E. UN CONTRÔLE LIMITÉ DES MARCHÉS DE TRAVAUX JUSQU'EN 2016
À l'issue de la privatisation de 2006, quatre SCA ont été acquises par les groupes de travaux publics Vinci (ASF et Escota) et Eiffage (APRR et AREA), dont les filiales étaient susceptibles de participer aux appels d'offres lancées par ces SCA. Les cahiers des charges des concessions ont donc encadré les procédures de passation des marchés de travaux, fournitures et services.
Pour autant , jusqu'en 2016 , le contrôle des marchés de travaux, qui comportait deux étapes, était très incomplet .
1. Des commissions des marchés indépendantes mises en place par les SCA
Un premier contrôle était assuré par les commissions des marchés internes à chaque société , composées de personnalités indépendantes et non liées aux concessionnaires . Il apparaît que ces commissions n'ont relevé aucune irrégularité dans les marchés passés de 2012 à 2014, ce qui témoigne soit d'un parfait respect des règles de passation des marchés par les SCA, soit de lacunes dans le contrôle effectué par les personnalités qualifiées indépendantes siégeant dans ces commissions.
2. Une commission nationale des marchés « étrange »
Dans un deuxième temps, la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages d'art , créée en 2004 238 ( * ) et supprimée en 2016 après l'attribution de sa compétence à l'Arafer, assurait le contrôle du respect par les sociétés concessionnaires d'autoroutes des obligations inscrites dans les cahiers des charges en matière de passation et d'exécution des marchés de travaux, de fournitures et de services, ainsi que de la régularité des procédures suivies.
Présidée par un conseiller maître à la Cour des comptes , nommé pour une durée de trois ans renouvelables, la Commission réunissait des représentants du ministère chargé des transports et du ministère de l'économie .
Cette commission, qualifiée d'« étrange » par son dernier président, Christian Descheemaeker, lors de son audition par le rapporteur, ciblait son contrôle sur les commissions internes des marchés , faute notamment de moyens lui permettant d'effectuer une évaluation réelle des marchés.
M. Descheemaeker a ainsi souligné les difficultés que la Commission nationale des marchés avait rencontrées , en particulier pour estimer les montants des travaux. Si elle était dotée du pouvoir de procéder à un contrôle direct, elle ne disposait en effet pas des moyens et des compétences nécessaires pour y procéder. La Commission n'a toutefois sollicité le concours d'un agent de la direction de la concurrence et d'un ingénieur des travaux publics qu'à une seule reprise, dans le cadre de l'examen des travaux du contournement est et ouest de Montpellier sur l'autoroute A9 dont le maître d'ouvrage était ASF.
Enfin, la Commission n'avait pas compétence pour contrôler les marchés passés par Cofiroute, dans la mesure où elle avait été initialement instituée pour contrôler les marchés des sociétés d'économie mixte (SEMCA) avant leur privatisation, alors que Cofiroute était une société privée.
Le décret de 2004 permettait de rendre publics les avis de la Commission. Ses rapports d'activité n'ont toutefois été publiés qu'en 2013 et 2014, à la demande de son président et sur décision des ministres de l'environnement et de l'économie.
Le rapport d'activité pour 2014 indique que certaines sociétés , en particulier les sociétés du groupe Vinci (Escota et ASF), ne transmettaient pas à la Commission la liste des marchés dont le montant était supérieur à 500 000 euros , en dépit de la recommandation formulée dans son précédent rapport d'activité. Or, en l'absence de cette liste, il lui était impossible d'estimer le pourcentage de marchés passés avec des sociétés liées. Le rapport constate dès lors que « le refus de communication de la liste de l'ensemble des marchés ne lui permet pas d'exercer sa mission » 239 ( * ) .
À la différence des autres sociétés concessionnaires ces deux sociétés refusaient également de communiquer à la Commission l'écart entre le niveau général des prix et le montant des marchés passés avec des filiales du groupe Vinci.
Il apparaît ainsi clairement que les pouvoirs de contrôle de la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages d'art étaient très insuffisants pour lui permettre de s'assurer effectivement de la régularité des procédures d'appel d'offres.
Le contrôle des marchés de travaux est aujourd'hui assuré par l'ART, qui lui a donné une portée beaucoup plus satisfaisante 240 ( * ) .
* 238 Décret n° 2004-86 du 26 janvier 2004 portant création de la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages d'art.
* 239 Rapport d'activité pour 2014 de la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages d'art, p. 11.
* 240 Voir § II ci-après.