C. DES RELATIONS À AMÉLIORER ENTRE LES DEUX PRINCIPAUX OPÉRATEURS FRANÇAIS D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT
1. Une agence française de développement (AFD) également en pleine croissance
L'agence française de développement (AFD) est le principal organisme de financement de l'aide au développement française.
L'AFD a connu une croissance dynamique au cours des dernières années. La cible de 9 Mds d'autorisations d'engagements en 2016 a été dépassée : 9,4 Mds ont été réalisés pour cette année, en croissance de près de 13% par rapport à 2015. Le groupe a ainsi franchi la première marche de croissance de son activité pour atteindre les objectifs fixés par le Président de la République en 2015 (12,7 Mds en 2020). En revanche, les dons-projets sont restés stables pendant la période, évoluant entre 200 et 300 millions d'euros, ou environ 1 milliard d'euros en incluant les contrats de désendettement et de développement (C2D), les aides budgétaires globales et les autres activités sur mandat spécifique.
Au sein du volume global de ses 9,4 milliards d'euros d'engagements, le groupe AFD a consacré 3,9 milliards d'euros de financements à l'Afrique. L'activité en Outre-mer du groupe a représenté 1,65 milliard d'euros de financements.
L'AFD a poursuivi en 2017 sa trajectoire de croissance avec un objectif de volume d'autorisations d'engagement supérieur à 10,4 milliards d'euros, soit une progression d'environ 10% par rapport à l'année précédente.
Par ailleurs, le modèle financier de l'agence a été renforcé avec l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2016, qui a permis de substituer à l'encours de dettes subordonnées de l'AFD auprès de l'Etat (la ressource à conditions spéciales - RCS) une dotation de celui-ci au capital de l'agence. Réalisée au 30 décembre 2016, cette opération a doté l'AFD de 2,4 milliards d'euros de fonds propre de base de catégorie 1 supplémentaires, permettant de desserrer la contrainte règlementaire qui entravait la poursuite de la croissance de l'activité de l'AFD.
Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 30 novembre 2016 a également donné une nouvelle impulsion au développement de l'agence, en confirmant les objectifs de croissance ambitieux fixés par le président de la République. Ainsi, afin d'accompagner cette croissance des financements, le gouvernement a décidé d'augmenter de près de 400 M€ le montant annuel des dons bilatéraux d'ici 2020 et de 270 M€ dès 2017, par l'affectation d'une partie des recettes de la taxe sur les transactions financières. En outre, le CICID a élargi le mandat de l'Agence en créant, conformément à la recommandation de nos collègues Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret 4 ( * ) , une facilité d'atténuation des vulnérabilités et de réponse aux crises, en étendant son champ d'action géographique dans les Balkans occidentaux et en Ukraine ainsi que son champ d'action sectoriel avec un mandat étendu au domaine de l'enseignement supérieur et des industries culturelles et créatives.
Dès 2017, l'AFD a mis en place la « Facilité d'atténuation des vulnérabilités et de réponse aux crises », dotée de 100 M€ par an, afin de jouer pleinement le rôle attendu d'elle dans le continuum de la gestion de crises (diplomatie, défense, développement).
Par ailleurs, en juillet 2017, d'importantes annulations de crédits ont certes été effectuées dans l'aide au développement, en particulier sur l'enveloppe des dons projets gérés par l'AFD sur le programme 209 : environ 130 millions d'euros ont ainsi été annulés. Toutefois, en exécution, l'AFD aura eu nettement plus de moyens en 2017 qu'en 2016 . Sur les dons-projets, l'agence aura ainsi obtenu au total 465 millions d'euros, soit 150 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2016 . Sur les bonifications des prêts, l'AFD dispose de 350 millions d'euros, soit 65 millions d'euros de plus qu'en 2016, tandis que la ressource à condition spéciale (RCS) - les prêts du Trésor sur compte spécial - aura été abondée de 25 millions d'euros supplémentaires, à hauteur de 500 millions d'euros. Les plus grosses lignes budgétaires qui financent l'activité de l'agence ont ainsi enregistré en 2017 une augmentation significative en exécution.
2. Des décisions qui devraient faciliter la coopération entre l'AFD et EF...
Afin de favoriser leur coopération au sein de l' « équipe France du développement », l'AFD et Expertise France ont signé le 18 novembre 2015 une convention de coopération fixant un accord-cadre entre les deux établissements. Cette convention prévoit que l'AFD confie à l'Expertise France en gré à gré un volume de 25 millions d'euros de projets dans le domaine de la gouvernance , qui constitue un des « coeurs de métier » d'EF. En outre, les experts techniques internationaux (ETI) ont été transférés par le MAE, l'AFD se voyant transférés les ETI liés à la gouvernance, EF les autres ETI (ces ETI représentent au total 325 ETP).
Par ailleurs, sur instruction du CICID du 30 novembre 2016, les deux opérateurs ont conclu en juillet 2017 un « Document stratégique conjoint sur le recours à l'expertise technique » qui précise les modalités de coopération en identifiant les thématiques (gouvernance, climat, éducation et formation professionnelle, santé et protection sociale), les zones géographiques (Afrique sahélienne, pays « en demande de France ») et les instruments financiers (facilité vulnérabilité, subvention directe de l'AFD à EF pour les opérations multi-pays, coordination dans l'accès aux financements européens) les plus pertinents.
3. ... mais qui ne sont pas encore pleinement appliquées
Malgré l'accord de partenariat, en 2016 la part des financements de l'AFD mis en oeuvre par EF, tous secteurs confondus y compris gouvernance, représentait seulement 8% de son chiffre d'affaires, soit 10 millions d'euros (9% soit 14 millions d'euros en 2017 selon les prévisions). Alors que la convention entre les deux organismes prévoit 25 millions d'euros de financement en matière de gouvernance confiés à EF, ce montant atteint à peine les 5 millions d'euros en 2017 .
De l'aveu même des directeurs généraux des deux organismes, entendus par vos rapporteurs, et malgré une bonne volonté évidente de part et d'autre ainsi que la tenue régulière de réunions de concertation, les relations entre les deux agences restent complexes. Selon EF, l'AFD aurait ainsi tendance à trop cantonner l'opérateur d'Expertise technique dans un rôle d'exécution et non de conception des projets. Parallèlement, l'AFD considère qu'EF devrait davantage répondre à ses appels d'offres.
Il est vrai que la répartition des compétences entre les deux agences n'est pas exemptes de certains chevauchements, ce qui peut susciter des incompréhensions. Ainsi, Expertise France, à travers la gestion de l'initiative 5% ou la gestion de fonds délégués, n'est pas seulement une agence technique mais aussi un financeur. Inversement, l'AFD, outre son rôle d'organisme de financement de projets de développement, assure également des prestations d'expertise technique au bénéfice des bénéficiaires de ses financements. En outre, les deux agences sont amenées à travailler dans les mêmes pays, sur des problématiques proches. Il leur arrive en outre parfois d'être en concurrence pour l'accès aux financements européens , notamment ceux qui relèvent de la gestion déléguée.
* 4 Sahel : repenser l'aide publique au développement. Rapport d'information de M. Henri de Raincourt et Mme Hélène Conway-Mouret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, n° 728 (2015-2016) - 29 juin 2016