TROISIÈME PARTIE

UNE PRIORITÉ POLITIQUE QUI DOIT PASSER DES PAROLES AUX ACTES

I. LES FINANCEMENTS DOIVENT ÊTRE PLUS LISIBLES ET À LA HAUTEUR DES ENJEUX

A. UNE PLUS GRANDE TRANSPARENCE BUDGÉTAIRE EST NÉCESSAIRE, GAGE D'UNE MEILLEURE VISIBILITÉ DE LA POLITIQUE PUBLIQUE ET D'UNE MEILLEURE INFORMATION DU PARLEMENT

1. A minima, mieux suivre l'évolution des crédits dédiés aux violences avec une refonte du programme 137

Cette refonte du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » de la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances » pourrait se traduire par :

- une nouvelle maquette budgétaire, avec une action spécifique permettant de suivre les crédits dédiés spécifiquement à la lutte contre les violences faites aux femmes, accompagnée d'objectifs et d'indicateurs de performance, relatifs à cette politique ;

- l'inclusion des crédits d'hébergement en faveur des femmes victimes de violences , actuellement indistinctement inscrits dans le programme 177 de la mission « Cohésion des territoires ». Inscrire le financement de l'hébergement des femmes victimes de violences sur une ligne distincte de celle d'autres publics permettrait d'en assurer la pérennité et la spécificité.

Cette révision de la maquette du programme 137 pourrait s'accompagner sur les autres programmes budgétaires concernés par la politique de lutte contre les violences faites aux femmes, de la création d'une action et, éventuellement d'un objectif et d'un indicateur de performance, relatifs à cette politique.

2. A maxima, créer un fonds interministériel dédié aux violences pour lutter contre le morcellement des crédits

Afin d'éviter le morcellement des crédits néfaste à la lisibilité et au pilotage de cette politique de lutte contre les violences faites aux femmes, les rapporteurs spéciaux considèrent la création d'un fonds interministériel et pluriannuel comme une solution à envisager.

Ce fonds pourrait être mis en oeuvre sur le modèle du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) , la lutte contre les violences étant à la croisée de plusieurs politiques publiques.

Il devrait ainsi comprendre une perspective pluriannuelle avec des financements associés sur plusieurs années ; une période de trois ans, comme pour le FIPD, pourrait être envisagée. Son pilotage reviendrait au délégué interministériel chargé de la lutte contre les violences faites aux femmes, comme les rapporteurs spéciaux en font la proposition infra dans les recommandations.

La création de ce fonds permettrait d'associer aux mesures annoncées, notamment dans le cadre du Grenelle, des financements lisibles, prévisibles, et ce faisant de renforcer la mise en oeuvre de cette politique de lutte contre les violences faites aux femmes.

3. Revoir le document de politique transversale

Comme les rapporteurs spéciaux l'ont démontré et regretté , le document de politique transversale (DPT) relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes ne rend qu'imparfaitement compte de l'effort financier des ministères à la politique de lutte contre les violences faites aux femmes .

Ce constat rend inéluctable, selon les rapporteurs spéciaux, la révision des conditions d'élaboration et du contenu de ce document . La production de données financières fiables et complètes est un préalable pour un état des lieux nécessaire mais également pour la conduite et l'évaluation de cette politique de lutte contre les violences faites aux femmes.

Des mesures doivent être prises pour remédier à l'instabilité et au manque d'exhaustivité du périmètre de ce DPT , s'agissant notamment de la lutte contre les violences faites aux femmes.

La refonte du DPT doit passer par une consolidation de sa méthodologie d'élaboration, en lien avec la direction du budget . Ce travail doit ainsi se faire en lien avec la direction du budget afin de remédier aux dysfonctionnements identifiés. Les rapporteurs spéciaux estiment que le SDFE n'est pas en capacité de mener seul ce travail . De même, la participation des hauts fonctionnaires à l'égalité à l'élaboration de ce document doit être réaffirmée et clairement mise en oeuvre.

Une consolidation de la méthodologie, de la part de la direction du budget est un préalable, tout comme la formation des agents et chefs de services des ministères au repérage des dispositifs de lutte contre les violences. Il y a une nécessité d'acculturation des agents à ce sujet . Par ailleurs, la création d'indicateurs ou d'actions pour mesurer l'implication des ministères est une nécessité.

La révision du DPT devrait aboutir à identifier et évaluer les crédits de tous les programmes budgétaires concourant à la lutte contre les violences faites aux femmes . L'axe 5 du DPT actuel n'est pas satisfaisant en ce qu'il regroupe des programmes budgétaires identifiés en raison d'indicateurs de performances sexués, mais sans qu'il ne soit possible d'évaluer le montant des crédits dédiés à cette politique.

Outre le financement par l'État, il serait nécessaire d'engager un travail avec les collectivités territoriales, pour mieux identifier leurs sources de financement essentielles à la politique de lutte contre les violences. D'après les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, les rapports, prévus dans le cadre de la loi de 2014 précitée, ne contiennent que peu d'éléments exploitables et intéressants. Pour permettre une meilleure identification et lisibilité des crédits, il faut que les acteurs publics trouvent un intérêt à cet exercice de valorisation de leurs actions en matière de lutte contre les violences et plus largement d'égalité entre les femmes et les hommes.

Mieux identifier les sources de financements européens , et les inscrire dans ce document de politique transversale serait également une piste à envisager pour les rapporteurs spéciaux.

4. Continuer l'expérimentation du budget intégrant l'égalité (BIE)

Pour les rapporteurs spéciaux, la refonte du document de politique transversale constitue un préalable avant toute généralisation d'un budget intégrant l'égalité. Une telle généralisation semblerait précoce au vu des conclusions de l'expérimentation menée l'année dernière.

À terme, le BIE pourrait utilement compléter l'approche budgétaire du DPT, mais il semble préférable, à court et moyen terme, de continuer le processus d'expérimentation. Des contraintes techniques et de temps ne peuvent conduire à une généralisation d'une telle démarche, dans l'immédiat.

Néanmoins, il pourrait être envisagé d'ajouter dans le DPT, une partie consacrée aux avancées du BIE. Le Parlement, notamment les commissions des finances et les délégations aux droits des femmes des deux assemblées, mériteraient d'être informées régulièrement de la mise en oeuvre de ce chantier.

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