PREMIÈRE PARTIE
UNE GRANDE CAUSE DU QUINQUENNAT
...À LA RECHERCHE DE
MOYENS
I. UNE POLITIQUE PUBLIQUE BUDGÉTAIREMENT CONTRAINTE ET MORCELÉE
A. UNE PRISE DE CONSCIENCE PROGRESSIVE SUR LE PLAN POLITIQUE...
1. Un constat glaçant : 121 femmes tuées et 213 000 victimes de violences physiques et sexuelles en 2018
a) Un bilan établi par l'observatoire national des violences faites aux femmes
D'après la lettre de l'observatoire national des violences faites aux femmes de 2019, 121 femmes ont été tuées et 213 000 ont été victimes de violences physiques et sexuelles par leurs conjoints ou ex-conjoints, en 2018.
Cette lettre présente, depuis 2013, les principales données statistiques annuelles disponibles en France sur les violences au sein du couple et les violences sexuelles. Ces données sont coproduites par la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), dont l'observatoire est une composante, les services statistiques des ministères, les instituts de recherche et les associations.
Les rapporteurs spéciaux considèrent ainsi ce recueil de données comme essentiel , permettant de disposer de chiffres fiables et partagés, rendant davantage visible l'ampleur des violences, auprès des citoyens et des pouvoirs publics.
L'Institut national d'études démographiques (INED) a également réalisé, en 2015, la très importante enquête « Violences et rapports de genre » (Virage) , qui été menée par téléphone en 2015, auprès d'un échantillon de 27 000 femmes et hommes, représentatif de la population âgée de 20 à 69 ans, vivant en ménage ordinaire, en France métropolitaine 1 ( * ) .
Définition des violences conjugales, selon la MIPROF « Les violences au sein du couple sont la manifestation d'un rapport de domination que l'auteur instaure sur sa victime et qui se traduit par des agressions physiques, sexuelles, psychologiques, verbales et économiques. Ces agressions sont récurrentes, souvent cumulatives. Elles s'intensifient et s'accélèrent avec le temps, pouvant aller jusqu'à l'homicide. Les violences au sein du couple diffèrent des disputes ou conflits conjugaux dans lesquels deux points de vue s'opposent dans un rapport d'égalité. Les violences peuvent exister quelle que soit la configuration conjugale (couples cohabitants ou non, mariés ou non, petits-amis, relations épisodiques, etc.) pendant la relation, au moment de la rupture ou après la fin de cette relation ». Source : lettre de l'observatoire national des violences faites aux femmes de 2019 |
En moyenne, une femme décède tous les trois jours sous les coups de son compagnon , d'après l'étude nationale sur les morts violentes au sein de couple, menée par la délégation aux victimes du ministère de l'intérieur sur l'année 2018.
Outre ces données, la lettre précise que les homicides s'inscrivent dans un climat de violences antérieures . Parmi les 121 femmes tuées, 47 (soit 39 %) avaient antérieurement subi au moins une forme de violences. Dans plus de deux tiers des cas (67 %), le mobile identifié par l'enquête (dispute, refus de la séparation, jalousie) est avant tout révélateur d'une volonté d'emprise et de contrôle de l'auteur sur sa partenaire. En 2018, 28 hommes ont également été tués dont 15 étaient auteurs de violence .
Chaque année, en moyenne, 213 000 femmes déclarent subir des violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Cette estimation est issue des enquêtes « cadre de vie et sécurité» (CVS) menées par le ministère de l'intérieur.
Ces statistiques révèlent également la place des enfants, comme covictimes des violences dans le couple . En 2018, 21 enfants ont été victimes d'homicides sur fond de violences au sein du couple : 5 ont été tués concomitamment à l'homicide de leur mère et 16 sans que l'autre parent ne soit tué. En plus des conséquences dramatiques évidentes sur les enfants, les homicides au sein du couple ont rendu 82 enfants orphelins.
L'observatoire note, néanmoins, que depuis 10 ans, le nombre de femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint tend à légèrement baisser mais précise que « l'analyse des évolutions observées d'une année sur l'autre doit être conduite avec précaution du fait du caractère en partie imprévisible de ces évènements ».
b) Un constat inquiétant : peu de plaintes et de poursuites
La lettre de l'observatoire national des violences faites aux femmes précitée indique que moins d'une victime sur cinq déclare avoir déposé plainte et plus de la moitié des victimes n'a fait aucune démarche auprès d'un professionnel ou d'une association .
S'agissant des réponses pénales, il faut noter que plus de 70 000 auteurs présumés ont été impliqués dans des affaires de violences entre partenaires traitées par les parquets en 2018. Parmi ces auteurs, 26 199 ont fait l'objet de poursuites, 2 540 ont accepté et exécuté une composition pénale, 15 716 ont bénéficié d'un classement sans suite dans le cadre d'une procédure alternative aux poursuites.
c) Un bilan statistique qui n'est que la « partie émergée de l'iceberg »
Ces données fournies ne suffisent pas à rendre compte, de façon exhaustive, de l'ampleur des violences au sein du couple. Plusieurs biais et faits conduisent à considérer ces chiffres comme sous-estimés.
D'abord, comme indiqué, moins de 20 % des femmes victimes de violence déposent plainte . Par ailleurs, comme les personnes auditionnées et notamment le juge Édouard Durand ont pu l'expliquer aux rapporteurs spéciaux, il existe souvent une sous-révélation des faits de la part de la victime , avec des difficultés pour exprimer notamment les violences psychologiques subies.
Ensuite, dans le cadre de l'enquête CVS précitée, certaines catégories de la population ne sont pas interrogées (personnes âgées de moins de 18 ans et de plus de 75 ans, personnes sans domicile ou vivant en collectivité, personnes vivant en Outre-mer) et seules les violences physiques et sexuelles sont incluses dans l'exploitation statistique présentée.
d) Le cas de l'Outre-mer : des taux de violences plus élevés
Globalement, les territoires ultra-marins se caractérisent par des taux de violences plus élevés qu'en France métropolitaine quel que soit l'espace de vie (au travail, dans l'espace public ou au sein du couple).
L'ensemble des inégalités femmes-hommes sont ainsi particulièrement prégnantes, en raison notamment d'une vulnérabilité économique plus grande des femmes . Ainsi, par exemple, à la Réunion, le taux d'activité des femmes est de huit points inférieur au taux d'activité des femmes en métropole, alors que pour les hommes, cette différence est seulement de quatre points.
La précarité renforce indéniablement le phénomène de violences conjugales . Ainsi, à Mayotte, dont plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, les taux de violences sont élevés contre les femmes, touchées notamment par le chômage et l'illettrisme.
Chiffres-clés concernant la Réunion et la Guadeloupe La Réunion : - selon l'Observatoire régional des violences intra familiales (ORVIFF), 2 016 faits de violences conjugales ont été constatés et enregistrés en 2018 par les services de police et de gendarmerie, soit une augmentation de 4,2 % par rapport à 2017 (5 plaintes déposées par jour et 90 % des faits concernent les femmes) ; - de 2015 à 2018, 46 femmes ont bénéficié du téléphone grave danger ; - concernant les morts violentes au sein du couple (Chiffres clés SDFE) : 5 femmes ont été tuées par leur partenaire, ou ex partenaire en 2018, (4 cas en 2017). Au total, 16 féminicides sont dénombrés depuis 2016. La Guadeloupe : - en 2018, 1 140 femmes ont été victimes de violence physique et 71 de viols, dont 44 sur des mineures, soit 29,4 % de plus qu'en 2017. 71 faits de harcèlement sexuel ou d'agression sexuelle, dont 49 sur des mineures ont été signalés sur l'année soit une augmentation de 36,1 % ; - au premier semestre de l'année 2019, le nombre de violences faites aux femmes déclaré aux services de police et de gendarmerie avait augmenté de 5,4 % : 571 faits de violence physique contre des femmes. Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux (Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes) |
Enquête VIRAGE en Outre-mer Afin de promouvoir la connaissance du phénomène des violences dans les Outre-mer, l'enquête Violences et rapports de genre (VIRAGE) réalisée pour la métropole en 2015 a été adoptée pour l'Outre-mer (420 000 euros depuis 2016 ; 120 000 euros en 2016 et 100 000 euros en 2017, 2018 et 2019). Cette enquête, réalisée par l'Institut national d'études démographiques (Ined), a été dupliquée à la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe . Le coût total de l'enquête, non négligeable, a été estimé à 1 558 600 euros. Pour des raisons de coûts (en particulier technique et de traduction car l'enquête est menée par téléphone en français et en créole), il n'a pas été possible de l'élargir aux autres territoires d'Outre-mer, ce que ne peuvent que regretter les rapporteurs spéciaux. Les premiers résultats de l'enquête ont été présentés localement à La Réunion en mars 2019 ainsi qu'en Martinique et à la Guadeloupe en novembre 2019 . Ces résultats présentent une première vision d'ensemble des violences dans différents espaces : les lieux publics, au travail et au sein du couple. Des exploitations complémentaires sont en cours en 2020. Les premiers résultats montrent la présence de violences dans les espaces publics, en particulier dans la rue et les transports. À La Réunion, 7 % des femmes ont déclaré des violences, 10 % à la Guadeloupe et plus de 10 % à la Martinique. Quel que soit le territoire, les jeunes femmes et les étudiantes sont les plus touchées. Concernant les violences au travail, les résultats des enquêtes menées sur les trois territoires montrent que plus d'une femme sur quatre a connu au moins une forme de violence au travail, principalement des violences psychologiques. Au sein du couple les résultats montrent que plus d'un tiers des femmes ont subi des violences psychologiques et 3 % des femmes ont connu des violences physiques. Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux (Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes) |
2. Une politique publique qui n'est pas nouvelle, dont une étape a été franchie avec les conséquences du mouvement « me too »
a) Une politique publique qui ne date pas de l'actuel Gouvernement
Cette question des violences a fait l'objet d'une prise de conscience progressive, dont une étape a été franchie avec le mouvement « me too ». Bien que la lutte contre les violences fut érigée en grande cause du quinquennat, le Gouvernement a souvent eu la tentation de s'approprier des mesures pourtant déjà existantes . Cette politique publique n'est pourtant pas nouvelle.
Elle s'inscrit dans la continuité des actions et mesures prises par les Gouvernements précédents. Pour preuve, les commissions départementales contre les violences faites aux femmes et la première expérimentation d'une ligne d'écoute datent de 1989 sous le secrétariat d'État de Mme Michèle André.
Les années 2000 voient ensuite la multiplication de lois et de plans d'action , comme les plans triennaux interministériels de lutte contre les violences faites aux femmes qui se sont succédé depuis 2005.
b) Une politique publique qui s'inscrit dans un cadre légal international, européen et national
La France inscrit son action et sa législation en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, dans un cadre international et européen protecteur.
Sur le plan international, la France a ratifié la Convention sur l'élimination de toute discrimination à l'égard des femmes en 1983, et reconnait le programme de Pékin (1995), qui fixe douze domaines d'actions prioritaires en terme de lutte en faveur de l'égalité femmes-hommes et définit une méthode d'action, le « gender mainstreaming » (intégration transversale du genre).
Sur le plan européen, la France est signataire, depuis 2004, de la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique . Le GREVIO (Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique), chargé d'assurer le suivi de la mise en oeuvre de cette convention, a rendu public récemment un rapport sur la France qui n'est cependant pas exempte de critiques (cf . encadré infra ).
Conclusions du premier rapport d'évaluation sur
la mise en oeuvre, par la France,
Le Groupe d'experts (GREVIO) a salué l'engagement et les efforts des autorités mais souligné également un certain nombre de lacunes et émis des recommandations . Le rapport souligne les avancées législatives qui ont permis un renforcement considérable du cadre juridique de prévention et de répression des violences , ainsi que les mesures destinées à promouvoir une égalité réelle entre les hommes et les femmes, notamment celles tendant à favoriser une approche intégrée des questions d'égalité. Malgré les progrès, les chiffres liés aux violences faites aux femmes et l'impunité des agresseurs demeurent préoccupants, selon le rapport. Le GREVIO constate, dans son rapport, les insuffisances de la réponse pénale aux violences qui témoignent d'une difficulté du système à s'assurer que les auteurs de toutes les formes de violence visées par la Convention ont à répondre de leurs actes. La pratique judiciaire de correctionnalisation, permettant de requalifier le délit de crime de viol en délit d'agressions sexuelles, minimise, selon le GREVIO, la gravité du viol et fait porter les conséquences du dysfonctionnement du système judiciaire sur les victimes. En dépit de dispositifs législatifs permettant de faire primer l'intérêt et la sécurité de l'enfant dans les décisions de justice concernant les droits de visite et de garde, le GREVIO relève aussi la rareté de l'application de ces dispositions , de sorte que les violences auxquelles sont exposés les enfants ainsi que le risque de violences après la séparation sont insuffisamment pris en compte. Les dispositifs d'accompagnement et de soutien des enfants témoins de violence doivent aussi être renforcés, pour les auteurs du rapport. Par ailleurs, le rapport pointe l'insuffisance des dispositifs d'hébergement spécialisés destinés aux femmes victimes de violences . Le GREVIO considère que cette lacune est le reflet de politiques qui peinent à reconnaître la spécificité des violences faites aux femmes et tendent à les assimiler à d'autres problématiques sociales. Le GREVIO estime en outre qu'il est urgent de mettre en place, en nombre suffisant, des centres d'aide d'urgence pour les victimes de viols et de violences sexuelles, afin de leur dispenser un examen médical et médico-légal, un soutien lié au traumatisme et des conseils, et de renforcer les structures offrant des services de soutien spécialisés aux femmes victimes telles que les lieux d'écoute, d'accueil et d'orientation (LEAO) et les accueils de jour. Le système des ordonnances de protection doit également, selon les auteurs du rapport , être révisé pour s'appliquer à toutes les formes de violence et être utilisé de manière plus systématique. Enfin, le GREVIO recommande d'améliorer la collecte des données , notamment au niveau des services de la justice et des services répressifs, de former tous les professionnels, y compris le personnel en contact avec les femmes demandeuses d'asile, d'augmenter le nombre de services spécialisés selon une répartition géographique adéquate et d'assurer la permanence de la ligne téléphonique 39.19, 24h/24 et sept jours sur sept. Le GREVIO appelle les autorités françaises à prendre en priorité les mesures suivantes : - faire avancer de jure et de facto l'égalité femmes-hommes ; - adopter des dispositifs juridiques aptes à protéger les femmes des violences économiques ; - poursuivre les efforts visant à éliminer la discrimination ; - renforcer les mécanismes de coopération interinstitutionnelle en augmentant les moyens humains et financiers, notamment au niveau départemental, en renforçant la capacité de mobilisation des acteurs concernés, et en s'assurant que les professionnels soient formés ; - accroître le budget dédié à la prévention et à la lutte contre les violences faites aux femmes et soutenir financièrement les associations spécialisées ; - protéger les victimes de mariages forcés amenées dans un autre pays aux fins de ce mariage pour qu'elles puissent récupérer leur statut de résident. Source : communiqué de presse du Conseil de l'Europe : https://www.coe.int/fr/web/portal/-/violence-against-women-in-france-need-for-better-protection-for-victims-and-their-children-and-more-effective-anti-violence-measures |
Ainsi, depuis les années 1990, notamment 1994, la France s'est dotée d'un arsenal législatif pour lutter contre la violence à l'égard des femmes ( cf. encadré infra ).
Dispositifs législatifs existant
Loi du 22 juillet 1992 : reconnaissance d'une spécificité pour les violences commises au sein du couple La particularité des violences commises au sein du couple a été reconnue dès le 1 er mars 1994, d'après la loi du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal, par le 6° de l'article 222-13 du code pénal qui définit un délit spécifique de violences et des peines aggravées dès lors que ces actes sont commis par le conjoint ou le concubin. Loi du 26 mai 2004 : une protection renforcée Depuis 2004, une série de lois a permis de renforcer la prévention et la répression des violences commises au sein du couple, notamment en s'attachant à mieux protéger le conjoint. La loi du 26 mai 2004 relative au divorce et applicable au 1 er janvier 2005, a mis en place, au plan civil, la mesure d'éviction du conjoint violent du domicile conjugal. Loi du 12 décembre 2005 : éloignement de l'auteur des violences La loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive facilite, sur le plan pénal, l'éloignement de l'auteur des violences (conjoint ou concubin) du domicile de la victime à tous les stades de la procédure devant les juridictions répressives, tout en prévoyant, si nécessaire, la possibilité d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. Loi du 4 avril 2006 : prévention et répression des violences au sein du couple Elle renforce la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs et accroît la répression des violences faites aux femmes, notamment en élargissant le champ d'application de la circonstance aggravante à de nouveaux auteurs (pacsés et « ex») et à de nouvelles infractions (meurtres - viols - agressions sexuelles). Elle complète et précise également les dispositions de la loi du 12 décembre 2005 précitée. Loi du 9 juillet 2010 : ordonnance de protection des victimes La loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, donne au juge les moyens de prévenir les violences avec un dispositif novateur, l'ordonnance de protection des victimes, elle adapte l'arsenal juridique à toutes les formes de violences et elle s'appuie sur de nouveaux moyens technologiques pour renforcer la protection des femmes victimes de violence. Loi du 6 août 2012 : prévenir le harcèlement sexuel, encourager les victimes à dénoncer les faits et sanctionner le délit plus lourdement La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel donne une définition plus précise et plus large du délit de harcèlement sexuel. Elle aggrave les peines maximales encourues et réprime les discriminations commises à l'encontre des victimes de harcèlement sexuel. Cette loi est importante si on tient compte que le viol conjugal est la 1 ère violence sexuelle dénoncée par les victimes des violences conjugales, selon les données de la plateforme 39.19. Loi du 4 août 2014 : loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes La loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a amélioré notablement la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes en renforçant les sanctions et les poursuites ainsi que l'accompagnement des victimes, en les protégeant sur le long terme. La loi a amélioré le dispositif de l'ordonnance de protection pour les victimes de violences au sein du couple ou de mariages forcés. La priorité est notamment donnée au maintien de la victime dans le logement du couple, y compris pour les couples non mariés. Les enfants sont également mieux protégés : le champ d'application de l'ordonnance de protection est étendu aux faits de violences commis sur les enfants au sein de la famille. Le recours à la médiation pénale est strictement limité et n'est possible en cas de violences conjugales qu'à la demande expresse de la victime. En cas de réitération des faits, elle est interdite. L'éviction du conjoint violent du domicile est désormais la règle. La loi fixe en outre le cadre juridique du déploiement du dispositif d'alerte « téléphone grave danger » (TGD) au profit des victimes de violences au sein du couple ou des victimes de viol. Afin de renforcer la lutte contre la récidive, la loi crée un stage de responsabilisation des auteurs de violences au sein du couple ou des violences sexistes. La protection des femmes étrangères victimes de violences est améliorée au travers de nouveaux droits et l'interdiction de fonder le refus de délivrance d'une carte de résident à une victime de violences conjugales au motif de la rupture de la vie commune. Loi du 17 août 2015 : protection des victimes de violences au cours de la procédure pénale La loi du 17 août 2015 a transposé la directive européenne « Victimes » n° 2012/29/UE du 25 octobre 2012 en introduisant un article 10-5 dans le code de procédure pénale sur l'évaluation personnalisée des victimes afin de déterminer si elles ont besoin de mesures spécifiques de protection au cours de la procédure pénale. Le décret n° 2016-214 du 26 février 2016 relatif aux droits des victimes a fixé les modalités d'application de cette évaluation personnalisée. Les femmes victimes de violences sexuelles et intrafamiliales, qui présentent une exposition particulière à des risques de représailles ou d'intimidation de la part de l'auteur des faits, ainsi qu'à des risques de victimisation secondaire, sont particulièrement concernées par ces dispositions. La loi du 13 avril 2016 : mise en oeuvre d'un parcours de sortie de la prostitution La loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées a permis notamment : - l'instauration d'un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle au profit de toute personne majeure victime de prostitution, de proxénétisme ou de traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle. Ce parcours permet à la personne de bénéficier d'un accompagnement assuré par des associations agréées à cet effet et d'une prise en charge globale ayant pour finalité l'accès à des alternatives à la prostitution. L'entrée dans le parcours est autorisée par le préfet et conditionne l'ouverture de droits spécifiques en matière d'accès au séjour pour les personnes étrangères et la perception d'une aide financière pour les personnes non éligibles aux minima sociaux ; - la suppression du délit de racolage et l'introduction de la pénalisation de l'achat d'actes sexuels via une contravention de cinquième classe dont le montant est augmenté en cas de récidive, et qui peut donner lieu à une peine complémentaire de stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels ; - le renforcement de la prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution auprès des jeunes. 5 ème plan de lutte et de mobilisation contre toutes les violences faites aux femmes lancé le 25 novembre 2016 (2017-2019) Ce plan a pour objectif de permettre à toutes les femmes victimes de violences d'accéder à leur droit, d'être protégées et accompagnées pour sortir des violences et se reconstruire. Pour cela, le plan fixe trois objectifs : - sécuriser et renforcer les dispositifs qui ont fait leurs preuves pour améliorer le parcours des femmes victimes de violences et assurer l'accès à leurs droits ; - renforcer l'action publique là où les besoins sont les plus importants ; - déraciner les violences par la lutte contre le sexisme, qui banalise la culture des violences et du viol. Loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes Elle prévoit des mesures sur les délais de prescription, la lutte contre les nouvelles formes d'agressions (raids numériques, voyeurisme, drogue du viol...) et la lutte contre les nouvelles formes d'agressions (raids numériques, voyeurisme, drogue du viol...). La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille. Elle est organisée en cinq grands chapitres avec notamment : - le renforcement de l'ordonnance de protection des victimes de violences : la loi dispose désormais explicitement qu'un dépôt de plainte préalable n'est plus nécessaire et que le juge aux affaires familiales doit statuer dans un délai maximal de six jours à compter de la fixation de la date d'audience ; - le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice dans le cas où les père et mère sont condamnés comme auteurs, coauteurs ou complices d'un crime ou délit commis sur leur enfant ou l'autre parent ; - l'élargissement du port du bracelet anti-rapprochement, dans le cadre désormais de la procédure de l'ordonnance de protection ou bien avant ou après jugement, à titre de peine de l'auteur des violences, à la demande ou avec le consentement exprès de la victime ; - la loi prive de la pension de réversion le conjoint condamné pour avoir commis un crime ou délit à l'encontre de l'époux ; - l'accès au logement : à titre expérimental, pour 3 ans, instauration d'un dispositif d'accompagnement financier, sous conditions de ressources, pour les victimes quittant le logement conjugal ou commun et bénéficiant d'une ordonnance de protection ; - le téléphone grave danger : le procureur de la République peut attribuer un TGD à une victime si l'auteur est en fuite ou lorsqu'une demande d'ordonnance de protection est en cours devant le juge aux affaires familiales. La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales Elle prévoit notamment l'exclusion de la procédure de médiation en matière civile et pénale aux cas de violences conjugales, la reconnaissance du suicide forcé comme délit, la suspension du droit de visite et d'hébergement de l'enfant mineur au parent violent, la levée du secret médical dès lors que le professionnel de santé suspecte un danger vital immédiat pour la personne victime et qu'elle se trouve sous l'emprise de leur auteur, dans un contexte de violences conjugales, la suppression de l'obligation alimentaire en cas de crimes, la reconnaissance du cyber contrôle dans le couple et la facilitation du recours à l'aide juridictionnel provisoire. Source : commission des finances du Sénat d'après notamment le rapport « où est l'argent contre les violences faites aux femmes », 2018, publié par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la Fondation des femmes, le Fonds pour les Femmes en Méditerranée (FFMed), le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) et Women's Worldwide web (W4) |
* 1 Les résultats de cette enquête sont disponibles ici : https://www.ined.fr/fr/publications/editions/document-travail/enquete-virage-premiers-resultats-violences-sexuelles/