B. METTRE EN PLACE UNE SURVEILLANCE DES SOLS À MÊME D'ANTICIPER AU MIEUX LEUR POTENTIELLE DÉGRADATION
Le contrôle « en fin de vie » des ICPE, plutôt qu'en cours d'exploitation, est le principal écueil à la gestion de la pollution des sols industriels. Selon les estimations des professions du diagnostic et de l'ingénierie des sites et sols pollués, seules 15 % des 45 000 ICPE soumises à autorisation ou à enregistrement sont soumises à un diagnostic de pollution de sols systématique au début ou en fin d'exploitation. Pour les 85 % restantes, la surveillance peut se faire de manière indirecte par la surveillance des eaux souterraines, ou sur demande spécifique de réalisation de l'autorité locale.
Pour la quasi -totalité des 450 000 ICPE soumises à déclaration, la problématique de pollution des sols n'est examinée que dans la phase de cessation d'activité, au moment où l'exploitant dispose de moins de capacités techniques et financières qu'en pleine exploitation. Or, selon les professionnels du diagnostic, un euro dépensé en diagnostic, c'est dix euros économisés sur le coût final de la dépollution 136 ( * ) .
1. Revaloriser les missions et les moyens de l'inspection des installations classées
a) Décharger l'inspection d'un certain nombre de tâches chronophages pour lui donner une nouvelle place dans la réconciliation de l'écologie et de l'économie
La tendance à la baisse du nombre d'inspections de terrain analysée en détail ci-dessus appelle plusieurs recommandations articulées entre elles autour d'une stratégie de nature à renforcer la protection des sols.
Tout d'abord, la commission d'enquête sera attentive à la mise en oeuvre de l'engagement du Gouvernement : augmenter de 50 % le nombre d'inspections des installations classées d'ici la fin du quinquennat et créer 50 nouveaux postes d'inspecteurs en 2021 . Elle souligne également la nécessité de recalibrer les tâches administratives effectuées par l'inspection des installations classées afin de favoriser une réorganisation des Dreal autour d'une mission centrale de préservation de l'environnement . Il pourrait ainsi être permis aux Dreal, sur la base d'un cadre national posant des critères d'évaluation du risque, d'adapter la périodicité de leur plan pluriannuel de contrôle afin de diriger prioritairement leurs inspections sur les établissements présentant des lacunes en termes de prévention des risques et d'alléger le rythme des inspections des établissements identifiés comme plus vertueux.
Dans ce schéma, l'inspection des installations classées aurait plus de liberté pour déployer ses moyens sur le terrain et atteindre l'objectif de 50 % de contrôles supplémentaires tout en assurant une surveillance plus fine et mieux adaptée aux enjeux réels du terrain. Sur ce point, la commission d'enquête souligne qu' il ne s'agit en aucun cas de diminuer la fréquence minimale d'inspection prévue par la réglementation .
Par ailleurs, démêler la complexité de la pollution des sols requiert des connaissances scientifiques pluridisciplinaires (géologie, hydrogéologie, physique, chimie, géochimie, toxicologie, écotoxicologie, ...) ainsi que des informations juridiques actualisées dans différents domaines . Nul doute que des formations spécifiques doivent pouvoir être proposées aux inspecteurs, qui ne sont pas nécessairement sensibilisés aux enjeux spécifiques de pollution des sols. La commission d'enquête appelle donc à un renforcement de la formation des inspecteurs des Dreal aux enjeux de la gestion des sites et sols pollués .
En outre, les représentants de l'inspection des installations classées ont souligné la nécessité de s'assurer que les projets industriels sont suffisamment étudiés du début à la fin de l'exploitation. En assurant une bonne sécurité et une bonne remise en l'état, il est en effet possible de rendre compatible un ancien site industriel avec son usage futur et d'éviter l'apparition de friches industrielles.
La question se pose, dès l'ouverture du site, avec la notion de « capacités techniques et financières » explicitement prévue par le code de l'environnement. Selon les inspecteurs, ces sujets économiques sont aujourd'hui très peu mis en avant dans les procédures . Le préfet ne pouvant pas juridiquement se prononcer sur l'opportunité ou non de créer un site pour raison économique, il prend sa décision sur les seuls fondements environnementaux et l'inspection, en tant que service instructeur, formule son avis de la même manière.
Or l'inspecteur des installations classées, en contact régulier avec les entreprises, appréhende généralement bien les enjeux associés à la santé économique et au fonctionnement des ICPE. Son avis pourrait donc éclairer l'opinion sur la viabilité économique des projets et l'inspecteur pourrait renforcer sa vigilance, voire mettre en place une surveillance portant sur ces capacités financières de exploitant tout au long de l'exploitation, en assortissant éventuellement ce contrôle de sanctions. L'avis de l'inspection des installations classées pourrait ainsi porter également sur ce volet, à condition d'élargir le champ de l'inspection et de le rendre plus visible.
La commission d'enquête considère ainsi indispensable d'élargir les missions de l'inspection des installations classées à la surveillance des capacités financières de l'exploitant, notamment au regard de ses obligations potentielles en matière de remise en état et de réhabilitation des sites. En effet, la pollution des sols et la multiplication des friches résultent, pour une grande partie, de la défaillance économique et financière des exploitants. À ce stade, la commission d'enquête préconise sur ce point, une vigilance renforcée.
b) Combler les « trous dans la raquette » de la surveillance des sites
L'absence de possibilités de contrôle par les inspecteurs des installations classées de la qualité de certains travaux de réhabilitation, notamment pour les sites situés en SIS ou sur les terrains d'anciennes ICPE réhabilitées une première fois dans le passé, dont les inconvénients ont été soulignés ci-dessus, appelle des mesures correctrices. Il est, en effet, surprenant et peu protecteur des sols que le rôle des inspecteurs soit limité pour ces sites à la simple vérification de la présence d'attestations accompagnant les demandes de permis de construire.
En effet, si aussi bien l'article L. 556-1 du code de l'environnement, relatif au changement d'usage des terrains ayant accueilli une ICPE, que l'article L. 556-2 du même code, relatif aux terrains placés en SIS, prévoient une obligation de mise en oeuvre de mesures de gestion de la pollution, ils renvoient en effet le contrôle de cette obligation aux bureaux d'études certifiés, par le biais d'une attestation . Selon M. Bertrand Georjon, chef du pôle « Déchets, sites et sols pollués » à la Dreal de la région Auvergne-Rhône-Alpes, ces modalités d'attestation ne permettent pas à l'administration de contrôler la mise en oeuvre effective des mesures de gestion ni leur pertinence, car ces terrains -les anciennes ICPE et les SIS- ne font plus partie du champ d'application de la police spéciale de l'État. Un tel contrôle formel, sur pièces fournies par les bureaux d'études, ne permettrait pas de détecter des insuffisances dans la réhabilitation des sites devant pourtant faire l'objet d'une vigilance accrue au titre des SIS.
Parmi les exemples fournis à la commission d'enquête figurent « des cas de fraude, notamment avec des établissements publics fonciers. J'ai en tête un exemple dont nous avons eu connaissance par [...] un salarié de l'entreprise qui nous a informés qu'une demande de recouvrir les sols avait été formulée. Nous avons alors fait venir une pelle mécanique pour ouvrir un site recouvert et avons constaté, visuellement et à travers des prélèvements, qu'une pollution volontaire avait été dissimulée, recouverte par du remblai, par l'aménageur. Ces cas sont alors très difficiles à détecter, puisque nous nous basons sur des rapports administratifs. Nous nous rendons parfois sur le terrain, mais la meilleure solution pour détecter les fraudes consisterait en des contrôles inopinés. » 137 ( * )
Ces carences en matière de contrôle renvoient à l'absence de cadre législatif ou règlementaire encadrant la remise en état et la réhabilitation des sites . Seule la méthodologie de 2017 -sans valeur juridique réelle- décrit aujourd'hui les « bonnes pratiques » compilées par l'administration. Entendu par la commission d'enquête, M. Jean-François Nogrette, directeur de Veolia Technologies & Contracting, membre du comité exécutif du groupe Veolia, a ainsi indiqué : « je ne veux pas laisser penser que les bureaux d'études sont laxistes. Ce qui joue le plus, c'est le déficit d'encadrement, qui conduit à opter pour des solutions peu souhaitables sur le plan environnemental. » 138 ( * )
Sans douter de la qualité du travail réalisé par les bureaux d'études, dont les méthodes de travail sont certifiées selon une norme nationale prévue par la loi et fixée par arrêté, la commission d'enquête estime que l'administration pourrait être dotée d'une compétence de contrôle de la mise en oeuvre des obligations de diagnostic ou des mesures de gestion de la pollution même attestées par un bureau d'études , en cas de doute sur leur qualité ou leur réalisation concrète.
Il convient, à cet égard, de renforcer l'information et les pouvoirs de contrôle des Dreal en matière de dépollution des sites placés en secteur d'information des sols ou situés sur les terrains d'anciennes ICPE réhabilitées une première fois par le passé, en lui permettant de contrôler la qualité des attestations d'étude de sols établies par les bureaux d'études pour ces sites.
La commission d'enquête préconise ainsi la modification des articles L. 556-1 et L. 556-2 du code de l'environnement afin de préciser que la fourniture d'une attestation par un bureau d'études garantissant la réalisation d'une étude des sols et la prise en compte de mesures de gestion assurant la compatibilité entre l'usage futur et l'état des sols ne fait pas obstacle à un contrôle de la qualité de cette attestation et de ses hypothèses par l'inspection des installations classées.
Proposition n° 15 : Soumettre obligatoirement à l'examen de la Dreal les analyses conduites par les bureaux d'études certifiés ou équivalents et préalables à la délivrance de l'attestation de mise en oeuvre des obligations de diagnostic et de mesures de gestion pour les sites situés en SIS ou sur les terrains d'anciennes ICPE.
En outre, la commission d'enquête considère indispensable de renforcer les capacités de l'inspection des installations classées dans la détection des cas de non-déclaration d'une cessation d'activité ou d'une mise artificielle à l'arrêt partiel du site pour permettre à l'exploitant d'échapper à ses obligations de diagnostic des sols et de remise en état.
Pour mémoire, la notification 139 ( * ) par l'exploitant au préfet de la mise à l'arrêt définitif de l'installation doit indiquer les mesures prises pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site, notamment les mesures de surveillance des effets de l'installation sur son environnement. Cette obligation de notification vaut pour une cessation partielle ou totale de l'activité de l'installation.
Lorsqu'une cessation d'activité n'est pas déclarée, des représentants de l'inspection des installations classées ont insisté sur la nécessité de permettre aux Dreal d'agir vite pour pouvoir imposer la mise en sécurité avant la radiation de la société exploitante. De même, il peut arriver que les exploitants modifient la nature des activités de leurs ICPE ou de leurs revenus afin d'éviter de produire une cessation formelle d'activité auprès des administrations fiscales et sociales. Elles interrompent alors l'activité ou l'usage des produits qui les conduisaient au classement sous le titre ICPE.
Afin de détecter les sites en arrêt effectif, certains inspecteurs de terrain suggèrent dès lors de croiser automatiquement plusieurs bases de données et sources d'information juridiques, fiscales ou sociales. Dans ces conditions, dans le souci de mieux identifier les sites en arrêt effectif et d'imposer leur mise en sécurité de suite avant la radiation de la société exploitante du registre du commerce et des sociétés, il conviendrait que l'inspection des installations classées procède au croisement automatique des deux bases de recensement des ICPE 140 ( * ) avec les informations du Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) et celles des tribunaux de commerce issues du registre du commerce et des sociétés. Le numéro SIREN de l'exploitant pourrait ainsi être utilisé pour opérer ce rapprochement des bases de données.
Ce croisement permettrait à l'inspection d'être alertée en cas d'ouverture d'une procédure collective concernant l'entreprise ou de fermeture d'un établissement. Des représentants de l'inspection des installations classées ont en effet indiqué à la commission que les démarches relatives au droit des sociétés semblent généralement accomplies correctement dans les dossiers traités. Le caractère automatique du croisement et des alertes constituerait alors un levier important de succès dans la recherche des non-déclarations de cessation d'activité, compte tenu du nombre d'établissements suivi par chaque inspecteur.
En complément de ce contrôle renforcé, il pourrait également être prévu que la radiation d'une entreprise du registre du commerce et des sociétés soit conditionnée au respect des obligations prévues lors de la cessation d'activité.
Proposition n° 16 : Renforcer la recherche par l'inspection des installations classées des cas de non-déclaration des cessations d'activité par un croisement automatique des bases de données relatives aux ICPE avec les informations issues du bulletin officiel des annonces civiles et commerciales et du registre du commerce et des sociétés.
Proposition n° 17 : Conditionner la radiation d'une entreprise du registre du commerce et des sociétés au respect des obligations prévues lors de la cessation d'activité.
Enfin, la notification d'une cessation partielle d'activité d'un site, comprenant plusieurs installations, peut être problématique au regard de la mise en oeuvre par l'exploitant de ses obligations de surveillance et de réhabilitation des terrains occupés par l'installation, si cette notification intervient bien avant la mise à l'arrêt effective du site, dès lors qu'un usage futur n'a pas été arrêté, ni par accord entre l'exploitant et le maire ou l'EPCI compétent en matière d'urbanisme, ni par arrêté du préfet.
À cet égard, la décision 141 ( * ) du Conseil d'État du 20 mars 2013, relative au cas de la cessation par la société Manurhin Défense de certaines de ses activités, est éclairante. À la suite d'un désaccord avec le maire de la commune où était située l'installation appelée à être mise à l'arrêt, la société a requis du préfet qu'il se prononce sur l'usage futur du site devant être pris en compte pour réhabiliter les terrains libérés. Estimant que le préfet n'avait pas prouvé de volonté manifeste de l'exploitant de détourner la procédure de cessation partielle d'activité pour se prémunir, dans la mise en oeuvre de ses obligations de réhabilitation, contre une modification des règles d'urbanisme, le Conseil d'État a considéré qu'il revient au préfet de se prononcer sur l'usage futur du site même si la fermeture effective de l'installation, qui emporte la libération des terrains, n'intervient que bien plus tard après la notification de la cessation.
En effet, la loi n'impose le respect que d'un délai minimum entre la notification et la mise à l'arrêt effectif de l'installation ; elle n'impose pas, en revanche, de délai maximum entre cette notification et la mise à l'arrêt. Dès lors, le préfet ne peut refuser de se prononcer sur l'usage futur du site -condition indispensable pour permettre à l'exploitant de procéder au diagnostic et à la réhabilitation du site appelé à être libéré- que s'il établit que l'annonce par l'exploitant de la cessation d'activité est manifestement prématurée, notamment pour se prémunir contre une modification des règles d'urbanisme.
Il apparaît néanmoins que l'absence de délai maximum entre la notification de cessation d'activité et la mise à l'arrêt effective du site peut constituer un risque juridique puisqu'il restera difficile pour le préfet d'établir une volonté manifeste de la part de l'exploitant d'échapper à une modification de règles d'urbanisme qui pourrait renforcer ses obligations de réhabilitation. Dans ces conditions, la commission appelle à étudier la possibilité de préciser, dans la partie règlementaire du code de l'environnement, que la notification par l'exploitant de la cessation d'activité d'une installation ne peut intervenir que dans un délai maximum -par exemple, d'un an- avant la mise à l'arrêt effective de l'installation, afin de s'assurer que les obligations de remise en état susceptibles d'être imposées à l'exploitant restent cohérentes avec la politique d'urbanisme du territoire où le site est implanté.
Dans ses réponses au questionnaire de la commission d'enquête, la Coprec relève qu'à sa connaissance, aucun arrêté ministériel de prescriptions générales pour les ICPE soumises à déclaration ne fixe de contraintes, et donc a fortiori de points de contrôles, relatifs au suivi de la pollution des sols et des eaux souterraines.
Dans ces conditions, la commission d'enquête préconise l'inclusion d'exigences relatives à la surveillance de la qualité des sols et des eaux souterraines tant dans les arrêtés ministériels fixant les prescriptions générales applicables aux ICPE soumises à déclaration relevant de catégories identifiées comme à risque pour les sols que dans les arrêtés préfectoraux relatifs à des ICPE à autorisation ou à enregistrement non soumises à des obligations de rapport de base ou de surveillance régulière des eaux souterraines.
Il convient de rappeler l' extrême difficulté technique de mesurer l'état et la pollution des sols . Le sous-sol et ses pollutions restent largement « invisibles », avec des techniques d'exploration par forage qui emportent un certain nombre de risques collatéraux ou bien des incertitudes compte tenu de la zone explorée. Lors de son audition 142 ( * ) , M. Joël Crespine, responsable de la subdivision « Déchets, sites et sols pollués » du pôle « Environnement » à la Dreal Auvergne-Rhône-Alpes, a ainsi rappelé que « le suivi périodique des sols présente des inconvénients puisqu'il n'est pas pratique à mettre en oeuvre et que le prélèvement peut affaiblir la protection. »
En revanche, la surveillance des eaux souterraines est riche d'enseignements et relativement aisée à mettre en oeuvre . Comme l'a souligné M. Crespine, « les milieux intégrateurs et la nappe phréatique peuvent toutefois être analysés puisque l'analyse des eaux souterraines qui passent sous l'usine, avec des piézomètres, permet en outre de détecter les pollutions, ce qui permettrait d'intervenir immédiatement ou de prendre des précautions au moment de la cessation d'activité. La généralisation du suivi des eaux souterraines me semble donc plus pertinente qu'un suivi régulier des sols. » Certaines installations sont équipées de piézomètres , ce qui permet de réaliser des mesures inopinées sans procéder à des sondages de sols. Ce dispositif, peu utilisé par l'inspection des installations classées, pourrait être utilisé plus fréquemment.
Proposition n° 18 : Inclure des exigences relatives à la surveillance au maximum décennale de la qualité des sols et des eaux souterraines dans les arrêtés ministériels fixant les prescriptions générales applicables aux ICPE soumises à déclaration relevant de catégories identifiées comme à risque pour les sols et dans les arrêtés préfectoraux relatifs à des ICPE à autorisation ou à enregistrement non soumises à des obligations de rapport de base ou de surveillance régulière des eaux souterraines.
Proposition n° 19 : Permettre au préfet, sur proposition du Dreal, de prescrire une surveillance des eaux souterraines pour les sites non soumis à des obligations de surveillance des eaux souterraines mais présentant des risques de pollution des sols.
2. Mieux encadrer et renforcer la qualité de l'activité des bureaux d'études spécialisés en sites et sols pollués
a) Améliorer la qualité de la certification des bureaux d'études
Au cours des travaux de la commission d'enquête, il a été souligné que le mécanisme de certification des bureaux garantit que les équipes sont pluridisciplinaires, compétentes et informées sur les polluants. Toutefois, la certification peut sembler trop formelle car elle n'entre pas en détail dans la conduite des études, des choix des paramètres techniques ou des hypothèses, ce qui ne permet pas de garantir une homogénéité entre les prestations des uns et des autres. Une formalisation accrue de la méthodologie, avec des guides plus contraignants , semble donc s'imposer.
Une telle évolution serait de nature à renforcer l'indépendance des bureaux d'études en limitant la possibilité, pour les donneurs d'ordre, de prendre appui sur l'imprécision de la méthodologie pour accroitre leur influence sur les objectifs de dépollution à atteindre.
Proposition n° 20 : Renforcer l'indépendance et l'homogénéité des méthodes des bureaux d'études en intégrant dans leur certification des exigences mieux définies sur la conduite des études de sols, la définition des paramètres techniques et la modélisation, tant pour l'évaluation des risques que pour les propositions de réhabilitation.
b) Étendre l'exigence de certification à l'ensemble des activités de surveillance et de contrôle des sites et sols pollués
Aujourd'hui la certification réglementaire « Sites et sols pollués » (SSP) n'est pas suffisamment valorisée et utilisée. Elle n'est prévue par la réglementation que pour la délivrance par les bureaux d'études des attestations devant accompagner les demandes de permis de construire pour les projets de construction ou d'aménagement portant sur des sites situés en SIS ou sur des terrains ayant accueilli une ICPE déjà régulièrement réhabilitée.
Il est à noter que cette certification n'est pas obligatoire :
- ni pour les activités de contrôle périodique des ICPE soumises à déclaration conduites par des bureaux d'études. Ce contrôle périodique est en effet effectué par un organisme accrédité par le comité français d'accréditation (Cofrac) et agréé par voie d'arrêté ministériel ;
- ni pour les domaines de l'ingénierie et de l'exécution des travaux de réhabilitation.
Or l'article 27 du projet de loi ASAP, en cours d'examen au Parlement, crée une obligation pour les exploitants d'ICPE autorisées ou enregistrées de faire appel à une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes. Il s'agit de garantir la sécurisation du site après cessation d'activité et la mise en oeuvre des mesures proposées par la réhabilitation du site.
La commission d'enquête estime donc nécessaire de compléter la certification « Sites et sols pollués » afin de l'étendre aux activités d'ingénierie et d'exécution des travaux de mise en sécurité et de réhabilitation .
3. Faciliter la conduite d'enquêtes indépendantes en cas de suspicion de pollution des sols
Présentant son plan d'action pour la prévention des risques industriels, le Gouvernement a annoncé le 30 juin 2020 la création d'un Bureau d'enquête accident-risques industriels . Ce futur bureau « ne pourra recevoir d'instructions de quiconque, y compris dans la communication des résultats de ses enquêtes » 143 ( * ) . Parallèlement, le lancement d'une « mission pluridisciplinaire pour moderniser la culture du risque » est prévu pour la rentrée 2020.
La commission d'enquête, qui approuve la mise en place d'un tel bureau d'enquête, souhaite qu'il puisse connaître de la problématique de la pollution des sols en étant saisi, le cas échéant, d'une demande d'enquête sur une suspicion de pollution des sols par un préfet, un élu local dont la collectivité accueillerait un site industriel ou minier ou encore une association de riverains .
* 136 « En matière de dépollution, on dit souvent qu'un euro bien investi peut en faire gagner dix » (M. Nicolas Fourage, représentant de la Coprec, audition du 3 juin 2020).
* 137 Ibidem .
* 138 Audition du 19 mai 2020.
* 139 Celle-ci doit intervenir dans un délai de trois mois avant l'arrêt pour les ICPE soumises à autorisation et enregistrement (articles R. 512-39-1 et R. 512-46-25 du code de l'environnement) -voire six mois pour les ICPE de stockage de déchets, de stockage géologique de dioxyde de carbone et les carrières-, et d'un mois pour les ICPE soumises à déclaration (article R. 512-66-1 du code de l'environnement).
* 140 Comme l'ont indiqué à la commission d'enquête des représentants de l'inspection des installations classées, les exploitants d'ICPE sont actuellement recensés dans deux bases de données :
- S3IC (système d'information de l'inspection des installations classées), géré par le ministère de la transition écologique, pour les installations soumises à autorisation et enregistrement, et certaines installations à déclaration qui ont fait l'objet d'un suivi particulier de l'inspection ;
- une base nommée « GUP », gérée par le ministère de l'intérieur, qui recense les installations soumises à déclaration (a minima celles déclarées après 2016, année de la mise en place de la télédéclaration).
* 141 Conseil d'État, décision n° 347516, 20 mars 2013, « Société Manurhin Défense c/ Ministre de l'écologie ».
* 142 Audition du 27 mai 2020.
* 143 Déclaration de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les enjeux de sécurité liés aux risques industriels et le plan d'actions résultant de l'accident de l'usine Lubrizol, à Paris le 11 février 2020.