B. UNE MISE EN oeUVRE QUI LAISSE UNE PART INSUFFISANTE À LA CONCERTATION ET PRIVILÉGIE TROP SOUVENT L'ARASEMENT

1. Le coût élevé des équipements pour satisfaire aux prescriptions administratives en matière de continuité écologique

L'ensemble des lois de continuité (1865, 1919, 1984, 2006) ont soulevé une problématique similaire : un coût élevé d'exécution , une incertitude sur leurs résultats, un doute des exploitants sur l'intérêt d'engager de telles contraintes et une frilosité des collectivités riveraines face aux montants en jeu.

France Hydro Électricité, syndicat professionnel représentant la petite hydroélectricité, a étudié le montant des aménagements piscicoles, sur un échantillon de 51 centrales ayant fait des aménagements : les coûts s'échelonnaient de 8 000 € à 3,9 millions d'euros, avec une moyenne à 684 000 € . À cela, il convient d'ajouter les charges d'entretien ainsi que l'imposition nouvelle qui en découle.

En outre, d'après de nombreux acteurs de terrain, le référentiel utilisé par l'administration pour évaluer la rupture de continuité écologique, l' information sur la continuité écologique (ICE), apparaît comme un outil théorique manquant de nuance , une grille d'ingénieur halieutique, fondée sur les capacités de nage des poissons, et non sur l'hydraulique ou l'attractivité. Ce n'est donc qu'un aspect beaucoup trop partiel de la continuité écologique . Une étude belge a en effet montré que des obstacles réputés « infranchissables » par le protocole ICE ont été franchis jusqu'à 1,8 mètre par certaines espèces (truites et ombres) au bout d'un certain temps.

Pour ces raisons, les propriétaires de moulins parfois multiséculaires peinent à comprendre la nécessité des nouveaux aménagements qui leur sont imposés, alors qu'au plus fort de la couverture de la France en petits ouvrages hydrauliques les rivières étaient poissonneuses.

2. Des formules de subventionnement trop systématiquement favorables à la destruction d'ouvrages : l'annulation du décret de 2019 par le Conseil d'État

La structuration des aides apportées par les agences de l'eau sur la question de la continuité écologique des cours d'eau conduit dans les faits à accorder une prime à la destruction des ouvrages. Par contraste, la gestion, l'entretien et l'équipement des ouvrages de franchissement ne sont financés qu'à hauteur de 40 % : ce différentiel est souvent mal accepté par les propriétaires de moulins, qui sont concrètement poussés à l'effacement des seuils. Le reste à charge pour les propriétaires d'ouvrages est donc plus important pour un aménagement et il a été indiqué au rapporteur que certaines administrations s'en servent d'arguments pour pousser à l'effacement.

Il est regrettable que les services de l'État n'aient pas davantage pris en compte l'objectif de la conciliation des usages ainsi que la valeur patrimoniale des moulins. Un audit mené par le CGEDD en 2016 a ainsi montré que 76 % du financement de l'agence de l'eau Artois Picardie reposait sur la destruction de seuil ou d'ouvrages, 75 % en Seine-Normandie, 52 % en Loire-Bretagne. Ces chiffres accréditent l'idée d'une « continuité écologique destructive ».

Les limites de cette approche administrative, qui paraît partiale et restrictive, ont d'ailleurs été récemment pointées du doigt par le Conseil d'État. Dans une décision du 15 février 2021, il a annulé l'article 1 er d'un décret d'août 2019 relatif à la notion d'obstacle à la continuité écologique et au débit réservé [...], au motif qu' « en interdisant, de manière générale, la réalisation sur les cours d'eau [...] de tout seuil ou barrage en lit mineur de cours d'eau [...], alors que la loi prévoit que l'interdiction de nouveaux ouvrages s'applique uniquement si, au terme d'une appréciation au cas par cas, ces ouvrages constituent un obstacle à la continuité écologique, [il] méconnaît les dispositions législatives applicables. »

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