B. LA LOI SUR L'EAU ET LES MILIEUX AQUATIQUES DE 2006, SOCLE DU CADRE LÉGISLATIF ACTUEL LARGEMENT INSPIRÉ PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE
La directive-cadre sur l'eau de 2000 a fixé aux États des objectifs contraignants en matière d'atteinte du bon état écologique (chimique et biologique) des cours d'eau et ainsi défini un cadre juridique qui s'impose aux États membres. La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (dite « LEMA »), prise en application de cette directive européenne, a revu les critères de classement des cours d'eau ou sections de cours d'eau pour préserver leur bon état écologique et celui des milieux aquatiques.
1. Le classement des cours d'eau en deux catégories avec pour chacune des prescriptions administratives particulières
Le code de l'environnement prévoit la possibilité d'un classement en deux catégories pour les cours d'eau français, sur lesquels les ouvrages hydrauliques doivent assurer un transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs (article L. 214-17).
Ces listes, définies par arrêté du préfet coordonnateur de bassin , font l'objet de critiques : certains représentants des moulins à eau, entendus en audition, déplorent l'absence de vision stratégique nationale et le manque de concertation dans le cadre de leur élaboration.
La liste 1 repose sur une logique de préservation des cours d'eau à fort enjeu contre toute nouvelle atteinte aux conditions de la continuité écologique. Elle consiste en une liste de cours d'eau en très bon état écologique ou identifiés comme réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs est nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique .
En outre, le renouvellement de la concession ou de l'autorisation des ouvrages existants, régulièrement installés sur ces cours d'eau, est subordonné à des prescriptions permettant de maintenir le très bon état écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état écologique des cours d'eau ou d'assurer la protection des poissons migrateurs (p.ex. saumon ou anguille).
La liste 2 repose sur une logique de restauration de la continuité écologique des cours d'eau sur les ouvrages existants, sans remettre en cause les usages existants avérés. Cette liste correspond aux cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs . Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant. À la différence de celles prévues en liste 1 d'application immédiate, ces obligations s'appliquent à l'issue d'un délai de cinq ans après publication des listes.
En 2017, le législateur a prévu une dérogation afin d'exonérer les moulins hydroélectriques existant au 24 février 2017, régulièrement installés sur les cours d'eau de catégorie 2, des obligations de restauration de la continuité écologique dans un souci de pragmatisme (article L. 214-18-1 dans le code de l'environnement) 1 ( * ) .
2. Les bienfaits attendus d'une continuité écologique restaurée ou maintenue
Perçue par les fédérations de moulins entendues par votre rapporteur comme une surtransposition du droit européen , la continuité écologique des cours d'eau gagnerait à être mise en oeuvre de manière plus souple dans un souci de pragmatisme. On observe un glissement : d'un instrument pour parvenir au bon état écologique, elle semble devenue un but en soi. Beaucoup de pays ont intégré des logiques de continuité dans leur approche de la rivière, mais force est de constater que la France est, avec les États-Unis et l'Allemagne, l'un des pays les plus engagés sur ce sujet.
Les principales modifications du régime hydrologique liées aux obstacles à l'écoulement diffèrent selon les caractéristiques des sites et leur contexte.
Sans être systématiques à l'ensemble des sites, les principales modifications susceptibles d'être induites par les ruptures de continuité écologique sont :
- le débit réduit à l'aval de l'ouvrage localisé au tronçon court-circuité ;
- le ralentissement et uniformisation de l'écoulement ;
- la modification de la température ;
- l'augmentation de l'eutrophisation ;
- la baisse de la quantité d'oxygène dissous dans l'eau ;
- la diminution de la capacité auto-épuratoire du cours d'eau ;
- l'augmentation des hauteurs d'eau en amont de l'obstacle ;
- la réduction de la fréquence des variations de débits liées en particulier aux petites crues.
Les effets de la restauration de la continuité écologique sont éminemment variables d'un site à un autre . Des gains peuvent être attendus sur les espèces, les populations de poissons, les habitats, la qualité d'eau, la capacité auto-épuratoire des cours d'eau, à des degrés très divers, nuls pour certains sites et très significatifs pour d'autres.
Les auditions ont mis en lumière que le manque d'études sur les gains écologiques est général pour toutes les mesures de restauration de la biodiversité, en France comme à l'échelle internationale. Ce constat n'est cependant pas spécifique au rétablissement de la continuité écologique.
* 1 Introduit par la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.