III. ... MAIS LE GOUVERNEMENT PRÉSENTE UN PROJET DE LOI ERRATIQUE ET SANS VISION STRATÉGIQUE

A. DE PIA EN PLANS, UNE POLITIQUE ÉCONOMIQUE DE PLUS EN PLUS ILLISIBLE

Le projet de loi de finances pour 2022 poursuit la dynamique de multiplication, de superposition et de fractionnement des dispositifs budgétaires. Après que les années 2020 et 2021 ont été marquées par la mobilisation de moyens en faveur des mesures d'urgence, puis par la création d'une mission servant de support au plan de relance ainsi que du lancement d'un PIA 4, le Gouvernement a présenté, lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, un nouveau plan « France 2030 », doté de 34 milliards d'euros d'autorisations d'engagement.

Cette surenchère constante, qui creuse de plus en plus la dette publique de la France, cumule quatre défauts critiques : (1) l'absence d'une doctrine d'investissement cohérente et publique, (2) l'absence de débat parlementaire sincère, (3) l'absence d'évaluation satisfaisante, et enfin (4) la dégradation de la lisibilité budgétaire liée à l'accumulation des dispositifs et au recyclage de crédits.

À titre d'exemple, l'annonce du lancement d'un nouveau PIA 4 de 20 milliards d'euros lors du budget pour 2021 est intervenue alors même que les crédits du PIA 3 n'était pas encore consommés, ni même engagés. Le PIA 4 n'a à ce stade pas encore été réellement débuté : les stratégies correspondant aux différents secteurs d'action n'ont, à date, pas toutes été élaborées.

Le Gouvernement annonce pourtant déjà un nouveau plan « France 2030 » , devant préparer la France de 2030, tout comme le devait aussi le plan France Relance au titre de la communication gouvernementale... Mais ce plan « France 2030 » vient en remplacement du PIA 3, s'appuyant sur l'architecture existante. Quelle est la crédibilité de ce nouveau plan, dont la déclinaison thématique ou sectorielle n'a été évoquée que de manière évasive lors des débats à l'Assemblée nationale ? Où est son évaluation préalable, alors qu'il a été ajouté au projet de loi de finances par amendement ?

Sur le fond, l'articulation de ce nouveau plan avec les dispositifs préexistants n'est aucunement précisée, alors même que de nombreuses superpositions avec les lignes du plan France Relance ou du PIA 4 existent : c'est le cas de l'hydrogène vert, de la décarbonation de l'industrie, des véhicules et de l'avion du futur, de la sécurisation de l'accès aux intrants, de la numérisation, qui sont tous déjà financés par ces autres plans. Parmi les 10 thèmes évoqués du plan « France 2030 », 8 sont déjà traitées par le PIA 4. Il reste à expliquer pour quelle raison - mis à part l'effet d'annonce - le Gouvernement a choisi de présenter un nouveau plan « France 2030 » superposé au PIA 3, plutôt que d'abonder simplement le PIA 4 ou de créer une nouvelle mission budgétaire dédiée.

Ces choix traduisent un manque d'anticipation préoccupant. On ne peut que douter de la cohérence et de la consistance de la doctrine d'investissement et d'innovation de l'État, qui présente de nouveaux plans chaque année pour financer toujours les mêmes actions, sans attendre ni évaluation ni clôture des budgets précédents . La Cour des comptes regrettait d'ailleurs récemment dans un référé que « plus de dix ans après le lancement du programme, l'évaluation reste partielle et inégale selon les actions et les opérateurs. »

Notons en outre que seulement 3,5 milliards de crédits de paiement sont effectivement budgétés en 2022, soit environ 10 % des autorisations d'engagement prévues et ce, principalement sur des thématiques bénéficiant d'ores et déjà de crédits du plan de relance ou du PIA (les véhicules et médicaments du futur par exemple), ou ayant fait l'objet d'annonces ou d'engagements internationaux (comme en matière de fonds d'investissement en capital ou des PIIEC européens). Le Gouvernement explique que les crédits de paiement seront « ouverts progressivement et calibrés en fonction des décisions de l'État » , sans aucun échéancier prévisionnel ; mais une révision est prévue dès juin 2022. Le Gouvernement se ménage donc la possibilité d'interrompre sous six mois les actions entreprises, sans débat parlementaire.

Il est donc difficile de voir pour l'instant dans ce plan sans substance autre chose qu'une grande annonce, dans un contexte préélectoral, qui sollicite du Parlement un véritable chèque en blanc pour que le Gouvernement se constitue une réserve de dépenses venant compléter la longue liste de celles décidées au cours des derniers mois, au mépris de toute responsabilité budgétaire et fiscale.

Il est dommageable que l'intention, au demeurant justifiée, d'augmenter l'investissement dans l'innovation, pêche de telle manière. En effet, le projet de loi de finances apporte par ailleurs, en matière de soutien à l'innovation, des avancées intéressantes, telles que la modification proposée de la doctrine d'investissement permettant d'étendre le champ d'investissement aux projets de développement et de transformation de la base industrielle française. Il apporte aussi des sujets nouveaux et pertinents, tels les composants stratégiques et l'accès aux matières premières.

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