaît aujourd'hui - une partie était affectée au désendettement, une autre sert à amortir une décote Duflot... -, on valorise le bien au travers d'une recette qui viendra alimenter l'entretien du patrimoine. On regroupe également l'ensemble des crédits, ce qui permet d'établir des priorités et d'y répondre. En effet, l'urgence des travaux n'est pas forcément la même d'un ministère à l'autre. Il s'agit de hiérarchiser les priorités sur l'ensemble du parc.
La création de la foncière publique permet bien, avec les loyers budgétaires, d'inciter l'ensemble des acteurs à rationaliser leur parc, pour réaliser des économies de gestion à terme et dégager du patrimoine pour financer l'entretien et la mise à niveau du parc en termes d'accessibilité notamment.
M. Thierry Carcenac , rapporteur . - Il existe différentes natures de biens. Certains biens, au lieu d'être loués, peuvent être cédés sous forme de baux emphytéotiques, comme cela se passe au Royaume-Uni.
Il faut renforcer le rôle des secrétaires généraux des ministères. Nous savons que les fonctionnaires doivent disposer d'un certain nombre de mètres carrés. Pour notre part, nous souhaitons des rationalisations ; c'est pourquoi nous confortons les loyers budgétaires.
M. Dominique de Legge . - Je m'intéresse à l'immobilier de la défense. À cette occasion, j'ai fait quelques découvertes étonnantes ! Ainsi, certains biens avaient vocation à être vendus mais n'ont jamais trouvé preneur, ou bien des travaux en urgence étaient réalisés dans des biens qui avaient vocation à être vendus.
Quel est le coût de la décote Duflot ? Dès lors que l'État décide de vendre un bien, mais qu'une collectivité territoriale le préempte avec le projet d'y réaliser des logements sociaux, la décote peut aller jusqu'à 100 %.
En interrogeant la direction de l'immobilier de l'État et le ministère de la défense, j'ai constaté une divergence d'appréciation de leur rôle respectif. Considérant que la gestion de son patrimoine est un élément d'équilibre de son budget, le ministère de la défense estime qu'il doit en faire son affaire, tandis que la direction de l'immobilier de l'État déplore que ce ministère se comporte en « frondeur ». Pouvez-vous nous en dire davantage sur la qualité des relations entre cette direction et le ministère de la défense ?
M. Philippe Dominati . - Le dimensionnement est évalué à 75 millions de mètres carrés. Il est question d'une cession de 11 % sur la dernière décennie : parle-t-on de surface ou de valeur ?
Dans ce domaine, les comparaisons internationales sont intéressantes. Le périmètre semble avoir baissé de 11 % en surface, mais le nombre d'agents de l'État a augmenté durant la même période. Les normes sont-elles comparables par rapport à nos voisins britanniques, allemands ou italiens ? Le dimensionnement est-il équivalent ? En d'autres termes, notre parc est-il surdimensionné ou sous-dimensionné ?
Enfin, vous avez parlé d'un droit au retour pour les ministères civils, semblant faire une exception pour le ministère de la défense. Je m'interroge sur cette exception ; certaines installations sont liées à l'histoire, mais n'ont plus d'utilité militaire et sont situées en plein centre-ville. Dans ces conditions, pourquoi le droit au retour serait-il maintenu ?
M. Jacques Chiron . - Je souhaite revenir sur l'entretien des bâtiments publics. Nous avons voté il y a trois ans un texte obligeant les immeubles privés à prévoir des provisions pour grosses réparations. Il faudrait en faire de même pour les bâtiments publics, charge ensuite à la foncière d'affecter ces sommes en fonction des besoins. Nous serions ainsi certains qu'une recette serait constituée chaque année pour entretenir les bâtiments publics et cela permettrait de faire face aux dépenses lorsqu'elles se présenteraient.
M. Philippe Dallier . - Pour l'évaluation des biens des collectivités locales, il est recommandé de recourir non plus aux services locaux du domaine, mais à des agences immobilières agréées. En tant que maire, je suis sceptique. Certes, ces services mettent du temps à venir pour réaliser une évaluation, mais cette procédure présente l'avantage de protéger les élus locaux. En outre, il s'agit d'une structure de l'État, ce qui est une sécurité. S'en remettre à des agences immobilières, fussent-elles agréées, me met mal à l'aise : n'y a-t-il pas plus de risques que de bénéfices à mettre en place une telle proposition ?
M. Marc Laménie . - Je souhaite revenir sur la répartition géographique de tous ces bâtiments. Certains ministères sont plus concernés que d'autres ; je pense notamment au ministère de la défense. Qui sont les acquéreurs ? Sont-ce les communes ou intercommunalités ou davantage des personnes privées ?
M. Michel Canevet . - L'éclairage sur les pratiques en vigueur dans d'autres pays est intéressant. Ce qui a été fait au Royaume-Uni n'est pas si ancien et nous voyons bien que nous pouvons rattraper notre retard assez rapidement.
Aujourd'hui, la règle est à peu près de dix mètres carrés par bureau. Est-elle respectée dans la plupart des programmes immobiliers ? Je pense en particulier au programme Ségur-Fontenoy. S'agit-il d'une bonne opération ? Une opération similaire peut-elle être envisagée sur la propriété du ministère de la défense libérée dans le quartier de l'Assemblée nationale ?
Je souhaite également interroger les rapporteurs sur les propriétés des collectivités territoriales mises à disposition de l'État. Cette pratique continue-t-elle ? N'y aurait-il pas lieu de procéder à des rationalisations en la matière pour que l'on ait une meilleure connaissance du patrimoine et, surtout, que les choses soient claires entre les différents propriétaires de parcs immobiliers ?
M. Éric Doligé . - Je suis surpris de constater que les avis intéressants du conseil de l'immobilier de l'État, où je siège avec Michel Bouvard , ne sont pas suivis de beaucoup d'effets.
De multiples organismes gérant leurs propres structures, qu'il s'agisse des universités, de l'Urssaf ou des hôpitaux, viennent nous présenter leur dossier. À titre d'exemple, permettez-moi d'évoquer le cas de l'un d'entre eux, dont je ne citerai pas le nom. Cet organisme ne s'intéresse pas de près à la gestion de son patrimoine immobilier. Une vision globale est donc nécessaire.
Ce même organisme argue également qu'il pourrait certes regrouper son parc immobilier, mais que c'est très difficile en raison de l'attachement du personnel aux bâtiments ! Pour que la situation évolue, il faut qu'une autorité supérieure prenne les décisions.
Enfin, certains ministères, comme celui des affaires étrangères, ont du mal à évaluer l'ensemble de leurs biens, les valeurs des biens étant différentes dans tous les pays.
M. Bernard Lalande . - Existe-t-il des copropriétés entre l'État et les collectivités territoriales ? Si oui, sont-elles comptabilisées dans les 66 milliards d'euros, soit la valeur totale des biens immobiliers de l'État ? A-t-on évalué de manière générale l'ensemble du patrimoine public français, y compris celui des collectivités locales et des hôpitaux ?
Dans ces 66 milliards d'euros, quelle est la part du foncier bâti et celle du foncier non bâti, sachant que la valeur du foncier non bâti en zone urbaine est bien supérieure à celle du foncier bâti ? Cette question fait l'objet de discussions entre collectivités territoriales et la direction de l'immobilier de l'État lorsqu'il s'agit en particulier de réaliser des logements sociaux.
En tant qu'élu local, je me suis toujours demandé pourquoi on sollicitait les collectivités locales pour construire des gendarmeries, lesquelles paient ensuite des loyers, alors qu'il s'agit de loger des fonctionnaires destinés à rester sur le territoire.
Mme Michèle André , présidente . - Avant de laisser la parole à Jean-Claude Requier , je tiens à saluer la mémoire de notre regretté collègue François Fortassin, décédé voilà quelques jours, qui a longtemps siégé au sein de notre commission et que nous appréciions tous. J'ai une pensée amicale pour lui.
M. Jean-Claude Requier . - Comment se fait-il que l'Italie encaisse deux fois plus d'argent que la France chaque année ?
Ensuite, que pensez-vous des rabais consentis aux collectivités ? Dans de nombreux cas, on vend à pertes. Quelle est la ligne à ne pas franchir dans ce domaine ?
M. Michel Bouvard , rapporteur . - Pour répondre à Dominique de Legge , le coût global des décotes Duflot est évalué à 90 millions d'euros fin 2016.
Je ne sais pas exactement où l'on en est concernant l'îlot Saint-Germain, c'est-à-dire les anciens locaux du ministère de la défense. J'ai suivi ce dossier à ses débuts, il y a neuf ans, lorsque la Caisse des dépôts et consignations avait été sollicitée pour en traiter une partie, la plus compliquée, ce qu'elle avait refusé de faire compte tenu des risques qu'elle aurait été amenée à prendre, l'autre, la plus simple, étant confiée à la Société de valorisation foncière et immobilière (Sovafim).
À cet égard, nous proposons que la Sovafim ne siège plus au sein de l'organisme européen qui représente les propriétaires immobiliers de l'État. Assez curieusement, c'est non pas la direction immobilière de l'État qui représente la France, mais la Sovafim, alors que cette dernière ne gère qu'une activité marginale.
La décote Duflot pose des problèmes à Paris pour les biens de l'État. Chacun connaît les tensions en matière de production de logement locatif social dans la capitale. En tant que préfet, Jean-François Carenco a effectué un important travail de mise à jour et est parvenu à un accord entre la Ville de Paris et la direction immobilière de l'État sur les bâtiments qu'il convenait de « pastiller », c'est-à-dire ceux qui sont susceptibles de bénéficier d'une décote en vue de la construction de logements sociaux, et les autres. Le problème est que, dans le même temps, la Ville de Paris vend à prix fort un certain nombre de biens immobiliers pour des opérations de promotion privée. Il y a un problème de transfert de recettes.
On peut considérer qu'il n'est pas totalement normal qu'une collectivité bénéficie d'un rabais afin de pouvoir construire des logements sociaux et que, dans le même temps, elle vende des terrains à plein tarif. Le rabais est plus justifié s'il vise à permettre la reconversion d'une ancienne friche militaire dans un endroit en déprise démographique.
Philippe Dominati , ce sont 11 % de la valeur des actifs immobiliers de l'État qui ont été cédés, sachant que, paradoxalement, la valeur du parc existant a augmenté en raison de l'évolution globale des prix de l'immobilier, mais aussi d'un meilleur recensement des biens.
J'en viens aux mètres carrés par agent. Aujourd'hui, en France, nous sommes rendus à quatorze mètres carrés par agent, l'objectif étant d'atteindre douze mètres carrés. Les Britanniques en sont à huit mètres carrés par agent, leur objectif étant de parvenir à six mètres carrés. Ils ont atteint leur objectif en l'espace de cinq ans.
Outre la question du nombre de mètres carrés par agent se pose celle du nombre d'implantations et de leur rationalisation, la multiplication des implantations augmentant bien évidemment les frais. Notre rapport contient une carte des implantations à Londres particulièrement parlante. On y voit que le nombre d'implantations en 2010 était considérable, mais qu'il sera considérablement diminué d'ici 2020.
Jacques Chiron s'est interrogé sur les grosses réparations. Inutile de dire que, actuellement, rien n'est provisionné, y compris d'ailleurs pour des bâtiments ayant été réhabilités. Les grosses réparations ne sont prévues que dans le cadre de partenariats public-privé. Les loyers budgétaires devront prévoir ces travaux. Si on veut connaître le coût d'une politique, conformément à la loi organique relative aux lois de finances, il faut évidemment que le loyer intègre la problématique des grosses réparations. Encore faut-il connaître auparavant l'état du bâtiment. Il faut donc procéder par étapes et achever l'étude technique qui est en cours pour tous les bâtiments avant de provisionner les grosses réparations.
Philippe Dallier , je comprends que vous puissiez vous interroger sur l'évaluation des biens dès lors qu'elle n'est pas réalisée par un agent de l'État. Il faut savoir que, aujourd'hui, le nombre d'agents des services de la direction de l'immobilier de l'État mobilisés pour effectuer les estimations est relativement important, que ces évaluations sont dans de très nombreux cas déconnectées de la réalité, à la baisse ou à la hausse, en particulier en province. C'est moins le cas en Île-de-France, où les transactions sont plus nombreuses et où la connaissance du marché est peut-être plus fine. En outre, les délais pour obtenir une évaluation sont assez longs.
Une liste d'agences immobilières sera agréée par la préfecture, deux évaluations seront demandées pour chaque bien. Pour l'élu local, le risque sera le même que lorsqu'une maison ou un terrain est évalué dans le cadre d'une succession : l'administration fiscale pourra contester l'évaluation. Si l'on veut récupérer des postes pour des fonctions centrales et raccourcir les délais pour les collectivités locales, il faut sortir de ce système.
Marc Laménie, la répartition géographique du parc immobilier figure dans le document de politique transversale. Aujourd'hui, l'État est propriétaire de 86 % du parc immobilier et locataire de 14 % de ce parc. Un travail considérable a été fait en matière de renégociation des baux. Il faut saluer cette très grande réussite.
Je n'ai pas de statistiques sur les copropriétés entre l'État et les collectivités locales. Il existe des cités administratives mixtes, à Lyon par exemple, mais elles sont peu nombreuses. La copropriété État-département est rare. En revanche, il est assez fréquent que des biens appartenant à des collectivités soient mis à disposition de l'État - je pense aux préfectures, aux sous-préfectures et aux tribunaux.
Il faut savoir que, en cas d'occupation mixte, personne ne veut quitter les lieux, surtout s'ils sont emblématiques du pouvoir et gratuits !
Éric Doligé a évoqué les séances mémorables du conseil de l'immobilier de l'État. L'organisme qu'il a évoqué détenait 144 implantations il y a trois ans ; il était censé réduire leur nombre. Or il en a toujours 144 aujourd'hui. Cet organisme nous explique que, d'une part, les agents sont attachés aux lieux, qu'ils ne peuvent pas se déplacer, qu'on ne peut pas allonger leur temps de trajet et que, d'autre part, il n'a pas été possible de parvenir à un accord avec les collectivités concernant la cession ou la reconversion du bâtiment. C'est très symptomatique.
Nos propositions concernent l'État et ses opérateurs. Dans le domaine social, le parc n'est pas bien connu. Ainsi, je ne suis pas sûr que quelqu'un au niveau de l'État ait aujourd'hui une vision exacte du périmètre de la propriété hospitalière. Ce patrimoine résulte d'héritages datant des périodes révolutionnaires, de la mise en oeuvre de loi de 1905 et de legs intervenus depuis. Aucun recensement n'a été fait. La Cour des comptes a fait un bilan patrimonial de l'État. Dans le secteur hospitalier, elle s'intéresse aux comptes de résultat, mais l'inventaire patrimonial du parc hospitalier n'est pas consolidé aujourd'hui. Ceux qui ont siégé dans les conseils d'administration d'hôpitaux le savent, la gestion des actifs fonciers, qui sont très importants, n'est pas toujours guidée par la recherche de la performance.
Jean-Claude Requier , si l'Italie est aussi performante, c'est parce qu'elle a nanti l'ensemble de son parc immobilier il y a quelques années, ce qui l'a incité à mener une politique dynamique à la fois dans la sphère de l'État, dans celle des collectivités territoriales et dans la sphère sociale. Je pense que cela a été le facteur déclenchant. Ce pays était auparavant dans la même situation que nous.
Une question a été posée sur la part du foncier bâti et celle du foncier non bâti dans la valeur des biens immobiliers de l'État. Le non bâti représente plus de deux milliards d'euros. Cela étant dit, je ne suis pas sûr de la qualité de l'évaluation. Les chiffres sont dans le rapport de certification de la Cour des comptes pour 2016. Il faut savoir par exemple, s'agissant de Voies navigables de France (VNF), que le foncier appartient à l'État et qu'il est mis à disposition de VNF. Dans la pratique, on s'est aperçu que des biens de VNF faiblement valorisés en tant que foncier non bâti pouvaient prendre de la valeur dès lors que les terrains devenaient constructibles dans le cadre d'un projet d'urbanisme. C'est un peu la même chose s'agissant du patrimoine ferroviaire.
M. Thierry Carcenac , rapporteur . - Permettez-moi de revenir sur la gestion des mètres carrés. En Grande-Bretagne, les salles de réunion sont mutualisées et gérées de façon drastique. En outre, certains fonctionnaires sont incités à travailler chez eux, ce qui donne des marges et de la souplesse .
M. Michel Bouvard , rapporteur . - En ce qui concerne l'immobilier des opérateurs, un point important est à souligner. Près des deux tiers de l'immobilier des opérateurs sont détenus par la communauté universitaire. La situation a été figée entre 2012 et 2016 du fait de la dévolution du patrimoine immobilier aux universités. Depuis, le moratoire a pris fin et le ministère de l'enseignement supérieur a fait des propositions à la communauté universitaire, lesquelles n'ont convenu à personne. Ce statu quo est nuisible. Le parc n'est pas rationalisé, certains biens sont vides. Ainsi, à Strasbourg, une tour amiantée n'est pas utilisée. S'agissant du secteur des opérateurs, le principal enjeu est donc celui des bâtiments universitaires.
Enfin, certains ministères se sont dotés d'outils particuliers pour gérer leur propre immobilier. Par exemple, le ministère de la culture a sa propre agence en interne, tout comme le ministère de la justice. Ce patchwork mérite d'être rationalisé.
Mme Michèle André , présidente . - Je remercie particulièrement Michel Bouvard, qui a apporté beaucoup à cette commission par sa rigueur et sa capacité de travail, et qui va se consacrer à d'autres occupations . Thierry Carcenac doit être un peu triste aujourd'hui de perdre son équipier !
La commission a donné acte de leur communication à MM. Thierry Carcenac et Michel Bouvard et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.