B. LES MOYENS DOIVENT ÊTRE À LA HAUTEUR DES ENJEUX

Outre une meilleure transparence, les financements doivent être à la hauteur des enjeux et des mesures annoncées.

1. Un préalable : une dépense à considérer comme un investissement ou un « coût évité »

Sur ce sujet de la lutte contre les violences, un préalable est sans doute d'appréhender la dépense comme un coût évité pour l'avenir. Un chiffre est éclairant : 40 à 60 % d'enfants délinquants sont des enfants qui ont vécu des violences conjugales.

Par ailleurs, le coût économique des violences tel que décrit en première partie du présent rapport invite à considérer les dépenses en faveur de la lutte contre les violences comme des coûts moindres pour l'avenir, sans parler bien évidemment des conséquences dramatiques, sur le plan humain, de violences.

2. Octroyer aux associations un niveau de financement public leur permettant de répondre à leurs missions tout en encourageant la coopération multi-acteurs ....

Il nous semble ainsi nécessaire de garantir aux associations un niveau de financement public leur permettant de répondre à leurs missions tout en encourageant les cofinancements multi-acteurs publics et privés.

Cette recommandation visant à assurer aux associations des moyens à la hauteur de leurs missions passe par :

- une meilleure répartition, voire une augmentation des financements publics en fonction des besoins de chaque association. La transparence dans l'attribution des subventions doit être améliorée ;

- une simplification des réponses aux appels à projet et une incitation aux regroupements d'associations pour répondre aux appels à projets, comme l'auraient souhaité les associations pour la mise en oeuvre du « fonds Catherine », par exemple ;

- la généralisation du recours à des conventions pluriannuelles, au niveau national, permettant de sécuriser leurs actions et d'assurer un meilleur suivi dans la durée, avec éventuellement des conventions assorties d'indicateurs de moyens et de résultats. Au niveau local, les conventions pluriannuelles (CPO) existant pour les dispositifs les plus pérennes doivent être étendues . Les rapporteurs spéciaux saluent les démarches du SDFE visant à homogénéiser les CPO locales autour de quelques objectifs et actions phares en miroir des CPO nationales ;

- une place plus importante à des financements récurrents plutôt que reposant sur des appels à projets « thématiques ». Les structures associatives ont besoin de financements pour leurs dépenses de fonctionnement ;

- un encouragement des cofinancements entre collectivités territoriales, État et associations, comme cela se fait déjà sur plusieurs territoires. Le centre de prévention pour les auteurs de violences à Arras en est un exemple. La participation des auteurs de violences au financement des dispositifs leur venant en aide doit également être envisagée.

3. ....et la diversification des financements
a) Encourager le développement du mécénat et des dons des particuliers

Le développement des financements privés doit également être une piste à explorer. L'enjeu est de rendre attractive la donation en faveur de cette politique de lutte contre les violences , et notamment en faveur des associations oeuvrant sur des actions de terrain, comme cela a déjà été amorcé avec le mouvement « me too » et la période de confinement.

Les associations doivent rendre visibles leurs actions, dans la continuité de la communication permise par le mouvement « me too » et le confinement. Les associations, fautes de moyens et de savoir-faire, concentrent souvent leurs actions sur la réalisation de leurs missions, et non sur la communication .

Or, la communication est essentielle en ce qu'elle permet une meilleure visibilité des actions et de la cause. Les auteurs du rapport précité « où est l'argent pour les droits des femmes » 22 ( * ) , indiquait ainsi : « dans d'autres domaines associatifs, comme par exemple la protection de l'environnement, les ONG ont investi depuis longtemps le faire-savoir comme un axe aussi important que le faire. Cette faible visibilité des associations de défense des droits des femmes et de leurs actions affecte directement les donations. Les mécènes ne savent pas identifier l'utilité des fonds car l'impact social des associations est peu connu. Elles et ils ne voient dès lors pas d'intérêt majeur à les financer ». Le renforcement des actions de communication et de plaidoyer des associations est donc essentiel.

Par ailleurs, les partenariats avec les fondations et le mécénat de compétences doivent être encouragés . Les pouvoirs publics doivent accompagner les associations dans leur modernisation, pour encourager ce type de partenariats. De même, la recherche de financements innovants à l'ère du numérique doit être encouragée.

Un autre levier de développement des dons privés et notamment des particuliers, pourrait être la généralisation des événements de collecte . Dans le rapport précité, les auteurs notaient justement qu'« à l'inverse de nombreuses autres causes qui font appel à la générosité publique, il n'existe pas d'événements de collecte, avec une forte résonance, comme à travers la création de festivals, d'émissions ou d'événements de collecte d'ampleur . » . Toutefois, le mouvement « me too » et la période de confinement ont permis de faire évoluer ce constat ; une évolution qu'il convient de renforcer , avec notamment le rôle clé de la Fondation des femmes, en la matière, à affirmer.

Il serait également intéressant que les organismes, jouant le rôle d'observatoires de la générosité publique, puissent assurer un suivi statistique et qualitatif des fonds alloués pour cette politique de lutte contre les violences faite aux femmes , ce qui n'est pas le cas actuellement.

b) Développer le recours aux financements européens

Les rapporteurs spéciaux considèrent que le recours aux financements européens doit être encouragé pour les structures associatives . Mais ils sont conscients que le développement de cette source de financement nécessite de la part des pouvoirs publics une meilleure identification des sources potentielles de financement, et une aide à apporter aux associations.

Les actions menées par le centre « Hubertine Auclert » en région Île-de-France constituent des exemples intéressants puisque cette structure met à disposition des associations des ressources pour répondre aux appels à projet européens. Ce type d'actions pourrait être généralisé dans les divers observatoires et structures territoriaux de lutte contre les violences faites aux femmes.


* 22 « Où est l'argent pour les droits des femmes ? Une sonnette d'alarme », 2016, publié par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la Fondation des femmes, le Fonds pour les Femmes en Méditerranée (FFMed), le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE), le Comité ONU Femmes France et Women's Worldwide web (W4).

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